Archive dans 2023

Le Chili passe à la semaine de 40 heures, « ça fait partie de cette idée que tout ne tourne pas autour du travail »

« Que vaut une chanson [à son enfant] le soir ? Que vaut sortir marcher, respirer, après une journée de travail ? (…)  Que vaut passer du temps en famille ou seul, à réfléchir ? Cela n’entre sûrement pas dans les indices standardisés de productivité. » Depuis le palais présidentiel, le 23 août 2022, le président Gabriel Boric (gauche) relançait une mesure visant à réduire le temps de travail à 40 heures hebdomadaires, à salaire égal, contre 45 actuellement. Une promesse de campagne du plus jeune président de l’histoire du pays, 37 ans actuellement, ouvrant la voie à ce changement culturel au Chili : le travail ne doit pas être l’unique gouvernail d’une vie.

Mardi 11 avril, les députés ont adopté la modification du temps de travail, à une large majorité, après une adoption à l’unanimité par le Sénat, le 21 mars. Le fruit d’un dialogue et d’une coopération rares entre les partis, tandis que le Congrès est régulièrement le théâtre de tensions, se soldant parfois par des revers pour le gouvernement, à l’instar du rejet de sa réforme fiscale, le 8 mars. Ce sont au total près de 5 millions de travailleurs, du secteur privé, qui sont concernés. Les employés du secteur public, pour qui régissent les 44 heures hebdomadaires, doivent faire l’objet d’un projet de loi à part. Quant aux 27 % de travailleurs évoluant dans l’informalité, ils demeurent logiquement dans un angle mort.

Le texte n’était pas nouveau. Il avait été présenté pour la première fois au Parlement en 2017, à l’initiative de Camila Vallejo, porte-parole du gouvernement, et de la députée (Parti communiste) Karol Cariola. Mais sa discussion n’avait pas abouti, se heurtant à l’opposition des parlementaires de droite.

Profond processus de dialogue social

La nouvelle mouture introduit notamment la notion de gradualité, avec une semaine de 44 heures la première année, 42 heures la troisième et 40 heures la cinquième année. Un ensemble de professions bénéficie d’une application souple. Les chauffeurs routiers par exemple, peuvent travailler davantage mais compensent les heures additionnelles par des jours de récupération pendant l’année. En outre, la loi permet une concentration des heures de travail, selon un schéma de quatre jours travaillés pour trois jours de repos.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Durée du travail : « Bon (long) week-end à l’anglaise ! »

La discussion du texte au Parlement a été précédée d’un profond processus de dialogue social. Dès juin 2022, trois mois après l’arrivée au pouvoir du nouveau gouvernement, un espace de discussion a été lancé avec des rencontres dans différentes régions du pays. Les experts, partenaires sociaux, universitaires et organismes spécialisés étaient appelés à avancer leurs observations, afin d’apporter des modifications au texte.

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« L’idée d’un service public de l’enseignement supérieur et de la recherche est abandonnée pour être remplacée par un système à l’américaine »

Dénonçant des choix budgétaires qui touchent les étudiants, les enseignants-chercheurs et le rang de la France en matière de connaissances scientifiques, un collectif de militants socialistes, d’acteurs du secteur et d’étudiants appelle, dans une tribune au « Monde », à rendre à l’ESR son statut de service public.

Le secteur public expérimente timidement la semaine de quatre jours

Au jardin du Luxembourg, à Paris, en février 2021.

Le mercredi, Séverine Clémente, 41 ans, profite de son temps libre pour faire de grandes balades avec sa chienne le long de la Marne. « Concentrer ma semaine de trente-sept heures de travail sur quatre jours m’a permis de trouver du temps pour moi et pour ma santé », témoigne cette travailleuse handicapée souffrant de douleurs fibromyalgiques. Le reste de la semaine, elle commence le travail tôt, à 7 heures, pour terminer sa journée à 17 heures, avec une courte pause déjeuner. « Neuf heures quinze par jour, c’est effectivement intense, mais cela apporte un réel bénéfice sur la qualité de vie », soutient cette salariée de la Caisse nationale d’assurance-vieillesse (CNAV).

Comme l’Urssaf de Picardie depuis janvier, la CNAV expérimente depuis février la possibilité de travailler quatre jours par semaine sans réduction du temps de travail. « Beaucoup de Français aspirent aujourd’hui à travailler différemment » et sont « favorables à plus de liberté dans leur organisation », assurait fin janvier Gabriel Attal, le ministre chargé des comptes publics dans L’Opinion, rendant alors publiques ces expérimentations.

