Archive dans 2023

Stellantis propose un plan de départs volontaires à des dizaines de milliers de ses salariés en Amérique du Nord

Carlos Tavares, PDG de Stellantis (à gauche), dévoile le Ram 1500 REV au New York International Auto Show, à New York, le 5 avril 2023.

Le constructeur automobile Stellantis a annoncé, mercredi 26 avril, qu’il allait proposer un plan de départs volontaires à certains de ses salariés aux Etats-Unis et au Canada, dans le but de réduire ses coûts et de financer sa transition vers l’électrique. Aux Etats-Unis, ce programme sera proposé à environ 33 500 salariés, a précisé une porte-parole du groupe à l’Agence France-Presse (AFP). L’entreprise n’a pas fourni de chiffres pour le Canada.

« En réponse aux conditions de plus en plus concurrentielles du marché mondial actuel et au passage nécessaire à l’électrification, Stellantis procède à un examen approfondi de ses activités en Amérique du Nord afin d’améliorer l’efficacité, de réduire les coûts et de protéger la compétitivité de nos produits pour permettre de nouveaux investissements stratégiques en vue de soutenir notre transformation », a expliqué l’entreprise dans un message transmis à l’AFP.

Après avoir dû faire face pendant la pandémie à d’importantes difficultés d’approvisionnement et à l’augmentation de leurs coûts, les constructeurs automobiles doivent désormais gérer la hausse des taux d’intérêt, qui renchérit le prix des voitures et pourrait finir par peser sur la demande. Dans le même temps, ils doivent investir des milliards pour la transition vers l’électrique.

Une « insulte », estime le président du syndicat UAW

General Motors, toujours dans le but de faire des économies, avait déjà proposé début mars un plan de départs volontaires. Environ 5 000 salariés y ont souscrit. Invoquant la transition vers l’électrique, Ford avait de son côté annoncé, en février, la suppression de 3 800 postes en Europe d’ici à 2025, après avoir fait part en août 2022 de la suppression d’environ 3 000 postes, principalement en Amérique du Nord et en Inde.

Ces plans de départs sont organisés à quelques mois de l’ouverture de négociations avec le syndicat américain de l’automobile UAW pour un nouvel accord de branche. Dans un communiqué séparé, le nouveau président du syndicat, Shawn Fain, a estimé que l’initiative de Stellantis, après un bénéfice de 16,8 milliards d’euros en 2022, était une « insulte » à ses membres. « Les responsables politiques et les contribuables financent la transition vers le véhicule électrique [avec de nombreuses aides gouvernementales], et c’est comme ça que la classe ouvrière est remerciée », s’est-il insurgé.

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En 2022, le salaire en or du PDG de Stellantis avait provoqué une fronde des actionnaires. Ses émoluments auraient grimpé à 66 millions d’euros selon les calculs de Proxinvest, une société qui conseille les détenteurs d’actions sur leur politique de vote en assemblée générale.

Le Monde avec AFP

« L’intérim médical dans les hôpitaux publics est le symptôme d’un mode de pilotage à changer radicalement »

Les ministres du budget et de la santé viennent de fixer un nouveau tarif plafond pour les médecins intérimaires des hôpitaux publics. Les ministres du budget et des transports décident-ils de la rémunération des intérimaires à la SNCF ? Plus de cinq mille médecins hospitaliers préfèrent en effet travailler en intérim, en particulier dans les spécialités les plus en concurrence avec les hôpitaux privés, comme la médecine d’urgence, l’anesthésie, la radiologie, la pédiatrie…

Malgré la précarité de ces contrats et, parfois, le stress lié au travail dans des conditions inconnues, ces médecins ne choisissent pas ce mode d’exercice uniquement pour gagner plus. La plupart veulent surtout rester indépendants d’institutions qu’ils considèrent comme maltraitantes vis-à-vis de leurs confrères titulaires, du fait du nombre de postes de médecin vacants. Un cercle vicieux.

