Archive dans 2023

Emploi : les nouvelles pratiques des entreprises pour attirer les candidats

A Champagnole, au cœur du Jura, le groupe Global Metal Works construit une nouvelle usine pour abriter sa filiale Sublimétal. Cet investissement à 6 millions d’euros comprendra une salle de sport, un espace de détente et une salle dévolue à des cours théoriques, pour accompagner la création d’un centre de formation « maison ». Un vrai changement de décor pour les salariés, qui travaillent aujourd’hui dans l’usine plus que centenaire, un vieux bâtiment resté dans son jus.

Sébastien Buathier, le patron de ce groupe familial, espère que le site flambant neuf lui permettra d’aplanir l’une des principales difficultés du moment : recruter. La nouvelle usine peut accueillir une centaine de personnes, le double de l’effectif actuel. Une nécessité, car Sublimétal, qui travaille des pièces de métal pour les grandes marques, bénéficie de l’insolente santé du secteur du luxe. Elle ne manque donc pas de commandes, mais plutôt de bras pour galvaniser, polir et au final inspecter des milliers de boucles de ceinture, fermoirs de sac et autres accessoires, à la recherche du plus microscopique défaut.

Mais dans cette région peu dynamique démographiquement, située à une heure de voiture de la Suisse et de ses emplois bien rémunérés, la main-d’œuvre est devenue une denrée rare. Le taux de chômage est même tombé sous la barre des 5 %. Pour recruter, M. Buathier n’a pas le choix : Sublimétal propose des salaires à l’embauche 3 % au-dessus du smic, un accord d’intéressement généreux – 4 100 euros en 2022 par salarié – et une certaine souplesse dans les horaires, permettant de jongler avec les imprévus de la vie familiale. La création, ce printemps, du centre de formation, en partenariat avec le Greta, les structures spécialisées dans la formation des adultes, doit permettre à Sublimétal d’ajouter une carte dans son jeu, par exemple en offrant « une reconversion aux anciens salariés de la lunetterie ». Trois personnes sont déjà entrées dans le dispositif, qui les mènera vers un contrat de professionnalisation et peut-être une embauche.

Sortir le carnet de chèques

Mais il n’est nul besoin d’être implanté dans l’une des régions les moins densément peuplées du pays pour se heurter à la pénurie de main-d’œuvre. Apparues à la suite de la pandémie de Covid-19, les difficultés de recrutement atteignent des proportions inédites en France. Elles touchaient un peu plus d’une entreprise sur deux en mars 2023, contre 36 % en mai 2021, selon une note de la Banque de France, publiée lundi 17 avril.

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« Il est temps d’améliorer la prévention et la reconnaissance des atteintes psychiques au travail »

La journée du 28 avril a été choisie par l’Organisation internationale du travail pour promouvoir la sécurité et la santé au travail. Le mouvement contre la réforme des retraites a montré à quel point il est urgent de rendre le travail plus soutenable. Les accidents du travail commencent maintenant à occuper une place importante dans le débat public, même si les réponses gouvernementales ne sont pas à la hauteur. Mais des pans entiers des atteintes à la santé au travail restent trop négligés, tant du côté de la prévention que du côté de la réparation : c’est le cas notamment des cancers d’origine professionnelle ou des atteintes à la santé psychique, dont il sera ici question.

Le management par les chiffres, les réorganisations permanentes et imposées, les conduites du changement délétères, le recours à l’emploi précaire ou sous-traité ont dégradé les solidarités au sein des collectifs et provoqué une rupture entre le travail et son sens. Les souffrances ainsi causées sont très peu reconnues, bien qu’elles participent des atteintes à la santé au travail proscrites par la loi.

Pour l’année 2018, les pathologies psychiques sont estimées par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail à 31 % de l’ensemble des pathologies en relation avec le travail dans les services publics, et à 41 % dans le commerce et les autres services. Or, elles ne représentent que 2 % des maladies professionnelles et 1 % des accidents du travail reconnus. Une récente étude de Santé publique France, portant sur un échantillon de 1 135 suicides, estime que 10 % sont en lien potentiel avec l’activité professionnelle. Si l’on applique ce taux au nombre total de suicides, cela représenterait plus de 800 suicides liés au travail en 2021 – sans compter les tentatives, dont le nombre est de 6 à 7 fois supérieur.