Si le dispositif est plébiscité par les salariés du privé, où il est généralement accompagné d’une réduction du temps de travail, il peine à convaincre ceux du secteur public. A ce jour, seuls quatre expérimentateurs sur trois cents agents ont été recensés à l’Urssaf, et une vingtaine sur les 3 600 agents de la CNAV, régis par le droit privé. Mais, loin de chercher à devenir une norme, cette innovation managériale vise plutôt à permettre plus de flexibilité et une organisation du temps de travail quasi sur mesure.

Un questionnaire anonyme

En septembre 2022, après avoir obtenu de nouveau le label de l’Institut Great Place to Work, qui distingue un environnement où il fait bon travailler, l’Urssaf de Picardie a fait circuler dans ses rangs un questionnaire anonyme dont les résultats ont été sans appel. « Il y avait une demande forte de notre personnel d’être plus flexible sur les horaires, malgré cinq modalités d’organisation de la semaine déjà disponibles », rapporte Pierre Feneyrol, directeur de l’organisme.

Lire aussi : En pleine réforme des retraites, Gabriel Attal insiste sur le « rapport au travail » et met en avant la semaine de quatre jours expérimentée à l’Urssaf

Un accord a ainsi été négocié en octobre 2022 avec quatre syndicats, ouvrant la voie à deux nouvelles dispositions expérimentées pendant neuf mois : une semaine à trente-neuf heures avec vingt jours annuels de RTT, et la semaine de quatre jours à trente-six heures, dont le jour chômé est laissé à l’appréciation du travailleur. « Cent vingt personnes sur trois cents nous ont fait savoir qu’elles étaient potentiellement intéressées, et trente-huit qu’elles l’étaient à court ou moyen terme », précise le directeur régional.

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Le « patron des patrons » britanniques, accusé de harcèlement sexuel, est limogé

Le directeur général de la Confederation of Business Industry, Tony Danker, à Birmingham, en Angleterre, le 21 novembre 2022.

La Confederation of British Industry (CBI), principale organisation patronale britannique, traverse sa crise la plus grave depuis sa création, en 1965. Accusé de harcèlement sexuel, Tony Danker, son directeur général, a été licencié avec effet immédiat, mardi 11 avril. A cette affaire s’ajoutent des soupçons de viol et d’agressions sexuelles datant de 2019 et visant d’autres dirigeants de l’organisation. Ces scandales mettent à mal une instance qui avait brandi la lutte contre les discriminations en étendard.

Lire aussi : Le 6 janvier à 17 h 30, les grands patrons britanniques ont gagné autant qu’un salarié en un an

Le limogeage de M. Danker a été annoncé mardi matin par le biais d’un communiqué lapidaire. L’homme, qui dirigeait la CBI depuis novembre 2020, est formellement visé par « des plaintes spécifiques concernant un mauvais comportement sur son lieu de travail ». La CBI ne détaille pas publiquement les accusations, mais l’affaire a éclaté le 6 mars, lorsque le quotidien The Guardian a révélé qu’une employée avait porté plainte en interne contre M. Danker en janvier.

Elle l’accusait « de contacts non souhaités », qu’elle considérait comme du « harcèlement sexuel ». Dans la foulée, le conseil d’administration de la CBI a suspendu M. Danker et fait appel au cabinet d’avocats Fox Williams pour enquêter. Celui-ci vient de remettre son rapport préliminaire, ce qui a provoqué la décision du licenciement de M. Danker. L’affaire est jugée suffisamment sérieuse pour que la CBI affirme être « en lien » avec la police en vue d’une possible enquête judiciaire. M. Danker, pour sa part, se défend avec virulence, se disant « choqué » de son renvoi et estimant que « de nombreuses accusations contre [lui] ont été déformées ».

« Atmosphère toxique »

La crise au sein de la CBI a été amplifiée par une deuxième affaire, révélée lundi 3 avril. Toujours selon le Guardian, qui a réuni une douzaine de témoignages, une fête de la CBI sur un bateau en 2019, avant que M. Danker ne fasse partie de l’organisation, avait très mal tourné. Une femme accuse un collègue de viol et une autre d’agression sexuelle le même soir. Le tout se serait déroulé dans une « atmosphère toxique », avec utilisation de cocaïne, abus d’alcool et remarques sexistes. Mardi, outre le licenciement de M. Danker, trois salariés de la CBI ont été suspendus.

