« Pour les grands groupes européens, partager les risques avec leurs sous-traitants est la seule manière de s’assurer des approvisionnements stables »
L’envolée des prix de l’énergie en Europe va-t-elle aboutir à une grande migration des industries intensives en énergie vers des cieux où les tarifs énergétiques sont plus bas ? L’explosion actuelle des prix est en train de mettre en difficulté de nombreux secteurs d’activité. L’Allemagne est frappée de plein fouet. En France, des sociétés comme Duralex ou Arc, dans le secteur de la verrerie, ont d’ores et déjà réduit leur production. La métallurgie est globalement à la peine. Partout, en Europe, des aciéries sont mises à l’arrêt.
Certaines de ces industries vendent directement aux consommateurs mais, en réalité, les premiers acheteurs de verre, d’acier, de pièces métalliques ou d’autres productions gourmandes en énergie sont les grands groupes européens du bâtiment, de l’aéronautique, de l’automobile, de l’agroalimentaire…
Face à la hausse brutale des prix de l’énergie en Europe, et donc des coûts de production de leurs sous-traitants habituels, ces acteurs majeurs de l’économie vont-ils se tourner vers d’autres fournisseurs, recourir par exemple à des producteurs américains qui bénéficient aujourd’hui d’une électricité à demi-tarif, ou à des entreprises asiatiques ou sud-américaines, également moins touchées par la hausse des prix de l’énergie ?
De l’intérêt à se montrer solidaires de ses fournisseurs
Même si le coût du transport peut freiner les velléités de changement de fournisseur, l’optimisation des achats est un réflexe naturel dans les grands groupes, d’ordinaire sans grands états d’âme pour leurs sous-traitants. Pourtant, les donneurs d’ordre européens peuvent avoir intérêt à se montrer solidaires de leurs fournisseurs, comme le montre l’étude de certaines pratiques pendant la pandémie de Covid-19 (Philipp Sauer, Minelle Silva et Martin Schleper, « Supply chains’sustainability trajectories and resilience : a learning perspective in turbulent environments », International Journal of Operations and Production Management, vol. 42, n° 8, 2022).
Les rares grands groupes qui, pendant la période de crise sanitaire, ont « joué collectif », prenant en compte non seulement leurs actionnaires et leurs salariés, mais aussi leurs fournisseurs, y compris lointains, ont en effet été gagnants au bout du compte. En les soutenant, grâce à leur puissance financière, ils ont permis à ces sous-traitants de traverser l’épreuve avec moins de casse, et cela a amélioré leur propre résilience au moment où l’économie est repartie.
Ceux qui avaient « lâché » leurs fournisseurs du bout du monde, les contraignant à licencier leur personnel sans indemnisation pendant les confinements, se sont trouvés pour leur part très dépourvus lorsque a sonné l’heure de la reprise. Les salariés de ces fournisseurs s’étaient évaporés dans leurs régions d’origine, emportant avec eux leur savoir-faire. La conjoncture est aujourd’hui différente.
Il vous reste 54.18% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.