Face à l’offensive menée entre autres par l’extrême droite contre la « déconstruction », le « wokisme », les études de genre et les études postcoloniales, un collectif d’universitaires rappelle, dans une tribune au « Monde », que ces attaques sont profondément antidémocratiques.
La crise couvait au royaume du cinéma et du divertissement. C’est à présent une réalité : des milliers de scénaristes de télévision et de cinéma américains vont se mettre en grève après l’échec des négociations avec les principaux studios et plates-formes – comme Netflix ou Disney – qui portaient sur une hausse de leurs rémunérations.
Les membres du conseil d’administration du puissant syndicat des scénaristes, la Writers Guild of America (WGA), « agissant en vertu de l’autorité qui leur a été conférée par leurs membres, ont voté à l’unanimité en faveur d’un appel à la grève » qui prendra effet après minuit (9 heures mardi, heure de Paris), a tweeté, lundi 1er mai tard dans la soirée la WGA. Cette grève devrait entraîner l’interruption immédiate des émissions à succès, comme les late-night shows (talk-shows de fin de soirée), et retarderait de manière importante les séries télévisées et films dont la sortie est prévue cette année.
Le dernier mouvement social d’ampleur à Hollywood remonte à la grève des scénaristes qui avait paralysé l’audiovisuel américain en 2007-2008. Ce conflit de cent jours avait coûté 2 milliards de dollars au secteur.
Les scénaristes réclament une hausse de leur rémunération et une plus grande part des bénéfices générés par le streaming, alors que les studios affirment devoir réduire leurs coûts en raison de pressions économiques.
Les salaires stagnent, voire baissent
« Tout le monde a l’impression qu’il va y avoir une grève », avait déclaré à l’Agence France-Presse sous couvert de l’anonymat un scénariste pour la télévision basé à Los Angeles. En jeu, « un accord qui va déterminer la manière dont [les scénaristes sont] rémunérés » pour le streaming, aussi bien aujourd’hui qu’à l’avenir, avait-il ajouté.
Les scénaristes affirment avoir du mal à vivre de leur métier, leurs salaires stagnent, voire baissent en raison de l’inflation, alors que leurs employeurs font des bénéfices et augmentent les salaires de leurs dirigeants. Ils estiment n’avoir jamais été aussi nombreux à travailler au salaire minimum fixé par les syndicats, tandis que les chaînes de télévision embauchent moins de personnes pour écrire des séries de plus en plus courtes.
L’un des principaux désaccords porte sur le mode de calcul de la rémunération des scénaristes pour les séries diffusées en streaming, qui, sur des plates-formes comme Netflix, restent souvent visibles pendant des années après avoir été écrites. Depuis des décennies, les scénaristes perçoivent des « droits résiduels » pour la réutilisation de leurs œuvres, par exemple lors des rediffusions télévisées ou des ventes de DVD. Il s’agit soit d’un pourcentage des recettes engrangées par les studios pour le film ou l’émission, soit d’une somme fixe versée à chaque rediffusion d’un épisode.
L’impact de l’intelligence artificielle en question
Avec le streaming, les auteurs reçoivent chaque année un montant fixe, même en cas de succès international de leur travail, comme pour les séries La Chronique des Bridgerton ou Stranger Things, vues par des centaines de millions de téléspectateurs dans le monde entier. La WGA, qui défend les quelque 11 000 scénaristes du pays, réclame la revalorisation de ces montants, aujourd’hui « bien trop faibles au regard de la réutilisation internationale massive » de ces programmes. Elle veut également évoquer le futur impact de l’intelligence artificielle sur le métier de scénariste.
Les studios, représentés par l’Alliance des producteurs de cinéma et de télévision (AMPTP), relèvent que les « droits résiduels » versés aux scénaristes ont atteint un niveau record de 494 millions de dollars (450 millions d’euros) en 2021, contre 333 millions dix ans plus tôt, en grande partie grâce à la forte augmentation des emplois de scénaristes, liée à la hausse de la demande en streaming.