L’organisation s’expose ainsi aux accusations d’hypocrisie, après avoir publié de nombreux rapports sur la lutte contre les discriminations au travail, qu’elles soient sexuelles, raciales, ou relatives à l’âge. Début mars, M. Danker lui-même insistait sur la nécessité, pour les entreprises, d’avoir une culture « progressiste », « avec de fortes valeurs sociétales, une profonde raison d’être, un engagement à améliorer la vie des employés et une stratégie active d’inclusion et de diversité ».

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Réformes des retraites : « Il est possible d’invalider la vision selon laquelle le travail serait moins pénible »

Il apparaît aujourd’hui assez évident que le débat récent sur la réforme des retraites n’a pas été à la hauteur des enjeux. La mauvaise communication du gouvernement sur le projet de réforme n’est qu’un des échecs du débat actuel sur l’avenir du système de retraite en France. Les erreurs et les imprécisions techniques, soulignées par mon collègue Michaël Zemmour, sont dommageables à la crédibilité de la réforme, mais l’absence d’analyses fondées sur la réalité du travail et de son évolution l’est peut-être encore plus.

Les justifications présentées par le gouvernement comme des arguments de bon sens cachent en réalité une absence de réflexion sur l’évolution du travail et de l’emploi que nos sociétés traversent. Une des justifications souvent avancées est que l’allongement de l’âge de départ à la retraite est justifié par l’allongement de l’espérance de vie. Cet argument peut sembler imparable, mais dès lors que l’on y réfléchit bien, il est très insuffisant, et ce pour plusieurs raisons.

Premièrement, l’avancement de l’âge de départ à la retraite depuis l’après-guerre s’est fait dans une période d’accroissement de l’espérance de vie, tout l’inverse de cette « évidence », donc. Il s’agissait alors d’une des nombreuses formes de redistribution des gains de productivité liés au développement économique, comme l’ont été les principales avancées socio-économiques (salaire minimum, réduction du temps de travail, congés payés, etc.).

Loin de l’imaginaire de la fin du travail

Cela étant dit, le débat actuel sur la réforme n’aborde que très peu la question des conditions de travail, ou alors de manière caricaturale. La phrase récente d’un sénateur sur l’usage d’exosquelettes par les déménageurs, bien que caricatural, est le reflet d’une certaine déconnexion avec les réalités des conditions de travail et des transformations technologiques.

Est-il possible aujourd’hui d’affirmer que le travail est moins pénible que par le passé ? Répondre à cette question n’est pas simple, car les changements technologiques sur le marché du travail sont continus et de natures très différentes selon les catégories de travailleurs. Il est néanmoins possible, en s’appuyant sur plusieurs travaux récents, d’invalider la vision selon laquelle le travail serait moins pénible.

Lire aussi le décryptage : Article réservé à nos abonnés Entre Emmanuel Macron et la rue, la bataille de la légitimité pour la réforme des retraites

Que peut-on dire de la situation actuelle et à venir ? Les travaux récents suggèrent une situation bien plus ambivalente qu’attendu. Bien loin de l’imaginaire de la fin du travail, les nouvelles technologies ont tendance à remplacer plus spécifiquement le travail dit routinier. Bien qu’en partie répétitives, ces tâches « routinisées » nécessitent pour certaines un certain niveau de qualification et ne sont pas toujours les plus physiques et pénibles.

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Plates-formes d’emploi : la naissance européenne des autoentrepreneurs

Droit social. Les travailleurs des plates-formes sont souvent des indépendants chargés de la fourniture de biens et de services sous forme rémunérée et non délocalisable, sous-traitants d’entreprises. Ces entreprises qui non seulement rapprochent l’offre et la demande par un algorithme, mais aussi définissent le service et le cadre de travail de ces fournisseurs, et qui, ce faisant, remettent surtout en cause la définition du salarié, fondatrice du droit social.

Au vu de l’ampleur de ce phénomène, cette catégorie intéresse également l’Union européenne. La Commission a ainsi proposé un projet de directive comportant notamment une liste de contrôles pour déterminer si la plate-forme est un « employeur » et, le cas échéant, par déduction, aurait directement le salarié sous sa responsabilité.

