Archive dans 2023

Croissance française : une économie en « sous-régime », affectée par l’inflation

Dans un hypermarché, à Villeneuve-la-Garenne (Hauts-de-Seine), le 29 mars 2023.

Un hiver doux qui a permis de consommer moins d’énergie, des cours mondiaux en repli sur les marchés du pétrole et du gaz, des entreprises qui ont continué à produire et à investir, malgré le contexte d’inflation toujours élevée. Résultat, l’activité économique, en France, a progressé de 0,2 % au premier trimestre, un peu plus que prévu (+ 0,1 %). Mais l’Insee, qui publie ces chiffres, vendredi 28 avril, a, dans le même temps, révisé à la baisse la croissance du quatrième trimestre 2022, tombée à 0 % au lieu de 0,1 %.

L’inflation, elle, ne donne pas de signe de reflux, au contraire : elle est légèrement remontée en avril, à 5,9 % sur un an contre 5,7 % en mars. Une hausse en partie mécanique, liée au fait que la remise à la pompe était entrée en vigueur le 1er avril 2022. Comparativement, les prix des carburants sont donc plus chers en 2023. La flambée des prix au rayon alimentaire, en revanche, semble ralentir en peu. Sur un an, les tarifs ont augmenté de 14,9 %, au lieu de 15,9 % en mars, et ce, grâce aux produits frais. Dans cette catégorie, la hausse des prix a nettement freiné, passant de 17,1 %, en mars, à 10,2 %, en avril.

« La croissance résiste, mais elle est limitée : l’économie française reste un peu en sous-régime », résume Nicolas Carnot, directeur des synthèses et des études économiques à l’Insee, plus nuancé que Bruno Le Maire sur le diagnostic. Le ministre de l’économie a salué, une nouvelle fois, « la solidité » de l’économie française, dont les « fondamentaux tiennent bon », qui continue à « créer des emplois ». Le nombre de demandeurs d’emploi a en effet diminué de 1,2 % au premier trimestre, selon les chiffres annoncés mercredi 26 avril. Bercy table sur une croissance économique de 1 % cette année, alors que l’acquis de croissance à l’issue de ce premier trimestre s’établit à 0,4 %. Dans une note publiée mercredi, le Haut Conseil des finances publiques avait souligné que « ces prévisions ne sont pas hors d’atteinte, mais semblent optimistes ».

Car si la crise énergétique a perdu en acuité, avec le reflux des prix, redonnant un peu d’oxygène aux entreprises et aux ménages, le durcissement des politiques monétaires refroidit nettement l’économie. Le relèvement des taux d’intérêt, qui devrait se poursuivre encore en Europe, va continuer à peser sur l’investissement immobilier des ménages ou sur la distribution de crédits aux agents économiques. « Le premier trimestre se révèle meilleur qu’anticipé, mais la situation conjoncturelle est en cours de dégradation », estime Stéphane Colliac, économiste à BNP Paribas.

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Edition : un plan social annoncé chez Actes Sud

Période particulièrement difficile pour la maison d’édition Actes Sud. Quelques jours avant le décès brutal de Jean-Paul Capitani, cofondateur d’Actes Sud et mari de Françoise Nyssen, l’ancienne patronne et ex-ministre de la culture, lors d’un accident de vélo, le 4 avril, à Arles (Bouches-du-Rhône), un plan de sauvegarde de l’emploi, qui devrait concerner une trentaine de postes, avait été annoncé aux salariés de l’entreprise, selon La Lettre A et Livres Hebdo.

Le personnel a été informé de cette décision au cours d’une réunion, le 23 mars, mais ignore encore les postes, les métiers et les sites (Arles ou Paris) les plus concernés. Actes Sud, qui a obtenu cinq prix Goncourt (Nicolas Mathieu pour Leurs enfants après eux en 2018, Eric Vuillard pour L’Ordre du jour en 2017, Mathias Enard pour Boussole en 2015, Jérôme Ferrari pour Le Sermon sur la chute de Rome en 2012, et Laurent Gaudé pour Le Soleil des Scorta en 2004), n’a pas réussi de ventes spectaculaires en littérature depuis deux ans – hormis Connemara, de Nicolas Mathieu, paru en février 2022.

