« En entrant dans le monde du travail, j’ai compris qu’être une femme noire, c’est un double obstacle »

« En entrant dans le monde du travail, j’ai compris qu’être une femme noire, c’est un double obstacle »

A mon entrée dans le monde du travail, j’ai pris conscience pour la première fois que j’étais une femme racisée et que cela représentait un double obstacle.

J’ai grandi en banlieue parisienne, dans l’Essonne, au sein d’une famille mixte : mon père est blanc et ma mère, noire. J’ai toujours été poussée à être ambitieuse par mes parents, sans considération de couleur ni de genre. J’étais bonne élève à l’école, et j’ai voulu faire du droit pour devenir avocate. Longtemps, j’ai pensé qu’il n’y avait pas de couleur et que le genre ne comptait pas, ces enjeux ne m’ayant jamais été transmis.

Plus jeune, je me disais simplement que tout le monde avait une couleur différente, moi n’ayant pas la même peau que mes parents, mon frère étant aussi d’une autre carnation. Mes parents avaient aussi une répartition des tâches peu genrée : ma mère, employée de bureau dans les assurances, travaillait beaucoup, quand mon père, cadre dans l’enseignement catholique, était davantage chargé de notre éducation. Ces concepts tenaient du non-sujet. J’ai fini par comprendre qu’ils étaient loin de l’être dans la société en général ; et dans le monde professionnel, en particulier, où le fait d’être une femme, métisse de surcroît, s’accompagne de véritables obstacles. J’ai dû apprendre à les appréhender et à vivre avec, tardivement.

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Lors de mon stage de fin d’études chez une ancienne ministre devenue avocate, je me souviens qu’elle m’avait mise en garde : « Quand on est une femme dans ce milieu, il y a une légitimité qu’il faut conquérir, car tout est plus difficile. » A l’époque, cela ne résonnait pas encore. Je voyais bien, étant intéressée par le droit et la politique, les inégalités persistantes entre femmes et hommes mais, pour moi, cette réalité très clivée était celle d’un ancien monde. Il y avait beaucoup de filles sur les bancs de la fac, à Paris-I, et je m’y sentais très préservée. Mais dès ma première expérience, après le diplôme, cela a commencé à me sauter aux yeux.

Des blagues pernicieuses

J’ai travaillé cinq ans au Luxembourg, puis dans un cabinet anglo-saxon, où, si l’enjeu de diversité était mis officiellement sur la table, le vécu au quotidien était très différent. Cette réalité s’est poursuivie quand je suis rentrée à Paris. Le milieu du droit, de manière similaire à celui de la politique – des espaces d’argent et de pouvoir –, est un milieu d’hommes, majoritairement blancs. Personne ne va jamais vous dire que ce n’est pas possible d’y faire sa place parce que vous êtes une femme, mais ce sont des blagues pernicieuses, des manières d’organiser les équipes, des remarques sur la possibilité d’une grossesse…

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LJD

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