Archive dans septembre 2024

« La visio m’a tuer » : Avec l’essor du télétravail, « on ne se voit plus, on se visionne »

Livre. « Ce jeudi va être un enfer. » Sébastien, consultant dans le secteur du numérique, commence sa journée en télétravail. Pas moins de douze réunions au programme, avec certains rendez-vous sur le même créneau. De 9 heures à 19 h 30, c’est un véritable marathon face caméra.

Il doit s’accommoder du « management infantilisant » d’une supérieure (« quelle est votre météo du jour ? »), régler en temps réel des problèmes de connexion, garder tant bien que mal son « self-control », apporter son expertise à un client tout en lisant les consignes de son supérieur dans un tchat, faire face à la défection soudaine d’un collègue… et trouver quelques instants pour déjeuner.

Tout s’enchaîne à vive allure. Sébastien semble parfois en apnée dans sa chambre. Il termine la journée « nerveusement à bout », « regrett[ant] presque le cahotement du RER pour se vider la tête ». Le récit de la journée de ce consultant s’intègre à une suite de saynètes directement inspirées de faits réels, proposées par Alexandre des Isnards dans son dernier ouvrage, La visio m’a tuer (Allary Editions).

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Après L’Open space m’a tuer (Le Livre de Poche, 2009) et Facebook m’a tuer (NiL, 2011), l’auteur entraîne son lecteur dans le monde du travail post-Covid-19, où le télétravail a progressé de façon exponentielle et où la visioconférence s’est imposée comme le mode de réunion par défaut. Le travail à domicile est-il la panacée ? M. des Isnards modère l’enthousiasme de ses promoteurs. Si ses protagonistes se satisfont de l’augmentation de leur temps de sommeil, ils voient s’entremêler à leur domicile vies professionnelle et personnelle.

Les multiples failles du travail en visioconférence

Les conjoints deviennent des « coworkers », dont on découvre parfois avec une certaine déception la façon d’être au travail. De même, la pression est toujours là, plus insidieuse. « Travailler hors bureau suscite la suspicion », résume l’auteur. Il faut mettre en scène son investissement et s’accommoder de la « pastille verte », cette « pointeuse des cadres » qui, sur les applications collaboratives, témoignent de votre présence.

M. des Isnards met en lumière les multiples failles du travail en visioconférence, une version désincarnée des réunions. « Les brainstormings ne sont plus, comme en présentiel, des orages de pensées. Les idées ne fusent plus (…). Les débats, eux, sont policés. » La capacité de persuasion, parfois, s’étiole. L’absence de debriefs de visu, après la réunion, apparaît également dommageable.

On devine, au fil des pages, que l’inconfort des équipes est également partagé par nombre d’entreprises. Elles peinent à trouver une organisation pertinente, adaptée à l’univers numérique et au travail à distance. Comment maintenir une cohésion entre des salariés ne se parlant plus que par écrans interposés, alors que certains sièges sont désertés ? Comme dans l’entreprise de ce jeune alternant qui, arrivant au travail, cherche désespérément un membre de son équipe pour l’épauler.

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Surtravail : « les risques d’erreurs augmentent de manière démontrée lorsqu’on ne compte pas ses heures »

Comment éviter l’épuisement, le burn-out, lorsqu’on évolue dans un milieu où le surtravail est la norme ? Pas facile de quitter le bureau à 18 heures, ni même à 21 ou 22 heures, lorsqu’on travaille dans le conseil, une banque d’affaires, une start-up… ou simplement quand on a un patron accro au travail et qui considère que chacun doit s’aligner.

Cela arrive malheureusement de plus en plus, y compris dans des administrations, voire des associations qui « œuvrent pour le bien de l’humanité ». Sans compter les indépendants, agriculteurs, médecins, artisans, dont certains ne mettent pas de limites à leur engagement. « Merci, mais non »… Qui ose faire comme Bartleby, le héros de Herman Melville, refusant, imperturbable, toute nouvelle tâche ?

