Archive dans 2023

Climat : la transition va-t-elle créer ou détruire des emplois ?

Pour atteindre la neutralité carbone, il faut diminuer considérablement notre consommation de pétrole, de gaz et de charbon. Mais cette transformation risque d’avoir un coût social important. A l’inverse, les nouveaux secteurs qui se développent dans une économie sans carbone espèrent créer des centaines de milliers d’emplois.

La transition climatique peut-elle se faire sans détruire des centaines de milliers d’emplois ? Dans quel secteur est-il possible d’en créer de nouveaux ? Comment faire pour mettre en place la formation et les outils nécessaires pour réussir à transformer complètement le marché du travail ?

La sociologue Dominique Méda, invitée de la saison 3 du podcast « Chaleur humaine ».

Dominique Méda est sociologue, elle a écrit de nombreux livres sur le travail et ses évolutions, et elle préside l’Institut Veblen. Elle est également chroniqueuse au Monde et sur France Culture.

Elle mentionne dans l’épisode le rapport de Laurence Parisot sur l’emploi, le plan de transformation du Shift Project, le travail sur le secteur automobile de la Fondation Nicolas Hulot et de la CFDT et enfin celui du chercheur Philippe Quirion.

Un épisode produit par Adèle Ponticelli avec l’aide d’Esther Michon, réalisé par Solène Moulin. Musique originale : Amandine Robillard.

« Chaleur humaine » est un podcast hebdomadaire de réflexion et de débat sur les manières de relever le défi climatique. Ecoutez gratuitement chaque mardi un nouvel épisode, sur Lemonde.fr, Apple Podcast, Acast ou SpotifyRetrouvez ici tous les épisodes.

Vous pouvez m’écrire pour me faire part de vos avis, idées, et de vos critiques à l’adresse chaleurhumaine@lemonde.fr. Je réponds chaque semaine dans la newsletter « Chaleur humaine » à une question sur le défi climatique.

« On se dit que ça payera forcément plus tard » : les jeunes contraints à travailler gratuitement

Angèle, 22 ans, qui a obtenu son BTS tourisme en 2021, a dû se résoudre à effectuer en 2022 un service civique dans le secteur de la petite enfance, près de Limoges, faute d’avoir trouvé un emploi après ses études. « J’avais besoin d’argent pour ne pas dépendre de mes parents, et d’expériences pour enrichir mon CV. Aussi enrichissant que cela ait été, 580 euros d’indemnité, c’est quand même ridicule pour trente heures de travail, intense, par semaine ! », raconte la jeune femme.

De son côté, Julia, Parisienne de 24 ans, a suivi, durant près de deux ans, un stage pendant et après ses études de sciences politiques pour « faire briller [son] CV », avec « l’impression, parfois, de travailler comme un employé lambda dans des structures qui ne pourraient pas tourner sans stagiaires ». Quant à Caroline, graphiste de 26 ans à Amiens, elle se désole devant cette nouvelle offre d’emploi, où on lui demande encore, en guise d’exercice de recrutement, « une création qui [lui] prendrait des heures, et dont [elle est] certaine qu’elle sera réutilisée par cette entreprise ensuite ».

Outre le fait qu’elles utilisent toutes trois spontanément le terme de « Graal » pour parler, en souriant à peine, du CDI qu’elles rêvent de décrocher, Angèle, Julia et Caroline ont comme point commun d’avoir eu l’impression de travailler gratuitement, ou presque, dans l’attente d’un « vrai statut de travailleur, avec un vrai contrat et un vrai salaire », comme dit Angèle.

Concurrence

Service civique, stages, bénévolat en tout genre, projets non rémunérés effectués dans le cadre d’une candidature, service national universel, expérience de volontariat international au sein du Corps européen de solidarité, activités obligatoires dans le cadre du contrat d’engagement jeune… « Ces expériences professionnelles, qui apparaissent dans le parcours des jeunes depuis vingt ans, sont bien des formes de travail, mais pas d’emploi. Comme on parle de “travail bénévole” ou de “travail domestique” », commente la sociologue Florence Ihaddadène. Elle réalise des études, depuis plusieurs années, sur le service civique, et publiera prochainement un ouvrage sur la notion de « promesse » dans les politiques de jeunesse.