Intensité, autonomie

La commission de la Sécurité sociale chargée d’évaluer la sous-déclaration estime à 108 000 le nombre de pathologies psychiques qui auraient dû être reconnues comme accidents du travail ou maladies professionnelles en 2021. Mais la Sécurité sociale et les conseils médicaux de la fonction publique continuent à pratiquer le compte-gouttes en matière de reconnaissance de ces maladies professionnelles : on peut estimer que guère plus de cinq atteintes à la santé psychique sur cent sont actuellement reconnues. Sans oublier que les fonctionnaires, les indépendants, les agriculteurs et les salariés relevant de la Mutualité sociale agricole, les marins pêcheurs, les travailleurs détachés européens, les chômeurs, qui souffrent aussi du travail – soit un potentiel de plus de 10 millions de salariés –, sont exclus de ces chiffres.

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Management : « La subsidiarité invite à retrouver l’énergie et la responsabilité du pouvoir d’agir au bon niveau d’efficience »

Gouvernance. La notion de subsidiarité intéresse de plus en plus les dirigeants désirant libérer leurs organisations des lourdeurs bureaucratiques. On la confond malheureusement souvent avec une simple délégation de responsabilité aux niveaux hiérarchiques inférieurs visant à accroître l’autonomie des collaborateurs. En réalité, la subsidiarité est l’exact opposé d’un tel ruissellement des responsabilités du haut vers le bas.

Il s’agit d’une organisation du travail qui accorde la totalité du pouvoir de décider à l’échelon le plus directement concerné par les conséquences de la décision prise. Par exemple, un vendeur a la connaissance de son client et la compétence pour comprendre son besoin ; il est donc celui qui a la meilleure intelligence de son travail dans la relation commerciale, et il doit pouvoir l’organiser indépendamment de toutes normes et prescriptions managériales. Il en sera de même pour tout collaborateur dans le champ de sa mission.

La délégation de pouvoir s’opère alors du bas vers le haut. Comme les collaborateurs ne peuvent pas détenir toutes les compétences, ni assurer tous les services permettant de réaliser un « bon travail », ils concèdent une partie de leur pouvoir d’agir à une instance ayant une vision plus large des conséquences de leur activité en la chargeant de proposer des outils ou des méthodes pour les soutenir. Par exemple, différents commerciaux confient à un responsable commun le déploiement d’une animation permettant de leur faire réaliser des économies d’échelle et d’efforts.

Au bénéfice du travail de chacun

Ce niveau lui-même délègue à un niveau ayant une hauteur de vue plus générale encore la résolution de problèmes qui nécessite d’embrasser une vision commune à un ensemble d’activités : par exemple, une comptabilité permettant de comparer les performances de tous les commerciaux.

Plus on s’élève dans cette délégation de pouvoir du bas vers le haut, plus on s’éloigne du travail immédiatement productif pour s’intéresser aux moyens qui facilitent ce travail. A l’échelon le plus éloigné, le dirigeant détient la responsabilité, concédée par les strates ascendantes de collaborateurs, de rendre harmonieux l’ensemble au bénéfice du travail de chacun.

Tel est le sens de la subsidiarité, dont l’étymologie (subsidiarii, en termes militaires, qualifiait les troupes de réserve) rappelle que la hiérarchie vient en aide aux collaborateurs pour faciliter ou enrichir leur travail. On est loin de la délégation de pouvoir en cascade qui suppose que le dirigeant détient toutes les compétences et une puissance d’agir quasi divine qu’il délègue partiellement aux manageurs ; eux-mêmes, par un ruissellement condescendant, l’accordant avec parcimonie aux collaborateurs de base.