L’idée n’est pas de compter ses heures en permanence au risque de renoncer à toute réussite, mais, avant le rush de la rentrée, de repérer les mécanismes intimes et les idées fausses qui peuvent pousser à accepter un rythme dangereux, voire à se l’infliger soi-même, au risque d’un burn-out dont souffrent de 5 à 10 % des actifs chaque année.

Affecte autant l’efficacité que le moral et la santé

Travailler beaucoup procure de l’adrénaline et certains ont du mal à s’en passer. Mais les risques d’erreurs, de fautes professionnelles, voire d’accidents, augmentent de manière démontrée lorsqu’on ne compte pas ses heures. La qualité du travail des cadres comme des médecins ou d’autres professionnels se trouve compromise, même s’ils croient bien faire en empiétant sur leur temps de repos.

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Un rythme effréné génère sur le long terme un épuisement chronique qui affecte autant l’efficacité que le moral et la santé. Les « bons élèves » apprennent à être performants, pas à poser des limites. Mais cette aspiration à bien faire entraîne parfois trop loin, et tout particulièrement ceux qui souffrent du « syndrome de l’imposteur » et qui, malgré leurs compétences, n’ont pas confiance en eux.

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Rien de plus facile pour un manageur habile que de profiter d’un sentiment d’insécurité en faisant des comparaisons désavantageuses, en mettant au défi de faire plus ceux qui sont fragilisés par une faille narcissique… En cas de doute, vigilance ! De nombreux salariés ont incorporé une norme du surtravail héritée de leur entourage familial et de leur scolarisation.

Elon Musk, un modèle à suivre ?

Socialisés dans un milieu où la vie professionnelle tient une place centrale, passés par des études très contraignantes, ils sont habitués à « ne pas s’écouter » et à considérer le surtravail comme normal. Avec de telles prémices, négocier leurs charges de travail ne leur vient pas à l’idée, leur vie privée peut leur sembler fade, et certains en arrivent à craindre les temps morts qui les confrontent à leur anxiété. Encore une fois, avec une telle histoire scolaire et familiale, vigilance ! Croire qu’on peut acheter en quelque sorte le droit à travailler moins par la suite en appuyant sur l’accélérateur à l’orée de sa carrière est un pari rarement gagnant.

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Dans les petites entreprises, le vieillissement des patrons joue sur la compétitivité

Au sein du technopole Sophia Antipolis, à Antibes (Alpes- Maritimes), le 20 août 2023.

Lorsque Antoine Frérot a laissé son fauteuil de directeur général de Veolia, en juillet 2022, il avait 64 ans, dont treize passés à la tête du géant de l’eau et des déchets. Auréolé du récent succès de l’OPA menée de haute lutte sur Suez, il aurait pu rester quelques années de plus. Mais il a préféré confier les commandes à son bras droit, Estelle Brachlianoff, tout en gardant la présidence.

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« C’était le bon moment. Estelle était prête, elle avait 50 ans, c’est le bon âge pour démarrer une direction générale et se projeter dans le temps long, explique-t-il. Avec le rachat de Suez, Veolia entamait une nouvelle ère et c’était important de la commencer avec à sa tête un dirigeant qui pouvait faire plusieurs mandats. Pour conduire une entreprise, il faut avoir du temps devant soi. » Mais pas trop non plus. « Au bout d’une longue période, on se renouvelle moins dans les idées à mettre en œuvre et cela peut peser sur l’entreprise si l’on n’apporte pas du sang neuf », concède-t-il.