Selon Mme Ihaddadène, les activités décrites par les trois jeunes femmes répondent plus précisément « à une même logique de “travail de l’espoir” », particulièrement de mise dans la période qui sépare les études du premier emploi pérenne. La sociologue reprend ici le concept de hope labour développé par les chercheurs américains Kathleen Kuehn et Thomas F. Corrigan, désignant, selon leurs travaux sur le sujet, « un travail non ou sous-rémunéré effectué dans le présent, souvent pour l’expérience ou l’exposition, dans l’espoir que de futures opportunités d’emploi puissent suivre ». Une notion popularisée en 2018 par la sociologue Maud Simonet, dans son livre Travail gratuit : la nouvelle exploitation ? (Textuel).

Il vous reste 72.25% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Employeurs, candidats : quelles sont vos astuces pour recruter ou être recrutés, et répondre aux pénuries de main-d’œuvre ? Racontez-nous

La Société éditrice du Monde souhaite présenter dans ses publications une sélection de témoignages, sous forme d’écrits, de photographies et de vidéos (ci-après désignés ensemble ou séparément « Contribution(s) ») qui lui sont soumis librement par les internautes.

Contenu de la Contribution

Votre Contribution doit respecter la législation en vigueur, notamment la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, les articles 9 et 9-1 du code civil sur le droit à la vie privée et au respect de la présomption d’innocence et les dispositions du code de la propriété intellectuelle. Aucune Contribution contraire à la loi ne pourra être publiée.

Une orthographe et une mise en forme soignées sont exigées (pas de textes en lettres capitales, pas d’abréviations ou d’écrits de type « SMS »).

Vous devez être l’auteur des textes, photographies et vidéos que vous proposez dans le cadre de votre Contribution, ou avoir l’autorisation de leur auteur pour leur publication dans les conditions ici définies. Le nom de l’auteur doit toujours être mentionné, de même que la date et le lieu où ont été pris vos documents photographiques ou vidéo et rédiger une légende descriptive.

Votre Contribution doit être signée de vos prénom et nom. Les demandes d’anonymat en cas de publication seront examinées par la rédaction de la Société éditrice du Monde au cas par cas.

La Société éditrice du Monde se réserve le droit de refuser toute Contribution, ou d’effacer toute Contribution préalablement publiée, pour quelque cause que ce soit, notamment si :

  • elle est contraire à la loi (racisme, appel à la violence ou à la haine, diffamation, pornographie, pédophilie, sexisme, homophobie, …).
  • elle est contraire aux règles de conduite du Monde.fr et des autres publications concernées (mauvaise orthographe, propos non conforme au sujet demandé, forme peu soignée, …).
  • son sujet ou sa forme présente peu d’intérêt pour les lecteurs, la Société éditrice du Monde étant seule décisionnaire à ce titre.
  • elle a déjà été proposée et publiée ou elle est similaire à un témoignage récemment publié.
  • elle contient la représentation ou la désignation d’une personne physique pouvant être identifiée, en particulier une personne mineure.
  • elle contient la représentation d’une œuvre pouvant relever du droit d’auteur d’un tiers sans l’autorisation de celui-ci.
  • elle contient des photographies ou vidéos dont la qualité technique est insuffisante (photos floues, vidéos illisibles ou de mauvaise définition, bande son inaudible, …), la Société éditrice du Monde étant seule décisionnaire à ce titre.

Règles applicables à la Contribution

En participant à cet appel à témoignages, vous autorisez la publication totale ou partielle de votre Contribution sur le site Le Monde.fr, dans le quotidien Le Monde, dans M le Magazine du Monde et/ou sur toute autre publication ou site où la Société éditrice du Monde publie du contenu éditorial (Facebook, Twitter, Digiteka, Instagram, etc., dans le monde entier, pour la durée d’exploitation de la publication concernée.

La Société éditrice du Monde est libre de publier ou non les Contributions qui lui sont proposées.

Votre réponse à l’appel à témoignages, ainsi que votre autorisation pour l’exploitation éventuelle de votre Contribution, sont accordées à titre gracieux et ne peuvent donner lieu à une quelconque rétribution ou gratification ou versement de quelque nature que ce soit, à quelque titre que ce soit.

Les informations recueillies dans le questionnaire sont enregistrées dans un fichier informatisé par la Société éditrice du Monde, et communiquées aux seuls journalistes à l’origine de l’appel à témoignage et aux équipes techniques en charge de la gestion du traitement.

Elles ne seront utilisées que dans le cadre de cet appel à témoignages. Les données associées à une Contribution sont conservées pour une durée maximale de deux ans. Vous pouvez accéder aux données vous concernant, les rectifier, demander leur effacement ou exercer votre droit à la limitation du traitement de vos données, retirer à tout moment votre consentement au traitement de vos données.

