Archive dans février 2025

« A terme, l’Europe peut faire des directives sur la durabilité un atout face aux Etats-Unis ou à la Chine »

« Les choses vont bien pour nous », reconnaît Olivier Schiller, président-directeur général de Septodont, en ce matin du 31 janvier. Cette entreprise de belle taille – 440 millions d’euros de chiffre d’affaires, 2 200 salariés, 95 % de son activité à l’export – fabrique des produits innovants pour les dentistes. A une époque où le sourire ultrabrillant est de rigueur, tout va donc plutôt très bien. Tout, sauf une chose : l’entrée en vigueur progressive de la directive CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive, en anglais), qui établit de nouvelles règles de publication par les grandes entreprises d’informations liées à la durabilité sur le plan de l’environnement, du social et de la gouvernance.

C’est peu dire que cette directive, et sa sœur jumelle, la CS3D, qui porte sur la « diligence raisonnable des entreprises en matière de développement durable », font s’étrangler les chefs d’entreprise, tandis que de l’autre côté de l’Atlantique le duo Trump-Musk dérégule à tout-va. « La CSRD nous impose de renseigner 1 174 indicateurs différents, argumente Olivier Schiller, et pour chacun d’entre eux, il faut fournir une matrice de double matérialité – qui vise à donner une vision hiérarchisée des impacts de l’activité de l’entreprise sur son environnement –, mesurer les impacts et proposer un plan d’action. » A l’échelle de Septodont, la mise en place de la CSRD représente un coût initial de 500 000 euros, suivi chaque année de « dizaines de millions d’euros » de rémunération des consultants chargés du chantier, assure ce chef d’entreprise.

Dans le contexte du décrochage économique de l’Europe face à des Etats-Unis plus conquérants et puissants que jamais, les organisations patronales estiment que ce « délire bureaucratique », selon les termes employés par Jean-Laurent Bonnafé, directeur général de BNP Paribas, en novembre 2024, va mettre encore un peu plus en péril la compétitivité européenne. Un discours reçu cinq sur cinq par Stéphane Séjourné, vice-président de la Commission européenne chargé de la stratégie industrielle, et par le ministre délégué chargé de l’Europe, Benjamin Haddad. « Nos entreprises ont besoin de simplification, pas d’alourdissement administratif supplémentaire », a-t-il argumenté.

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L’IA générative dans les entreprises : le dialogue social se fait attendre

Logo de ChatGPT, l’outil d’intelligence artificielle générative développé par OpenAI.

Après le choc, le questionnement. Quand ChatGPT a été lancé, en novembre 2022, la banque Goldman Sachs estimait à 300 millions le nombre d’emplois pouvant être détruits dans le monde par l’irruption de cette technologie. L’heure était au catastrophisme. Depuis, l’intelligence artificielle (IA) est entrée dans les entreprises, mais les inquiétudes sur l’évolution de l’emploi demeurent et les questions sur le contenu du travail restent ouvertes. Ces dernières seront abordées lors du Sommet pour l’action sur l’intelligence artificielle, qui se tiendra à Paris les 10 et 11 février en présence de nombreux chefs d’Etat et de gouvernement, chercheurs, scientifiques, artistes, représentants d’organisations non gouvernementales.

La Commission de l’intelligence artificielle, dans son rapport de mars 2024, annonçait 5 % d’emplois « directement remplaçables » par l’IA dans un pays comme la France, avec des métiers plus vulnérables que d’autres, comme les professions intermédiaires administratives et commerciales. Deux mois plus tard, le cabinet de conseil McKinsey affirmait que, d’ici à 2030, plus de 30 % des heures travaillées en Europe et aux Etats-Unis pourraient être automatisées, accélérées par l’intelligence artificielle générative.

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Intelligence artificielle : les premières pistes de François Bayrou pour maintenir la France dans la course

Un data center installé dans une ancienne base sous-marine construite par les Allemands pendant la seconde guerre mondiale, dans le port de Marseille, le 8 juillet 2020.

En amont du sommet pour l’action sur l’intelligence artificielle (IA) qui se tiendra lundi 10 et mardi 11 février, et doit réunir chefs d’Etat, de gouvernement et grands acteurs du secteur, le premier ministre, François Bayrou, a dévoilé, jeudi 6 février, de nouvelles mesures pour maintenir la France dans la course au développement de cette technologie d’avenir.

