Archive dans 2023

Intimité, emploi, climat… comment imaginer un monde en transition ?

Du 21 au 26 mars, plus de 20 000 festivaliers ont participé au festival Nos futurs. L’occasion de donner la parole à la jeunesse, d’interroger des personnalités, de débattre. Retrouvez les cinq rencontres animées par « Le Monde Campus » autour du climat, de l’emploi, de la justice sociale, de l’intimité et des médias, en version podcast. Parmi les invités, des personnalités engagées – Lauren Bastide, Lucie Pinson, Léa Falco… –, des experts – Dominique Méda, Isabelle Clair, Claire Sécail… –, des journalistes – Fabien Namias, Bruno Patino, Paloma Moritz… Des échanges à découvrir dans la saison 2 du podcast « Nos futurs, la parole à la relève ».

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1. Urgence écologique : peut-on renouer le dialogue ?

De la soupe jetée sur des tableaux, des mains collées au bitume, des routes bloquées… A l’heure de la crise climatique, l’écoanxiété et la défiance vis-à-vis des institutions poussent jeunes et militants à agir, parfois radicalement, pour interpeller l’opinion et faire changer le système. Face à l’inertie des politiques et aux discours jugés trop théoriques, l’action est devenue, aux yeux de certains, la seule façon d’agir. Est-ce vraiment la seule solution pour faire prendre conscience de l’urgence ? Le temps de la pédagogie est-il révolu ? Dialogue et collaboration sont-ils encore possibles ?

Avec la participation de :

  • Anne-Iris Espinat Dief, citoyenne soutenant Dernière rénovation,
  • Paloma Moritz, journaliste-réalisatrice, responsable de la rubrique écologie du média Blast,
  • Vincent Dubreuil, géographe, spécialiste des interactions climat-activités humaines et coprésident du Haut Conseil breton pour le climat (HCBC),
  • Ludovic Brossard, élu de la ville de Rennes, délégué à l’alimentation durable et l’agriculture urbaine, vice-président du Comité syndical de la collectivité eau du bassin rennais, chargé de l’adaptation au changement climatique,

avec la participation à distance de Corinne Lepage, avocate et ancienne ministre de l’environnement.

2. Emploi : comment trouver sa place, entre conviction et réalité

Faire du vélo pour aller au travail, manger bio, limiter les déplacements en avion, boycotter les vêtements fabriqués de l’autre côté de la planète… Autant de gestes en adéquation avec un mode de vie qui contribue aux enjeux de la transition écologique. Mais lorsqu’on entre sur le marché du travail, comment trouver un emploi qui réponde à ses convictions ? Comment éviter les désillusions ? Tous les jeunes sont-ils concernés par cette quête de sens ? Comment les écoles et les entreprises s’adaptent-elles aux attentes de ces jeunes engagés ?

Avec la participation de :

3. Violences faites aux femmes : pourra-t-on un jour y mettre fin ?

Tous les trois jours, une femme meurt sous les coups d’un homme qu’elle connaissait. Les violences sexistes et sexuelles font partie du quotidien. Avec le mouvement #metoo, la parole s’est libérée, mais les actes continuent et sont peu condamnés. Pourquoi une telle impunité ? Pourquoi ces violences sont-elles si ancrées dans notre société ? Comment mieux prendre en charge les victimes ? Que faire des agresseurs ?

Avec la participation de :

  • Ghada Hatem-Gantzer, médecin-cheffe de la Maison des femmes à Saint-Denis (93),
  • Elisabeth Lusset, chargée de recherche au CNRS en histoire, autrice du Dictionnaire du fouet et de la fessée. Corriger et punir (PUF),
  • Mathieu Palain, journaliste, auteur de Nos pères, nos frères, nos amis (Les Arènes) et du podcast « Des hommes violents »,
  • Isabelle Steyer, avocate, spécialiste du droit des femmes et des enfants victimes de violences physiques.

4. Sexualité, amitié, couple : comment réinventer l’intimité dans notre société patriarcale

Remise en question du couple, des formes de domination, visibilisation d’autres types de relations…, des voix s’élèvent pour déconstruire les relations intimes que nous connaissons, avec, dans le viseur, la société patriarcale et la domination masculine.

Doit-on repenser l’intimité pour lutter contre les inégalités femmes-hommes ? Faut-il aller jusqu’à remettre en question l’hétérosexualité ? Le chassé-croisé amoureux permet-il d’être plus heureux ? Quels autres modèles sont possibles ?