Lire le décryptage : Article réservé à nos abonnés Intérim médical : comment des hôpitaux s’adaptent au plafonnement des tarifs

Face à ce symptôme des maux des hôpitaux publics, cette décision ministérielle apparaît adaptée et courageuse. Adaptée, car le nouveau tarif plafond de l’intérim médical (1 390 euros brut pour une garde de vingt-quatre heures) est supérieur au tarif moyen pratiqué. Il conduit à une rémunération mensuelle brute de 14 000 euros dans le cas de deux gardes par semaine et d’une garde de week-end toutes les trois semaines.

Déduction faite de leurs frais professionnels et de leurs congés, ce nouveau tarif permet encore aux médecins intérimaires d’atteindre, à temps de travail équivalent, un revenu net supérieur à celui des praticiens hospitaliers.

Une épreuve de force

Courageuse, car il n’est pas facile de mettre le couvercle sur la concurrence entre les hôpitaux publics à la recherche de médecins de plus en plus rares, avec son corollaire, l’inflation des coûts de l’intérim. Ainsi, le fait que des médecins intérimaires aient décidé d’engager une épreuve de force en refusant de travailler à ce tarif plafonné rend plus visible la difficulté de très nombreux services hospitaliers sauvés par ces médecins et par d’autres, à diplôme étranger.

Mais cette décision reste parcellaire, car l’intérim médical dans les hôpitaux publics demeure le symptôme d’un mode de pilotage à changer radicalement. Pour ne pas aggraver la situation des hôpitaux publics, la décision prise devrait s’accompagner d’un ensemble d’autres mesures, en particulier :

– l’application du plafonnement de ces tarifs à tout le secteur, y compris les hôpitaux privés et les médecins libéraux qui y exercent ;

– l’augmentation, importante et pérenne, de la rémunération des sujétions les plus pénibles des médecins publics ;

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Viessmann, leader allemand de la pompe à chaleur, forcé de se vendre à son concurrent américain

Dans une usine Viessmann, à Allendorf, en Allemagne, le 9 août 2022.

C’est un tremblement de terre, une affaire qui en dit long sur l’angoisse du « made in Germany », face à une concurrence asiatique de plus en plus menaçante. Le groupe Viessmann, très prospère, spécialiste des systèmes de chauffage, fondé en 1917, a annoncé, mardi 25 avril, son intention de vendre son cœur de métier à un concurrent américain, pour un montant estimé à 12 milliards d’euros, pour créer un « champion mondial des solutions intelligentes pour le climat et l’énergie ».

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L’événement a provoqué l’émoi outre-Rhin, certains responsables politiques se désolent de voir une entreprise traditionnelle innovante passer entre des mains étrangères, faute de pouvoir s’adapter seule aux bouleversements en cours.

L’annonce du deal survient quelques jours après que Berlin a annoncé les contours de sa « transition chaleur », qui doit permettre de faire baisser rapidement les émissions de gaz à effet de serre des bâtiments : dès 2024, tout nouveau système de chauffage installé devra obligatoirement fonctionner à 65 % d’énergie renouvelable. A partir de l’année prochaine, aucun nouveau chauffage au gaz ou au fioul ne pourra plus être installé outre-Rhin. Et d’ici à 2030, 500 000 pompes à chaleur électriques et neutres en carbone arriveront chaque année dans les bâtiments allemands, subventionnées par l’Etat. Le marché du siècle.

Pour Viessmann, cette réforme a une conséquence paradoxale : alors que le groupe est le leader allemand de la pompe à chaleur, il est incapable d’augmenter sa production suffisamment rapidement pour répondre à l’explosion de la demande à venir, notamment parce qu’il réalise encore une grande partie de son chiffre d’affaires avec des systèmes de chauffage fossiles. Le risque est de laisser un boulevard aux géants asiatiques, comme Daikin, Samsung ou LG, capables de produire en grande quantité des systèmes de climatisation et de pompe à chaleur à des prix très compétitifs.

« Un marché pionnier »

Viessmann a donc fait le choix radical de vendre 85 % de son activité à son concurrent Carrier, originaire de Floride, y compris la très lucrative spécialité pompes à chaleur. Cette alliance devrait permettre au groupe allemand de pousser sa production et de faire baisser ses prix.