Ces annonces correspondent à la troisième phase de la stratégie nationale pour l’IA qui a déjà mobilisé 3,3 milliards d’euros depuis 2018. Parmi les principales figure le recensement de 35 sites clés en main prêts à accueillir dans des délais rapides les data centers indispensables à cette technologie mais confrontés à des problèmes de disponibilité du foncier, de puissance énergétique disponible et d’« acceptabilité » du projet, note Matignon. Quelque 1 200 hectares sont ainsi disponibles selon le gouvernement.

La France annonce une rallonge de 400 millions d’euros pour l’année 2025. Un montant bien inférieur aux 500 milliards de dollars (482 milliards d’euros) du projet Stargate sur cinq ans aux Etats-Unis annoncés par trois entreprises sous l’égide du président Donald Trump, mais il s’agit d’argent public, note Matignon. Il sera complété par des soutiens européens et des investissements d’entreprises étrangères en France, notamment dans les data centers. Un budget de 360 millions d’euros est également prévu pour former à court terme 100 000 professionnels par an à ces technologies. Des mesures seront prises pour faciliter la venue en France des talents étrangers.

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Négociations annuelles obligatoires : dans les premiers accords, des hausses de salaires supérieures à l’inflation

Ce n’est pas un sondage sur les augmentations de salaire envisagées par les chefs d’entreprise, mais bien une étude analysant les 630 accords déjà conclus dans le cadre des négociations annuelles obligatoires (NAO) 2025, que publie le Centre Etudes & Data du cabinet Groupe Alpha, jeudi 6 février, et dont Le Monde rend compte en avant-première.

Premier constat : par rapport aux précédentes NAO, le nombre d’accords signés entre septembre et décembre est en nette baisse. « Soit les propositions des directions ont été jugées trop basses par les organisations syndicales, et l’évolution des salaires a été fixée par décision unilatérale de l’employeur, avance Alice Rustique, chargée d’études au Centre Etudes & Data. Soit il y a eu un attentisme : au vu du contexte économique et des incertitudes sur la politique fiscale, en l’absence de projet de loi de finances, directions comme salariés ont choisi de décaler les négociations à début 2025 en espérant y voir plus clair. »

Dans les entreprises qui revalorisent les salaires, les augmentations atteignent en moyenne 2,27 % (augmentations générales et individuelles confondues). Après 3,5 %, en 2024, et 4,6 %, en 2023, les enveloppes sont donc en nette baisse, en lien avec le ralentissement de l’inflation, laquelle reste un « référentiel-clé », note l’étude : les montants alloués sont fortement corrélés au niveau de l’inflation mensuelle constatée au moment des NAO.

« Les employeurs sont lucides sur leur besoin de rester attractifs »

« Ce qui est notable, c’est qu’on a cette année des négociations qui dépassent significativement la hausse des prix (1,4 % sur un an en janvier), une première depuis trois ans. Signe que malgré l’ère glaciaire budgétaire qui s’annonce et les craintes sur les carnets de commandes, les employeurs sont lucides sur leur besoin de rester attractifs », souligne Estelle Sauvat, directrice générale du Groupe Alpha. Elle rappelle que, pour les entreprises, les NAO sont « ce moment de raison où il faut réussir à trouver le juste équilibre ».

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Salariés aidants : « Beaucoup craignent d’être placardisés s’ils en parlent »

« Je ne pouvais plus tenir un rythme aussi intense. » En 2023, Iris (le prénom a été modifié) met fin à son aventure professionnelle dans un grand groupe international. L’entreprise est pourtant satisfaite de son travail : la cadre de 56 ans achève un CDD de six mois et s’est vu proposer de poursuivre cette collaboration.

Mais un événement est survenu dans sa vie personnelle : son père, malade, vient d’emménager chez elle. Iris devient aidante et doit multiplier les prises en charge (rendez-vous médicaux, préparation des repas…). « J’étais dans une impasse, je ne pouvais pas tout mener de front. Et je ne pouvais pas non plus en parler : je devais encore faire mes preuves dans l’entreprise, ce qui serait devenu impossible en reconnaissant une moindre disponibilité. »

Conciliation possible

Dans cette « impasse », elle décide de quitter son poste et rejoint une collectivité territoriale où « [elle] peu[t] bénéficier d’un nombre plus important de jours de congé ». La conciliation salariat-vie d’aidant devient possible. Pas de quoi inciter toutefois Iris à se livrer sur sa vie personnelle : « Surtout pas ! Le regard sur moi changerait, et toute erreur serait perçue comme une preuve que je ne suis pas à 100 % à mon travail. »

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Le comité de mission, discret acteur des transitions dans l’entreprise

Entreprises. Depuis la loi Pacte (Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises) de 2019, les sociétés à mission ne cessent de croître. A la fin de l’année 2024, elles étaient plus de 1 900, soit 28 % de plus qu’en 2023.

