« Déconstruire ses automatismes » : les stages de communication non violente en plein essor

« Déconstruire ses automatismes » : les stages de communication non violente en plein essor

Les piliers de la CNV sont l’observation des faits, l’expression des sentiments, l’identification des besoins et la formulation de demandes claires.

Cela s’appelle « l’expérience de la punition ». Rappelez-vous une punition qui vous a beaucoup marqué enfant, essayez de vous souvenir des raisons pour lesquelles vous avez été puni – parfois c’est impossible –, la méthode utilisée pour vous sanctionner, et enfin des émotions que vous avez ressenties. Puis faites un effort pour imaginer ce que l’adulte a éprouvé. Que reste-t-il de ce souvenir, des années plus tard ? Le plus souvent un sentiment d’injustice, et presque toujours une impression tenace de disproportion entre l’acte et la sanction. C’est ce que sont en train d’expérimenter une quinzaine de professeurs et autres professionnels de l’Education nationale à l’occasion d’un stage de formation à la communication non violente (CNV), organisé par le lycée Simone-Veil de Noisiel (Seine-et-Marne).

Sur les 16 participants ce jour-là, 11 racontent avoir subi un châtiment corporel (gifle, fessée…). Les raisons de ces punitions jettent un froid : bavardage, mauvaise note à l’école, retard… Des choses somme toute assez banales. « C’est très violent. Je me sens démunie face au décalage entre les actes et les punitions », dit Lou Garcin, 23 ans, jeune professeur d’EPS. Dans notre groupe, nous essayons de catégoriser les émotions des adultes au moment de la punition, et le résultat est implacable. C’est 50 nuances de colère : « énervé », « furieux » ou « hors de lui ». Résumons : l’écrasante majorité des punitions dont les participants se souviennent ont été données par des adultes qui n’étaient ni calmes ni rationnels.

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Tout au long de ce stage, qui doit durer six jours, des expériences de cet ordre seront analysées. L’objectif : déconstruire « huit mille ans » de pensée binaire soutenant un système fondé sur les « dominants et les dominés », « le bien et le mal », « le normal et l’anormal », « le vrai et le faux ». Car le but de la CNV est bien « sociologique » et non « psychologique », affirme dès le départ la formatrice, Véronique Gaspard, une ancienne infirmière en réanimation formée à la communication non violente depuis une quinzaine d’années. Depuis quelques années, les stages de CNV se multiplient en France, s’adressant à tous types de public : travailleurs sociaux, soignants, thérapeutes, managers, enseignants, parents… Selon l’AFFCNV, l’association qui regroupe les formateurs certifiés en CNV, 1 800 formations ont été organisées l’année dernière, un chiffre qui a doublé en cinq ans.

Bonté naturelle

Théorisée par le docteur Marshall Rosenberg, élève du psychologue américain Carl Rogers et inspiré par Gandhi, à la fin des années 1960, la CNV prend sa source dans un souvenir d’enfant : au début des années 1940, Marshall Rosenberg grandit à Detroit (Michigan), où les tensions raciales sont vives. Un jour de rentrée des classes, alors que le calme règne, il se fait traiter de « sale youpin » lorsque son professeur fait l’appel. A la sortie, les deux enfants à l’origine de l’insulte le rouent de coups. Cet événement génère en lui un double questionnement : « Comment se fait-il que nous puissions nous couper de notre bonté naturelle au point d’adopter des comportements violents et agressifs ? Et inversement, comment certains individus parviennent-ils à rester en contact avec cette bonté naturelle même dans les pires circonstances ? » s’interroge le docteur dans Les mots sont des fenêtres (ou bien ce sont des murs) (La Découverte, rééd. 2016).

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LJD

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