Archive dans septembre 2024

Le sérieux des offres d’emploi au cœur d’une passe d’armes entre la CGT et France Travail

Cinquante-cinq pour cent des offres d’emploi diffusées sur le site de France Travail seraient frauduleuses ou fictives et donc illégales. C’est ce qu’affirme la 17e étude menée par la CGT et publiée le 29 août.

La confédération syndicale se mobilise régulièrement pour vérifier l’exactitude des mentions contenues dans les offres. Ainsi, du lundi 26 au mercredi 28 août, le Comité national des travailleurs privés d’emploi et précaires (CNTPEP) de la CGT a passé au crible 1 844 annonces et estimé que 1 022 étaient illégales au regard du code du travail.

A la suite d’une analyse lexicale, 80 % des offres incriminées ont été classées comme telles. « Par exemple, la mention “CDD pouvant déboucher sur un CDI” peut induire en erreur le candidat. Cela sous-entend aussi que l’employeur pourvoit son besoin permanent de main-d’œuvre en recourant à un CDD réservé par la loi à des besoins ponctuels. II s’agit donc d’une offre illégale », estime Pierre Garnodier, secrétaire général du CNTPEP-CGT.

Vingt pour cent des autres annonces incriminées résultent d’une opération de testing menée par des militants de la CGT qui ont appelé les employeurs en se faisant passer pour des candidats. Le syndicat a même enregistré des échanges téléphoniques avec des agences d’intérim où la durée des contrats annoncée pour un ou plusieurs mois se réduit comme peau de chagrin, voire se volatilise au fil de la conversation.

Une stratégie délibérée

Ces annonces fictives ou trompeuses résulteraient, à en croire la CGT, d’une stratégie délibérée. D’une part, il s’agit pour les entreprises d’intérim d’« appâter les travailleurs » en les incitant à présenter leur candidature à des missions de longue durée qui n’existent pas. Les intérimaires rechignent, en effet, à postuler sur les missions très courtes, peu attractives.

D’autre part, les annonces fictives permettent aux employeurs de se constituer un vivier de candidats dans lequel puiser en cas de pic d’activité, de désistement de dernière minute. « Mais les demandeurs d’emploi ne peuvent perdre de temps à éplucher des offres ne menant à rien… Il est donc primordial de ne pas les “balader” en vain, cela constitue un manque de considération », s’insurge Pierre Garnodier.

Les résultats de l’étude de la CGT tranchent avec ceux de l’étude menée en 2019 par France Travail qui relevait seulement 7 % d’irrégularités pour les 5 000 offres analysées sur son site. Il est vrai que les deux études, non contentes d’être menées sur deux périodes distinctes, diffèrent aussi sur le plan méthodologique. La CGT analyse les offres portant sur une douzaine de villes hors Ile-de-France (Brest, Toulouse, Caen, Bordeaux, Angers…), en se focalisant sur les secteurs de la santé, les services à la personne et l’industrie.

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« Réapprendre à faire grève » : face à un nouveau prolétariat, la culture syndicale à l’épreuve

Dans un hôtel, un conflit oppose des salariés à leur direction. En jeu : la requalification du contrat de travail en CDI de quinze d’entre eux, alors en CDD. Un délégué CGT a pris contact avec un avocat. Des procédures aux prud’hommes doivent être engagées. Le militant sollicite l’aide d’un permanent du syndicat. Celui-ci lui déconseille d’agir de la sorte et lui propose de l’accompagner dans l’organisation d’un débrayage. La perspective effraie le délégué : « Ouh là, la grève, moi, tu sais… » Il ne donnera pas suite.

Une telle situation est loin de représenter un cas isolé. Le rapport distancié à la grève est une réalité dans les rangs cégétistes de nombreuses entreprises. Les modalités d’action sont ainsi en évolution, au sein même du syndicat. C’est précisément l’objet d’étude de Baptiste Giraud, maître de conférences en science politique à l’université d’Aix-Marseille, dans son nouvel ouvrage, Réapprendre à faire grève (PUF).

L’auteur a réalisé durant deux ans un « travail d’observation ethnographique » au sein de l’Union syndicale du commerce et des services de Paris de la CGT. Il en livre les conclusions dans son essai, dévoilant l’approche du syndicalisme que porte un « nouveau prolétariat », très présent notamment dans les secteurs de la livraison, de la propreté ou encore de la logistique.