La maison souffre, comme toute l’édition, de l’inflation du prix du papier. C’est en raison des difficultés économiques auxquelles le groupe est confronté que la direction s’est résolue à se séparer d’une partie de son personnel.

« Un problème de renouvellement des éditeurs »

Au greffe du tribunal de Tarascon (Bouches-du-Rhône), les comptes d’Actes Sud n’ont été déposés que jusqu’à fin 2021, année au cours de laquelle le chiffre d’affaires s’élevait à 61,7 millions d’euros et le résultat à 2,6 millions, pour un effectif de 221 salariés. Un étiage peu ou prou similaire à celui qui était observé depuis 2018. Comme l’ensemble du secteur, la période de pandémie de Covid-19 avait profité à Actes Sud, le nombre d’acheteurs de livres avait été dopé, les autres loisirs étant inaccessibles (cinéma, concerts, théâtre…). Mais, après cette parenthèse, le chiffre d’affaires et, surtout, la rentabilité d’Actes Sud se sont dégradés en 2022.

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Cette décision intervient alors que les rênes de ce groupe indépendant ont été confiées, depuis le début de l’année, à Anne-Sylvie Bameule, Julie Gautier et Pauline Capitani, les trois filles de Jean-Paul Capitani et de Françoise Nyssen, qui reste au directoire.

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La nouvelle équipe, qui symbolise la relève générationnelle, espérait pouvoir éviter à court terme des mesures aussi radicales. Récemment, une petite filiale, la maison d’édition Inculte, cofondée par Jérôme Dayre et jugée trop peu rentable, a été fermée pour être transformée en une simple collection d’Actes Sud. « La maison souffre d’un problème de renouvellement des éditeurs, et les ouvrages qui concernent le vivant, la nature, l’écologie marchent désormais mieux que la littérature française et étrangère, ce qui donne l’impression d’avoir deux maisons d’édition distinctes », assure un salarié.

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Salaires des enseignants : des hausses en réalité bien loin des 10 % promis par Emmanuel Macron

Le ministre de l’éducation nationale, Pap Ndiaye, lors d’une visite au collège Louise-Michel de Ganges (Hérault), en compagnie d’Emmanuel Macron, le 20 avril 2023.

Pour communiquer sur la revalorisation des enseignants, le gouvernement a multiplié les annonces dûment chiffrées. Durant sa campagne pour la présidence de la République, Emmanuel Macron avait promis 10 % d’augmentation sans condition pour tous les enseignants, avant que ce taux ne devienne une moyenne, comme l’a encore revendiqué le ministre de l’éducation nationale, Pap Ndiaye, sur France Inter le 21 avril, au lendemain de l’annonce des arbitrages salariaux.

Dans le détail, le président de la République a annoncé jeudi 20 avril « entre 100 et 230 euros d’augmentation » inconditionnelle pour tous les enseignants, et « jusqu’à 500 euros » supplémentaires par mois pour ceux qui accepteront le « pacte enseignant », impliquant des missions supplémentaires. Il s’agit d’un « effort considérable » en faveur des rémunérations des enseignants, tel que nous n’en avons « pas connu depuis début des années 1990 », a plusieurs fois répété Pap Ndiaye, à raison.

Un document du ministère de l’éducation nationale détaillant les gains pour chaque échelon de la grille salariale, consulté par plusieurs médias dont Le Monde, montre cependant que les montants maximaux mis en avant par l’exécutif ne concernent qu’une minorité d’enseignants. Figure en effet dans ce document un élément non rendu public : la répartition des effectifs de titulaires par échelon.