L’américain, de son côté, espère pénétrer plus facilement le marché européen. « Pour Carrier, l’Allemagne est un marché pionnier. Je pense qu’ils veulent l’expérimenter, changer d’échelle pour déployer les pompes à chaleur aux Etats-Unis. Le cas échéant, avec l’aimable soutien de l’Inflation Reduction Act [IRA] », estime l’économiste Jens Südekum, professeur d’économie internationale à l’université de Düsseldorf.

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Chômage : Le nombre de demandeurs d’emploi sans activité en baisse de 1,2 % au premier trimestre 2023

Bonne nouvelle pour le gouvernement. Le marché du travail continue de résister malgré l’inflation toujours forte et une croissance en berne. Au premier trimestre, le nombre de demandeurs d’emploi sans aucune activité (catégorie A) a à nouveau baissé, de 1,2 %, selon les statistiques diffusées, mercredi 26 avril, par Pôle emploi et la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares), qui dépend du ministère du travail.

Il y a désormais 3,016 millions de personnes dans cette situation sur l’ensemble du territoire (outre-mer comprise, hors Mayotte), soit 36 000 de moins en trois mois. Si l’on tient seulement compte des variations en métropole, le nombre de demandeurs d’emploi en catégorie A confirme son installation sous la barre des 3 millions, à 2,8 millions exactement. Des chiffres bienvenus pour Emmanuel Macron alors qu’une loi doit arriver d’ici l’été pour permettre au gouvernement d’atteindre son objectif de plein-emploi d’ici à 2027, c’est-à-dire un taux de chômage autour de 5 %, contre 7,2 % actuellement.

Les évolutions sont favorables pour quasiment toutes les tranches d’âge, en particulier pour les inscrits dans la catégorie A de Pôle emploi qui ont 50 ans ou plus : – 1,7 % entre début janvier et fin mars dans l’Hexagone, confirmant le recul observé depuis un an (– 7,3 %). Une diminution particulièrement notable alors que la question de l’emploi des seniors est au centre des débats de la réforme des retraites récemment promulguée. Le sujet doit faire l’objet d’une négociation entre partenaires sociaux d’ici la fin de l’année.

La baisse est à l’œuvre également pour les 25-49 ans, avec – 1,4 % sur trois mois. En revanche, on observe une très légère augmentation (0,5 %) du nombre de demandeurs d’emploi de moins de 25 ans.

Transfert entre catégories

Le phénomène baissier du premier trimestre est toutefois bien moins marqué si l’on ajoute les demandeurs d’emploi en activité réduite (catégories B et C). Car le nombre d’inscrits en France métropolitaine en catégorie B – ceux qui ont travaillé moins de 78 heures sur un mois – continue de croître légèrement (+ 0,3 % par rapport au trimestre précédent ; 6,2 % sur un an). Quant à ceux qui ont travaillé plus de 78 heures (catégorie C), ils augmentent de 0,9 %. Une situation qui s’explique souvent par un transfert entre catégories. Des demandeurs d’emploi auparavant inscrits en catégorie A en sortent en retrouvant un travail, mais souvent à durée déterminée, et continuent donc de pointer à Pôle emploi mais dans les autres catégories.

Au total, le nombre de personnes inscrites à Pôle emploi et tenues de rechercher un emploi (catégories A, B et C) sur tout le territoire, hors Mayotte, s’élève à 5,369 millions de personnes, en baisse de 0,4 % par rapport au trimestre précédent, mais de 3 % sur un an.

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Travail et réchauffement climatique : les recommandations du Conseil économique, social et environnemental

Si les entreprises n’anticipent pas les effets du réchauffement climatique sur leurs salariés, elles doivent être privées d’aides publiques. C’est l’une des recommandations frappantes formulées par le Conseil économique, social et environnemental (CESE) dans un avis qu’il a adopté, mardi 25 avril, « à l’unanimité » avec 125 voix pour – 50 membres n’ayant pas pris part au vote. L’assemblée du palais d’Iéna, à Paris, juge « nécessaire » de sonner la « mobilisation » générale pour relever les « défis écologiques » dans le monde du travail.