Riche en enseignements, l’immersion donne à voir les ressorts de l’engagement militant. Il s’agit avant tout de « se protéger de l’autoritarisme patronal ». « Le syndicat est prioritairement investi comme un espace d’accès à la protection et aux connaissances juridiques nécessaires pour faire valoir les droits des salariés », poursuit l’auteur.

Un accompagnement difficile

Ces militants du secteur des services n’ont bien souvent pas de « culture syndicale » et se trouvent démunis face à la perspective d’un conflit avec leur patron. La « convergence des luttes » apparaît comme un concept bien lointain. Et bien souvent, la grève l’est tout autant. « Un truc de vieux », « de combattants », « de fonctionnaires », jugent certains syndicalistes.

Face à ce constat, les permanents de l’union syndicale mènent un travail au long cours d’organisation et d’apprentissage de la grève. Ils insistent sur l’importance d’instaurer un rapport de force collectif dans l’entreprise avec, pour point d’appui, une vision classiste, la nécessité, aussi, de gagner la confiance des salariés, pour mobiliser et mener une lutte efficace. Exercice délicat dans des secteurs qui cumulent les handicaps pour implanter durablement une culture syndicale (morcellement des structures, précarité et volatilité de la main-d’œuvre, diversité des statuts d’emploi, personnalisation des rapports de pouvoir, fort antisyndicalisme des patrons…).

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Ceux qui veulent plus de congés prendront le train

Cet été, Héloïse Arnold est partie en vacances en Ecosse, en train. Un long trajet de près de 1 400 kilomètres que cette jeune femme a pu réaliser plus tranquillement grâce à un jour de TTR, à savoir de « temps de trajet responsable », comme le lui propose son employeur. Une journée qu’elle a ajoutée à ses congés classiques pour privilégier le train plutôt que l’avion : « Ce laps de temps m’a permis de compenser des temps d’attente, car je suis arrivée le matin à Londres et le soir, j’ai pris un autre train, de nuit cette fois, pour Inverness », raconte-t-elle.

Mais surtout, selon ses calculs, cette option lui aura permis de diviser par vingt son empreinte carbone par rapport à un même trajet en avion. La jeune femme travaille au sein de Vendredi, une start-up sociale, déjà sensibilisée sur ces sujets, puisqu’elle accompagne des entreprises qui s’engagent dans des projets environnementaux ou sociaux.

Depuis son lancement au premier semestre 2023, ce programme a déjà été utilisé par un salarié sur trois (sur un total de 42). « Cela peut constituer un déclic pour ceux qui veulent voyager de manière plus écoresponsable mais qui hésitent parfois encore à le faire », constate Julian Guérin, président de l’entreprise, estimant que cela s’apparente à « une forme de prime ».

Pour pouvoir en bénéficier, il faut justifier d’un trajet de plus de six heures, et l’effectuer en train, en bus, en covoiturage ou même à vélo. Ce congé peut par ailleurs être scindé en deux demi-journées. « Si un salarié veut, par exemple, effectuer le trajet entre Paris et Barcelone en train (environ sept heures), il peut prendre son vendredi après-midi pour voyager et arriver le soir. Puis organiser un retour le lundi suivant avec le premier train de 6 heures du matin et travailler dans la foulée l’après-midi. »

Une nouvelle manière de voyager

Cette société s’est inspirée de ce qui se faisait déjà chez Ubiq depuis six mois. Cette filiale de Nexity, spécialisée dans le partage de bureaux, est la première en France à avoir expérimenté ce type de congé. Elle va même plus loin, puisqu’elle accorde jusqu’à deux jours par an à ses employés. « L’idée est née lors d’un atelier de réflexion. Certains de nos collaborateurs avaient alors évoqué leur volonté de voyager davantage en train, tout en pointant le fait que cela coûte plus cher et que cela prend plus de temps », rappelle Mehdi Dziri, le directeur d’Ubiq, en concédant que si cette journée ne résout pas tout, elle a le mérite de s’attaquer en partie au deuxième problème.

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Des salariés un peu moins absents, même le vendredi

Carnet de bureau. Les salariés sont un peu plus nombreux au bureau. Le recul général de l’absentéisme constaté au printemps par les études Malakoff Humanis et l’Observatoire de la performance sociale Diot-Siaci a été confirmé, jeudi 5 septembre, pour le secteur privé.

