Archive dans octobre 2024

Au boulot, pratiquez-vous le déjeuner-smartphone ?

En entreprise, déjeuner seul à la cantine est généralement un signal négatif envoyé au collectif. Même si ce n’est pas forcément vrai, cela laisse entendre que vous n’êtes pas assez désirable pour trouver un ou une partenaire de mastication. Dans un monde où les rumeurs vont bon train, il n’en faut pas plus pour vous prêter des penchants asociaux, une haleine de chacal ou une conversation ennuyeuse. Néanmoins, cette norme est aujourd’hui remise en question. Si j’en crois ma propre entreprise (et ma planque incognito à côté des fontaines à eau), de plus en plus de gens pratiquent une nouvelle activité décomplexée et solitaire : le déjeuner-smartphone.

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Les yeux dans les yeux avec l’écran de leur iPhone SE adoré ou de leur Samsung Galaxy chéri, ces isolationnistes dégustent leur chili sin carne en scrollant des vidéos absurdes (oui, ce panda qui s’attaque à sa soigneuse et manque de la boulotter) ou en compulsant des e-mails en retard (absurdes également, dans leur grande majorité). D’après la dernière enquête Flashs-Selvitys-Openeat, publiée en avril, 18 % des salariés déclarent déjeuner seuls sur leur lieu de travail.

Si le déjeuner-smartphone est une activité risquée (votre écran est-il vraiment vinaigrette-proof ?), il n’est plus générateur d’un infamant stigmate social et s’inscrit dans une sorte de nouvelle normalité où le mobile vient s’insinuer dans chaque moment de vie. D’après une étude de l’institut Kantar en partenariat avec Amora datant de 2019, un tiers des Français utilisent systématiquement leur smartphone durant les repas, chiffre qui monte à 50 % pour les 18-34 ans. En entreprise, l’appareil et ses notifications viennent souvent interrompre les débats entre collègues. Quelqu’un avec qui vous discutiez à table peut alors s’abstraire soudainement des échanges pour s’évader vers les contrées numériques. Mais de la perturbation de l’interaction à la substitution de l’interlocuteur, il n’y a qu’un pas… vite franchi.

Un quasi-sujet

Qu’il serve à regarder une série, à consulter son compte LinkedIn ou à vérifier grâce à la caméra que l’on n’a pas une feuille de salade coincée entre les dents, le smartphone, depuis que tout est mis en œuvre pour l’anthropomorphiser, n’est plus un simple objet mais un quasi-sujet, partenaire de déjeuner potentiel concurrençant avantageusement votre collègue moulin à paroles (lequel ne possède pas de mode « silencieux »). Pratiquer le déjeuner-smartphone, c’est donc réussir la prouesse presque quantique de déjeuner avec quelqu’un tout en ne déjeunant qu’avec soi-même (la preuve, votre nouveau partenaire ne tentera jamais de vous taxer une frite).

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Le secteur public à l’origine de 75 % des créations d’emplois depuis un an

A l’hôpital de la Croix-Rousse, à Lyon, le 26 septembre 2023.

La bonne santé du marché du travail va-t-elle résister aux coupes budgétaires à venir ? Ce n’est pas certain. Et pour cause : depuis un an, trois emplois créés sur quatre sont des emplois publics. Entre mi-2023 et mi-2024, le secteur public est ainsi à l’origine de 95 000 nouveaux emplois (+ 1,2 %), sur un total − public et privé confondus − de 129 000, selon l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee).

« Malgré un effectif bien moindre [on dénombre 21 millions de salariés dans le privé pour 6 millions dans le public, au deuxième trimestre 2024], l’emploi de la fonction publique contribue au moins aussi fortement à la croissance d’ensemble sur un an que le privé », résume Vladimir Passeron, chef du département de l’emploi et des revenus d’activité à l’Insee. « L’emploi public n’a jamais été aussi dynamique, depuis l’élection d’Emmanuel Macron en 2017 », observe Mathieu Plane, directeur adjoint du département analyse et prévision à l’Observatoire français des conjonctures économiques.

Sur les deux années 2021 et 2022, le rythme de progression était plus modéré (respectivement + 0,4 % et + 0,3 %). Si les données détaillées ne sont pas encore disponibles pour 2023, les chiffres de l’Insee montrent que les effectifs ont davantage augmenté en 2022 dans la fonction publique d’Etat (+ 0,6 %) que dans la fonction publique hospitalière (+ 0,1 % ) ou les collectivités locales (stabilité).

Autre point notable : les embauches se font essentiellement de manière contractuelle, et non statutaire, parfois avec des CDD très courts. Et plus d’un agent sur cinq travaillant dans le public est désormais contractuel.

Coup de frein dans le privé

Dans un contexte de dérapage des déficits, cette hausse des effectifs dans le public « peut alerter, estime Stéphane Colliac, économiste chez BNP Paribas. Mais il faut d’abord voir pour quels besoins ces emplois ont été créés. Après le Covid-19, on a changé de perspectives et créé beaucoup de postes dans la santé ou l’éducation ». A l’été 2020, après la crise sanitaire due au Covid-19, le Ségur de la santé s’était notamment traduit par 15 000 recrutements à l’hôpital. La hausse des effectifs s’explique aussi, souligne M. Passeron, par le fait que les seniors restent plus longtemps en poste en raison de la réforme des retraites.

Reste que la dynamique relative de l’emploi public provient aussi du coup de frein apparu dans le secteur privé. Depuis l’été, l’emploi ne progresse plus guère, et a même légèrement reculé dans l’intérim et la construction. « L’emploi privé est plus lié à la conjoncture que le public, et il pique donc du nez davantage » alors que la croissance faiblit, explique M. Colliac.