Coordonné par Jean-François Naton, membre du groupe CGT au CESE, l’avis rendu mardi se concentre « sur l’exposition aux vagues de forte chaleur ». Sont, bien sûr, concernées les personnes exerçant leur activité « à l’extérieur », soit « environ 3,6 millions » de femmes et d’hommes. Un tiers des ouvriers qualifiés et un quart des agents employés dans des collectivités territoriales se trouvent dans cette situation.

La « répétition des canicules », depuis plusieurs années, se traduit par « l’apparition de nouveaux risques professionnels » et par « l’aggravation » de ceux qui existaient déjà : « hyperthermie majeure » couplée à des « troubles cardiaques » et à une « détresse neurologique », probabilité accrue d’accidents liés à des « pertes de vigilance », plus grande fréquence des cas « d’intoxication chimique » et « de réaction allergique » imputables à des températures élevées… Si les « données épidémiologiques » sur cette thématique manquent en France, des recherches internationales montrent un accroissement « de la mortalité et surtout de la morbidité globale des populations de travailleurs (…) en période estivale ».

Sortir le bâton

De tels problèmes se posent avec une acuité plus ou moins marquée selon les secteurs. La construction et l’agriculture sont, évidemment, en première ligne, mais il y a aussi les sociétés de transport (chauffeurs-routiers, déménageurs…), ainsi que les équipes chargées « des travaux d’infrastructure en extérieur ». Le CESE relève que « les catégories professionnelles qui ont à subir le plus fortement les canicules sont aussi celles pour lesquelles le risque d’accident (…) est identifié depuis longtemps comme important ». Autrement dit, c’est la double peine pour elles. L’avis souligne d’ailleurs « le risque de voir les inégalités dans le travail (…) se creuser davantage dans le contexte du dérèglement climatique et de la dégradation des écosystèmes ».

En préparant son avis, l’assemblée du palais d’Iéna a réalisé une enquête qui cible les représentants des salariés et des employeurs (privés et publics). De cette consultation qui a recueilli presque 2 000 « contributions », il ressort un « décalage considérable » entre l’inquiétude croissante suscitée par le réchauffement de la planète et « le sentiment que des réponses concrètes à la hauteur de cet enjeu ne sont pas apportées ». « Si 80 % des répondants font de ce sujet une préoccupation personnelle, ils sont seulement un peu plus d’un tiers à indiquer [qu’il] est à l’ordre du jour sur leur lieu de travail », constate le CESE.

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L’intéressement favorise le partage de la valeur, mais pas toujours le pouvoir d’achat

L’accord sur le partage de la valeur, signé en février par les partenaires sociaux et destiné à être prochainement retranscrit dans une loi, devrait généraliser les dispositifs d’intéressement aux entreprises de moins de 50 salariés.

Qu’en pensent les principaux intéressés ? A la demande du cabinet de conseil Primeum, l’IFOP vient d’interroger, en mars, 400 dirigeants et DRH d’entreprises de plus de 50 salariés et quelque 1 000 personnes de 18 ans et plus, sur les pratiques des organisations en matière de rémunération, au-delà du salaire fixe.

Il en ressort que l’impact d’une politique de rémunération variable – quelle que soit sa forme – serait positif pour la santé économique de l’entreprise, saluée à la fois par les dirigeants et les salariés. Ils estiment très majoritairement – pour 80 % des dirigeants et 70 % des actifs – qu’elle permet de renforcer la performance globale de l’entreprise. Et 73 % des actifs interrogés et 91 % des dirigeants jugent aussi que c’est une source de motivation pour les salariés concernés.

Dans les entreprises, la rémunération variable est versée sous quatre formes principales, dans l’ordre d’importance suivant pour les salariés : la prime d’intéressement déterminée par accord d’entreprise et liée aux résultats ; la rémunération variable distribuée en proportion du salaire, en fonction de la performance individuelle, ou collective (dite prime ou commission).