Entre un vieux sage ou un jeune loup, finalement, qui est le meilleur patron ? La recherche académique s’est penchée sur cette question de l’âge du capitaine sans trouver vraiment de réponse définitive. Si les chercheurs démontrent que l’appétit au risque diminue à mesure que le PDG vieillit, cela présente des avantages et des inconvénients : les jeunes loups auront tendance à investir davantage, à être plus innovants, à conduire des acquisitions, ce qui leur permet d’afficher globalement une meilleure performance financière que leurs aînés, mais, en sens inverse, la probabilité qu’ils « plantent » l’entreprise est plus élevée…

« La prime à l’expérience joue à plein »

Cet arbitrage entre la performance et la sécurité, c’est le rôle du conseil d’administration, dont la mission principale est de choisir le meilleur dirigeant pour une entreprise. Et, selon les périodes, le balancier oscille dans un sens ou dans l’autre. « Depuis le Covid, la prime à l’expérience joue à plein, analyse Hervé Borensztejn, associé du cabinet de chasseurs de têtes Heidrick & Struggles. L’âge moyen des dirigeants des grandes entreprises françaises, qui avait tendance à baisser régulièrement, est remonté. Il est passé de 55 ans il y a deux ans à 57 ans. »

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« Cela peut paraître étonnant, au moment où l’arrivée de l’intelligence artificielle ou la prise en compte du réchauffement climatique pourraient favoriser l’arrivée au pouvoir d’une nouvelle génération de patrons, mais l’environnement est d’une telle complexité, sur le plan géopolitique, sociétal ou économique, que les conseils d’administration arbitrent en faveur de l’expérience et les dirigeants en place restent plus longtemps », poursuit Sylvain Dhenin, associé du cabinet.

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Souveraineté économique : « Il faut passer du changement de langage au changement de comportement »

Pierre-Marie de Berny est le fondateur et dirigeant du cabinet d’intelligence économique Vélite, qui publie pour la quatrième année d’affilée un palmarès de la souveraineté économique, classant les 40 entreprises françaises cotées au CAC 40 en fonction de leur participation à « l’augmentation et à la protection de la puissance économique de la France au bénéfice de l’ensemble de sa population et de ses territoires ». Au-delà du classement lui-même et de ses variations d’une année sur l’autre, les critères retenus et la mise en avant du thème de la souveraineté sont révélateurs du tournant qui pourrait affecter les stratégies des multinationales confrontées à la montée des tensions géopolitiques et à l’« arsenalisation » des outils de la puissance économique dans la confrontation entre blocs politiques rivaux.

A partir de quels critères peut-on « classer » les entreprises sur le sujet de la souveraineté économique ?

Nous avons utilisé 2 000 données regroupées en 62 indicateurs de troisième rang, eux-mêmes classés en 18 indicateurs de second rang, à leur tour classés en 5 indicateurs majeurs. Trois d’entre eux sont « offensifs » – ils mesurent la contribution de l’entreprise à l’augmentation de la puissance économique française : ce sont la force d’innovation technologique (moyens affectés à la R&D, dépôts de brevets, préservation et développement des savoir-faire), la capacité à améliorer ses positions dans les chaînes de valeur stratégiques (conquêtes de marché, acquisitions d’entreprises étrangères, rang mondial sur une activité critique, capacité d’investissement) et, enfin, le rayonnement de la France (réputation à l’international, promotion de la langue française, sponsoring et partenariats).

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Un quatrième est « défensif » – il mesure la capacité de l’entreprise à protéger son indépendance vis-à-vis de l’étranger (géographie de la détention du capital, nationalité du top management, capacité de résistance aux OPA, localisation des activités critiques et des solutions d’hébergement des données).

Le cinquième est « contributif » – il mesure la contribution à la vitalité économique des territoires en France et à la solidarité nationale (création d’emplois, rapports avec les sous-traitants, action sociale). Ainsi, une entreprise sera pénalisée dans le classement si elle diminue ou délocalise ses dépenses de R&D, cède une activité critique à un acheteur étranger, voit sa réputation ternie, augmente la part des dirigeants étrangers à son conseil d’administration ou à son comité exécutif, laisse croître la part de son capital flottant, confie ses données à un hébergeur étranger, diminue la part de ses effectifs en France…

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En Creuse, département le plus âgé de France, le pari du repeuplement

Sur les rives de l’étang des Landes, à Lussat (Creuse), le 20 juillet 2019.

