A Aubervilliers, des violences inexpliquées contre des salariés de l’Office public de l’habitat
C’est un bras de fer d’une rare violence qui s’est engagé depuis un peu plus d’un mois à Aubervilliers, en Seine-Saint-Denis. Il oppose l’Office public de l’habitat (OPH) de la ville et « on ne sait pas qui. Des voyous ! », lance sa présidente, la maire (UDI) Karine Franclet.
Tout a commencé le 20 janvier avec l’inscription de tags sur les murs de cinq bureaux d’accueil du bailleur – « A tous les gardiens, vous risquez de perdre votre jambe à cause de votre directeur. » Quatre jours plus tard, trois agents ont été gazés et insultés dans l’un des locaux. Puis c’est une agente âgée d’une soixantaine d’années qui a été rouée de coups par deux hommes cagoulés devant chez elle, sous les yeux de sa petite fille. Le 31 janvier, une balle de révolver a été déposée au bureau du directeur général ainsi qu’une lettre menaçant sa vie et celle de sa femme – « on connaît son nom », « on sait où vous habitez ». Mi-février, enfin, un individu s’en est pris aux agents de sécurité et d’accueil du siège en les aspergeant de gaz lacrymogène.
Face à cette escalade de violences « que nous n’avions jamais connue jusqu’alors », souligne Antoine Wohlgroth, de la Confédération nationale du logement de Seine-Saint-Denis (CNL 93), élus, salariés et syndicats ont organisé une journée blanche, jeudi 24 février, au cours de laquelle la direction du bailleur a détaillé les nouveaux dispositifs mis en place afin d’assurer la sécurité de ses agents. Vidéosurveillance, application mobile destinée à lancer l’alerte en cas d’agression ou de difficultés rencontrées sur le terrain, cellule de soutien psychologique, nouveau prestataire de sécurité privée…
Fin des « passe-droits », des « primes indues »
Au total, six salariés sont en arrêt de travail à la suite d’agressions. Un autre, « un jeune de 25 ans en alternance, qui souffre de crises d’angoisse, n’a pas pu revenir travailler depuis trois semaines », raconte Christian Miceli, le responsable informatique. Mais aucun n’a exercé son droit de retrait. « Nous continuons, nous sommes imprégnés de notre mission », déclare Jean-Baptiste Paturet. Plusieurs plaintes ont été déposées, les enquêtes, confiées à la sûreté départementale et au commissariat d’Aubervilliers, sont en cours. Aucune interpellation n’a eu lieu, pour l’instant.
Premier bailleur de la ville – qui compte 47 % de logements sociaux –, l’OPH d’Aubervilliers emploie 180 collaborateurs, dont une centaine de gardiens répartis autour de 21 bureaux d’accueil et gère 8 200 logements occupés par 20 000 à 25 000 habitants. « Des disputes violentes avec des locataires, j’en ai eu, des tensions, il y en a eu, mais jamais ça n’en était arrivé là, pourquoi s’en prendre aux gardiens et aux agents, aux derniers maillons de la chaîne ? C’est incompréhensible », commente Joseph (qui a requis l’anonymat), 50 ans, gardien depuis huit ans. La direction de l’OPH serait visée. Un message reçu il y a quelques jours sur les réseaux sociaux par la maire en témoignerait : « A tous les gardiens de l’OPHLM Aubervilliers. Si vous continuez à travailler, vous serez confrontés à de grandes représailles directement chez vous. Fini, les actions sur vos lieux de travail, nous avons l’adresse de vos domiciles. Vous devez imposer la démission de votre directeur, le cas échéant, nous préparons de plus grosses attaques contre vous, votre administration et éventuellement vos proches. »
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