Moins de la moitié des actifs interrogés

Elle peut dépendre tout aussi bien du succès d’un projet que de la réalisation d’objectifs collectifs sur la parité au sein d’une équipe, ou sur la décarbonation de l’activité, par exemple ; des avantages en nature (téléphone, vélo de fonction, etc.) ; et enfin des stock-options ou distribution d’actions gratuites.

L’intéressement, directement visé par l’accord national interprofessionnel conclu le 10 février, permet d’améliorer le partage de la richesse produite au sein de l’entreprise, selon 87 % des dirigeants et 74 % des actifs interrogés.

Mais l’opinion des Français est moins tranchée concernant l’impact des dispositifs d’intéressement sur le pouvoir d’achat : si plus de la majorité des sondés (59 %), dirigeants comme salariés, estiment que la rémunération variable versée avec le salaire sous forme de prime ou de commission permet de compenser l’inflation, environ 70 % considèrent que sous forme d’intéressement, elle met le pouvoir d’achat des salariés à la merci de la santé économique de l’entreprise, dans la mesure où elle dépend de ses résultats.

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« La baisse tendancielle de la productivité pourrait annoncer une crise profonde du capitalisme »

La baisse récente de la productivité horaire du travail en France (– 3 % depuis 2019) inquiète et interroge. Elle inquiète, car la courbe française est devenue, depuis 2019, parallèle à celle de l’Italie, un pays qui souffre d’une crise de la productivité depuis près de trois décennies ; cette dernière se traduit par un décrochage inexorable qui explique davantage le spread sur la dette italienne – la différence de taux d’emprunt souverain avec les autres taux de la zone euro – que le niveau de cette dette elle-même. Elle interroge, car la France n’avait jamais connu une telle évolution (hors crise économique) et qu’aucune explication ne s’impose. Plus précisément, il y a un trop-plein de causes possibles.

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Une première approche est de recenser des phénomènes simultanés et de calculer leur incidence directe. Ainsi, la baisse de la productivité pourrait s’expliquer par un trop-plein d’embauches. Certes, mais d’où viennent ces embauches ? N’est-ce pas parce que la productivité patine que les employeurs doivent recruter pour assurer l’activité ?

Explication plus convaincante, la politique de soutien à l’alternance a entraîné une très forte progression depuis 2019 de ce type d’emplois, réputés moins productifs ; la direction de la recherche du ministère du travail estime que cet effet de composition pourrait expliquer un cinquième de la perte tendancielle de productivité. Mais un tel exercice est très incertain ; les entreprises auraient pu recruter les mêmes personnes sous un contrat classique.

Surtout, en sortie d’alternance, on dispose de salariés plus productifs. Comme la durée moyenne d’un contrat d’apprentissage est d’environ vingt mois, on aurait dû, au contraire, voir le dividende de cette politique à partir de 2022. D’autres phénomènes, comme l’explosion de l’autoentrepreneuriat, peuvent être évoqués, mais, là encore, on manque de recul.

Une deuxième approche est d’intégrer la France dans un contexte plus global. La courbe de la productivité des Pays-Bas épouse ainsi presque parfaitement celle de la France. Et le Bureau of Labor américain vient de publier son estimation pour 2022 : « La productivité du travail du secteur marchand privé non agricole a baissé de 1,7 %, le plus fort déclin depuis le démarrage de la série en 1948. » Partout la productivité hoquette, ce qui renvoie à des hypothèses technologiques ou de dysfonctionnements systémiques que l’on peut ranger en deux catégories.

Tout est plus facile

La première est celle des transitions. La double transition vers une économie basée sur l’intelligence artificielle et moins carbonée demande une adaptation des compétences et des organisations, et sa planification exige une main-d’œuvre dédiée. Face à la transition démographique et ses risques de manque chronique de main-d’œuvre, les entreprises préféreraient conserver leurs salariés et embaucher par anticipation. La baisse de productivité serait ainsi une bonne nouvelle : les acteurs préparent l’avenir.

