« Avant l’“index seniors”, apprendre à les recruter »
Carnet de bureau. Le ton gouvernemental est monté toute la semaine pour insister sur l’importance de changer le regard et surtout les pratiques du monde du travail à l’égard des seniors. L’« index seniors » « va montrer les entreprises qui ont de bonnes pratiques ou pas », a déclaré la première ministre, Elisabeth Borne, jeudi 2 février sur France 2.
Le surlendemain, le ministre du travail, Olivier Dussopt, envisageait d’être « coercitif » face aux entreprises récalcitrantes, en évoquant la possibilité de sanction, « jusqu’à 1 % de la masse salariale ». Pour l’instant, seule la non-publication de l’index est soumise à sanction, pas l’absence de progrès sur l’emploi, ce que dénoncent les syndicats.
La question de l’emploi des seniors, qui aurait dû être un préalable à la réforme des retraites, est loin d’être résolue. Le maintien en emploi des plus de 55 ans a certes évolué depuis le report de l’âge de départ à la retraite de 60 à 62 ans : l’ouverture des droits a été décalée progressivement de mi-2011 à début 2017. Le taux d’emploi des 55-64 ans est ainsi passé de 39,7 % en 2010, à 52,1 % en 2018, selon le ministère du travail. Mais les entreprises, qui ont appris à conserver les seniors, n’ont toujours pas appris à les embaucher.
« C’est en voyant qu’on luttait contre toutes les discriminations sauf celle des seniors que j’ai lancé l’idée en 2019 de la création d’un “index seniors” sur le modèle de celui de l’égalité professionnelle femmes-hommes », se souvient Benoît Serre. Pour le vice-président de l’Association nationale des DRH, « il faut certes travailler sur les charges sociales pour réussir à générer un intérêt économique à recruter des seniors, mais il y a avant tout un sujet de crainte de l’employeur et des manageurs ». L’âge reste le premier facteur de discrimination sur le marché du travail.
Des salariés plus âgés et plus experts qu’eux
Au-delà du coût des seniors, il y a une difficulté à intégrer dans l’organisation un candidat qui a un long passé professionnel derrière lui et dont le profil est associé à la fin de carrière, et donc à la sortie plutôt qu’à l’entrée dans l’entreprise.
Les employeurs redouteraient de recruter des seniors, d’une part car ils ne savent pas jusqu’à quand ils resteront, ni comment les projeter dans le temps pour des raisons de santé ou d’adaptation, et d’autre part parce que les manageurs de proximité craignent d’avoir des salariés difficiles à manager, car à la fois plus âgés et plus experts qu’eux. « Un manageur de 35 ans a du mal à se tourner vers un senior. Il se méfie de l’intrusion. Il y a une aspiration du management intermédiaire à rester dans l’entre-soi. Si les seniors étaient revalorisés dans l’entreprise, on éliminerait ce sentiment d’intrusion », estime Antoine Morgaut, président d’Aktan, cabinet de conseil spécialisé dans la réflexion prospective sur l’innovation.
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