Le Baromètre absentéisme 2024 Willis Towers Watson (WTW), construit à partir des déclarations sociales nominatives (DSN) de 420 280 salariés issus de 2 196 entreprises sur une période de cinq ans, affiche un taux d’absentéisme de 4,8 % en 2023 contre 5,4 % un an plus tôt. Sans être le grand retour au bureau avec un taux de 3,8 % comme en 2019, il y a déjà un peu moins d’absents que les dernières années ; 94 % des arrêts de 2023 le sont pour cause de maladie.

Ce sont les arrêts de moins de trois mois qui chutent comparativement à 2022, l’année de la vague du variant Omicron. Les absences de quatre à sept jours ont quasiment diminué de moitié. La part de salariés qui s’arrêtent au moins un jour dans l’année est passée de 43 % à 34 %. Les précédentes études y avaient vu l’impact du télétravail qui permet de réduire le nombre d’arrêts courts, dans la mesure où des télétravailleurs font le choix de poursuivre leur activité à distance plutôt que de se mettre en arrêt lorsqu’ils ne sont pas trop malades.

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L’étude WTW qui identifie les « populations à risque » et « les causes potentielles », autrement dit qui sont les absents et pourquoi, note que la réduction des absences en 2023 est ainsi moins marquée pour les femmes (– 8 %), surreprésentées dans les activités non télétravaillables des secteurs de la santé ou de l’hôtellerie-restauration, que pour les hommes (– 12 %). En revanche, elle concerne tous les secteurs d’activité et toutes les catégories socioprofessionnelles à différents niveaux. Le taux d’absentéisme des cadres est de 2,3 % et celui des ouvriers de 6,9 % avec des durées plus longues (vingt-huit jours d’arrêt en moyenne) « liées à la pénibilité de certains métiers », précise WTW.

Vendredi, jour des bureaux vides

L’étude relève aussi que moins le statut d’emploi est stable, moins on s’absente : 2,1 % d’absentéisme en CDD contre 5 % en CDI, et que le vendredi reste le jour des bureaux vides. La progression du taux d’absentéisme est étonnamment continue au fil de la semaine : lundi 4,8 %, mardi 4,9 %, mercredi et jeudi 5 % et 5,1 % le vendredi. Sur ce point, « nous n’avons malheureusement pas d’explications qualitatives », commente un porte-parole de WTW. De quoi nourrir les interrogations des employeurs les plus soupçonneux.

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Comment réussir son récit de vacances au bureau ?

Le récit de vacances constitue incontestablement une des principales plaies de la vie de bureau. Répéter en boucle le même argumentaire épiphanique à la machine à café vous fait débronzer vitesse grand V (« On a nagé avec des otaries au soleil couchant. C’était in-cro-ya-ble ! »), l’écouter vous rend hâve encore plus vite. Pourvoyeuses d’informations intimes, vos vacances en disent très long sur qui vous êtes et, en conséquence, leur debrief est hautement stratégique : voilà pourquoi cet exercice est généralement aussi spontané qu’une réaction d’après-match de Didier Deschamps.

Néanmoins, à mon retour de vacances, j’ai pu remarquer que cet exercice obligé (et redouté) semblait être en pleine mutation. Plutôt que de me raconter un dépaysement quelconque aussi surprenant qu’un mobile en bois flotté, un collègue rencontré au hasard d’un couloir m’expliqua comment, durant son séjour estival dans un camping des Rocheuses, il eut à affronter « the pit ». Ce terme, que l’on peut traduire par « le puits » en français, sert à désigner une toilette collective sans évacuation, et « même pas sèche », me précisa-t-il, dans laquelle chacun était invité à venir déposer sa contribution à un gigantesque amoncellement d’étrons. En raison de sa radicalité, j’ai trouvé ce parti pris narratif très original et y ai vu le signe d’un changement d’époque.

Le récit de vacances reposait jusqu’alors sur une sorte de marketing de la petite différence sur fond d’exotisme glamourisé. Vos collègues partaient pour l’île de Ré, vous alliez à Houat. Ils faisaient du déval’kart, vous optiez pour la via ferrata. Vous vous insériez ainsi dans la carte postale commune, mais avec un petit pas de côté qui venait témoigner de votre singularité. Le problème, c’est qu’à l’heure où chacun effectue méthodiquement le même pas de côté, tout le monde finit par se retrouver au même endroit. Alors que Santorin déborde de candidats au selfie en mode collé-serré, on ne peut plus se satisfaire d’un récit de vacances lambda qui se contenterait de dire « j’y étais ».