Avec la participation de :

  • Camille Aumont Carnel, autrice de #Adosexo. Le guide d’éducation sexuelle de référence ! et créatrice du compte Instagram @jemenbatsleclito,
  • Lauren Bastide, journaliste, créatrice du podcast « La Poudre »,
  • Isabelle Clair, sociologue, directrice de recherche au CNRS au sein de l’Institut de recherche interdisciplinaire sur les enjeux sociaux (à l’Ehess),
  • Thomas Messias, enseignant et journaliste, créateur du podcast « Mansplaining »,
  • Louise Morel, autrice de Comment devenir lesbienne en dix étapes (Hors d’atteinte).

5. Clashs, boulimie d’infos, sujets anxiogènes : comment la violence médiatique nous touche

Emissions clivantes, insultantes, informations déprimantes et qui tournent en boucle, images choquantes… les médias sont parfois considérés comme violents. Violents dans les paroles, les images et l’information qu’ils diffusent. Selon un sondage OpinionWay, 87 % des Français ont également le sentiment que les médias privilégient davantage la polémique que le débat constructif. Pourquoi un tel sentiment ? Quelles sont les conséquences de cette violence médiatique ? Côté public, comment la gérer ? Comment limiter cette fatigue informationnelle ? Les médias peuvent-ils proposer un autre modèle ?

Avec la participation de :

« Nos futurs, la parole à la relève », un podcast réalisé par Le Monde, en partenariat avec Les Champs Libres, Sciences Po Rennes, la métropole de Rennes. Enregistrement : Jean-Paul Cupif. Montage et mixage : Joséfa Lopez et Eyeshot. Production éditoriale et animation : Joséfa Lopez et Alice Raybaud pour Le Monde. Identité graphique : Mélina Zerbib, Solène Reveney. Partenariat : Sonia Jouneau, Victoire Bounine, Morgane Pannetier.

Le gouvernement prépare une loi sur le travail pour tenter de tourner la page des retraites

Lors d’une manifestation contre le projet de réforme des retraites, à Montfort-sur-Meu (Ille-et-Vilaine), le 28 mars 2023.

Renouer le fil du dialogue social et atteindre le plein-emploi, l’objectif du quinquennat. Voilà l’ambition de la nouvelle séquence que veut ouvrir l’exécutif alors que celle des retraites n’est pas encore terminée. Car si le gouvernement reste suspendu à la décision du Conseil constitutionnel, qui doit intervenir le 14 avril, il veut déjà passer à l’après.

Pour tourner la page tumultueuse de la réforme des retraites, l’exécutif compte mettre le sujet du travail sur la table. En discutant du sens qu’on lui donne, des conditions dans lesquelles on l’exerce et de la rémunération. Si les organisations syndicales, qui doivent être reçues à Matignon mercredi 5 avril, répètent toutes qu’il aurait été plus judicieux d’en faire un préalable à la question des retraites, le gouvernement veut leur envoyer des signaux positifs.

Le premier viendrait d’un texte retranscrivant fidèlement et rapidement l’accord national interprofessionnel conclu entre les organisations patronales et syndicales – la CGT ne l’a pas signé – en février sur le partage de la valeur. Le vecteur législatif n’est pas encore arrêté même si la tendance est à une proposition de loi présentée par le député Renaissance de Saône-et-Loire Louis Margueritte. « L’objectif est de montrer que le dialogue social fonctionne encore, mais c’est aussi de montrer ce que ça va apporter concrètement aux Français », explique celui qui est également corapporteur d’une mission d’information sur le partage de la valeur qui doit être rendue le 12 avril.

« L’objectif de plein-emploi »

La seconde étape, bien plus dense, est un nouveau projet de loi sur le travail pour remplir « l’objectif de plein-emploi » fixé par Emmanuel Macron, a annoncé le ministre du travail, Olivier Dussopt, sur Sud Radio, le 21 mars. C’est pour atteindre un taux de chômage autour de 5 % que l’exécutif veut réformer le revenu de solidarité active (RSA), dans le cadre de la création de France Travail, futur service public de l’emploi. La volonté du chef de l’Etat de conditionner le RSA à une quinzaine d’heures d’activité hebdomadaires risque de crisper les syndicats. Pour apaiser les tensions, l’exécutif compte sur des mesures susceptibles de faire consensus, telles que la mise en place d’un compte épargne-temps universel. Le salarié aurait ce compte tout au long de sa carrière afin de pouvoir faire des pauses professionnelles, partir plus tôt à la retraite ou se reconvertir.