Pour exercer ces droits ou pour toute question sur le traitement de vos données dans ce dispositif, vous pouvez contacter dpo@groupelemonde.fr

Consultez le site cnil.fr pour plus d’informations sur vos droits.

Dominique Méda : « La codétermination apparaît comme la solution la plus raisonnable pour sortir de la crise du travail »

Les débats suscités par la réforme des retraites ont eu l’immense mérite de faire prendre conscience de l’ampleur de la crise du travail à une large partie de l’opinion publique et des responsables politiques. Certains députés Renaissance le reconnaissent à voix basse : il aurait fallu commencer par traiter cette question avant d’ouvrir le chantier des retraites. Le gouvernement explique lui aussi mettre désormais le travail en tête de ses priorités. Mais en apportant quels remèdes à la crise ? Tentons donc d’esquisser le programme de transformation que les données d’enquête nous suggèrent.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Le gouvernement prépare une loi sur le travail pour tenter de tourner la page des retraites

Depuis 1978, une enquête remarquable est consacrée en France à l’analyse approfondie des conditions de travail. Portée par la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares), elle s’intéresse aujourd’hui à un échantillon représentatif de 25 000 actifs occupés. Les ministres du travail ont ainsi à leur disposition un formidable outil pour suivre le rapport au travail de nos concitoyens.

La vague 2005 de l’enquête avait permis de mettre en évidence une pause dans l’intensification du travail ; celle de 2013 avait montré l’immense malaise des agents de la fonction publique d’Etat et aurait dû jouer le rôle d’alerte sur les conditions de travail à l’hôpital – plus de 36 % des agents de la fonction publique hospitalière disaient en effet « ne pas ressentir la fierté du travail bien fait ».

« Affaiblissement du dialogue social »

Mais les résultats de la vague 2019 de l’enquête étaient encore plus édifiants : 37 % des actifs occupés déclaraient ne pas se sentir capables de tenir dans leur travail jusqu’à la retraite ! Toutes les catégories sociales étaient concernées, puisque 32 % des cadres et 39 % des ouvriers et employés étaient dans ce cas. Les moins de 30 ans et les femmes, en particulier les femmes avec enfants, étaient les plus concernés.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés « Nous assistons peut-être à l’émergence d’un droit à l’épanouissement au travail »

Mais ne s’agirait-il pas là d’un simple ressenti, d’une opinion entachée de subjectivité qui confirmerait le caractère râleur et jamais satisfait des Français ? Le fait que la France remporte la triste palme en Europe en matière d’accidents du travail – mortels comme non mortels – confirme, au contraire, que la crise est bien là, et qu’elle est grave. Dès lors, quels remèdes proposer ? Il importe de nous appuyer sur les travaux scientifiques et les rapports d’évaluation pour nous aider à les concevoir.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Réforme des retraites : « Il y a besoin de recréer du commun autour de la notion, centrale, du travail »

Parmi les mesures figurant dans les ordonnances réformant le droit du travail ratifiées en mars 2018 par le Parlement figuraient notamment, d’une part, la suppression du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) et la fusion des institutions représentatives du personnel, d’autre part, la suppression de quatre critères de pénibilité.

Il vous reste 53.42% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Sans-abri : les Bureaux du cœur, des refuges en entreprises

Il est dix-neuf heures, et les derniers salariés d’Amix PTV, une société d’informatique, ont tous quitté leurs bureaux situés dans la zone d’activité de Fleury-sur-Orne (Calvados), pour regagner leur foyer. Quelques minutes après leur départ, la porte d’entrée se rouvre discrètement, les lumières se rallument : « Zaza », comme tout le monde l’appelle ici, est venu regagner ce qui est devenu son logement à mi-temps.

Un canapé, une armoire fermée, des sanitaires : il n’a pas fallu grand-chose pour éviter à cet ancien sans domicile fixe de passer dehors les froides nuits d’hiver. Sans-abri depuis une dizaine d’années en France, ce Géorgien d’une cinquantaine d’années bénéfice d’un hébergement durable depuis le mois d’août 2022 dans cette société d’informatique. En soirée et le week-end, Zaza trouve refuge dans les locaux, mis à sa disposition en dehors des heures de travail.