Logique dégressive

La revalorisation sans condition concerne tous les enseignants, mais selon une logique dégressive avec l’ancienneté. Au regard de la ventilation des effectifs détaillée dans le document ministériel, seuls 14,5 % des personnels titulaires en début de carrière bénéficieront ainsi d’une augmentation comprise entre 200 et 222 euros nets par mois à la rentrée. Ces enseignants qui comptent entre quatre et onze ans de carrière sont aussi ceux qui connaissent la plus forte progression depuis 2020 : entre 10 % et 11,2 %, pour des salaires qui s’élèveront à environ 2 200 euros net en septembre. Un peu plus de 18 % toucheront entre 138 et 189 euros supplémentaires. Pour un peu moins de sept agents sur dix, ceux ayant plus de quinze ans de métier, la revalorisation est de 95 euros et représente moins de 4,2 % d’augmentation par rapport à 2022. Après quinze ans d’expérience, un enseignant percevra ainsi un salaire de 2 340 euros nets, 2 500 euros après vingt ans, et 3 000 euros après trente ans.

Comme l’ont relevé l’Agence France-Presse et l’agence spécialisée AEF info, la revalorisation inconditionnelle, dite « socle » par le gouvernement, est loin des 10 % pour tous promis par Emmanuel Macron, et même des 10 % en moyenne. Selon ce document du ministère, elle s’établit plutôt à 5,5 % par rapport à 2022, confirme-t-on Rue de Grenelle.

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Qu’est-ce que le « partage de la valeur » en entreprise, que le gouvernement souhaite développer ?

La première ministre, Elisabeth Borne, a présenté, mercredi 26 avril, sa feuille de route pour les « cent jours » évoqués par le président de la République, Emmanuel Macron, pour tenter de tourner la page de la réforme des retraites. Concernant le pouvoir d’achat, la cheffe du gouvernement a notamment promis d’obtenir « une distribution plus juste des richesses produites par les entreprises ».

Afin d’atteindre cet objectif, un projet de loi transposant l’accord national interprofessionnel sur le « partage de la valeur » en entreprise, conclu en février entre les partenaires sociaux, sera présenté au Parlement « dans les trois mois », a annoncé Mme Borne. Intéressement et participation, quelle différence ? Que contient l’accord interprofessionnel ? Pourra-t-il être retranscrit tel quel dans la loi ? Le Monde fait le point.

A quoi cet accord va-t-il servir ?

L’accord interprofessionnel sur le « partage de la valeur au sein de l’entreprise » vise à améliorer et généraliser les dispositifs d’intéressement ou de participation pour les salariés, et ainsi améliorer leur rémunération dans un contexte de flambée des prix. L’accord a été validé par toutes les organisations patronales et syndicales, à l’exception de la Confédération générale du travail.

Les trois mois de discussions entre les organisations patronales et syndicales se sont structurés autour d’un « document d’orientation » transmis par le gouvernement. L’exécutif entend ainsi donner une suite à la loi « mesures d’urgence » pour le pouvoir d’achat, adoptée en août 2022, premier volet du paquet de dispositions pour faire face à l’inflation.

Intéressement et participation, quelle différence ?

L’intéressement et la participation sont des avantages variables, puisqu’ils dépendent des performances de l’entreprise. L’employé peut placer la somme sur un plan d’épargne salariale – plan d’épargne entreprise, plan d’épargne pour la retraite collectif, etc. – ou la récupérer. Dans ce cas, le montant de la prime est imposable au même titre que le salaire.

  • L’intéressement est facultatif et peut être mis en place par toutes les entreprises. Ce dispositif, déterminé par accord d’entreprise, permet de verser à tous les salariés une prime proportionnelle aux résultats de l’entreprise.
  • La participation est obligatoire dans les entreprises de cinquante salariés et plus. Elle peut également être adoptée dans les plus petites structures. Il s’agit d’un mécanisme de redistribution des bénéfices de l’entreprise aux salariés.
  • La rémunération variable est liée à la performance collective de l’entreprise ou aux objectifs individuels du salarié. Elle fait l’objet d’une clause dans le contrat de travail. Elle peut inclure la prime d’intéressement mais aussi, par exemple, des primes ou des commissions, des avantages en nature (téléphone, véhicule de fonction, etc.) ; et enfin des stock-options ou distribution d’actions gratuites.
Lire le décryptage : Article réservé à nos abonnés Comment mieux gérer son épargne salariale

Que contient l’accord interprofessionnel ?

Cet accord contient trente-six articles et deux mesures principales.