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Concernant le travail des seniors, le gouvernement souhaite alourdir les indemnités en cas de rupture conventionnelle pour les plus de 55 ans afin de contraindre les entreprises à les garder. Une réflexion est également menée sur une prime de retour à l’emploi pour les seniors sans emploi. D’autres mesures concerneront l’amélioration des conditions de travail et la possibilité d’élargir le droit à l’assurance-chômage pour les démissionnaires est dans les cartons.

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Un immeuble de standing ne se débarrasse pas de sa concierge si facilement

Dans les copropriétés, la question de la suppression du poste du (ou de la) concierge suscite souvent des frictions, entre occupants âgés, qui tiennent à la présence permanente d’une personne dans l’immeuble, en considérant qu’elle contribue à la sécurité des lieux, et les nouveaux venus, souvent plus jeunes, qui préfèrent s’en passer pour faire des économies.

La loi Boutin, de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion, adoptée le 25 mars 2009, puis la loi ALUR (pour l’accès au logement et un urbanisme rénové), adoptée le 24 mars 2014, ont précisé les règles de vote, auparavant régies par la jurisprudence.

Elles imposent une majorité « qualifiée » (représentant au moins les deux tiers des voix) pour supprimer le poste de concierge, à condition que cette suppression ne porte atteinte ni au standing de l’immeuble – la « destination » en termes juridiques – ni « aux modalités de jouissance des parties privatives ». Dans le cas contraire, il faut toujours l’unanimité, comme le rappelle l’affaire suivante.

Le 29 novembre 2016, l’assemblée générale d’une copropriété située à Paris, place Adolphe-Max, dans le 9arrondissement, vote la suppression du poste de la gardienne – celle-ci devant partir à la retraite –, à la majorité des deux tiers des voix. Pour compenser la perte de ce poste, elle décide l’embauche d’un salarié à temps partiel, catégorie A, et annule une précédente résolution qui prévoyait la rénovation de la loge.

Lire aussi : Copropriété : menace sur le poste de concierge

Mme X, copropriétaire (non occupante), qui a voté contre ces deux résolutions, assigne aussitôt le syndicat des copropriétaires, ainsi que son syndic, la société Foncia Laporte, pour les faire annuler. Elle affirme que celle qui concerne la suppression du poste aurait dû être adoptée à l’unanimité.

En effet, fait valoir son avocat, le règlement de la copropriété, daté du 4 novembre 1957, prévoit que « les services communs de l’immeuble seront assurés par une concierge », qui aura « les attributions de la catégorie normale définie par l’accord de salaires du 30 mars 1951 et recevra la rémunération prévue par ledit accord ».

« Pierre de taille »

Or, lorsque l’existence d’un gardien est ainsi prévue par le règlement de copropriété, la suppression de son poste requiert l’unanimité, sauf si les solutions de substitution mises en place offrent des avantages « strictement équivalents ».

Lire aussi : Copropriété : quel vote pour la suppression du poste de concierge ? (1)

Mme X soutient que ce n’est pas le cas : la gardienne assurait le portage à domicile du courrier et des colis – nul besoin de descendre à la boîte chercher ses lettres, ou d’aller à la poste récupérer ses colis. Comme elle gardait un double des clés, elle pouvait ouvrir aux ouvriers devant faire des travaux. Vu qu’elle logeait sur place, elle pouvait surveiller les allées et venues suspectes.

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Credit Suisse-UBS : « la fusion va accroître la saignée dans les effectifs, en faisant apparaître des redondances »

Le nouveau PDG d’UBS, Sergio Ermotti, lors d’une conférence de presse, à Zurich, le 29 mars 2023.

Cent vingt-deux mille salariés dans le monde, c’est trop, beaucoup trop. Revenu dans son ancienne maison, le nouveau PDG d’UBS, Sergio Ermotti, s’apprête à tailler dans le vif, après l’acquisition pour 3 milliards d’euros – sous la pression des autorités helvétiques – de Credit Suisse, au bord de la faillite. De 25 000 à 36 000 postes, soit de 20 % à 30 % des employés, du nouveau mastodonte bancaire pourraient être supprimés, a avancé, dimanche 2 avril, l’hebdomadaire zurichois SonntagsZeitung, citant des sources internes anonymes.