Loin des métropoles et des littoraux surpeuplés, la Creuse se vide petit à petit. Elle compte aujourd’hui 115 700 habitants, dont 30 % affichent plus de 65 printemps, ce qui lui confère le titre peu envié de département le plus âgé de France. Les moins de 25 ans ne forment que 20 % de la population. Beaucoup partent pour faire leurs études, mais peu reviennent ensuite, malgré une qualité de vie vantée par les locaux : des forêts à perte de vue, des lacs, un riche patrimoine historique, et des prix de l’immobilier très attractifs.

La Creuse est le département le moins cher de France, devant l’Indre, selon le courtier Meilleurs Agents. On peut s’y offrir une maison pour 856 euros le mètre carré − à condition d’apprécier le « dans son jus » et de ne pas être trop regardant sur l’isolation, se murmure-t-il. « Le Covid a eu un petit effet, beaucoup de gens sont venus s’installer dans leurs résidences secondaires, note la préfète, Anne Frackowiak-Jacobs. Mais peu sont restés… » Et les prévisions ne sont guère optimistes : en 2040, le département ne comptera plus que 104 000 habitants, selon les projections de l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee).

C’est qu’attirer une population nouvelle sur un territoire, capable de relancer la natalité et d’inverser la courbe démographique, n’est pas qu’une question de prix de l’immobilier. Il faut aussi des emplois, des écoles, des transports rapides et fiables, une offre de loisirs… Or, en matière de transport, la Creuse n’a pas bénéficié de l’« effet TGV » qui a boosté d’autres départements. La ligne POLT (Paris-Orléans-Limoges-Toulouse), qui dessert seulement La Souterraine, est même réputée pour ses retards dus à un matériel roulant vétuste. La SNCF a promis une amélioration, mais pas avant 2026…

Le recrutement, un exercice de haute voltige

Côté emploi, le tableau n’est guère plus reluisant. Entre 2009 et 2019, le département a perdu 2 700 postes (− 0,6 %), à rebours de la tendance de la région Nouvelle-Aquitaine (+ 0,7 % par an), selon les données de l’Insee. A La Souterraine, le sous-traitant automobile GM&S, longtemps l’un des principaux employeurs du département, a été repris par le groupe GMD, avec moitié moins de salariés. Plus loin dans le temps, l’usine Philips Eclairage à Aubusson a fermé ses portes en 1988, alors qu’elle faisait vivre une bonne partie de la ville, avec ses 570 salariés. Moyennant quoi le secteur public au sens large (administrations, hôpitaux, médico-social…) est devenu le premier employeur local. « Les métiers liés à la formation, à l’éducation sont en baisse, alors que ce qui relève du social et de la santé progresse, décrypte Arnaud Brennetot, professeur de géographie politique à l’université Rouen-Normandie. Le vieillissement génère une activité économique en soi. »

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Sciences Po cherche désespérément la bonne direction

Depuis le décès de Richard Descoings, en 2012, l’école traverse une crise de gouvernance. Les deux derniers dirigeants ont été emportés par des scandales et l’établissement est accusé d’être le terreau d’une prétendue culture « woke » après les mobilisations en faveur de la Palestine. Des troubles qui ont dissuadé plusieurs candidats au poste de directeur, dont la désignation doit être officialisée le 20 septembre.

« Le Recrutement ne s’improvise pas » : placer le candidat au centre du jeu

Lorsque l’ancien patron d’Apple, Steve Jobs, présente l’iPod, en 2001, il ne dit pas : « Voici un baladeur muni d’un disque dur de 1,8 pouce offrant une capacité de 5 gigaoctets. » Il explique, en revanche : « Vous allez pouvoir transporter 1 000 chansons dans votre poche. » « D’un côté, une formulation tournée vers le produit, de l’autre une formulation tournée vers le client », résume Nicolas Galita, formateur au sein de l’Ecole du recrutement. Parce que les recruteurs sont aussi des vendeurs, ils doivent, à ses yeux, mettre en valeur les bénéfices concrets d’un changement de poste.