Derrière cette initiative, une association : les Bureaux du cœur. En 2020, cette organisation a vu le jour sur la base d’une idée toute simple : inciter les entreprises à ouvrir leurs locaux pour héberger un sans-abri. L’idée a germé dans la conscience de son fondateur, Pierre-Yves Loaëc, dirigeant de l’agence de communication Nobilito et président du Centre des jeunes dirigeants de Nantes, en voyant une femme qui dormait dans un parking près de son bureau : « Nous disposions d’une cuisine, d’une douche, de toilettes, bref il ne manquait pas grand-chose pour que je puisse proposer à cette femme de l’accueillir avec dignité. »

Quatre-vingt-cinq partenaires

De fil en aiguille, ce sont 150 personnes qui ont été hébergées depuis les débuts de l’association au sein du réseau d’entreprises partenaires, actuellement au nombre de 85. Aurélie Arsène, la responsable de l’agence Amix PTV, avait très vite tiré un bilan positif de cette expérience : « Zaza est top, très discret. Certains salariés avaient peur pour leurs affaires, mais ces craintes se sont vite envolées. Il ne veut surtout pas rester sans rien faire. Il participe à des ateliers associatifs et fabrique des meubles avec des palettes. »

Lire aussi : Sans-abri : face aux températures glaciales, les associations dénoncent un manque de solutions d’hébergement

Les Bureaux du cœur travaillent main dans la main avec d’autres associations pour identifier les potentiels bénéficiaires. Entre autres critères, la personne hébergée ne doit pas avoir de problème d’alcoolisme ou de santé mentale. Au-delà de l’hébergement, Pierre-Yves Loaëc souligne la mobilisation spontanée des collaborateurs pour « aider la personne à refaire son CV » ou lui donner un coup de main sur le plan administratif. L’idée étant aussi de rapprocher le bénéficiaire du monde de l’entreprise et de lui faire bénéficier de son réseau de contacts.

Il vous reste 35.16% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Le smic va augmenter de 2,19 % au 1er mai du fait de l’inflation, selon le gouvernement

Elisabeth Borne à Rodez (Aveyron), le 6 avril 2023.

La première ministre Elisabeth Borne a assuré, vendredi 14 avril, que le smic augmenterait « d’un peu plus de 2 % » au 1er mai et a appelé les entreprises à « renégocier les grilles salariales ». La première ministre a fait cette annonce lors d’un déplacement dans un hypermarché à Hanches (Eure-et-Loir).

Le smic bénéficie chaque année d’une hausse mécanique au 1er janvier qui tient compte de la hausse des prix pondérée pour les 20 % de ménages aux plus faibles revenus. Mais des revalorisations interviennent aussi en cours d’année dès que l’inflation dépasse les 2 %.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Malgré la crise sociale, l’étonnante résistance de l’économie française

Or, l’inflation atteint 5,7 % en mars, ce qui va conduire mécaniquement « à une revalorisation du smic au 1er mai d’un peu plus de 2 % ». Cette hausse sera précisément de 2,19 % a précisé à l’Agence France-Presse (AFP) le cabinet du ministre du travail Olivier Dussopt. Le Smic net mensuel sera ainsi revalorisé de 30 euros, à 1 383 euros pour un équivalent temps plein.

Lors de cette visite, Mme Borne a appelé les entreprises à « renégocier au plus vite les grilles salariales » pour les employés afin que les salariés qui gagnent un peu plus que le smic ne soient pas pénalisés.

« Panier anti-inflation »

Accompagnée de la ministre déléguée aux PME Olivia Grégoire, la première ministre a également assuré que le « panier anti-inflation » mis en place par la grande distribution a permis d’éviter une forte hausse des prix.

« Grâce au trimestre anti-inflation, avec cet engagement des distributeurs à rogner sur leurs marges pour protéger le pouvoir d’achat, on a pu éviter cette flambée des prix de l’alimentation et des produits d’hygiène », a affirmé la cheffe du gouvernement.

Ce déplacement intervient après la publication par l’Insee des estimations définitives de l’inflation pour le mois de mars tirée par l’envolée des prix des produits alimentaires, son principal moteur.

Dans les rayons d’un hypermarché, Elisabeth Borne a été interrompue à plusieurs reprises par quelques manifestants. « On ne veut pas des 64 ans », « 49.3, on n’en veut pas », ont crié certains. Mais la première ministre a aussi pu engager le dialogue avec des clients, se disant « lucide » sur la force de la contestation.

Récit : Article réservé à nos abonnés Réforme des retraites : le gouvernement sous tension dans l’attente de la décision du Conseil constitutionnel

Le Monde avec AFP

Football et ramadan : « Dans les organisations privées, quelle que soit leur forme juridique, c’est la liberté de conviction et de manifester ses convictions qui prime »

Fin mars, la Fédération française de football (FFF) a diffusé un communiqué rappelant l’interdiction de l’arrêt des matchs pour permettre à des joueurs musulmans de rompre le jeûne du ramadan.