  • Pour les entreprises de onze à quarante-neuf personnes : elles seront obligées, à partir du 1er janvier 2025, d’instaurer au moins un mécanisme « légal de partage de la valeur » – participation, intéressement ou encore « prime de partage de la valeur » – si elles dégagent, durant trois années consécutives, un bénéfice significatif, au moins égal à 1 % de leur chiffre d’affaires. Les entreprises de moins de onze salariés « ont la possibilité » de partager les profits avec leurs salariés.
  • Pour les entreprises d’au moins cinquante personnes : des discussions doivent avoir lieu de manière à « mieux prendre en compte les résultats exceptionnels » réalisés en France. Une mesure qui fait écho au débat sur la taxation des superprofits, relancé par les excédents records de TotalEnergies.

L’accord entre les partenaires sociaux repris dans la loi

Certains articles de l’accord nécessitent de modifier la loi pour être appliqués, notamment la mise en place de la participation dans les entreprises de moins de cinquante salariés. Pour donner des gages aux partenaires sociaux, après l’épisode désastreux de la réforme des retraites, Mme Borne a promis, le 20 février, « la transcription fidèle et totale de cet accord dans la loi ».

« Tout détricotage » serait « un coup de poignard dans le dos des partenaires sociaux », avait mis en garde, le 19 février, Geoffroy Roux de Bézieux, le président du Mouvement des entreprises de France. Le lendemain, Laurent Berger, alors secrétaire général de la Confédération française démocratique du travail, avait martelé : « Il faut que l’accord soit respecté par le Parlement », sinon « ce serait un croche-pied à la démocratie sociale ». Une orientation confirmée par Mme Borne mercredi.

Les points qui pourraient coincer au moment de la retranscription dans la loi

L’engagement pris par la première ministre sera-t-il respecté ? Le rapport parlementaire de la mission d’information sur le partage de la valeur, porté par les députés Louis Margueritte (Renaissance) et Eva Sas (Europe Ecologie-Les Verts), a été rendu le 12 avril. Sans remettre en cause l’accord, les rapporteurs estiment nécessaire de le compléter.

Le rapport préconise d’avancer la date d’application prévue d’un an, au 1er janvier 2024. « Faire entrer en vigueur ce dispositif le 1er janvier 2025, en prenant en compte les données chiffrées, y compris de 2024, signifierait un premier versement dans le courant de l’année 2025, soit dans des délais insatisfaisants par rapport à l’urgence du pouvoir d’achat », écrivent les auteurs. En outre, les rapporteurs s’inquiètent de l’absence d’obligation de montant minimum à distribuer aux salariés. « Un chef d’entreprise pourrait ainsi satisfaire cette obligation en distribuant une PPV [prime de partage de la valeur] de 1 euro », soulignent-ils.

Les rapporteurs alertent aussi sur le fait que le nombre d’entreprises obligées de mettre en place un mécanisme de partage de la valeur « pourrait être relativement restreint ». Pour rappel, les sociétés de onze à quarante-neuf personnes devront l’instaurer si elles font, pendant trois ans consécutifs, un bénéfice au moins égal à 1 % de leur chiffre d’affaires. Or, selon des estimations du ministère du travail sur les données de 2020, « un maximum de 16 750 entreprises, sur les 130 000 entreprises comptant entre onze et cinquante salariés, pourraient être concernées (…), soit entre 180 000 et 840 000 salariés ».

Enfin, s’agissant des « résultats exceptionnels », concernant les entreprises d’au moins cinquante personnes, Mme Sas note que « la mise en œuvre des dispositifs » prévus par l’accord « reste très incertaine », dans la mesure où la définition des résultats exceptionnels sera soumise à l’appréciation de l’employeur.

Le congé menstruel en France, bonne ou mauvaise idée ? Trois minutes pour comprendre

Proposer un congé mensuel aux femmes pour leur permettre de faire face à des règles douloureuses : c’est l’idée qui fait progressivement son chemin en Europe et en France ces derniers mois. Accordé en février 2023 pour les femmes en Espagne, ce droit est aussi testé en France de façon ponctuelle, sur décision de certains employeurs et selon des modalités différentes.

