« La Méthode Michelin » : itinéraire d’un burn-out

Le livre. De ses dix ans passés chez Michelin, Eric Collenne a tiré une haine inextinguible contre le géant du pneumatique, et contre le monde de l’entreprise en général. Il raconte sa longue descente aux enfers dans La Méthode Michelin. Comment rendre les salariés inaptes au travail. Quand il débarque à Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme) au siège du groupe, il a 35 ans et une expérience déjà longue de consultant en informatique auprès de grandes entreprises industrielles.
Les premiers temps sont idylliques. Les procédures de recrutement sont sérieuses et les cadres choyés tout au long de leur parcours d’intégration, notamment grâce au plan individuel de formation – le PIF, dans le langage maison. Seul bémol, un jeu de rôle qui met mal à l’aise le nouveau venu. Son thème : « Comment annoncer la fermeture d’un site à une équipe ? »
A la page 80 du récit, l’évidence est là : Eric Collenne est en train de faire un burn-out. Affecté à l’informatisation de la chaîne logistique du groupe – un service de deux cents personnes –, il doit participer à la construction de solutions pour planifier la production des milliers de références de pneumatiques fabriqués dans les cent dix-sept usines du groupe, réparties dans vingt-six pays.
La tâche est immense, et il s’y noie : à l’arrivée, un arrêt de travail de longue durée, suivi d’un mi-temps thérapeutique pour finir par un constat d’inaptitude au travail établi par la médecine du travail. « Je dégringole. Je m’écroule. Je me fragmente. »
Une perte de sens du travail
Le témoignage de l’ancien salarié est une illustration parfaite des causes du syndrome d’épuisement professionnel, décrite notamment par un rapport de la direction générale du travail (DGT). Tout part de l’intensité du travail, avec des délais et des objectifs irréalistes. « Il faut avancer, la pression est là, permanente, écrit-il. Cette façon de faire est usante (…). Le management veut juste maintenir des objectifs. Alors il faut boucler. Rapidement. On termine tard. »
Le manque d’autonomie et son corollaire une mauvaise utilisation des compétences sont un autre reproche adressé par Eric Collenne à Michelin. « Je suis emprisonné dans un système qui me contraint à produire des solutions coupées de toute réalité (…) en opposition avec toute l’expérience que j’ai acquise. » Apparaît aussi au fil des pages la perte du sens de son travail. Il se plaint amèrement de « cette culture du secret qui restreint la vision d’ensemble, qui limite la perception des salariés, ampute le sens des missions qui leur sont confiées. Qui nous infantilise ».
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