« Nous ne percevons pas d’urgence à la mise en œuvre d’une nouvelle réforme de l’indemnisation du chômage »
La ministre du travail, Catherine Vautrin, a annoncé, le 17 mai, les grandes lignes proposées par l’exécutif pour réformer à nouveau l’assurance-chômage, reprenant ainsi la main aux organisations syndicales et patronales.
L’objectif fixé à l’évolution des règles est l’atteinte du plein-emploi. Le lien ainsi fait entre réforme des droits à indemnisation et plein-emploi tient en deux hypothèses. Premièrement, les règles d’indemnisation du chômage auraient un effet majeur sur les comportements des demandeurs d’emploi en matière de reprise d’une activité professionnelle. Deuxièmement, une accélération du retour au travail des chômeurs aurait un effet majeur sur le volume d’emplois disponibles.
Si elles peuvent paraître vraisemblables, ces deux hypothèses n’ont en réalité rien d’évident : les comportements de recherche d’emploi et d’embauche ont bien d’autres déterminants que les règles d’indemnisation du chômage (besoins de l’économie, formation, situations personnelles).
De même, une accélération du retour à l’emploi peut certes se traduire par une baisse du chômage, mais celle-ci peut être de courte durée en raison d’une modification des conditions de rotation de la main-d’œuvre (contrats plus courts, moins bonne adaptation entre les missions du poste et les compétences des salariés, allers-retours plus fréquents entre emploi et chômage). Entre différents mécanismes possibles aux effets potentiellement contradictoires, seule une analyse précise du marché du travail peut permettre de trancher.
Délai incompressible
Or, le marché du travail français vient de connaître des réformes majeures dont les effets sur l’emploi ne sont pas encore évalués. Les effets sur le niveau d’indemnisation sont certes connus (baisse du nombre d’indemnisés et de l’indemnisation moyenne) ; il existe quelques indices de changements sectoriels (notamment dans le cas des saisonniers). Mais les effets d’ensemble sont encore à déterminer.
Or, des évaluations de la réforme 2019-2021 sont précisément en cours. Commandées par le ministère du travail, elles sont réalisées par des équipes de chercheurs indépendants, sous le contrôle d’un comité scientifique chargé d’en attester la qualité. Les caractéristiques de l’assurance-chômage expliquent un délai incompressible de plusieurs mois pour que les données soient disponibles avant de pouvoir être analysées. La publication des premiers résultats est prévue à la fin de l’année 2024.
La nécessité de réaliser des évaluations avait été présentée comme un élément central au moment de la discussion de la loi sur l’assurance-chômage. Bien sûr, la politique publique a son autonomie propre et ne nécessite pas toujours une validation scientifique préalable, mais une action publique raisonnée, tout comme le débat démocratique, ne peut se satisfaire d’une accumulation successive de réformes dans un temps très court, sans même prendre le temps de tirer les enseignements des réformes précédentes.
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