Quelles pistes pour protéger les salariés de la sous-traitance ?

Quelles pistes pour protéger les salariés de la sous-traitance ?

Carnet de bureau. « Chronopost, Accor, Carrefour, GM&S, on vit les mêmes choses. Donc c’est à ça qu’il faut s’attaquer », lance Vincent Labrousse, en parlant des dégâts de la sous-traitance sur les conditions de travail, sur l’emploi et, in fine, sur l’activité économique. « A La Souterraine, de rachat en rachat s’est organisée la destructuration de l’entreprise au sein de ses savoir-faire. » L’ex-délégué CGT de l’entreprise sous-traitante d’équipementiers automobiles GM&S La Souterraine intervenait au Sénat vendredi 21 octobre devant un parterre de salariés, de syndicalistes, de députés, réunis pour échanger sur ce qui fait « système » dans la sous-traitance et sur les pistes pour faire avancer la protection des salariés.

Dans la salle Médicis du Palais du Luxembourg, les témoignages poignants se sont succédé, à la tribune et dans l’assemblée, de salariés de l’aérien, de la distribution, du nettoyage, etc., parlant de « salariés qui ont peur », « traités comme des robots », sans respecter leurs temps de repos ni leur fournir de matériel de protection. Percevant des salaires inférieurs à ceux pratiqués pour le même métier chez le donneur d’ordre. Menacés de fin de mission immédiate à la moindre protestation.

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Quel que soit le secteur d’activité, leur avenir est suspendu au renouvellement du contrat commercial avec le donneur d’ordre. « La sous-traitance est un système qui permet ce genre de dérive, puisqu’elle remplace le contrat de travail par un contrat commercial, dans une relation triangulaire qui met le travailleur au milieu. Le donneur d’ordre peut ainsi ne pas se soucier des conditions de travail du salarié du sous-traitant, explique Clément Ruffier, chargé de mission à l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail. Dans le nucléaire, par exemple, 80 % du risque d’irradiation est porté par des travailleurs sous-traitants. »

Revoir la relation entre donneur d’ordre et sous-traitant

Ils n’ont d’ailleurs souvent aucun interlocuteur vers qui se tourner : salariés, voire – pire –autoentrepreneur sous-traitant de sous-traitant, personne ne les connaît chez le donneur d’ordre. Ce « système pervers et dangereux » génère « de nouvelles formes de vulnérabilité par une invisibilité de l’individu au regard de son organisation, déplore Pascal Savoldelli, sénateur communiste du Val-de-Marne. Les entreprises ont ainsi transformé des CDI en emplois de plus en plus précaires dans des boîtes de plus en plus petites ».

L’enjeu est dans les chiffres : « en 2017, 88,3 % des établissements de onze salariés et plus étaient impliqués dans la chaîne de sous-traitance en tant que donneurs d’ordre, preneurs d’ordre ou les deux », a rappelé l’économiste Julie Valentin. Actuellement c’est le donneur d’ordre qui met au travail, qui contrôle le travail, mais sans responsabilité à long terme. « Concernant les risques professionnels, dans les entreprises preneuses d’ordre, il y a plus de travail pénible et dangereux, mais pas davantage de moyens de prévention. Il faut réfléchir à la communauté de travail à partir d’une notion d’entreprise éclatée », suggère Nadine Thévenot, chercheuse au Centre d’économie de la Sorbonne.

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LJD

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