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Face à l’urgence écologique, comment les étudiants « bifurqueurs » d’AgroParisTech ont rendu crédible une voie alternative

« Bravo les jeunes ! Merci de l’avoir dit avec autant de fracas, une autre voie est possible. » C’est l’un des e-mails dont Théophile Duchâteau se souvient le mieux, ému par « ce papy passé par AgroParisTech dans les années 1980 et devenu éleveur dans la foulée », tenant à les féliciter après l’immense bruit médiatique suscité par leur discours. Il est l’un des huit étudiants « bifurqueurs » montés sur scène, le 30 avril 2022, lors de la remise des diplômes annuelle de la prestigieuse école d’ingénieurs AgroParisTech, formant majoritairement des cadres et des ingénieurs du secteur agroalimentaire. Les huit camarades prononcèrent un discours de rupture, critique de leur formation et de ses débouchés qui poussent, selon eux, « à participer aux ravages environnementaux et sociaux en cours » en entretenant « une agro-industrie qui mène la guerre au vivant ».

Ce jour-là, ils invitèrent leur promotion et « tous ceux qui doutent » à s’en détourner, tout comme des concepts tels que les « énergies ou la croissance vertes », pour « bifurquer, déserter, avant d’être coincé par des obligations financières », et rejoindre des terrains de luttes écologiques et paysannes. Un cheminement qu’ils ont eux-mêmes entrepris, citant leurs expériences au sein de la zone à défendre (ZAD) de Notre-Dame-des-Landes (Loire-Atlantique), auprès du mouvement des Soulèvements de la Terre, ou encore en formation d’apiculture. Filmée, la séquence de sept minutes avait atterri sur les réseaux sociaux et généré, en quelques jours, plus de dix millions de vues, des tweets de personnalités politiques, bientôt des tribunes pleines d’empathie ou de sévérité à leur égard.

Si d’autres discours d’ingénieurs critiques de leur formation avaient déjà été prononcés, « celui-ci a une dimension historique, tant par sa portée médiatique que par sa rhétorique explicitement politique. Il a obligé nombre d’ingénieurs à se positionner sur les enjeux écologiques, c’est-à-dire à désigner des responsables et à identifier les stratégies pertinentes d’action », analyse Antoine Bouzin, ingénieur et doctorant en sociologie travaillant sur le militantisme écologique au sein de ce corps de métier.

« Les diplômés d’AgroParisTech dénoncent de manière nette les effets néfastes de la technique, ils revendiquent la bifurcation comme un acte militant, distincte d’une démarche individuelle de reconversion professionnelle, poursuit-il. Cette posture n’est pas forcément agréable à entendre pour des ingénieurs globalement peu politisés, peu sujets à la réflexivité, dont les métiers liés à la diffusion de l’innovation leur assurent une carrière souvent confortable et de bons niveaux de rémunération. »

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De ChatGPT à Midjourney, les intelligences artificielles génératives s’installent dans les entreprises

« J’ai commencé à utiliser ChatGPT en janvier, raconte Pierre, chargé de communication dans une PME de services administratifs, à propos du désormais célèbre robot conversationnel lancé en novembre 2022 par la société OpenAI. Au début, les résultats n’étaient guère probants, mais en me perfectionnant grâce à des vidéos YouTube, j’ai réussi à automatiser environ de 30 % à 40 % de ma charge de travail, qui consiste à écrire des articles et des billets sur les réseaux sociaux. » L’auteur de ce témoignage, recueilli dans un appel lancé sur Lemonde.fr, est enthousiaste… mais ne souhaite pas que son nom apparaisse, car le patron de sa PME « a beaucoup de mal à considérer l’utilisation des intelligences artificielles [IA] comme du travail réel ».

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Dans la tête des créateurs de ChatGPT

La vogue des IA dites génératives – capables de créer, à partir d’une simple instruction écrite, du texte, comme ChatGPT, ou des photos ultraréalistes, comme Midjourney – commence à toucher les entreprises. « Aujourd’hui, tous les créatifs de notre agence jouent avec ces logiciels. Et particulièrement les moins de 35 ans », raconte Bertille Toledano, présidente de l’agence de publicité BETC et coprésidente de l’Association des agences-conseils en communication (AACC). Mais, au-delà des premiers convertis technophiles, ces outils vont-ils bouleverser le monde du travail ? Ou rejoindront-ils la liste des nouveautés ayant fait l’objet d’un emballement exagéré avant de décevoir, comme le métavers ou le casque de réalité virtuelle ?