L’origine de cette prise de position ne serait pas à chercher du côté d’une demande de joueurs ou de clubs professionnels, mais d’informations remontées indiquant que de telles interruptions se seraient produites durant des matchs amateurs. Pour justifier sa décision, la Fédération a fait référence à ses statuts, qui énoncent un principe de « neutralité du football ». Elle a également souligné, par l’intermédiaire de son président de la Commission fédérale des arbitres, qu’il y a « un temps pour faire du sport, et un temps pour pratiquer sa religion ».

Réactions virulentes

Cette prise de position a rapidement été commentée et a parfois donné lieu à des réactions virulentes, allant jusqu’à en faire d’un côté un exemple d’une supposée islamophobie française et, de l’autre, de l’entrisme de la religion dans le football. Elle a aussi été opposée à celles de fédérations étrangères qui ont accepté ces interruptions de match.

Lire aussi : La FFF opposée aux interruptions de match destinées à permettre aux joueurs de rompre le jeûne du ramadan

Si ce contexte précis a ses spécificités, il s’agit d’un cas exemplaire des situations et des questions que suscitent les faits religieux au travail. En effet, les arguments mobilisés par la FFF sont ceux qui reviennent le plus souvent dans le discours des dirigeants d’entreprise et des manageurs, lorsqu’ils sont confrontés au fait religieux dans leurs situations de travail. Cela est particulièrement vrai dans des secteurs d’activité tels que le sport, les loisirs ou le médico-social : le réflexe le plus fréquent est de se référer au principe de laïcité, puis de rappeler que la religion devrait être réservée au domaine privé ou intime.

Sur ce point, il faut redire que la laïcité, dans son volet de neutralité religieuse, concerne le secteur public et l’action publique. Dans les organisations privées, quelle que soit leur forme juridique (sociétés, associations, etc.), c’est la liberté de conviction et de manifester ses convictions qui prime.

Légitimité et proportionnalité

L’organisation peut la restreindre, mais pour des raisons précises (par exemple, des règles d’hygiène ou de sécurité) et dans des circonstances précises : elle ne peut imposer une restriction de liberté générale et non motivée à ses salariés en rendant la neutralité religieuse obligatoire. Deux critères s’imposent donc à toute restriction : la légitimité et la proportionnalité.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Lionel Obadia : « Le football, une religion ? Il ne promet pourtant nul paradis et ne nourrit aucun sens du surnaturel »

Il faut ensuite rappeler que, au travail, les salariés sont des personnes dans toutes leurs dimensions. Ils ne sont pas simplement des compétences, des bras (des jambes pour les joueurs !), des capacités de calcul ou de vista. Ils viennent au travail tels qu’ils sont, sans laisser à la porte leurs soucis, leur caractère, leur imagination et, bien sûr, leurs convictions.

Il vous reste 59.33% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Partage de la valeur : les propositions des députés pour une meilleure redistribution des profits

Pour donner des gages aux partenaires sociaux et commencer à tourner la page de la réforme des retraites, le gouvernement compte sur le thème du partage de la valeur. Il est d’ores et déjà prévu que l’accord national interprofessionnel (ANI), conclu en février entre les organisations patronales et syndicales – à l’exception de la CGT –, soit fidèlement retranscrit dans la loi prochainement. L’exécutif pourra aussi s’appuyer sur le rapport parlementaire de la mission d’information sur le partage de la valeur remis par les députés Louis Margueritte (Renaissance, Saône-et-Loire) et Eva Sas (Europe Ecologie-Les Verts, Paris) mercredi 12 avril.

L’accord signé par les partenaires sociaux vise à généraliser les dispositifs existants en obligeant les entreprises de 11 à 49 personnes à instaurer un mécanisme « légal de partage de la valeur » (participation, intéressement mais aussi prime de partage de la valeur) si elles dégagent, durant trois années consécutives, un bénéfice significatif, au moins égal à 1 % de leur chiffre d’affaires. S’agissant des entreprises d’au moins cinquante salariés, des discussions devront s’ouvrir afin de « mieux prendre en compte les résultats exceptionnels » réalisés en France. Une mesure qui doit répondre, en partie, au débat qui agite la société depuis des mois sur les superprofits.