Le Parlement européen a, le 2 février 2023, amendé cette proposition en instaurant une présomption légale générale de salariat pour les travailleurs des plates-formes, quelles que soient l’appellation ou la forme de leur contrat. Les Etats membres qui, en Conseil des vingt-sept ministres du travail, doivent également approuver la directive, sont très réticents à adopter une quelconque réglementation, et donc a fortiori le texte du Parlement. La situation est dès lors bloquée.

Un risque d’infraction

Pourtant, une avancée notable à l’initiative de la direction générale de la concurrence de la Commission européenne a été à peine remarquée : le 29 septembre 2022, cette dernière a publié des lignes directrices autorisant des travailleurs indépendants à négocier collectivement de meilleures conditions de travail sans enfreindre les règles de concurrence de l’Union européenne.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Plates-formes d’emploi : l’obligation du statut d’auto-entrepreneurs très critiquée

La Commission est, en effet, aussi l’autorité de la concurrence chargée notamment de veiller à l’application des textes prohibant les ententes. Or, les indépendants sont des entreprises, au sens du traité de l’Union européenne, ce qui les place en risque d’infraction lorsqu’ils souhaitent s’entendre sur le prix de leurs prestations… en négociant collectivement leurs conditions de travail et de rémunération.

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Par ces nouvelles lignes directrices, les syndicats agissant dans l’intérêt collectif de ces travailleurs ne peuvent plus être traités comme des « cartels » prohibés, et la négociation collective pour les indépendants qui fournissent principalement leur propre travail ne peut être considérée comme une fixation de prix illicite.

En position de faiblesse

Ce texte européen d’analyse de marché intéresse aussi par ses définitions. Sont visés les indépendants qui dépendent d’une seule société pour au moins 50 % de leurs revenus professionnels (sur moins d’un an, un an ou deux ans), ceux travaillant aux côtés d’autres travailleurs, ceux qui assurent des tâches similaires à d’autres travailleurs œuvrant pour une même société, et enfin ceux offrant leurs services à une plate-forme de travail numérique ou par son intermédiaire.

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Les formations aux énergies renouvelables font le plein de jeunes ingénieurs

Le car quitte la ville de Perpignan et se lance dans la garrigue. A bord, douze étudiants de l’école d’ingénieurs Sup’EnR regardent défiler les éoliennes. Le véhicule s’arrête devant un bâtiment aux formes ondulantes, habillé d’Inox. Il s’agit de l’usine de traitement des déchets avec valorisation énergétique de Calce, où convergent toutes les poubelles jaunes des Pyrénées-Orientales.

Au cours d’une visite de près de deux heures, les jeunes ingénieurs en apprendront davantage sur le recyclage du plastique, transformé selon les cas en fournitures scolaires, bâches ou encore vêtements. Ils découvriront comment l’énergie issue de la combustion des déchets est récupérée pour fournir de la chaleur aux écoles, aux hôpitaux et aux industries du territoire. Et seront sensibilisés à l’importance du tri devant le « musée des horreurs » – un échantillon des objets jetés à tort dans le bac jaune, des plaquettes de frein aux moteurs de piscine, en passant par les carcasses d’animaux et les seringues.

Les étudiants de Régis Olivès, directeur de Sup’EnR, sont réceptifs : c’est pour contribuer à un monde plus vert qu’ils ont opté pour la seule école d’ingénieurs entièrement consacrée aux énergies renouvelables (ENR). « Je voulais être actrice de l’environnement à travers mon métier », témoigne Anouk Barrière. Inscrite en 4e année à Sup’EnR, la jeune femme de 21 ans souhaite travailler dans le bâtiment durable. Son camarade Titouan Janod, 21 ans également, raconte avoir joué avec des véhicules propulsés aux énergies renouvelables pendant son enfance. Le choix de Sup’EnR s’est imposé à lui : « Pour moi, la vie n’a pas de sens si je n’essaie pas de sauver le monde. »

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Depuis son lancement en 2016, Sup’EnR, partenaire du groupe INSA (Institut national des sciences appliquées), reçoit 1 000 candidatures supplémentaires chaque année. « En 2022, nous avons reçu 5 500 demandes… pour 24 places », détaille Régis Olivès. La formation recrute après une licence, une classe préparatoire aux grandes écoles, un bachelor universitaire de technologie… ou directement par Parcoursup, en passant par une formation postbac de deux ans à l’INSA de Toulouse. Les élèves poursuivent ensuite en cycle ingénieur à Sup’EnR, où ils suivent des enseignements techniques sur les différentes énergies renouvelables, mais également des cours en droit de l’environnement ou encore en économie du marché de l’énergie.