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Tous les licenciements ne sont pas imputables à l’opération, puisque la banque en faillite prévoyait déjà 9 000 suppressions de postes avant l’opération, résultat d’une mauvaise gestion depuis plusieurs années.

Mais la fusion va accroître la saignée, en faisant apparaître des redondances : leurs agences sont voisines au cœur de nombreuses villes, à l’image des sièges des deux banques situées côte à côte sur la Paradeplatz de Zurich. Les employés de Credit Suisse sont les plus menacés, selon les syndicats, qui réclament un plan de sauvetage. « L’enjeu est colossal pour ses 17 000 employés en Suisse », soulignait l’Union syndicale suisse, au lendemain de la fusion.

10 % du produit intérieur brut

Le choc social s’est doublé, dimanche, d’une secousse judiciaire. Le parquet fédéral a annoncé l’ouverture d’une enquête sur d’éventuelles irrégularités lors du mariage forcé. « Il s’agit d’analyser et d’identifier toute infraction pénale qui pourrait relever de [sa] compétence », a-t-il expliqué dans un courriel transmis à l’AFP. L’enjeu est, là aussi, très important pour la Confédération helvétique, dont l’industrie financière (banques, compagnies d’assurances et de réassurances…) pèse près de 10 % du produit intérieur brut. La justice veut s’assurer que la place financière suisse reste « propre ».

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Les choses se sont améliorées au « paradis » suisse, moins opaque depuis la fin annoncée du secret bancaire en 2009, exigée par le G20 et l’Organisation de coopération et de développement économiques, et l’entrée en vigueur de l’échange automatique de données en 2018. De multiples scandales, dont beaucoup remontent aux années 2000, ont trouvé un épilogue judiciaire en Europe et aux Etats-Unis. Ils impliquaient très souvent les deux géants de la gestion de fortune.

Le dernier remonte à décembre 2021 : UBS devra payer 1,8 milliard d’euros d’amendes, dont 800 millions à la France, pour démarchage bancaire illicite et blanchiment de fraude fiscale aggravé. Dans ces opérations mains propres, on a le désagréable sentiment que ce sont finalement les employés qui paient la facture.

Crise au « Canard enchaîné » : le lanceur d’alerte Christophe Nobili convoqué à un entretien préalable à un licenciement

A Paris, en février 2017.

Si Christophe Nobili s’avise de se présenter au Canard enchaîné, lundi matin, ce sera uniquement pour exercer ses mandats de délégué syndical (SNJ-CGT) et d’élu au comité social et économique (CSE). Le journaliste, lui, a été mis à pied à titre conservatoire, vendredi 31 mars, et s’est vu adresser une lettre de convocation à un entretien préalable à un éventuel licenciement, a appris Le Monde de source interne. Un CSE extraordinaire a été convoqué vendredi prochain, afin de soumettre ce projet à consultation, comme le veut la procédure quand un salarié est délégué syndical. Son salaire est suspendu.

Pour rappel, l’enquêteur a déposé plainte contre X, début mai 2022, pour abus de biens sociaux et recel d’abus de biens sociaux, après avoir découvert que sa direction avait rémunéré l’épouse du dessinateur André Escaro pendant plus de vingt ans, sans travail réel en échange. Il a fait le récit de sa découverte, et de sa démarche, dans un livre, Cher Canard. De l’affaire Fillon à celle du Canard enchaîné, paru aux éditions JC Lattès début mars.

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« Une mise à pied conservatoire ? Une suspension de salaire ? C’est le traitement que l’on réserve généralement à ceux qui ont piqué dans la caisse ou qui se sont rendus coupables de violences physiques ou de harcèlement !, s’insurge Christophe Nobili dimanche soir. Ce n’est pas le traitement qu’on attend d’un journal comme Le Canard vis-à-vis d’un lanceur d’alerte. »

« Une sanction totalement disproportionnée »

Avant de déclencher une action judiciaire en effet, M. Nobili s’était placé sous le statut de lanceur d’alerte, et s’était fait élire délégué syndical dans l’espoir de protéger son emploi. En vain, semble-t-il. Dimanche en fin d’après-midi, le comité d’administration du journal a envoyé un e-mail à tous les salariés, pour les informer d’une « décision difficile », prise « à l’unanimité ». Elle fait suite à « la parution de son livre, et ses multiples déclarations à la presse et dans les autres médias, en violation tant de la convention collective des journalistes que de la charte déontologique du Canard », annonce le courrier. Cette procédure vise à « installer la terreur et [à] intimider mes soutiens », assure encore M. Nobili.