Ainsi, une poignée d’entreprises, comme Carrefour, et de municipalités, comme la mairie de Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis), ont annoncé qu’elles accorderaient jusqu’à douze jours de congé supplémentaires, soit jusqu’à un par mois, aux femmes souffrant de règles douloureuses ou d’endométriose, une maladie de l’utérus qui provoque des douleurs extrêmes pendant les règles.

A l’Assemblée nationale, le député écologiste Sébastien Peytavie s’est associé à Marie-Charlotte Garin et Sandrine Rousseau, députées de son groupe, pour mener une concertation sur le sujet auprès d’associations féministes, de représentants du monde médical et de celui de l’entreprise. Leur objectif est de rédiger une proposition de loi pour créer un congé menstruel pour toutes, qui soit indemnisé, sans jour de carence, tout en respectant le secret médical. La proposition ne fait pas l’unanimité, notamment chez certaines associations féministes.

Pour tout comprendre du congé menstruel, de son fonctionnement et des débats qui l’entourent, nous vous proposons cette vidéo qui avait été réalisée juste avant l’adoption de cette mesure par le Parlement espagnol.

Salaire des enseignants : pour 70 % des professeurs, les hausses de 2023 seront inférieures aux pertes de pouvoir d’achat sur un an

Ce sont des chiffres qui éclairent d’un autre angle les mesures salariales annoncées par le gouvernement pour les enseignants. Alors que l’exécutif, notamment le président de la République, Emmanuel Macron, met en avant des hausses de salaire « historiques », le collectif Nos services publics montre, dans une étude publiée jeudi 27 avril, qu’une fois l’inflation prise en compte, les augmentations prévues pour septembre 2023 ne compenseront même pas les pertes de pouvoir d’achat subies depuis le mois de janvier pour 70 % des enseignants.

Emmanuel Macron avait promis 10 % d’augmentation inconditionnelle à tous. Dans les faits, ces 10 % ne sont pas atteints, pas même en moyenne, et les hausses seront bien plus faibles pour la majorité des enseignants. Sur les premiers échelons de la grille salariale, les augmentations sans condition sont comprises entre 6 % et 11 %. Les mesures annoncées par le gouvernement feront ainsi augmenter le pouvoir d’achat des 30 % des enseignants les plus jeunes, souligne Nos services publics. Mais les 70 % restants ne bénéficieront que d’augmentations bien moindres, de 95 euros, soit moins de 4 %.

Or, rappelle le collectif qui milite pour des services plus adaptés aux besoins des usagers, « l’inflation prévue d’ici décembre 2023 est de 5,5 % ». « Même avec les mesures annoncées, leur pouvoir d’achat sera inférieur en décembre 2023 à ce qu’il était en décembre 2022 », ainsi qu’à ce qu’il était au début de 2021, insiste le collectif, dont l’étude est centrée sur les enseignants du second degré – les grilles salariales sont toutefois identiques pour les professeurs certifiés et les professeurs de primaire.

« Une limitation de la chute »

L’autre volet des mesures salariales annoncées par le gouvernement, le « pacte enseignant », prévoit une rémunération allant d’environ 95 à 280 euros net mensuels en fonction de la quantité de travail additionnelle, mais est conditionné à des missions supplémentaires et ne concernera qu’une partie (a priori minoritaire) des enseignants.

Une dégradation qui s’inscrit dans la continuité de celle des vingt dernières années, et que la note donne à voir de manière originale. Pour mieux rendre compte de la perte de pouvoir d’achat des enseignants, le collectif a analysé l’évolution de leur rémunération au cours d’une carrière depuis 2000. Si le déclin salarial de la profession est désormais bien connu grâce à des études comparant les grilles de rémunération dans le temps, il est plus difficile à appréhender à l’échelle individuelle du fait des augmentations dues à l’ancienneté qui donnent l’impression d’une progression.

