L’argot de bureau : le « smart working », un cocktail de transformations managériales
Portier dans un beau quartier alors que l’interphone a été inventé, secrétaire d’un petit patron ne recevant que trois appels par jour… Autant de métiers labellisés « bullshit jobs » par l’anthropologue américain David Graeber (1961-2020), car contre-productifs, continuant à exister alors qu’ils n’ont plus lieu d’être. Il en va de même de tous ces manageurs qui enjoignent les salariés à rester assis à leur bureau, alors qu’il n’y a plus de travail.
Face à ces inutilités et rigidités du monde de l’entreprise s’érigerait le « smart working », le travail intelligent : c’est l’un des derniers fleurons du jargon d’entreprise. En règle générale, on le traduit plutôt par « travail flexible » ou « travail hybride ». Dotée des nouveaux outils collaboratifs et tirée par un état d’esprit plus ouvert des dirigeants, c’est une manière de travailler qui se construit littéralement « en bonne intelligence » avec les salariés, puisqu’elle s’adapte à leurs besoins.
Il est difficile de situer la genèse du terme, mais le smart working s’est fortement développé en… Italie. En effet, le terme y est inscrit – en anglais –, dans une loi de 2017 : c’est une « modalité d’exécution de la relation de travail subordonnée, établie par accord entre les parties, également avec des formes d’organisation par phases, cycles et objectifs ».
Tout d’abord, le smart working est indissociable du digital : il s’agit d’un travail « augmenté » par le numérique, au même titre qu’une Smart TV, qui possède des fonctionnalités supplémentaires, car elle est connectée. La technologie permet d’augmenter les salariés – du calme, pas financièrement – en les rendant plus efficaces.
Le plus beau des fourre-tout managériaux
Ces mêmes salariés sont au cœur du processus, a priori fondé sur la confiance et l’adaptation aux désirs de chacun. La flexibilité de ce travail est spatio-temporelle : elle touche tant l’organisation physique du management – salles de réunion, lieux de convivialité (salles de sport ou de sieste), bureaux flexibles, espaces de coworking ou pas de bureau du tout, si l’on télétravaille – que l’agencement des temps de travail (gestion des horaires, choix des jours de télétravail).
La souplesse et l’adaptation se traduisent d’ailleurs dans le mode de décision : le smart working se coconstruit à travers des projets à 360 degrés, où chacun peut donner son avis, et où tout le monde gagne… Mais dont la genèse revient tout de même à la direction.
L’assureur Axa est l’un des pionniers de ce travail coconstruit par le biais d’accords d’équipe : l’entreprise a même annoncé que toutes ses entités auront adopté le smart working d’ici à fin 2023, chacune ayant une stratégie de déploiement adaptée à son activité et à ses réalités locales.
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