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L’essor du travail indépendant en entreprise bouscule le management

Le nombre de travailleurs indépendants dépasse désormais 4 millions, dont plus de la moitié sont des autoentrepreneurs, indique le dernier bilan de l’Urssaf, fin 2022. Il y a dix ans, ils étaient 1 million de moins. Avec la banalisation du travail à distance et de la pluriactivité, l’essor des indépendants a passé la porte des entreprises, que ce soit pour assumer un surcroît d’activité, fournir la recrue ou l’expertise manquante ou développer un projet innovant. Près d’un quart (23 %) des autoentrepreneurs et 6,7 % des indépendants classiques sont aussi salariés.

Les indépendants, bien que minoritaires dans les effectifs, font désormais partie du paysage de l’entreprise. « Il y a cinq à dix ans, les entreprises en prenaient peu et sur un temps limité pour éviter le risque juridique de requalification en salariat, mais ça a changé. Portés ou non par des sociétés de portage ou les plates-formes numériques de mise en relation, beaucoup de jeunes et de moins jeunes indépendants travaillent en entreprise et ce n’est pas près de s’arrêter. C’est déjà courant dans d’autres pays. Tout le monde y a trouvé un intérêt, assure Marc Sabatier, directeur général (DG) de Julhiet Sterwen, cabinet de conseil en stratégie d’entreprise. Aujourd’hui, 15 % de notre chiffre d’affaires est réalisé par des indépendants. »

Mais la composition hybride des équipes pose de nouvelles questions de management : pour maintenir la cohésion entre indépendants et salariés au sein d’une même équipe, pour gérer la reconnaissance de leur travail, assurer la confidentialité et limiter les risques juridiques et pour éviter le dumping social entre les différents statuts d’emploi. « Les indépendants et autoentrepreneurs échappent aux limites qu’impose le droit du travail (pas de rémunération minimale, pas de règle en matière de durée du travail, repos, congés, etc.) », explique Fabienne Muller, enseignante-chercheuse émérite en droit social.

« Gestion bricolée »

Les freelances désirent être intégrés aux équipes du projet et à leurs routines, précise l’étude Xerfi-Comet « Comprendre et recruter les freelances », publiée début avril. Plus d’un millier d’indépendants des métiers du numérique travaillant majoritairement dans de grands groupes ont répondu à la plate-forme de mise en relation Comet et ainsi désigné Allianz comme The Best Freelancer Place to Work 2023 pour « l’intégration aux équipes », L’Oréal pour « l’expérience globale » et Société générale « pour la reconnaissance, le retour d’expérience ».

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Flottes d’entreprise : le casse-tête de l’électrique

En 2022, c’est une hausse de 15 % à 25 % des coûts de gestion de parc automobile qui a été enregistrée.

Addictes au diesel depuis plus de vingt-cinq ans, les flottes d’entreprise peinent à éliminer le gazole qui coule encore dans leurs veines. C’est le constat sans nuance porté par l’ONG Transport & Environment, dont les récentes études soulignent non seulement le peu d’efforts réalisés par les flottes pour électrifier leur parc automobile, mais également la responsabilité des loueurs longue durée, lesquels freineraient l’essor des véhicules électriques dans les entreprises en surfacturant leurs loyers de location.

Selon cette ONG, « en 2022, 66 % des entreprises, 64 % des collectivités territoriales et 87 % des administrations n’ont pas atteint les quotas légaux de verdissement de leurs flottes ». Elle estime que ces objectifs de verdissement, qui « reposent essentiellement sur la bonne volonté des entreprises et des administrations concernées, ne sont assortis d’aucune formation des gestionnaires de flotte, d’aucun contrôle, d’aucune sanction. Rien n’incite donc à les respecter ».

Changer les habitudes des collaborateurs

La loi Climat et résilience de 2021 imposait en effet pour 2022 que les flottes de plus de 100 véhicules adoptent un quota de 10 % de véhicules électriques et hybrides rechargeables dans le cadre du renouvellement de leur parc. Mais cette première étape était sans doute trop difficile à atteindre en un an. Confrontées à la hausse des taux d’intérêt et des coûts de maintenance de leurs véhicules, les flottes d’entreprise ont encaissé dans le même temps la majoration des tarifs des voitures et une réduction drastique des remises grands comptes accordées par les constructeurs. Au total, c’est une hausse de 15 % à 25 % des coûts de gestion de parc qui a été enregistrée. Dès lors, face à des délais de livraison de l’ordre de huit à douze mois, bon nombre de décisions d’acquisitions de véhicules électriques ont fait place à des prolongations de contrats portant sur des véhicules thermiques déjà en parc.