« Les intelligences artificielles génératives ont un effet sur des métiers qui semblaient à l’abri de l’automatisation, en particulier dans le tertiaire », décrypte le sociologue Yann Ferguson, enseignant-chercheur à l’Institut catholique d’arts et métiers de Toulouse et responsable scientifique de LaborIA, un programme d’analyse des impacts de l’IA sur le travail lancé en 2021 par le gouvernement et l’Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique. Dans les entreprises, dans la banque d’affaires Morgan Stanley ou la plate-forme d’e-commerce Cdiscount, des premiers déploiements ont déjà lieu. Et les géants du numérique – Microsoft, Google, Amazon ou Meta – poussent ces technologies.

« Les entreprises sont plutôt convaincues, mais elles se posent aussi des questions », constate Laurent Daudet, cofondateur de LightOn, un éditeur français de grands modèles de traitement du langage, les moteurs sur lesquels s’appuient les interfaces comme ChatGPT. Quel sera vraiment l’apport de l’IA générative ? Quels sont les risques ? Un sondage JobTeaser-Kantar de février résume l’ambivalence des sentiments face à cette technologie : une majorité des actifs entre 18 et 27 ans considéreraient qu’elle libérera du temps de travail ou créera des nouveaux emplois… mais 61 % craignent aussi un impact sur leur carrière.

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« Pacte de la vie au travail » : des pistes pour nourrir la proposition d’Emmanuel Macron

Réfléchir aux nouveaux rapports au travail, à son avenir et à son sens. C’était l’objectif des Assises du travail, déclinaison du Conseil national de la refondation, l’instance lancée par Emmanuel Macron en septembre 2022. C’était aussi ce dont voulaient discuter les organisations de salariés, la CFDT en tête, comme préalable à la réforme des retraites.

Remis lundi 24 avril au ministre du travail, Olivier Dussopt, le rapport des Assises arrivent finalement après la promulgation de la loi. Une synthèse qui conclut cinq mois de travaux réalisés dans un contexte social éruptif. Le document remis par les deux garants des Assises, la présidente de la commission travail et emploi du Conseil économique, social et environnemental (CESE), Sophie Thiéry, et le président du groupe Renault, Jean-Dominique Senard, fait dix-sept propositions pour « reconsidérer le travail ».

Pas de grand séisme en vue, d’autant plus que les préconisations des Assises n’ont rien d’engageant pour le gouvernement, mais plusieurs pistes pourraient nourrir l’agenda social de l’exécutif dans les prochains mois. Des recommandations considérées comme « une première pierre pour alimenter le futur pacte de la vie au travail », a affirmé Olivier Dussopt lors de la remise du rapport, en référence au projet présenté par Emmanuel Macron lors de son allocution du 17 avril, qui doit notamment reprendre les dispositions de la réforme des retraites censurées par le Conseil constitutionnel telles que celles concernant l’emploi des seniors.

« Culture de la confiance »

Le chef de l’Etat a réaffirmé, dans un entretien au Parisien publié lundi, que les partenaires sociaux ont « jusqu’à la fin de l’année pour négocier » sur ce sujet. En cas d’échec des négociations, « on reprendrait à tout le moins ce qui était prévu » dans la réforme des retraites, a-t-il précisé, ajoutant que cela ne serait pas dans la loi plein-emploi qui doit arriver avant l’été. Celle-ci devrait porter la réforme du lycée professionnelle et celle du service public de l’emploi avec la création de France Travail, futur guichet unique pour tous les demandeurs d’emploi.