La sobriété a le vent en poupe

Raconter votre semaine de snorkeling dans le golfe du Mexique ne fera plus rêver personne, mais peser sur vous le soupçon écocidaire. « On comprend que la réticence à voyager pour le plaisir, dans un contexte de crise climatique, puisse avoir d’autant plus de poids qu’augmentent parallèlement les voyages contraints – exils et migrations forcées, ô combien dramatiques », écrit la philosophe Juliette Morice dans Renoncer aux voyages. Une enquête philosophique (Presses universitaires de France, 248 pages, 20 euros).

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Fraude à la formation professionnelle : 14 personnes condamnées pour une escroquerie à 3 millions d’euros

Elles sont au cœur d’une vaste fraude à la formation professionnelle. Quatorze personnes ont été condamnées par la 13e chambre du tribunal correctionnel de Paris, mercredi 4 septembre, pour escroquerie et escroquerie en bande organisée, à des peines allant de dix mois à cinq ans de prison, des amendes montant jusqu’à 45 000 euros et des interdictions de gérer une société pendant cinq à quinze ans.

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Elles ont été reconnues coupables d’avoir, entre 2009 et 2014, dirigé – ou travaillé pour – une quinzaine de sociétés privées ayant, par divers moyens, indûment bénéficié d’argent public, normalement dévolu à la formation continue des salariés. Le préjudice de l’affaire a été estimé à environ 3 millions d’euros par les enquêteurs de la brigade de répression de la délinquance astucieuse de la police judiciaire de Paris. Des dommages-intérêts conséquents, se chiffrant parfois en centaines de milliers d’euros, ont aussi été prononcés à l’encontre des prévenus, onze hommes et trois femmes.

La formation professionnelle est une obligation légale pour les entreprises, qui y contribuent financièrement en fonction de leur masse salariale. Elle est assurée par des organismes de formation (OF), des prestataires de droit privé qui peuvent facturer leurs services à des organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA), chargés de gérer l’argent des cotisations par secteur ou par branche. C’est en exploitant les failles et faiblesses de ce mécanisme, dont le contrôle est difficile et mal assuré, que les prévenus ont pu s’enrichir.

Fausses factures

« Quoiqu’ils soient versés par des organismes de droit privé, les fonds perçus par les escrocs sont directement issus de prélèvements obligatoires fixés par la loi, assis sur la masse salariale et prélevés sur les salaires. Escroquer les OPCA, même avec l’accord du client, c’est donc voler toutes les entreprises et leurs salariés », a expliqué Guillaume Daïeff, le président de la 13e chambre du tribunal correctionnel, lors de la lecture du jugement, devant des prévenus impassibles. Pour le magistrat, la « gravité » de cette escroquerie justifie la lourdeur des peines, même si « les faits sont anciens ».

Lors du procès, qui s’était tenu en juin, les pratiques des escrocs, qui ne se connaissaient pas tous entre eux, ont été détaillées. A partir de formations effectivement dispensées aux salariés des entreprises, des fausses factures étaient établies à destination des OPCA, avec un nombre d’heures gonflé par rapport à la réalité, et des tarifs poussés au plafond légal. « Pour une formation de huit heures à 20 euros de l’heure, l’OF demandait une prise en charge pour trente heures et un total de 1 250 euros, soit 40 euros par heure », note le tribunal dans son jugement.

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Aux Etats-Unis, les salariés en télétravail sont les premiers licenciés pour réduire les effectifs

La Texane Christy Tabors, 35 ans, travaillait à distance pour un sous-traitant du groupe Meta. Au printemps 2023, elle a reçu un appel téléphonique. Son emploi était supprimé. Elle a appelé sa cheffe de service, qui n’était même pas au courant. La décision avait été prise dans les sphères supérieures. Le licenciement éclair de Mme Tabors n’a rien d’original. Sur TikTok, les témoignages d’employés remerciés qui travaillaient chez eux se multiplient. L’un n’avait pas frappé assez souvent les touches de son clavier d’ordinateur, un logiciel espion avait donc considéré qu’il n’était pas assidu. Une autre, commerciale de Cloudflare, avait « peu de chances de réussir », selon sa direction, qui l’a écartée.