Les membres de la cellule syndicale que le journaliste a montée au journal au cours de l’hiver 2021-2022 s’insurgent, dans un texte que Le Monde a consulté, contre ce qu’ils considèrent comme « une sanction totalement disproportionnée, qui témoigne d’une violence symbolique hors de propos, et qui fait courir le risque de commettre une grave injustice à son égard ». Regrettant que cette décision « risque de nuire encore davantage à l’image du journal, notamment auprès de son lectorat », le communiqué, déjà signé par dix-neuf personnes dimanche en début de soirée, ajoute : « En recourant ainsi à des méthodes patronales, pourtant dénoncées à longueur de colonnes, pour faire taire l’homme par qui le scandale arrive, la direction prend le risque de rester dans l’Histoire comme celle qui aura transformé Le Canard en une entreprise comme les autres. » Contacté, le directeur général délégué et directeur de la publication, Nicolas Brimo, s’est refusé à tout commentaire.

Au Québec, une nouvelle loi va encadrer le travail des enfants

D’ici à quelques semaines, les enfants de 11, 12 ou 13 ans, qu’il n’est pas rare de rencontrer à Montréal derrière un comptoir d’épicerie ou dans les rayons des supermarchés où ils rangent des cartons, auront disparu de leur poste de travail. Le gouvernement québécois a en effet déposé, mardi 28 mars, un projet de loi fixant à 14 ans l’âge minimal pour occuper un emploi.

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Le texte prévoit néanmoins quelques exceptions, sous réserve de l’accord des parents : les plus jeunes pourront notamment continuer d’effectuer du baby-sitting, d’apporter de l’aide aux devoirs, de faire de l’animation dans des colonies de vacances ou encore d’« aider aux petits travaux dans l’entreprise familiale », tel le ramassage de pommes à l’automne.

Le ministre du travail, Jean Boulet, a par ailleurs fixé à dix-sept heures le nombre maximal d’heures hebdomadaires qu’un enfant âgé de plus de 14 ans pourra consacrer à une activité rémunérée, dont dix heures pendant les jours de la semaine où il est à l’école. « Jusqu’à un certain nombre d’heures, le travail est bénéfique pour les enfants, pour leur confiance en eux, pour le développement d’habiletés et de compétences. Mais au-delà d’un certain nombre d’heures, ça devient difficile et ça affecte leur parcours scolaire », a expliqué le ministre lors de la présentation de son texte.

Risques de décrochage scolaire

Le Québec restait l’une des rares provinces canadiennes où il n’y avait pas d’âge minimal requis pour commencer à travailler, quand, sur la côte Pacifique du pays, la Colombie-Britannique, par exemple, avait relevé en 2021 ce seuil de 12 à 16 ans.

Imprégnés de la culture nord-américaine qui valorise l’autonomisation des enfants à travers le travail, les jeunes Québécois, tous milieux sociaux confondus, sont depuis longtemps habitués à ces petits jobs leur permettant de gagner un peu d’argent de poche, mais aussi, assurent certains parents, d’« acquérir un savoir-être et savoir-vivre » qui leur seront utiles à l’heure de leur entrée définitive dans la vie active. Cependant, la pénurie de main-d’œuvre, qui s’est accrue depuis la pandémie de Covid-19, avec 240 000 postes vacants dans la province, et un taux de chômage de 3,9 % (en janvier) ont accentué la pression des employeurs sur cette main-d’œuvre bon marché.

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Selon la dernière « Enquête québécoise sur la santé des jeunes du secondaire », datée de 2017, 46 % des élèves en classe de 5e, soit âgés d’environ 12 ans, travaillent pendant l’année scolaire. Aux risques de décrochage scolaire régulièrement dénoncés notamment par la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse du Québec sont venus s’ajouter des chiffres inquiétants sur les conditions de travail des plus jeunes. De 2017 à 2021, le nombre de lésions professionnelles reconnues par la Commission sur la sécurité du travail est passé de 10 à 64 par année pour les enfants de 14 ans et moins, soit une augmentation de 540 %.