Embauchés à l’issue de leur stage

« Les ENR, c’est aussi des sciences humaines. On a beau avoir des technologies performantes, l’installation à tout prix là où ce n’est pas pertinent en termes paysagers, environnementaux et sociétaux n’a aucun intérêt », explique Régis Olivès. Membre depuis 1996 de Promes (Procédés, matériaux et énergie solaire), un laboratoire d’excellence, il évoque un changement de paradigme autour des énergies renouvelables : « Avant, on nous méprisait un peu, nous demandant comment on allait faire de l’électricité la nuit. Aujourd’hui, des entreprises historiquement tournées vers le fossile ou le nucléaire investissent dans les ENR. Total a même financé à Toulouse une formation consacrée à la transition énergétique, ce qui d’ailleurs ne va pas sans gêner un certain nombre d’étudiants. »

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L’IA bouscule et inquiète le monde de l’image

L’ex-président américain Donald Trump se débattant avec des policiers, le pape François arborant une doudoune blanche, Emmanuel Macron en pleine manifestation… Alors que des images créées par des intelligences artificielles (IA) circulent sur le Web depuis des mois, ces derniers clichés, nés de la version la plus récente du logiciel de génération d’images Midjourney, ont troublé.

Comme les textes bluffants du logiciel ChatGPT, le réalisme de ces clichés, certes fictifs, a frappé le grand public. Il a aussi créé une onde de choc dans le monde de l’image, désormais inquiet pour l’avenir du travail des photographes et des illustrateurs.

Que des sites de presse s’emparent de cet outil ne les a pas rassurés. Le Figaro s’est, par exemple, servi, le 26 mars, de Midjourney pour l’illustration d’un article Web, avant de faire machine arrière le lendemain et de la remplacer par une photo.

Stratégies opposées

Le mensuel So Foot assume, lui, d’utiliser le logiciel par défaut, faute de moyens financiers, s’il ne trouve pas de photo satisfaisante. « Sur 6 000 contenus publiés depuis novembre [2022], on s’est servi de Midjourney une douzaine de fois, en le spécifiant », relativise Pierre Maturana, directeur de la rédaction.

« On est un minimédia, avec des minimoyens », abonde Pablo Pillaud-Vivien, le rédacteur en chef de la revue Regards, qui recourt aussi à l’IA. Le quotidien suisse Blick a également franchi le pas, le 25 mars, en précisant qu’« aucune des personnes apparaissant sur cette photo générée par une intelligence artificielle n’existe ».

Lire aussi : Comment reconnaître une image générée par le logiciel Midjourney ?

La tendance touche aussi la communication et la publicité : la « une » du dernier Récréa Mag, l’agenda culturel grenoblois, paru en octobre 2022, a été « dessinée » grâce à Midjourney, tout comme l’affiche du Casse-Noisette du San Francisco Ballet, fin 2022. Et, début mars, Coca-Cola a invité les internautes à utiliser Dall-E 2 – un logiciel développé par OpenAI, le créateur de ChatGPT, et concurrent de Midjourney – pour générer des créations dont les meilleures seront utilisées par la marque.

D’autres ont, à l’inverse, déjà posé des limites claires : le quotidien Libération n’utilisera pas « des images générées par des IA, sauf pour des sujets directement liés à l’IA ». Une ligne proche de celle du Monde, où la publication d’images d’actualité produites par des IA est également proscrite. Le New York Times a, lui, signalé dans un bandeau rouge que l’illustration d’un article sur l’IA était… « générée par une IA ».

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Dans les puissantes banques d’images se dessinent aussi des stratégies opposées. Getty Images a annoncé, en septembre 2022, qu’il refusait de stocker des photographies créées avec une IA, tandis que Shutterstock a noué un partenariat avec OpenAI dès 2021 : la banque d’images permet l’entraînement du logiciel Dall-E sur sa base de données et met à disposition de ses clients le générateur d’images.

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Comment tombent les jours fériés et les ponts en 2023 ?