Pendant la pandémie, les grandes entreprises du secteur du high-tech avaient beaucoup embauché. A la fin de la crise sanitaire a succédé une vague de suppressions d’emplois qui touche les cols blancs, et particulièrement les employés à distance. La probabilité d’être « remercié » est ainsi 35 % plus forte pour les salariés à distance que pour ceux qui fréquentent assidûment le bureau, indique un sondage de l’éditeur de logiciels Live Data Technologies, qui a interrogé deux millions de cols blancs en 2023, employés de bureau et travailleurs à domicile.

Leurs chances de promotion sont aussi réduites de 31 %. « C’est évident, il y a un a priori de proximité aussi bien pour l’employeur que pour l’employé, commente Jason Saltzman, directeur du développement de Live Data Technologies. Le manageur se sent plus proche de ceux qu’il voit en réunion ou autour de la machine à café. » C’est donc l’absent qui disparaîtra de l’organigramme, lorsqu’il faudra prendre des décisions difficiles.

Lire l’analyse de la chercheuse pour le projet du Liepp | Article réservé à nos abonnés « Le télétravail fait-il du bien aux salariés ? Ce que l’on a appris avec le Covid-19 »

Les groupes du high-tech n’aiment guère évoquer publiquement leur manque d’appétit pour le travail à distance. Ils ont trop peur d’être jugés rétrogrades par les nouveaux arrivants sur le marché du travail. Certains reconnaissent toutefois leur préférence pour le présentiel. IBM a ainsi demandé à ses cadres de se rapprocher d’un bureau de l’entreprise, dans un rayon de 80 kilomètres. Le senior vice-président John Granger a clairement fixé les règles du jeu. Dans un mémo de janvier 2024, il ajoute qu’il faut dorénavant pointer au moins trois jours par semaine, ou risquer son poste.

Le retour du balancier

Autre entreprise, même propos : le fabricant d’ordinateurs Dell exige une présence de trois jours par semaine en entreprise. En février, la direction s’est expliquée. Ceux qui n’adopteront pas ce nouvel agenda n’auront plus droit à une promotion ou à un changement d’orientation. Dell a ainsi institué un système de contrôle par couleurs. Les bleus sont fortement présents au bureau, verts et jaunes au milieu, les rouges se font très rares. Ce classement est pris en compte pour les futures promotions, les évaluations annuelles, ou encore d’éventuels plans de licenciement.

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« Des entreprises et acteurs locaux font tous les jours la démonstration qu’il est possible de décorréler création de richesses et prédation de nos ressources naturelles »

Les Français ont exprimé dans les urnes leur souhait d’un changement de façon de gouverner. Peu importe sa couleur ou son ambition, le prochain exécutif sera sommé de porter des politiques d’intérêt général à large consensus. Un vœu pieux pour certains, tant les sujets de discorde sont nombreux. Pourtant, il existe une politique capable de réconcilier souveraineté économique, réindustrialisation, création d’emplois, préservation du pouvoir d’achat et urgence climatique : l’économie circulaire.

Loin d’être un sujet secondaire, l’économie circulaire consiste en l’utilisation prolongée des matières et produits, par l’écoconception, la réparation, le réemploi et, quand ce n’est plus possible, le recyclage. Une économie pleinement circulaire permettrait de réduire de 45 % l’empreinte carbone du pays, diminuerait notre dépendance aux importations de produits et matières premières stratégiques (et donc réduirait le déficit de notre balance commerciale), tout en créant des usines et des emplois en France.

Actuellement, 600 000 emplois sont déjà générés grâce à elle, dans des secteurs où l’alternative proposée par des produits neufs polluants est souvent fabriquée à l’autre bout du monde. En généralisant l’économie circulaire, ce sont 500 000 emplois supplémentaires qui pourraient être créés.

Et pour une fois, la France et ses entreprises possèdent dans ce domaine une avance stratégique et un savoir-faire pionnier (comme dans la réparation automobile et le reconditionnement de smartphones), notamment grâce à l’apport historique de l’artisanat et de l’économie sociale et solidaire (ESS), incarnée aujourd’hui par des start-up, des PME, des fleurons industriels, des associations et des collectivités. Cerise sur le gâteau : allonger la durée de vie des produits, les faire réparer ou acheter des produits réemployés plutôt que neufs permet également aux Français de réaliser des économies majeures.