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Nestlé, une décennie de retrait industriel en France

Buitoni à Caudry, c’est fini. Le géant helvétique Nestlé a fait tomber le couperet sur cette usine du Nord, le 30 mars. Ce jour-là, des dirigeants de la filiale française du groupe d’agroalimentaire sont venus annoncer la sombre nouvelle aux représentants des salariés. Depuis, les employés du site ne désarment pas et se relaient plusieurs jours par semaine devant les grilles du site. Si Nestlé s’est engagé à ne licencier personne avant la fin de l’année 2023 et à favoriser les reclassements au sein du groupe, les négociations sur le plan de sauvegarde de l’emploi se sont ouvertes. Les syndicats veulent mettre tout leur poids dans la discussion.

Les projecteurs de l’actualité se sont braqués sur l’usine Buitoni de Caudry il y a un peu plus de un an, le 18 mars 2022. Ce jour-là, elle cessait son activité au moment même où un communiqué était diffusé pour annoncer le retrait des pizzas surgelées à pâte crue vendues sous la marque Fraîch’Up, fabriquées sur ce site. En cause, la détection de bactéries Escherichia coli. Cet agent pathogène présent dans un lot de produits est suspecté d’avoir causé la mort de deux enfants et d’en avoir intoxiqué une cinquantaine.

Quelques jours plus tard, le 1er avril 2022, le préfet du Nord annonçait la fermeture officielle de l’usine de Caudry. Après neuf mois d’arrêt, Nestlé avait décidé de rouvrir partiellement le site à la mi-décembre 2022. Seule la ligne de pizzas à pâte cuite, non concernée par le scandale, avait été autorisée à redémarrer, après un investissement de près de 2 millions d’euros. Las, le géant de l’agroalimentaire a stoppé net la machine en mars, évoquant une chute des commandes.

La carte de la discrétion

Dans le premier temps du scandale sanitaire, Nestlé a tenté de jouer la carte de la discrétion, mettant en avant la seule marque Buitoni. Mais c’est bien le groupe suisse qui s’est retrouvé concerné par l’information judiciaire ouverte, à Paris, en mai 2022, pour homicide et blessures involontaires. La procédure pénale est en cours et l’entreprise n’a pas été mise en examen. Pour clore le volet civil, elle a annoncé, le 17 avril, avoir signé un accord d’indemnisation avec les familles des victimes. Aucun montant n’a été communiqué. L’avocat des plaignants avait chiffré sa demande à 250 millions d’euros.

Cet accord n’a pas manqué de secouer les 125 salariés de Caudry. « Si Nestlé peut verser des millions d’euros aux familles de victimes, il doit aussi nous indemniser. Nous sommes également des victimes », réagit Stéphane Derammelaere, délégué syndical Force ouvrière. Il affirme sans plus de précision que la direction a, pour l’instant, mis sur la table une proposition d’accompagnement financier des salariés licenciés comparable à celle qui avait été faite aux employés d’Itancourt (Aisne). Ce site fabriquait, jusqu’en 2020, les bouillons Maggi avant de fermer ses portes.

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Les négociations salariales 2023 se tiennent dans un contexte inédit de tension

Des salariés du site Vertbaudet de Marquette-Lez-Lille (Nord), en grève depuis le 20 mars, le 24 avril 2023.

« Agir collectivement pour revaloriser les salaires » : c’est l’un des points-clés de la feuille de route présentée par la première ministre, Elisabeth Borne, mercredi 26 avril. Nul doute qu’il fera l’unanimité chez les Français. Car si la réforme des retraites les a médiatiquement éclipsées depuis janvier, les mobilisations pour obtenir des augmentations n’ont pas cessé, dans le contexte des négociations annuelles obligatoires (NAO) qui se tiennent généralement en toute fin ou en tout début d’année.

Citons, par exemple, le mouvement en cours depuis le 20 mars chez Vertbaudet près de Lille, la grève chez Tisséo qui a mis à l’arrêt le réseau des transports en commun toulousain, celle des salariés de la chocolaterie Cémoi dans l’Orne, de Blédina à Brive, des bases logistiques d’Intermarché, de sites Michelin, Amazon, Alstom et même de salariés du géant du jeu vidéo Ubisoft, une première.