« Effets d’aubaine » sur les salaires

Les rapporteurs « soutiennent la transcription législative » de l’ANI, qui « est la preuve que le dialogue social fonctionne en France ». Ils estiment cependant nécessaire de le compléter. « L’ANI a été salué collectivement et c’est un accord historique », a tenu à rappeler Louis Margueritte lors de la présentation du rapport à la presse, tout en évoquant des pistes pour aller au-delà. Le rapport préconise d’avancer la date d’application prévue d’un an, au 1er janvier 2024. « Faire entrer en vigueur ce dispositif le 1er janvier 2025, en prenant en compte les données chiffrées y compris de 2024, signifierait un premier versement dans le courant de l’année 2025, soit dans des délais insatisfaisants par rapport à l’urgence du pouvoir d’achat », écrivent les auteurs. Outre cette volonté d’aller plus vite, les deux rapporteurs s’inquiètent de l’absence d’obligation de montant minimum à distribuer aux salariés. « Un chef d’entreprise pourrait ainsi satisfaire cette obligation en distribuant une PPV [prime de partage de la valeur] de 1 euro », soulignent-ils.

Les travaux de la mission d’information indiquent que le nombre d’entreprises concernées par la nouvelle obligation de l’ANI « pourrait être relativement restreint ». Selon des estimations des services du ministère du travail sur les données de 2020, « un maximum de 16 750 entreprises, sur les 130 000 entreprises comptant entre 11 et 50 salariés, pourraient être concernées par cette nouvelle obligation, soit entre 180 000 et 840 000 salariés ». En prenant des chiffres d’avant crise sanitaire, ce sont 67 000 entreprises qui auraient rempli les critères des trois années consécutives, « représentant environ 1,5 million d’équivalents temps plein ».

Il vous reste 45.25% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Le marché de l’emploi dopé par l’apprentissage

A carpenter apprentice works on a roof truss matching one of Notre-Dame de Paris Cathedral's as part of their training at the

Pour comprendre l’étonnante résistance du marché du travail, dans un contexte de crises multiples − pandémique, puis énergétique et inflationniste − depuis trois ans, il faut s’intéresser aux chiffres de l’apprentissage. Entre 2019 et 2022, une création d’emploi sur trois, soit 400 000 postes sur 1,2 million, était un emploi d’apprenti. La proportion est même montée à trois sur quatre au dernier trimestre 2022. Résultat, fin 2022, la France comptait 980 000 apprentis, soit plus du double qu’en 2018.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Les contrats d’apprentissage, une solution aux problèmes de recrutement des entreprises du numérique

« Le soutien apporté au développement de l’alternance, en particulier l’apprentissage, est le moteur le plus puissant des entrées en emplois aidés au cours des dernières années », écrit l’économiste Bruno Coquet dans une note publiée le 27 mars 2023 sur le blog de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE). Ce soutien a également contribué à la baisse du chômage, tombé à 7,2 % de la population active fin 2022.

Mais cela a un coût. Le « véritable boom de l’apprentissage », précise M. Coquet, ne date pas de la réforme de 2018, qui a élargi le dispositif, allégé les procédures et libéralisé l’offre de formation, mais de juillet 2020. Dans le cadre du plan de relance post-Covid, l’Etat a accordé une aide exceptionnelle, d’un montant de 5 000 euros pour un mineur et de 8 000 euros pour un majeur, à tous les jeunes entrant en apprentissage.

Cette aide, qui s’ajoute aux exonérations fiscales et sociales accordées aux employeurs et aux apprentis, a remplacé celle prévue dans la réforme de 2018. Celle-ci était réservée aux jeunes les plus éloignés du marché du travail, sortis prématurément du système scolaire, ou bien peu ou pas diplômés.

Redimensionnement

La mesure a coûté environ 4 milliards d’euros en 2021 et près de 5 milliards en 2022. Un montant qui peut paraître élevé dans une période où le marché de l’emploi se tient bien et qui a provoqué quelques dévoiements. Certaines entreprises en ont sans doute profité pour embaucher de la main-d’œuvre pas chère. « Mais cet effet de substitution n’est pas complet, argumente Yves Jauneau, responsable de la division synthèse et conjoncture du marché du travail à l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), car le taux d’emploi hors alternance chez les jeunes augmente également. »

Pour 2023, l’Etat a réduit un peu la voilure : l’aide exceptionnelle a été ramenée à 6 000 euros pour tous, quels que soient l’âge ou le niveau d’études, et n’est versée que pour la première année de contrat au lieu de trois ans.

Il vous reste 65.6% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.