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« L’intelligence artificielle générative crée plus de métiers qu’elle n’en élimine »

L’exceptionnelle accélération des progrès de l’intelligence artificielle (IA) et la rapidité fulgurante de son adoption par des millions de gens en un temps record, grâce notamment à ChatGPT et au lancement de GPT-4, une nouvelle version sortie à la mi-mars avec des améliorations considérables, amènent de nombreux observateurs à poser à nouveau une brûlante question : est-ce que l’IA remplacera, déplacera ou créera de nouveaux emplois ?

Au début 2023, la vague d’environ 200 000 licenciements qui a touché le secteur de la technologie aux Etats-Unis, notamment dans la Silicon Valley, a été attribuée à la crise économique et géopolitique mondiale, et au surrecrutement intervenu pendant et juste après la pandémie du Covid-19. L’IA était donc hors de cause.

Mais, d’ici à 2025, estime le Forum économique mondial, l’IA remplacera quelque 85 millions d’emplois, tandis que 97 millions de nouveaux emplois seraient créés sur la même période grâce à l’IA. Selon le cabinet de conseil PwC, l’IA sera responsable d’une augmentation de 14 % du produit intérieur brut de l’Amérique du Nord d’ici à 2030.

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Sam Altman, président d’OpenAI, l’entreprise qui a développé ChatGPT, s’inquiète de la rapidité avec laquelle certains emplois seraient remplacés dans un proche avenir. Une nouvelle étude d’OpenAI publiée en mars estime que ChatGPT et les futurs outils « génératifs » qui en dérivent pourraient avoir un impact sur la moitié des tâches accomplies par environ 19 % des travailleurs aux Etats-Unis. Et 80 % verraient au moins 10 % de leurs tâches affectées par ChatGPT.

De nouvelles compétences

Rappelons toutefois que l’utilisation d’outils logiciels comme Excel a rendu le travail des comptables plus efficace, leur permettant de se concentrer sur des tâches plus complexes qui nécessitent leur expertise spécifique. Excel n’a pas réduit le besoin de comptables, mais a amélioré leur efficience. Et le nombre de comptables a augmenté aux Etats-Unis.

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En réalité, l’adoption généralisée de l’IA exigera de nouvelles compétences techniques et non techniques. L’IA générative a un impact visible dans les domaines créatifs tels que la musique, l’art et l’écriture. Ce qui crée de nouveaux rôles, tels que ceux de spécialiste du contenu généré par l’IA, conservateur d’art IA et producteur de musique IA. Un autre domaine exigeant de nouvelles compétences est celui des services commerciaux, notamment avec les chatbots [robot conversationnel en ligne] et les assistants virtuels alimentés par l’IA.

L’IA générative change aussi la nature des emplois existants. Par exemple, les comptables peuvent maintenant utiliser des systèmes alimentés par l’IA pour automatiser de nombreuses tâches, libérant ainsi du temps pour d’autres tâches plus stratégiques. De même, les médecins peuvent utiliser des systèmes alimentés par l’IA pour analyser les données des patients et identifier les risques potentiels pour la santé. L’impact est aussi très significatif dans le monde du droit.

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« J’ai découvert le quotidien monotone et déshumanisé de la vie d’un jeune cadre dynamique dans une grande banque »

La première fois que j’ai compris que « la vie active » d’un jeune cadre dynamique serait en fait un quotidien monotone, aliénant et vide de sens, c’était en septembre 2021, en obtenant une alternance dans la finance au sein d’un grand groupe bancaire, premier dans le financement des énergies renouvelables (ENR).

Lorsque j’intègre le département, je vois cette opportunité comme un challenge. En tant qu’ingénieur diplômé de l’institut polytechnique UniLaSalle Beauvais en géologie et déjà avancé dans une prise de conscience écologique, me voilà idéalement placé pour « changer les choses de l’intérieur ». Je travaille sur le biogaz, une filière naissante à laquelle je crois beaucoup.

Disons que je suis dans le bon wagon, car dans le bâtiment d’en face la même banque finance les projets climaticides de grands groupes pétroliers. D’ailleurs, selon un récent classement, ma banque est le troisième plus gros financeur des énergies fossiles en France… « Changer les choses de l’intérieur » revient en fait à contribuer à l’enrichissement d’une institution qui alimente la source du problème climatique en même temps qu’elle en développe les alternatives. Si on reprend l’image de la maison qui brûle, la boîte pour qui je bosse finance donc à la fois les pompiers et les pyromanes.