Des perspectives encourageantes, mais tout reste à faire

Par exemple, les produits reconditionnés sont en moyenne 30 à 40 % moins chers que les produits neufs, et faire réparer ses produits permet une économie moyenne de 70 % par rapport au rachat neuf. Mais, visiblement, le sujet n’est pas assez politique et clivant pour percer dans le débat public. Pourtant, à l’heure où différentes sensibilités politiques doivent composer ensemble, l’économie circulaire est du pain bénit !

Les lois relatives à l’économie circulaire ont souvent été votées à l’unanimité des forces politiques en présence. Et on les comprend. Elle est une réponse efficace et concrète aux préoccupations majeures des Français : pouvoir d’achat, emplois locaux, souveraineté économique, environnement. Malgré ces perspectives encourageantes, tout reste à faire. Pour généraliser ces pratiques, nous, entrepreneurs, industriels, entreprises et associations de l’économie circulaire de tous secteurs, avons besoin, comme d’autres secteurs stratégiques en transition (ferroviaire, automobile, alimentaire…), d’une stratégie nationale pour devenir compétitifs et passer à l’échelon supérieur.

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Ces surdiplômés qui se tournent sur le tard vers l’éducation nationale

PALM ILLUSTRATIONS

« Vous vous souvenez de la définition du théorème de Pythagore, qu’on a vu la semaine dernière ? », demande avec assurance Nicolas Dhooge à sa classe de 4e fictive, en dessinant une figure géométrique au tableau. « Dans un triangle rectangle, le carré de la longueur de l’hypoténuse est égal à la somme des carrés des longueurs des deux autres côtés », répond du tac au tac un participant, installé au premier rang. Un « fayot ! », puis des rires fusent dans la grande salle du lycée d’Alambert, à Aubervilliers (Seine-Saint-Denis), où 70 élèves un peu particuliers sont réunis cet après-midi-là. L’âge moyen est d’environ 33 ans. Et Nicolas répète devant les autres, sous le regard attentif d’une formatrice du Choix de l’école, les « gestes de l’enseignant », dans le cadre du campus d’été de cette association.

Antenne française de l’ONG américaine Teach For All, elle accompagne en France, depuis 2015, des diplômés de l’enseignement supérieur et des jeunes actifs souhaitant embrasser sur le tard l’enseignement. Au programme de ces quatre semaines intensives, on trouve des ateliers pratiques (« diriger l’attention des élèves », « donner des consignes claires »), mais aussi des initiations à la didactique dans chaque discipline (« préparer une séance », « l’apprentissage de la lecture »), ainsi que des conférences de chercheurs (« orientation et autocensure », « psychologie de l’enfant »). Des discussions avec des alumni (les anciens élèves) sont aussi organisées.

Objectif : faciliter leur entrée dans le grand bain en septembre, lorsqu’ils deviendront enseignants contractuels. « Comme en secourisme, j’ai un peu l’impression d’apprendre les “gestes qui sauvent” en classe. Il faut attendre d’être sur le terrain pour comprendre toute leur utilité et voir comment on peut les adapter », raconte Nicolas après son cours fictif de maths. Il y a quelques semaines, il était encore responsable de la sécurité incendie et sûreté d’un hôpital d’Ile-de-France, après un bac + 5 en santé du travail et hygiène industrielle.

Motivation et baisse de salaire

Lorsqu’on leur demande, à lui et à ses camarades, les raisons de leur présence ici, et de ce virage professionnel à 180 degrés, leur récit rejoint les témoignages récurrents des « bifurqueurs ». Ces jeunes issus des générations Y et Z parlent de brillantes études au lycée, qui les ont amenés, sans trop se poser de questions, dans une grande école de commerce ou d’ingénieurs, un institut d’études politiques, une belle université parfois… « Mais, au bout de quelques années à travailler, on s’aperçoit qu’on n’est pas super épanouis dans ce qu’on fait, qu’on ne comprend pas toujours le but de notre job », résume Robin, 27 ans, fraîchement débarqué d’un cabinet de conseil en ressources humaines, où il a passé quatre ans après son école de commerce.

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