Après avoir été dépensiers ces dernières années, lorsque les diffuseurs concurrents ont cherché à augmenter le nombre d’abonnés à tout prix, les patrons affirment désormais être soumis à une forte pression de la part des investisseurs pour qu’ils réduisent leurs dépenses et fassent des bénéfices. Et ils nient prétexter des difficultés économiques pour renforcer leur position dans les négociations avec les scénaristes.
« Pensez-vous que Disney licencierait 7 000 personnes pour le plaisir ? », a déclaré une source proche de l’AMPTP, qui représente environ 300 producteurs et les grands studios. Selon elle, « il n’y a qu’une seule plate-forme qui soit rentable à l’heure actuelle, et c’est Netflix ». L’industrie du cinéma « est également un secteur très concurrentiel ».
Droit social. Le seul avantage d’une loi nouvelle serait-il de remplacer des inconvénients connus par des inconvénients inconnus ? La loi sur le « fonctionnement du marché du travail » du 21 décembre 2022 a voulu dissuader le salarié voulant rapidement quitter son entreprise, mais sans démissionner, d’abandonner délibérément son poste afin d’être licencié pour faute grave, ce qui lui ouvrait les droits à l’assurance-chômage.
Cette pratique banalisée (beaucoup des partants sont rapidement embauchés ailleurs, mais l’Unédic a enregistré 75 000 ouvertures de droits en 2022) laisse TPE et PME face à de lourds problèmes d’organisation et, souvent, des salariés en grande difficulté.
Des salariés ont donc renoncé à l’abandon de poste, au profit de fautes classiques (comme celle de « grave insubordination », par exemple) aboutissant au même résultat : un licenciement pour faute grave.
Eviter tout contentieux
Mais, côté employeur, la nouvelle procédure est-elle la seule qui soit possible ? Non. Comme aujourd’hui, il peut d’abord, en l’absence de travail, cesser de payer le collaborateur. Toujours lié par son contrat de travail, ce dernier ne peut (officiellement) pas travailler ailleurs. Et, au-delà du classique arrêt maladie, la situation est difficilement tenable à terme.
Est-il interdit de licencier « à l’ancienne », en qualifiant l’abandon de poste de faute grave ? D’un point de vue financier, l’un des buts était de soulager l’Unédic, qui évalue à plus de 530 millions d’euros par an les « moindres dépenses » en régime de croisière. Et le principe « les règles spéciales dérogent aux règles générales » milite également en ce sens.
Mais rien dans la loi ni dans le décret ne répond à la question. En revanche, le questions-réponsesmis en ligne le 18 avril par le ministère du travail précise : « Si l’employeur désire mettre fin à la relation de travail (…), il n’a plus vocation à engager une procédure de licenciement pour faute. » La valeur d’un tel questions-réponses est fort importante pour les praticiens, mais elle est proche de zéro devant un juge.
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Pour Julien Jacqmin, professeur associé à Neoma Business School, « il sera difficile de faire l’économie d’une régulation plus stricte que celle en vigueur actuellement » concernant les formations privées à but lucratif qui, pour satisfaire leurs actionnaires, tirent profit de la faible qualité de l’information à la disposition de certains étudiants.
La mise au pas de l’enseignement supérieur dans l’Etat américain mais aussi en Hongrie, en Turquie et au Brésil, si elle doit être dénoncée, doit aussi être l’occasion de réaffirmer la fonction démocratique de l’éducation, estiment trois professeurs américains, dans une tribune au « Monde ».
Le 1er-Mai est une journée qui invite à se souvenir des luttes passées pour irriguer celles du présent. Le 1er-Mai est l’occasion de se souvenir de l’avenir pour s’en saisir collectivement, ici et maintenant.