Pour Bart Beckers, directeur général adjoint du loueur Arval (groupe BNP Paribas), « le plus important désormais, c’est que les difficultés logistiques chez les constructeurs automobiles soient en voie de résorption ». « Nous avions en effet 300 000 véhicules en carnet de commandes fin 2022 », dit-il. Peu visibles dans les « radars » de Transport & Environment, les immatriculations de véhicules électriques ont cependant progressé l’année dernière de 25 %, soit 53 570 unités, souligne l’Arval Mobility Observatory. Mais le passage du thermique à l’électrique dans une entreprise semble devoir prendre du temps et passer par une phase de conduite du changement.

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Les ressources humaines sauront-elles « verdir » ?

Carnet de bureau. On ne vous appellera plus jamais RH, mais « médiateur sur les enjeux climatiques » ou « conseiller en reconversion verte ». C’est en tout cas une des leçons à tirer du rapport « La transition écologique. Défi du siècle pour les RH ? », publié le 20 avril. Réalisé sur la base d’études et d’entretiens de juin 2022 à mars 2023 par le Lab RH, et les entreprises PageGroup, Renault Group et Axa Climate, il constate peu d’avancées concrètes dans les entreprises, mais une réelle prise de conscience qui n’attend qu’à être traduite en actions par les équipes de responsables des ressources humaines.

L’évolution des compétences pour réaliser la « transition verte » a commencé il y a bien des années par de belles promesses. Depuis quinze ans, les rapports se sont succédé, prévoyant des dizaines de millions d’emplois « verts » dans le monde (Organisation internationale du travail, en 2008), des centaines de milliers en France (Grenelle de l’environnement de 2009), sans jamais trop entrer dans le concret.

On parle aujourd’hui plus volontiers de « métiers verdissants » ou de la « part verte » des emplois amenés pour la plupart à s’adapter, puis des métiers à réinventer, et déjà de pénurie de « compétences vertes ». A l’horizon 2050, le cercle de réflexion environnementaliste des entreprises The Shift Project évoque 1,1 million d’emplois créés en France. A suivre…

En 2021, la convention citoyenne pour le climat demandait que, d’ici à 2025, « chaque entreprise, chaque organisation et chaque personne soit accompagnée pour faire évoluer leur activité, voire en changer si elle devait disparaître, et ainsi contribuer à diminuer les émissions de gaz à effet de serre », rappelle le rapport. La loi Climat et résilience d’août 2021, qui exige des entreprises d’inscrire dans leur base de données accessible aux représentants du personnel les éléments de leur politique générale en matière environnementale, a amorcé la réflexion des organisations.

Dès l’entretien de recrutement

En 2023, on en est là. Les enjeux environnementaux sont présents dès l’entretien de recrutement, réclamés par les candidats, puis dans le quotidien de chaque salarié dont le mug à café a remplacé le gobelet jetable désormais banni. Plus sérieusement, le « défi des RH » diagnostiqué par le rapport passe par une politique prospective des emplois du futur, à commencer par les siens.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés La RSE, ce n’est pas que du « greenwashing »

L’équipe RH de 2025 devrait ainsi compter un médiateur sur les enjeux climatiques « chargé de faire le pont entre les directions et les collaborateurs pour mener à bien la politique de sensibilisation », explique la présidente de PageGroup France, Isabelle Bastide, puis un conseiller en conversion verte « pour identifier les profils issus d’industrie polluante et leur concevoir un plan de formation sur mesure », un responsable des avantages sociaux climatiques, « qui devra transcrire en avantages financiers la réduction carbone, par exemple, en l’intégrant à la politique de rémunération », et enfin un responsable du score social et environnemental « chargé du label et de son adéquation avec les comportements au sein de l’entreprise », une sorte de vigie antigreenwashing. De quoi redonner du sens à la fonction RH.