Il vaut ainsi mieux décrire concrètement l’ambiance qui attend la future recrue que de lui expliquer que l’« entreprise est à taille humaine ». Placer les candidats au cœur de son discours : c’est l’une des clés d’un recrutement réussi pour M. Galita, qu’il expose dans son dernier ouvrage, Le Recrutement ne s’improvise pas (Eyrolles).

Au fil des pages, l’auteur décrypte de façon minutieuse les différentes étapes d’un processus de recrutement (prospection, évaluation…). Il insiste sur la nécessité d’une démarche structurée, portée par des connaissances scientifiques.

Pour ce faire, il propose nombre de méthodes. Comment préparer puis mener un entretien structuré comportemental ? Comment définir les critères de recrutement qui seront les plus importants ? Quelles sont les différentes approches de la négociation, lorsque la question de la rémunération et des avantages s’impose dans la discussion ?

Préserver la marque employeur

Des points très pratiques sont faits régulièrement, par exemple sur les techniques de sourcing et l’art d’effectuer les bonnes requêtes sur Internet (le bon usage des guillemets ou des astérisques peut s’avérer précieux). M. Galita détaille également les accroches et relances les plus efficaces pour susciter l’intérêt d’un professionnel que l’on « chasse », mais aussi les questions à éviter en entretien, comme : « Parlez-moi de vous » ou : « Si vous aviez un superpouvoir, lequel choisiriez-vous et pourquoi ? » « Tout ce que cette question mesure, c’est l’habitude d’y répondre », assure-t-il.

Placée au cœur de sa réflexion, la relation avec les candidats doit être soignée. Par respect pour eux, mais aussi dans l’intérêt de l’entreprise recruteuse. Une étape de préqualification téléphonique pourra, par exemple, être réalisée en amont des entretiens, afin de détecter au plus tôt d’éventuels « critères rédhibitoires » (périmètre du poste, salaire, lieu, conditions de travail…). Un gain de temps pour le postulant… et pour le recruteur.

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« Le dilemme » : est-il immoral de se mettre volontairement au chômage ?

« Je ne veux plus de passager clandestin dans notre système social : il est fait pour protéger les Français, pas pour permettre à certains de vivre à ses crochets », écrivait sur son site notre nouveau premier ministre, Michel Barnier, en 2021, dans un texte qui appelait à « retrouver l’honneur du travail ». Le refrain est familier : « Le choix de ne pas travailler n’est pas pénalisé en France », estimait le député (Renaissance) de Paris Sylvain Maillard sur Franceinfo, en avril. Avant eux, au sein parti Les Républicains (LR), Laurent Wauquiez, , dénonçait, en 2017, les agents de Pôle emploi, qui conseilleraient aux chômeurs de « profiter de la vie ».

Manipulée politiquement, la figure du « chômeur volontaire » est censée incarner un système qui « marche[rait] sur la tête », selon la formule de l’ex-député (Renaissance) de Seine-Maritime Damien Adam, qui s’en prenait pour sa part, en 2017, à « ces chômeurs qui partent en vacances aux Bahamas ». La centralité de ce fantasme dans le débat public demeure, bien qu’il soit largement démenti par la réalité du drame social que représente le chômage (rappelons que le montant de l’indemnité moyenne, en 2023, était de 1 265 euros brut).

Une fois admise sa marginalité réelle, établie par une multitude de recherches, prenons au mot l’idée du chômage volontaire : crée-t-il nécessairement des « passagers clandestins » du système ? Abuse-t-on de la solidarité nationale quand on décide de se mettre au chômage ?