Les recommandations des Assises se concentrent sur quatre axes, considérées comme « les priorités », selon les deux garants. Le premier axe vise « un changement de mentalité qui ne nécessite pas forcément le recours à la loi », a indiqué Sophie Thiéry. Une profonde transformation du rapport entre employeurs et travailleurs pour « passer d’une culture du contrôle à une culture de la confiance a priori », note le rapport. Gagner cette « bataille de la confiance » passe par une « révolution des pratiques managériales », car les travailleurs ont « besoin d’écoute et de respect », a précisé Jean-Dominique Senard, lundi. Un management « de proximité » qui irait de pair avec un dialogue social lui aussi « de proximité ».

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Réforme des retraites : ces professions qui vont continuer de bénéficier d’un âge de départ dérogatoire

Lors d’une manifestation contre la réforme des retraites aux abords de l’aéroport de Nice, le 23 mars 2023.

Alors qu’elle continue d’être combattue dans certains secteurs comme celui de l’énergie, la réforme des retraites a engendré très peu de remous au sein de plusieurs professions. Une telle sérénité tient aux traitements singuliers que l’exécutif a réservés à des catégories bien définies de salariés accomplissant des tâches pénibles ou risquées : pour une partie d’entre eux, l’âge à compter duquel ils pourront réclamer le versement de leur pension restera le même.

Contrairement à d’autres actifs, les pilotes, hôtesses de l’air et stewards ont été peu présents lors des douze journées nationales de mobilisation contre le texte qui décale de 62 à 64 ans l’âge légal de départ à la retraite – la règle de droit commun. Une petite partie d’entre eux se sont joints aux cortèges, mais le nombre de ceux qui ont fait grève s’est avéré faible.

Cette situation tient au fait que la Fédération nationale de l’aviation et de ses métiers (FNAM), le lobby des compagnies aériennes, et les syndicats ont négocié avec l’Etat le maintien des dispositions actuelles, construites autour de la caisse de retraite du personnel navigant (CRPN), qui est un régime complémentaire.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés L’aviation de ligne victime collatérale de la réforme des retraites

Les travailleurs du ciel bénéficient de règles dérogatoires, inscrites dans le code des transports. Ainsi, on ne peut pas être pilote ou copilote d’avion et d’hélicoptère « au-delà de 60 ans ». Les intéressés ont toutefois la possibilité de rester dans le cockpit après cette borne d’âge (jusqu’à 65 ans maximum), mais ils doivent se soumettre à une visite médicale.

Pension complémentaire

Quant aux hôtesses de l’air et aux stewards, la loi les oblige à cesser leur activité une fois franchi le cap des 55 ans, mais ils conservent la faculté d’occuper leur poste après cette limite, à condition d’avoir subi des examens d’aptitude.

Précision importante : les navigants qui mettent un terme à leur parcours professionnel – par exemple à 60 ans – perçoivent une pension complémentaire de la CRPN. Pour ce qui est de la pension « de base » (attribuée par la Caisse nationale d’assurance-vieillesse), ils sont soumis au droit commun et ne peuvent donc pas la toucher avant 62 ans, à l’heure actuelle ; à terme, il leur faudra patienter jusqu’à 64 ans, avec la réforme récemment promulguée.

Autre élément indispensable à signaler : les ex-navigants reçoivent une forme d’indemnisation pour compenser le fait qu’ils doivent attendre un certain temps avant de se voir octroyer leur pension de base. Cette période intercalaire étant appelée à s’allonger de deux années (à cause du passage de 62 à 64 ans), le coût de la prise en charge va s’accroître.

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Devoir de vigilance des entreprises : les Européens ne sont pas encore au bout du chemin

Dix ans après la catastrophe du Rana Plaza – cet immeuble de huit étages qui abritait six ateliers de confection textile à Dacca, la capitale du Bangladesh, travaillant, en bout de ligne, pour des enseignes comme Mango et Primark, et dont l’effondrement, le 24 avril 2013, a fait plus de 1 100 morts –, l’Union européenne (UE) n’a toujours pas de loi sur le devoir de vigilance. Mais, tout doucement, elle se met en position de se doter d’un texte qui contraindrait les entreprises à mieux prévenir les violations des droits de l’homme et les préjudices environnementaux tout au long de leur chaîne d’approvisionnement.