L’avenir promis par le recul de l’âge de la retraite couplé à la réforme de l’assurance-chômage, c’est celui de la double peine pour les travailleurs et travailleuses de première ligne, qui ont aussi les métiers les plus pénibles et les moins reconnus. L’avenir promis par les mesures mises en place pour atteindre le plein-emploi n’est pas celui de la valorisation du travail et des travailleurs et travailleuses mais du démantèlement de la capacité du travail à protéger et à émanciper.
Nous ne voulons pas de cet avenir qui se dessine déjà au présent. Nous ne voulons pas de ce travail ubérisé, malmenant qui s’apparente aujourd’hui à un prolétariat de services ou de corvées, précarisé, pressurisé : du jeune livreur à vélo à cette auxiliaire de vie qui vient à domicile s’occuper de nos aînés, du ripeur derrière la benne au cuisinier derrière les fourneaux, de ceux qui mettent en rayon dans les supermarchés à ceux qui nettoient quotidiennement les bureaux, ces travailleurs et travailleuses de première ligne sont le cœur battant de notre économie et de nos vies. Applaudis sur les balcons hier, oubliés de nouveau aujourd’hui.
La déclaration de Philadelphie
Prenons un instant pour nous souvenir. En 1944, la déclaration de Philadelphie, portée par l’Organisation internationale du travail (OIT), fixait comme « objectif fondamental » de « toute politique économique nationale et internationale » la réalisation de ce droit qu’est la poursuite pour tous les êtres humains de « leur progrès matériel et leur développement spirituel dans la liberté et la dignité, dans la sécurité économique et avec des chances égales » (déclaration de Philadelphie, §. II-a, 1944).
Or, la politique gouvernementale est aujourd’hui aux antipodes des réalités du travail vivant. Pis, elle légitime et entretient l’existence des inégalités au prétexte que le plein-emploi contribue à la création massive de richesses… mais pour qui ? Et dans quelles conditions de travail ?
Faire advenir cette société « inclusive » que ne cesse de revendiquer le gouvernement, dans laquelle nous travaillerions toutes et tous, ne peut se faire sans justice. Et comme l’écrit Alain Supiot : « La justice au travail ne concerne plus seulement sa rémunération et ses conditions d’exécution, mais aussi son sens et son contenu. » Dès lors, vaincre le chômage ne peut pas se faire à tout prix, et en aucun cas aux dépens de la santé et de la dignité des travailleurs et travailleuses.
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« Alban est passé à travers un toit alors qu’il installait des panneaux solaires, le jour de ses 25 ans. Cette souffrance, tous les membres de notre collectif la vivent au quotidien, souffrance parfois due à des machines défectueuses, des manques d’équipement. L’entreprise de mon fils a été signalée sept fois à l’inspection du travail », témoigne Véronique Millot, vice-présidente du collectif « Stop à la mort au travail », qui réunit vingt familles de victimes d’accidents du travail.
A l’appel de différentes branches de la CGT, d’autres syndicats (SUD, Solidaires, FSU) et d’associations, quelques centaines de personnes se sont réunies, vendredi 28 avril au matin, devant le ministère du travail, dans le 7e arrondissement de Paris, pour demander des comptes à l’occasion de la Journée mondiale de la sécurité et de la santé au travail.
Depuis 2003, cette journée organisée par l’Organisation internationale du travail a pour but de rendre hommage aux travailleurs morts ou blessés au travail, et de sensibiliser l’opinion publique à la prévention. Au total, 2,78 millions de décès sont dus chaque année aux accidents du travail et aux maladies professionnelles, selon les Nations unies.
En 2021, en France, 693 accidents du travail mortels ont été recensés dans les secteurs privé et agricole. Si l’on prend en compte les victimes de maladies et les travailleurs qui n’apparaissent pas dans les chiffres de l’Assurance-maladie (fonctionnaires, indépendants…), les estimations tournent autour d’un millier de morts.
