Dans la police, pendant les réformes, le malaise persiste

Dans la police, pendant les réformes, le malaise persiste

Déjà, le 2 octobre 2019, à l’appel des syndicats de la police nationale, plusieurs milliers de policiers avaient manifesté à Paris lors d’une « Marche de la colère ».

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Quarante et un suicides depuis le 1er janvier. Déjà cinq de plus qu’en 2021. Le chiffre est encore loin du tragique bilan de l’année 2019, au cours de laquelle 59 fonctionnaires de police s’étaient donné la mort. Mais il dit l’ampleur d’un malaise persistant au sein de l’institution, loin des considérations techniques sur le recrutement ou la réforme de la police judiciaire.

Depuis vingt ans, chaque année, 43 suicides sont recensés en moyenne dans la police. Rapporté au taux constaté sur le plan national (de l’ordre de 14 pour 100 000), celui enregistré au sein de l’institution (28,7 cas pour 100 000) illustre la surexposition des policiers et des policières. Et rien ne semble pouvoir assurer une décrue significative de ces passages à l’acte, favorisés par un accès immédiat aux armes à feu, impliquées dans une majorité de cas.

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Le problème n’est pas nouveau : en avril 2019, déjà, Police Magazine, une publication interne, y consacrait un numéro entier, signe que l’administration prend dorénavant en compte un phénomène longtemps présenté comme la manifestation exclusive de difficultés personnelles ou familiales.

Les causes d’un suicide sont évidemment multifactorielles, mais « un flic qui va mal chez lui arrive dans un commissariat où les vestiaires et les chiottes sont dégueulasses, sans douches ni poubelles pour les serviettes hygiéniques des nanas, tout ça est désastreux », note Stéphanie Eynard, policière en activité et animatrice bénévole de l’association Alerte police en souffrance (APS), comme une quinzaine de ses collègues à travers la France.

« Le premier qui avoue sa faiblesse a perdu »

« Après des journées de dix heures de boulot », au rythme moyen de 200 prises de contact par mois, les membres de l’association s’entretiennent avec leurs collègues en détresse. « Mais nous ne sommes pas des psys, nous orientons simplement », précise Mme Eynard. Pour aider à obtenir de simples documents que l’administration tarde à communiquer, ou fournir des conseils juridiques grâce à des relations « informelles » avec des cabinets d’avocats ou des psychologues du secteur privé, à travers un partenariat avec Assopol, une autre association. Vingt-deux années de service en brigade de nuit puis à la brigade anticriminalité (BAC) et, désormais, dans une unité d’investigation, ont forgé la conviction de Mme Eynard : « Nous sommes d’abord des matricules, donc des dossiers administratifs. »

« Nos personnels sont régulièrement exposés à des situations de violence physique ou sociale, de la souffrance, de la détresse, observe Catherine Pinson, psychologue clinicienne et cheffe du service de soutien psychologique opérationnel de la police (SSPO). Cela induit une usure professionnelle, une accumulation des missions compliquées, avec une dimension émotionnelle très forte. Le traumatisme psychologique ou ces formes d’épuisement constituent des facteurs de risque spécifique. » L’institution, assure Mme Pinson, en a pleinement conscience et a pris les devants en déployant des « vrais moyens » : 122postes de psychologues à temps plein, dont 20 créés pour la seule année 2022.

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LJD

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