Mardi 25 avril, le Parlement européen devrait adopter sa version amendée du projet de directive sur la gouvernance d’entreprise durable que la Commission avait présenté le 23 février 2022. Ce sera fait dans le cadre de sa commission des affaires juridiques, qui a obtenu un mandat de négociation, ce qui veut dire que cette décision n’aura pas besoin d’être validée par un vote en séance plénière.

Les élus ne veulent en effet pas prendre le risque de voir, à cette occasion, le texte réécrit, alors que la droite et l’extrême droite cherchent à en réduire la portée. Les Etats membres, pour leur part, ont arrêté leur position en décembre 2022. Il reste désormais à ces deux parties – les Vingt-Sept et l’Assemblée de Strasbourg – à négocier un compromis, ce qui s’annonce difficile, tant le sujet les divise.

Critères de responsabilité

Premier élément clivant : les entreprises concernées par ce texte. Le Parlement européen entend viser celles de plus de 250 salariés et de 40 millions d’euros de chiffre d’affaires, ainsi que les maisons mères de plus de 500 salariés et de 150 millions de chiffre d’affaires. Les Vingt-Sept, et notamment l’Allemagne, attachée à son tissu de PME, auront à cœur de défendre une position plus restrictive.

Deuxième point de discorde : pour les eurodéputés, le donneur d’ordres doit être totalement responsable du dommage éventuel, même s’il peut ensuite se retourner vers ses sous-traitants. Une vision que défend la France, mais à laquelle Berlin est radicalement opposé, arguant que la responsabilité doit être partagée entre tous les acteurs. « Cette question sera le vrai gros sujet des discussions », anticipe l’eurodéputé (S&D) Pascal Durand.

Autre point dur des négociations à venir : les établissements financiers – banques, assureurs, fonds d’investissement, fonds de pension… – sont-ils responsables de la manière dont leur argent est utilisé par les entreprises ? Oui, répond le Parlement européen, comme les Pays-Bas, le Danemark ou la Finlande, quand la France, notamment, ne veut pas en entendre parler. Sur insistance de Paris et de ses alliés (Espagne, Italie, Slovaquie, Portugal), les Vingt-Sept ont d’ailleurs décidé qu’il revenait aux Etats membres de choisir.

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L’argot de bureau : le « hackathon », tout sauf un jeu

Un événement « nec mergitur » lancé en 2016 par la Mairie de Paris rassemblant 400 personnes pour imaginer des moyens de lutter contre le terrorisme ; un autre, en février, à l’Agence de l’innovation pour les transports, pour réfléchir au « titre de transport unique » de demain, sous l’égide du gouvernement ; un dernier, en février, à Toulouse, où des étudiants sont invités à inventer « l’aviation verte ». Dans les grandes écoles d’informatique ou de commerce, des administrations, des associations à but non lucratif, en interne dans certaines grandes entreprises (BNP Paribas, SNCF, Axa…), ce mot étrange pullule depuis dix ans, lorsqu’il faut trouver une solution à un problème.

Si le coureur a son marathon, le buveur son barathon, Néfertiti son Akhenaton… le développeur a son hackathon. Ce mot-valise renvoie à la course à pied née en Grèce, et à la culture « hackeur », née aux balbutiements de l’informatique. Les premiers hackathons prennent place au tout début du XXIe siècle.

A l’origine, ce sont des concours d’innovation, réunissant des développeurs souhaitant réaliser un projet de programmation informatique en commun. Chez Facebook, qui fut l’un des premiers amateurs d’affrontements (non violents, que l’on soit clair) entre ses propres employés, un hackathon a donné naissance au bouton « J’aime [Like] » .

Une servitude volontaire

Attaquons donc le hackathon. Si le marathon est une course de fond, il convient ici d’aller vite : le temps très court fait partie du jeu, et il faut obtenir un résultat. La plupart du temps, quarante-huit heures font l’affaire. Chaque équipe, relativement réduite, conçoit puis expérimente sa solution, jusqu’à obtenir un prototype d’application mobile, par exemple. A la fin, c’est la fumée blanche : le projet vainqueur est récompensé.