On peut donc mieux étudier les traits originaux de ce modèle d’entreprise et, notamment, l’obligation légale d’un comité de mission (CM) dont les objectifs et les prérogatives sont distincts du conseil d’administration (CA). S’agit-il d’une complexification inutile de la gouvernance ou d’une invention adaptée aux défis contemporains ? Les premières recherches sur cet acteur encore peu connu tendent nettement vers la deuxième option.

Pour obtenir la qualité de société à mission, la loi demande d’inscrire dans les statuts une raison d’être ainsi que des missions précisant des objectifs sociaux et environnementaux.

Pour les firmes de plus de 50 salariés, elle stipule l’instauration d’un comité de mission exclusivement chargé de vérifier l’exécution de la mission et de remettre un rapport annuel aux actionnaires. La composition de ce comité est libre, seule la présence d’au moins un salarié est imposée. La loi accorde à ce comité un pouvoir d’investigation sans restriction.

Des efforts importants

Enfin, elle exige aussi un audit périodique de ce comité et de la mission par un organisme tiers indépendant.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Les bénéfices attendus du toilettage de la loi Pacte

Après cinq ans, on observe un premier indice des apports de ce comité : bien que la loi ne l’impose pas, la quasi-totalité des PME de moins de 50 salariés se sont aussi dotées d’un comité de mission, selon le cabinet KPMG. Une recherche menée sur plus de 150 comités de mission a permis de comparer, dans 20 cas, la composition et les compétences de ce comité avec celles du conseil d’administration.

Avec près de 8 membres en moyenne pour les comités de mission, et 11 membres pour les conseils d’administration, il est clair que la nouvelle instance suscite des efforts importants. Or, les premiers se démarquent des seconds par les compétences réunies. Ils disposent ainsi d’une expertise plus marquée dans les domaines de la durabilité, des sciences et de l’entrepreneuriat.

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L’épargne-retraite collective, une voie à explorer

Encore trop de salariés l’ignorent, mais, dans sa version longue, c’est-à-dire hors du plan d’épargne-entreprise (PEE) où les investissements sont bloqués seulement pendant cinq ans, l’épargne salariale constitue une solution retraite avantageuse et démocratique.

Le plan d’épargne-retraite collectif (PERcol), qui remplace progressivement l’ancien PERco fermé aux souscriptions depuis trois ans, profite, lorsqu’il est mis en place, « à l’ensemble des salariés dès lors qu’ils ont trois mois d’ancienneté », rappelle Philippe Crevel, directeur du Cercle de l’épargne. Cet outil peut aussi servir aux dirigeants de petites et moyennes entreprises (moins de 250 salariés), qui ont accès, à titre individuel, aux mécanismes avantageux de l’épargne salariale, donc du PERcol.

Renforcés par plusieurs mesures contenues dans la loi sur le partage de la valeur au sein de l’entreprise du 29 novembre 2023, les dispositifs d’épargne salariale sont toutefois surtout mis en place dans les grosses structures (en moyenne 53 % des salariés du secteur privé non agricole y ont accès, un taux qui tombe sous la barre des 20 % dans les entreprises de moins de 10 salariés et flirte avec les 90 % dans celles employant 1 000 personnes ou plus).

Mais la greffe du plan d’épargne-retraite (PER) commence à prendre. Si l’on se réfère aux dernières données publiées début octobre 2024 par l’Association française de la gestion financière (AFG), les plans d’épargne-retraite collectifs d’entreprise canalisaient, fin juin 2024, 32,5 milliards d’euros d’en-cours, dont 25,6 milliards au titre des seuls PERcol et 6,9 milliards pour les anciens dispositifs PERco, et profitaient à 4,2 millions de salariés dans plus de 231 000 entreprises.