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Les leçons de management du secteur public au privé… et inversement

Après seulement une semaine dans son entreprise, Arnaud (prénom d’emprunt), conseiller ministériel jusqu’en janvier et désormais chargé de développement dans le privé, peste de devoir remplir une multitude de tableaux pour justifier le temps passé à telle ou telle tâche. Au sein de son ministère, il jouissait d’une liberté d’action qu’il ne parvient pas à retrouver dans son nouvel emploi. « Le monde de l’entreprise, c’est tout un univers que je découvre », reconnaît-il après avoir multiplié les postes en cabinet.

Deux univers qui se regardent en chiens de faïence. D’un côté, le secteur privé estime que les fonctionnaires sont peu performants, de l’autre, la fonction publique juge les entreprises obnubilées par la recherche de profits. D’ailleurs, en dehors des hauts postes, et même si la tendance s’inverse légèrement, les mouvements de l’un vers l’autre restent rares. Si les deux répondent à des logiques parfois opposées, le privé pourrait davantage engager ses salariés en s’inspirant de la mission de service public, quand ce dernier gagnerait à mieux encourager ses agents au long de leur carrière.

« Pendant longtemps, la transformation du service public a été tournée vers les usagers au détriment des conditions de travail des agents, mais il y a eu une inversion après les confinements liés au Covid, remarque Sigrid Berger, fondatrice de Profil public, une start-up spécialisée dans le recrutement dans le public. Peu compétitives sur les salaires, les administrations montrent depuis environ trois ans qu’elles sont capables de répondre à une demande de structures plus transversales, d’accorder plus d’autonomie aux agents, de proposer du télétravail… »

Des carrières plus dynamiques dans le privé

Le secteur public est capable d’innover pour attirer des profils sans augmenter ses coûts. Dès 2001, face à un défaut de candidatures, la communauté de communes de Grand Lieu (Loire-Atlantique) a choisi la souplesse pour l’organisation du temps de travail et proposé à ses agents de regrouper les 36 heures 30 de temps de travail hebdomadaire sur une semaine de 4,5 jours : « Cette organisation qui permet beaucoup de confort a été choisie par 99 % de nos collaborateurs. C’est immédiatement devenu un argument majeur que l’on met en avant sur nos offres d’emploi. Nous étions alors l’une des premières organisations à le faire, avant que cela ne devienne courant dans le privé », rapporte Hélène Savina, directrice générale des services de Grand Lieu Communauté.

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Mais, contrairement au privé, les carrières dans la fonction publique pâtissent d’une rigidité liée au statut de fonctionnaire jugé contraignant : revers d’un système plus égalitaire, l’avancement est jalonné de longues étapes et les candidats craignent de faire le même métier toute leur carrière, d’autant que les fonctionnaires ne sont régulièrement pas libres de leur affectation.

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Les rémunérations des livreurs et des chauffeurs VTC piétinent

Un livreur Deliveroo, à Paris, le 20 avril 2022.

En 2023, le revenu moyen d’un livreur Uber Eats est de 4,50 euros, pour une prestation moyenne d’environ douze minutes. A l’heure, et en prenant en compte l’attente entre chaque course, un autoentrepreneur qui travaillerait systématiquement pour la plateforme en acceptant toutes les courses atteindrait 10,10 euros. Soustraction faite des cotisations liées à ce régime − autour de 20 % −, le revenu net moyen d’un livreur serait bien en dessous du smic horaire net (9,23 euros).

Ces données sont issues d’une analyse publiée, mercredi 2 octobre, par le Pôle d’expertise de la régulation numérique du ministère de l’économie et des finances et l’Autorité des relations sociales des plateformes d’emploi (ARPE). Elle établit qu’entre 2021 et 2023, période de forte inflation, les revenus des chauffeurs VTC ont stagné, tandis que ceux des livreurs de repas à domicile ont baissé.

Dans le détail, les données sont celles que toute plateforme est tenue de communiquer chaque année aux autorités. Côté VTC, on apprend par exemple que le revenu par prestation varie entre 11 et 19 euros pour les principales plateformes que sont Bolt, Uber ou Heetch, mais atteint 40 euros chez LeCab et Marcel, où les courses sont plus longues et haut de gamme.

Dégradation des conditions de travail

Côté livreurs, les courses sont mieux payées chez Deliveroo (5,50 euros) ou Stuart (6 euros) que chez Uber Eats (4,50 euros), mais chaque plateforme a ses spécificités. Ces chiffres permettent d’obtenir un revenu horaire moyen théorique, mais qui n’est pas exploitable car la plupart des autoentrepreneurs travaillent pour plusieurs plateformes, et parce qu’il ne comprend pas l’attente entre plusieurs prestations.

L’étude de l’ARPE propose justement une estimation du revenu horaire moyen avec le temps d’attente. Chez Uber et Bolt, les deux leaders, le montant est légèrement sous les 40 euros de l’heure en 2023. Chez Heetch, il est d’à peine 25 euros. C’est une estimation haute, car elle fait le postulat qu’un autoentrepreneur accepterait toutes les prestations proposées. Il faut aussi y ajouter les cotisations et les charges (entretien du véhicule…). Pour ce qui est des coursiers, où il y a certes moins de charges, on tombe chez Deliveroo à 16,80 euros (contre 17,3 en 2021), et donc à 10,10 euros (contre 11,9) chez Uber Eats.

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Depuis plusieurs années, les différentes organisations de chauffeurs et livreurs autoentrepreneurs insistent sur la dégradation des conditions de travail dans leurs secteurs, où la part de travailleurs sans papiers augmente constamment, afin de remplacer ceux qui renoncent pour trouver mieux ailleurs.

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