Dans l’Orne, des jeunes diplômés déserteurs réinventent la vie à la campagne

Dans l’Orne, des jeunes diplômés déserteurs réinventent la vie à la campagne

Igor Louboff se souvient du jour où il a pris une carte de France, regardé les prix de l’immobilier, les lignes de train directes jusqu’à Paris, et s’est dit : « C’est ici. » « Ici », ce fut donc le bocage ornais, un territoire rural autour de Flers constellé de petits villages, dont les routes départementales sont sillonnées par des tracteurs. A peine trentenaire, diplômé de l’école de commerce Essca et de la London School of Economics, il venait de quitter son poste de contractuel au ministère des affaires étrangères, frustré par les lenteurs de la « grosse machine » et le faible impact de son travail. En pleine crise existentielle, il imagine un remède à son mal-être : quitter la capitale, s’installer à la campagne et trouver un travail « porteur de sens ».

Le voilà donc installé à Chênedouit, 175 habitants, officiant comme bénévole à la recyclerie Les Fourmis vertes de Flers. Il ne savait pas encore qu’il serait à l’origine d’un grand mouvement de bouche-à-oreille. Quatre ans plus tard, « une quarantaine » de vingtenaires ou de trentenaires se sont installés dans cette poignée de villages du bocage ornais. Il y a là des diplômés de Sciences Po, des jeunes ingénieurs, des anciens d’écoles de commerce, des informaticiens, des graphistes, des photographes – tous reliés par un groupe très actif sur la messagerie Signal. Pour beaucoup, la crise sanitaire a été le détonateur du mouvement. Vivre à la campagne, dépenser moins pour son logement, consommer différemment, télétravailler… Une forme de vie sobre en rupture avec les chemins tout tracés, plus conforme aux valeurs écologiques qu’ils mettent tous au premier plan.

L’agglomération de Flers voit dans l’arrivée de cette petite communauté une opportunité, alors que ce territoire de 50 000 habitants connaît des difficultés : manque de professionnels de santé, taux de chômage élevé, fermeture des commerces de proximité, population vieillissante… Depuis trois ans, les choses changent : il a cessé de perdre des habitants. « On a de plus en plus de nouveaux arrivants, les prix de l’immobilier ont pris 20 % en trois ans. Les panneaux “A vendre” devant les maisons ont disparu, tout part très vite… », observe Youssef Zeniter, directeur de l’attractivité pour l’agglomération de Flers.

Lire aussi Article réservé à nos abonnés Dans le Perche, une « greentrification » accélérée par le Covid-19

Ces jeunes néoruraux n’entendent pas seulement profiter du cadre de vie, de l’immobilier pas cher et des deux heures vingt de train direct jusqu’à Paris. Quelques mois après son arrivée, Igor Louboff et trois jeunes ingénieurs « déserteurs » – Corentin Rio, sorti des Arts et Métiers, Aline Massy, une diplômée de l’Ecole nationale supérieure de chimie de Lille qui venait de quitter son poste chez Suez à la Défense, et Adrien Desplat, passé par AgroParisTech – ont créé, à la campagne, leur emploi rêvé. A savoir une agence, sous forme de coopérative, qui développe des projets autour de la transition écologique, afin de remplacer « un modèle économique à bout de souffle », indique le manifeste de la structure. Baptisée La Coop des territoires, elle essaie aussi d’inciter davantage de jeunes à s’installer sur ce territoire.

Il vous reste 64.87% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Avatar
LJD

Les commentaires sont fermés.