Retraits libres avant le terme

Les particuliers concernés disposent, avec le PERcol, d’une forme d’épargne atypique puisque en quelque sorte « gratuite », alimentée par les primes d’intéressement et/ou de participation que peut verser chaque année l’entreprise (50 % de ces sommes sont affectées par défaut à un plan retraite si le salarié ne précise pas ses préférences au moment de leur attribution), voire désormais par les primes de partage de la valeur (ex-« prime Macron ») laissées à la main de l’employeur et susceptibles de grimper jusqu’à 6 000 euros par personne.

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Compte personnel de formation : baisse de la dépense totale en 2023

En tête des formations souscrites en 2023 dans le cadre du CPF, le permis B.

Déduction faite des formations annulées avant qu’elles ne débutent, 2,25 milliards d’euros, c’est la dépense totale réalisée sur les comptes personnels de formation (CPF) en 2023, en baisse de 24,1 % sur un an, indique la Caisse des dépôts (CDD) dans une note publiée jeudi 30 janvier.

Une baisse qui n’est pas le reflet d’une désaffection des salariés pour leur formation professionnelle, mais plutôt le résultat des mesures prises pour faire le tri entre le bon grain et l’ivraie dans le catalogue des formations proposées aux salariés.

« Nettoyage du catalogue des formations par France Compétences fin 2021, exclusion de formations relevant de l’accompagnement à la création ou à la reprise d’entreprise et qui ne vérifiaient pas le cahier des charges requis en juin 2022, mise en place d’une authentification renforcée via FranceConnect + en octobre 2022 » sont autant de raisons avancées par la Caisse des dépôts pour expliquer la baisse du « prix horaire moyen apparent » des formations en 2023.

Des formations peu coûteuses

Après avoir augmenté de 42 % entre 2020 et 2021 puis de 27,7 % entre 2021 et 2022, le prix horaire moyen apparent des formations souscrites a effectivement baissé de 10,5 % entre 2022 et 2023, pour s’établir à 25,50 euros, « en lien avec une diminution de la part des formations les plus onéreuses », commente la CDD. La baisse est en effet en trompe-l’œil, car à formation égale (intitulé, durée, modalité de réalisation), l’évolution des prix indique en fait une hausse de 3,1 %.

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Touchera-t-on plusieurs pensions après un cumul emploi-retraite ?

Question à un expert

Je reprends un travail après quelques mois de retraite, toucherai-je une pension supplémentaire quand j’arrêterai cette nouvelle activité ?

Le cumul emploi-retraite permet de reprendre une activité professionnelle, salariée ou non, et de cumuler les revenus de cette activité avec ses pensions de retraite.

Le « cumul déplafonné » vous autorise à cumuler sans limite vos pensions et vos nouveaux revenus. Il est notamment possible si vous avez obtenu une retraite à taux plein ou à partir de l’âge du taux plein automatique (67 ans). Si vous ne respectez pas les conditions pour accéder à ce cumul intégral, la somme de vos retraites et de votre revenu d’activité ne pourra excéder un certain montant. En cas de dépassement, la pension de base est réduite de l’excédent.

Lire aussi | Article réservé à nos abonnés Retraites : ce qui change en 2025

Dans les deux cas, il faut au préalable déposer une demande de retraite pour liquider l’ensemble de ses droits.

Le cumul plafonné ne permet pas l’acquisition de nouveaux droits à la retraite. En revanche, depuis la réforme des retraites de 2023, le cumul déplafonné permet dans certains cas d’en acquérir, donc à terme d’obtenir le calcul d’une seconde pension, tant au régime de base qu’au régime complémentaire.

Nouvelle pension plafonnée

Si vous reprenez une activité chez votre dernier employeur, il faut, pour bénéficier de cette seconde pension, avoir respecté un délai de six mois de cessation d’activité avant de reprendre.

Pour la retraite de base des salariés (assurance-retraite), le montant de la nouvelle pension ne peut pas dépasser 5 % du plafond annuel de la Sécurité sociale (2 355 euros annuels en 2025). Pour la complémentaire Agirc-Arrco, les cotisations versées permettent d’acquérir des points sur la base des premiers 3 925 euros de salaire mensuel.

Vous cessez votre activité professionnelle une deuxième fois mais souhaitez, ensuite, à nouveau reprendre le travail ? Après la liquidation de votre seconde pension, il sera cette fois impossible d’acquérir de nouveaux droits à la retraite. Seules deux liquidations sont en effet possibles.

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