Au-delà du paradoxe écologique, ces dix-huit mois passés au siège m’ont donné à voir un quotidien que j’ai trouvé profondément monotone et déshumanisé. J’ai travaillé au sein d’un immense campus composé de dix mille banquiers ; tous vêtus d’habits cintrés aux couleurs foncées. Un endroit impeccable, comparable à un grand village des Sims, à la pointe de la modernité, où rien ne manque. En fait, j’ai évolué dans un environnement incroyablement confortable, d’où se dégage une sorte de neutralité ambiante assez oppressante.

Chaussures à talonnettes et pause de midi

L’avantage avec ce quotidien répétitif, c’est qu’il est facile à décrire. Le mien, comme celui de mes collègues, consistait à être assis derrière un ordi, dans un grand open space et à alterner entre travail sur Excel et appels en visio. Comme tout le monde, j’avais des chaussures à talonnettes qui font du bruit dans les couloirs. Comme tout le monde, mes moments d’interactions sociales se réduisaient essentiellement à la pause de midi.

Rapidement, j’ai ressenti comme un grand vide, dans cette ambiance si aseptisée. J’ai d’ailleurs listé quelques éléments. Il y a, par exemple, la volonté de tout quantifier, qui aboutit à la création d’indicateurs absurdes, comme « atteindre les 100 % d’excellence relationnelle » comme si les relations humaines pouvaient être quantifiées. Je pourrais aussi parler du langage « corporate », ou du management très vertical, voire infantilisant. Je suis évidemment conscient que tout milieu social ou professionnel implique des concessions. Mais cela devient alarmant quand celles-ci se font au détriment des individus eux-mêmes.

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Chez les ex-salariés de Camaïeu, un traumatisme encore à vif

Dans le centre ville de Montbéliard (Doubs), le 1e mars 2023.

En l’espace de six mois, les anciens salariés de Camaïeu sont devenus accros. Accros à l’actualité économique des enseignes détenues par la Financière immobilière bordelaise, holding de Michel Ohayon. « Je lis tout sur lui », affirme une ancienne employée. L’homme d’affaires bordelais avait repris Camaïeu en juillet 2020, à la barre du tribunal de commerce de Lille Métropole, en promettant de sauver la chaîne de prêt-à-porter féminin.

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Il n’en a rien été. Au 1er octobre 2022, l’ensemble des 511 magasins ont définitivement tiré le rideau. Depuis, les ex-Camaïeu suivent « au jour le jour » la situation des 4 155 employés de Gap, de Go Sport, des Galeries Lafayette et de La Grande Récré, des sociétés que possède encore la Financière immobilière bordelaise, en dépit de ses difficultés économiques.

Les 2 600 anciens salariés de Camaïeu redoutent que leurs alter ego de la galaxie Ohayon connaissent la même « descente aux enfers ». Celle-ci a commencé à l’été 2022, se rappellent beaucoup d’entre eux. Au lendemain de la mise en redressement judiciaire de l’entreprise de Roubaix (Nord), les réunions en visioconférence organisées par la direction avec les responsables de boutiques se multiplient.

« On savait que des magasins allaient fermer. Mais de là à les voir tous disparaître, ça nous paraissait impossible », se souvient une ancienne vendeuse, Aurélie Bonnenfant, du Camaïeu des Herbiers (Vendée). Néanmoins, le 28 septembre 2022, le tribunal de commerce de Lille prononce la liquidation de l’entreprise fondée en 1984, après avoir écarté le plan de continuation de Michel Ohayon, faute de financement.

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Les responsables régionales espéraient annoncer en premier la disparition de l’enseigne à leurs équipes. Mais la presse télévisée les prend de court. Les journalistes de BFM Lille et de l’Agence France-Presse sont sur le parvis du tribunal situé à Tourcoing (Nord). Au prononcé, ils filment Michel Ohayon, qui leur intime de « ne pas chercher à le faire parler », sous les injures de quelques salariés.