Cantonné au milieu du code et du logiciel libre, le hackathton s’est vite dévoyé, devenant davantage un jeu de rôle, une expérience « fun ». On imagine tout ce petit monde phosphorant gaiement, animé par des bouffées d’intelligence collective. « Tout devient hackathon, estime l’humoriste Karim Duval, qui y consacre un chapitre dans son Petit Précis de culture bullshit (Le Robert, 224 pages, 13,40 euros) : brainstorming, séminaire d’entreprise, groupe de parole, mölkky géant, chenille… » D’une certaine manière, toute réunion peut devenir hackathon, à la différence que, cette fois-ci, tous les participants se sentent concernés et restent éveillés.

Car l’expérience est sociale : elle est l’occasion pour des participants aux métiers solitaires ou radicalement différents de se rencontrer, et de garder un joli souvenir de ce week-end sans sommeil ni soleil. Les hackathons sont aussi l’occasion pour les entreprises organisatrices de faire rayonner leur « marque employeur », de donner une image jeune, et de repérer un potentiel talent, en conviant étudiants, start-up ou simples curieux.

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Emploi des femmes : « Il faut créer de nouveaux liens contractuels, tant dans le couple que dans les milieux professionnels »

Les métaphores du plafond de verre rendent mal compte de la place des femmes dans le monde du travail. Les hommes, agglutinés dans les lieux de pouvoir, occultent en réalité totalement la lumière – même si, aujourd’hui, filtrent enfin quelques lueurs du ciel grâce aux évolutions de la population cadre féminine et aux quotas. Et parlons plutôt de murs de béton, car, excepté dans les métiers du numérique, rien ne bouge : sur 87 familles de métiers, seules 13 peuvent être considérées comme mixtes, c’est-à-dire comportant 40 % d’un sexe donné. L’image de deux ascenseurs me semple plus adaptée. Celui des hommes est moderne, rapide et bien huilé ; celui des femmes est grippé par un mal qui ronge et coince les rouages à tous les étages, le sexisme.

Et c’est à l’étage le plus haut que cela coince le plus, celui de la gouvernance : un espace occupé par les « hommes du 6e étage », pour parodier le titre du film de Philippe Le Guay Les Femmes du 6e étage (2011) – nous opérons là un renouvellement de la sociologie des immeubles, puisque cet espace était autrefois dévolu au personnel domestique. La charge même de l’ascenseur des femmes diffère au fil des ans : voilà qu’à 30 ans montent les enfants et, à 50 ans, les parents âgés, dont elles doivent s’occuper.

Quels que soient les secteurs, les femmes s’éclipsent au fil des étages : si l’on compte 50 % de femmes dans une organisation de travail, il ne reste plus que 35 % de femmes cadres supérieures et 15 % de cadres dirigeantes. L’opting out, c’est-à-dire le fait de partir en renonçant à des postes de pouvoir, renforce ce phénomène et montre que les femmes veulent jouer à un autre jeu : pas seulement gagner leur vie, mais valoriser le capital humain et être citoyennes du monde. Cette fuite des talents doit interroger sur notre modèle de gouvernance.

Passage obligé

Alors que faire ? Conserver le modèle actuel mais le rendre plus inclusif pour les femmes, grâce aux quotas, à l’attention portée aux biais de genre dans les procédures formelles et informelles de gestion des carrières ? S’attaquer au sexisme ordinaire en entreprise ? Certes, cela est indispensable, mais encore insuffisant. Seule issue : créer de nouveaux liens contractuels, tant dans le couple que dans les milieux professionnels.

En effet, les régimes matrimoniaux sont des contrats portant sur l’argent, mais jamais sur le temps, qui est pourtant une ressource fondamentale. L’argent est du côté des hommes et le temps du côté des femmes : l’un vaut quelque chose, et le droit s’en mêle ; l’autre ne vaut rien, et le droit n’y touche pas, car il apparaît comme relevant du domaine du don, de la gratuité, comme une ressource féminine qui n’a pas de prix.

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