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« Absolument pas, répond Yann Gaudin, ancien conseiller Pôle emploi devenu lanceur d’alerte. Parfois, il est urgent de ne pas rester à souffrir en emploi. Un long arrêt maladie qui se termine par un licenciement pour inaptitude est plus coûteux pour la société. »

Légalement, l’entrée au chômage n’est d’ailleurs pas forcément involontaire : une rupture conventionnelle y donne droit, comme une rupture de CDD d’un commun accord. Ce qui est exigé du demandeur d’emploi – le vocable est explicite – est qu’il recherche activement un travail. Mais même le chômeur, n’en déplaise à M. Adam, a le droit de partir en vacances, jusqu’à trente-cinq jours par année civile, l’équivalent des cinq semaines de congés payés d’un salarié. « Là où c’est immoral, c’est lorsqu’on se met au chômage pour prendre des vacances prolongées », estime encore M. Gaudin. Et par vacances, il n’entend pas « repeindre sa maison, par exemple, qui est une forme de travail, pour lequel d’autres peuvent être payés », mais oisiveté.

En France, le « devoir de travailler » est inscrit dans le préambule de la Constitution de 1946. Mais il n’est pas défini juridiquement. Et de quel travail s’agit-il ? Doit-il être nécessairement salarié ?

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Santé au travail : « faire parler » les data pour améliorer la prévention

Dans le secteur aérien, certaines compagnies confient de manière épisodique des bracelets connectés à des membres d’équipage volontaires. Les capteurs qu’ils contiennent permettent de suivre avec précision l’enchaînement de leurs phases d’activité et de repos. Grâce aux données collectées, il sera également possible d’analyser leur sommeil durant les nuits suivant une rotation avec décalage horaire.

Avec ces campagnes d’actimétrie, les entreprises du secteur poursuivent un objectif : estimer le plus finement possible le niveau de fatigue des équipes et les risques qui peuvent lui être associés. « Si ce niveau est jugé trop important, nous pourrons faire évoluer la façon dont nous opérons le vol, explique un commandant de bord qui a souhaité garder l’anonymat. Il sera par exemple décidé d’augmenter le temps de repos en escale, de rajouter un pilote dans l’équipage ou encore de changer d’hôtel afin de diminuer le temps de trajet depuis l’aéroport. »

L’exploitation des « data » (données) au service de la santé et de la sécurité des salariés ? C’est déjà une réalité dans le secteur de l’aviation. L’heure est en revanche seulement aux expérimentations dans la plupart des autres secteurs d’activité. Elles laissent entrevoir des applications prometteuses grâce, en particulier, au développement exponentiel des capacités de l’intelligence artificielle (IA). « Dans des environnements dangereux, un système d’IA entraîné avec des données captées à l’occasion d’accidents peut permettre d’anticiper des situations à risque », indique Yann Ferguson, sociologue à l’Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique.

Autre voie explorée par la recherche : le développement d’équipements de protection individuelle connectés capables d’effectuer des mesures régulières de paramètres physiologiques des salariés (fréquence cardiaque, température corporelle…). Ces solutions permettent de donner l’alerte, en temps réel, en cas de fatigue ou de perte de vigilance du travailleur. De même, grâce à des capteurs, des données biométriques peuvent être analysées lors de certains mouvements ou ports de charge (avec la capacité de prendre en compte le cumul de poids porté) et prévenir l’apparition de troubles musculosquelettiques ou de lésions.

Avec prudence et attention

Autant d’applications qui pourraient s’implanter dans les entreprises dans les années qui viennent. Quelques étapes restent toutefois à franchir pour assurer leur déploiement optimal. « Il y a encore des problèmes de fiabilité », note M. Ferguson. Les systèmes d’aide à la décision vont souvent être paramétrés pour que l’utilisateur ne puisse pas passer à côté d’un risque. Résultat : ils vont parfois générer des “faux positifs”. » Des fausses alertes qui peuvent avoir un coût pour l’entreprise, la prédiction d’un risque d’accident pouvant entraîner l’arrêt de l’activité.

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