« On fait comment maintenant ? C’est lui qui va payer nos loyers et qui va nourrir les familles ? », s’alarme alors, devant les caméras, une employée entrée chez Camaïeu douze ans auparavant. Dans les magasins, à « 17 h 20 », se remémore Céline Kapusta, ancienne adjointe du magasin de L’Isle-d’Abeau (Isère), les téléphones bipent. « C’est ma meilleure amie qui m’a appris la fermeture », se souvient aussi Aurélie Bonnenfant.

C’est parfois « du vrai Kafka »

Les magasins sont fermés définitivement sous trois jours, le samedi 1er octobre. Ce sont trois journées de « dingue, horribles », où les fidèles clientes et les « vautours en mal de bonnes affaires » se pressent, rapportent toutes les vendeuses. Assaillies par les clientes de questions incessantes du type « Qu’est-ce que vous allez devenir ? Comment ça va se passer ? », les vendeuses travaillent, sans relâche, de 8 heures à 21 heures. Les compteurs s’affolent. Dans la boutique de la galerie marchande E. Leclerc aux Herbiers, au dernier jour, le chiffre d’affaires atteint « 23 000 euros, un record », rapporte Mme Bonnenfant.

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Plus de 300 000 personnes ont signé un contrat d’engagement jeune en un an

Un premier bilan encourageant, mais peut encore mieux faire. Un peu plus d’un an après sa mise en œuvre, le 1er mars 2022, le contrat d’engagement jeune (CEJ) a bénéficié à plus de 300 000 personnes. Cela correspond à l’objectif révisé fixé par le premier ministre de l’époque, Jean Castex – il avait d’abord visé 400 000 contrats signés en un an avant que ce chiffre soit revu à la baisse.

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Parmi les dernières réformes sociales du premier quinquennat d’Emmanuel Macron, le CEJ s’adresse aux 16-25 ans et aux moins de 30 ans en situation de handicap qui ne sont ni en études, ni en activité, ni en formation, et qui peinent à accéder à un emploi durable. Le jeune qui signe un contrat d’engagement s’inscrit dans un parcours de six à douze mois (voire dix-huit dans certains cas) et s’engage avec son conseiller d’insertion dans un accompagnement de quinze à vingt heures hebdomadaires pour lequel il peut bénéficier d’une allocation mensuelle. Comme d’autres prestations sociales, celle-ci est revalorisée à hauteur de 1,6 % samedi 1er avril pour atteindre environ 530 euros maximum.

Au 31 janvier, 301 725 jeunes s’étaient engagés dans le dispositif, 188 715 en missions locales et 113 010 à Pôle emploi. Cela correspond plus ou moins au dispositif que le CEJ a remplacé, la Garantie jeune, qui ne concernait en revanche que les jeunes inscrits en missions locales. Plus de la moitié (54 %) des CEJ signés l’ont été par des jeunes entre 18 et 21 ans et 44 % par des jeunes sans diplôme. En matière d’insertion professionnelle, le gouvernement affirme que, parmi la première cohorte du CEJ – ceux ayant signé un contrat en mars 2022 –, 76 % ont accédé à un emploi dans les neuf mois suivant leur entrée, 63 % à un emploi d’un mois ou plus et 43 % à un emploi durable.

« Accompagnement de qualité »

Des chiffres à relativiser, selon le président de la commission de l’insertion des jeunes au Conseil d’orientation des politiques de jeunesse, Antoine Dulin : « Quand on parle d’emploi, cela peut être un contrat de seulement deux jours et, pour l’emploi durable, cela signifie un CDD de plus de six mois, il faut donc être vigilant. » Ce dernier alerte également sur le public concerné. Comme la mise en place du CEJ s’est faite à marche forcée lors des six premiers mois, « les conseillers des missions locales et de Pôle emploi ont essuyé les plâtres » et ne se sont donc pas concentrés sur les jeunes les plus éloignés de l’emploi.

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« Le but n’est pas atteint de ce côté-là, on n’a pas rattrapé les jeunes en rupture », précise Antoine Dulin, qui avance par ailleurs des pistes d’amélioration du dispositif. D’abord ouvrir aux signataires l’accès à divers droits (complémentaire santé solidaire, tarifs réduits dans les transports et la culture, etc.) comme pour les bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA) ; augmenter la durée moyenne des contrats pour garantir un meilleur accès au logement notamment ; simplifier les procédures administratives des conseillers d’insertion ou encore permettre le versement de l’allocation aux jeunes en rupture dès le début de la démarche sans attendre la signature du contrat d’engagement.

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