Combien de jours fériés tombent hors week-end ? Y aura-t-il des ponts en mai ? Le calendrier profite-t-il aux patrons ou aux salariés ? Ces questions alimentent les réflexions du mois de janvier.

Au minimum sept, au maximum 10 : c’est le nombre de jours fériés qui tombent hors week-end chaque année. En mai 2018, la séquence de deux jours chômés durant la même semaine (un mardi 8 mai et un jeudi de l’Ascension) était une rareté : elle ne se présente que cinq fois par siècle. La prochaine occurrence de ce hasard calendaire ne se produira qu’en… 2029, puis en 2035, 2040, 2046, et ne réapparaîtra plus jusqu’à la fin du XXIsiècle.

Des années avec dix jours fériés hors week-end

Le calendrier ne se montre pas toujours clément pour les salariés : quatre fois tous les cent ans environ, le 8 mai, anniversaire symbolique de la capitulation de l’Allemagne nazie, est aussi le jour de l’Ascension. Ce fut le cas en 1975, 1986, 1997 et 2008. Qu’on se rassure, la prochaine séquence n’est pas prévue avant 2059, elle aura lieu ensuite en 2070, puis en 2081 et 2092.

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Mise à jour du 1er février 2022 à 10h : correction d’une erreur sur le nombre d’occurrences de séquences de deux jours fériés tombant un mardi et un jeudi de la même semaine par siècle.

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L’argot de bureau : le « greenhushing », le silencieux contraire du « greenwashing »

Argot de bureau

Parfois, il vaut mieux se taire. Demandez au fabricant d’engrais chimiques Yara, récipiendaire du prix Pinocchio 2020 de l’association Les Amis de la Terre : cette entreprise, qui promeut « une agriculture intelligente pour le climat », affirmait dans une vidéo promotionnelle que « les engrais minéraux ont sauvé plus de vies que n’importe quelle invention au monde ». Ceci est un exemple (à ne pas reproduire chez vous) de « greenwashing », une stratégie de communication qui utilise des arguments écologiques trompeurs pour embellir son image auprès du public.

Moins connu, le « greenhushing », mis en évidence par certains cabinets de conseil en transition écologique, est un cousin du « greenwashing » : à l’inverse de ce dernier, il propose de taire totalement les engagements environnementaux d’une entreprise. On peut le traduire par « écosilence » ou « mutisme vert ».

Mais pourquoi donc cacher ses efforts, alors que l’on peut capitaliser dessus ? Réponse optimiste : pour prouver que son engagement est sincère et ne pas passer pour un opportuniste.

La peur des médias ou des écologistes

L’arnaque pointe le bout de son nez : en réalité, le silence signifie qu’il n’y a pas vraiment d’efforts de faits, ou qu’ils sont largement insuffisants. Le véritable opportunisme consisterait donc… à ne pas parler, pour ne pas être critiqué pour ce que l’on dit ou fait pour la planète.

Lire aussi la tribune : Article réservé à nos abonnés « Greenwashing » : « Les entreprises dissimulent souvent un traitement insuffisant ou partiel de la réalité des émissions de carbone »

Le « greenhushing » trouve d’ailleurs sa source dans la peur d’être scruté par les médias ou les écologistes. Les entreprises feraient ainsi une interprétation très personnelle de cette formule de Diderot (Pensées sur l’interprétation de la nature, 1754) : « Ne vaut-il pas mieux se concilier la confiance des autres, par la sincérité d’un “je n’en sais rien”, que de balbutier des mots, et se faire pitié à soi-même, en s’efforçant de tout expliquer ? »

La preuve avec une analyse de la Commission européenne, menée en 2020 sur cent cinquante allégations figurant sur des publicités ou emballages, et mentionnant des expressions comme « zéro carbone » ou « empreinte climatique réduite » : plus de la moitié de ces affirmations contenaient « des informations vagues, trompeuses ou non étayées » et 40 % étaient dénuées de tout fondement.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés « Greenwashing » : le plan de Bruxelles pour mettre de l’ordre dans les labels verts

La Commission souhaite ainsi contraindre les entreprises à se conformer à une série d’exigences, notamment scientifiques, lorsqu’elles souhaitent vanter leurs actions « vertes ». Le but n’étant pas forcément qu’elles se taisent, car les conséquences de ce silence pourraient être encore pires que des messages qui exagèrent de réels efforts.

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