Inédits, aussi, les débrayages dans deux jardineries Truffaut, dont le dernier, à Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne), samedi 22 avril. « C’est ma première fois en presque vingt ans. Faut vraiment qu’on nous pousse à bout pour en arriver là », confiait un agent de maîtrise manifestant dans le magasin (les personnes citées dont le nom n’apparaît pas ont requis l’anonymat). « Au smic, on ne s’en sort pas. On vient de me couper mon forfait téléphonique. A 33 ans, j’ai dû demander de l’aide à ma maman », déplorait Hélène, vendeuse en pépinière. « Je suis seule avec trois enfants et 1 000 euros de loyer. Avec un salaire de 1 451 euros net, comment je fais ? », interrogeait Emmanuelle, 47 ans.

Une progression qui ne rattrape pas l’inflation

Mercredi, prenant au mot Elisabeth Borne, qui a rappelé les « employeurs » à leur « responsabilité », ce sont les huit syndicats de la fonction publique qui ont demandé au gouvernement des augmentations salariales « importantes », « dès le 1er mai ».

A ce jour, les hausses négociées dans les entreprises pour 2023 sont, en moyenne, de 4,4 % (contre 2,8 % en 2022 et 1,4 % en 2021), selon une note de la Banque de France publiée mercredi 26 avril. Une progression « significative », mais qui ne rattrape pas l’inflation.

« Ni l’inflation de 2022 [5,9 %] ni celle prévue pour 2023 [5,4 %, selon la Banque de France]. Il y a donc un retard cumulé des salaires sur l’inflation depuis deux ans », souligne Alice Rustique, chargée d’études au centre études & data du Groupe Alpha.

Pour compenser, un tiers des accords prévoient une prime de partage de la valeur (exonérée de cotisations sociales) d’un peu moins de 900 euros, en moyenne, précise la Banque de France. « On note aussi beaucoup de mesures “talons” pour s’assurer que les bas salaires touchent, par exemple, au minimum, 100 euros de plus par mois. Des primes “mobilités” qu’on voyait peu jusque-là. Et beaucoup de clauses de revoyure », constate Alice Rustique, à partir de l’analyse détaillée de 200 accords de NAO 2023.

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« La QVT. En finir avec les conneries » : La santé, rien que la santé

Le livre. C’est l’histoire d’un concept dévoyé. Lorsqu’elle s’impose, au début des années 2010, la « qualité de vie au travail », ou « QVT », doit offrir une version non anxiogène, donc plus acceptable, de la prévention des risques psychosociaux (RPS) en entreprise. Il s’agit, en somme, de « positiver ». Las, « plutôt que leur planche de salut, la QVT a été pour les RPS leur planche de sapin », se désole Vincent Baud, fondateur du cabinet de conseil Master.

Cours de yoga, salles de sieste, panier de fruits bio et baby-foot en salle de pause… « On a assisté à l’explosion d’une offre de services », sorte de « concours Lépine du sujet », poursuit-il. En conséquence, la QVT a été « satellis[ée] (…) en dehors du contenu et du vécu au travail », l’entreprise « concentr[ant] alors ses efforts et ses ressources sur les effets et la périphérie de ses contraintes plutôt que sur leurs causes ».

Solutions cosmétiques

C’est là, plus généralement, tout le drame de la santé au travail, estime M. Baud : trop d’organisations ne vont, à ses yeux, pas au fond des choses, à la racine des problématiques, se contentant de solutions cosmétiques. Un constat qu’il développe dans son ouvrage autoédité au titre volontiers provocateur, La QVT. En finir avec les conneries (Editions Master). L’homme connaît bien le terrain, c’est l’un des principaux atouts de son récit. Il décrit au fil des pages de nombreux dysfonctionnements observés, le déni de certaines entreprises, les frustrations ou la résignation de nombreux salariés. Leurs douleurs aussi.

Il met en lumière les limites de certaines politiques. La « culture du ‘‘zéro accident’’ », par exemple. L’objectif, affiché par nombre d’entreprises, a des effets pervers. Il se concentre tout d’abord essentiellement sur les atteintes physiques à la santé. Il peut par ailleurs inciter à la dissimulation. « On pourra trouver des salariés à qui l’on proposera de prendre des congés, de rester chez eux et de se faire soigner, en attendant de voir si l’accident doit être déclaré, si ça s’aggrave », explique l’auteur. Dans le même temps, des activités à risques ont pu être sous-traitées à des entreprises où « le personnel (…) a plus de contraintes que celui des donneurs d’ordres ».

L’auteur le montre à de nombreuses reprises : certaines entreprises affichent leurs ambitions sur les questions de santé et de sécurité mais, dans le même temps, imposent à leurs salariés des situations de travail en mode dégradé. Un employé s’agace : « Ils sont forts pour nous faire la guerre aux EPI [équipements de protection individuelle] et nous mettre une pression de fou pour qu’il n’y ait pas d’accidents. Après, au moindre retard de production, ils comptent sur nous pour sauver le client coûte que coûte, et là, personne ne parle de sécurité ! »

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Quand la sociabilité exigée en start-up finit par écœurer : « Ils ont du mal à comprendre que pour nous, c’est juste un travail, souvent alimentaire »

Une grande partie des personnes interrogées estiment que les bières et autres parties de baby-foot représentent une « politique sociale à moindre coût ».

« Quand je suis arrivée en stage, on était plusieurs jeunes à devenir une bande d’amis et à obtenir un CDI. L’ambiance était bonne, les boss cherchaient à développer cet esprit de petite équipe de bons potes. » Tout allait alors très bien pour Constance (tous les prénoms ont été modifiés), 25 ans, dans sa start-up en technologie de l’information depuis trois ans. Dîners entre collègues, travail le week-end chez son patron, verres le soir… la jeune diplômée d’école de commerce finit par enchaîner les événements de l’entreprise avec appréhension. « Si tu ne viens pas, il y a des projets dans lesquels tu n’es pas intégrée, parce que tu n’étais pas là le soir. J’ai eu par exemple une opportunité qui aurait pu être pour quelqu’un qui était plus en retrait du groupe. Plutôt que de lui donner, on me l’a filée. Ça se fait beaucoup par affinités », raconte la cheffe de projet.

Constance constate qu’il y a un fort taux de rotation. Et ceux qui se font remercier sont ceux qui sont restés hors de ce schéma « bande de potes ». Au bout de deux ans, après avoir travaillé de 9 heures à 21 heures « comme un chien » chaque jour, elle est victime d’un syndrome d’épuisement professionnel non diagnostiqué : « Une fois, je me suis mise à pleurer en parlant du travail. » La jeune femme décide alors d’écouter les signaux de son corps ainsi que les alertes de ses amis en n’allant plus au-delà de ses horaires. Et en ne participant plus aux sorties professionnelles.

« A partir du moment où j’ai pris mes distances, ça a été la descente aux enfers », confie-t-elle. Les dirigeants lui reprochent de s’être isolée du groupe. « On m’a enlevé certaines tâches, on m’a reproché de mettre une mauvaise ambiance », regrette celle qui est devenue « le vilain petit canard ». « Soit t’es in, soit t’es out. Il n’y a pas d’entre-deux. Soit t’es dans le groupe, à fond dedans, dans le partage, soit tu dis stop pour retrouver ta vie à toi », tranche-t-elle.

Une sociabilité forcée de plus en plus dénoncée

Constance est loin d’être la seule à avoir expérimenté cette forme de violence. La sociabilité forcée dans les start-up est de plus en plus dénoncée. Souvent, dans le domaine du numérique, ces petites structures tâtonnent et recrutent de nombreux jeunes en stage, en alternance ou en contrat. La plupart du temps, il s’agit d’une première embauche en sortie d’études, parfois facilitée par des relations communes. Le recrutement se fait beaucoup par le bouche-à-oreille et la recommandation.

C’est de cette façon que Sarah, âgée de 22 ans à l’époque, trouve son alternance dans une entreprise d’événementiel. En afterwork dans l’espace de travail partagé de son petit ami, elle rencontre des employés de plusieurs sociétés. Sa future collègue la recrute alors en tant que cheffe de projet numérique : « J’ai l’impression d’avoir été recrutée grâce à ma sympathie. Elle voulait une copine à qui raconter sa vie personnelle. Mes missions incluaient d’écouter la vie sexuelle de ma cheffe. »

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