« Sentiment d’impunité » de certaines entreprises
« La France a le bonnet d’âne au niveau européen, a rappelé Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT. Dans les métiers féminisés, du soin et du lien, les accidents explosent. Il faut renforcer les sanctions contre les entreprises qui ne respectent pas les normes de prévention. »
Parmi les revendications syndicales figure, en tête de liste, la reformation dans les entreprises des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT). Ils ont été remplacés en 2019 par des commissions au sein des comités sociaux et économiques. « L’affaiblissement du rôle des CHSCT a généré un recul dans la prise en charge de la santé au travail par les syndicats », reconnaît Louis-Marie Barnier, sociologue du travail et syndicaliste CGT.
Il s’agit aussi de renforcer la médecine et l’inspection du travail. « Beaucoup de choses passent sous les radars de la direction générale du travail et du ministère car il n’y a pas de remontées d’informations systématiques, par manque de moyens, estime Anthony Smith, responsable CGT au ministère du travail. Il y a 1 750 inspecteurs de contrôle pour deux millions d’entreprises et plus de vingt millions de salariés. »
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Les patients ont regagné les sièges de la salle d’attente, les blocs d’ordonnance ont retrouvé leur place sur les bureaux des praticiens. Alors que la fermeture du centre de santé René-Laborie menaçait l’emploi de 135 salariés, l’activité a finalement trouvé un repreneur.
Le tribunal judiciaire de Paris a retenu l’offre du groupe SoMeD Santé, un gestionnaire privé de centres de soins, pour la reprise des activités de cet établissement, situé au cœur du 2e arrondissement parisien. L’ancien gestionnaire, la mutuelle uMEn, reste propriétaire des murs, devenant le bailleur.
Suite à la réouverture de l’établissement, le 17 avril, 102 salariés ont finalement retrouvé leur poste. Mais le choc de la liquidation a laissé des traces dans les esprits. « Bien sûr, on est content de retrouver du travail, mais psychologiquement ça reste assez dur, témoigne une salariée, qui préfère rester anonyme. C’est aussi un nouvel employeur que l’on ne connaît pas. Il faut essayer d’avancer ensemble. »
Alors que d’autres cabinets leur tendaient les bras, plusieurs praticiens ont préféré partir. D’autant que les employés du centre laissent quelques plumes dans la procédure de liquidation : « On ne peut pas avoir de congés pendant un an et on refuse de nous payer les congés que l’on n’avait pas pris », se désole la salariée.
Un « gros challenge »
SoMeD ayant dû réinvestir les lieux avec plusieurs semaines de retard, le centre est resté sans activité pendant ce temps. Toutefois, SoMeD a accepté de verser intégralement le salaire du personnel administratif sur cette période. Habituellement payés à l’acte, les praticiens ont quant à eux été rémunérés selon le tarif conventionnel, « c’est-à-dire trois cacahuètes », fulmine cet autre salarié, sous couvert d’anonymat.
Encore très affecté par la liquidation, ce dernier déclare « faire le dos rond » en attendant de trouver un poste ailleurs et craindre « l’escarcelle d’une santé privatisée et financiarisée ».
Jeune acteur sur le segment de la gestion des centres de santé, SoMeD prévoit de maintenir l’offre de soins du centre en secteur conventionné. « Nous avons à cœur de faire redémarrer l’activité du centre, indique au Monde la nouvelle direction. C’est un gros challenge. » Quant aux anciens patients, « on ne peut pas les recontacter officiellement pour les informer de la réouverture, parce que la réglementation est très stricte en ce qui concerne la publicité dans le secteur médical. Mais le bouche-à-oreille les fait revenir ».
La gestion par la mutuelle uMEn du centre de santé, qui s’était retrouvé déficitaire d’un à deux millions par an, avait été dénoncée par les syndicats. Ont été notamment pointés du doigt les investissements massifs concédés dans la rénovation des locaux.
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Le gouvernement a dévoilé, vendredi 28 avril, un projet de loi visant à transposer l’accord national interprofessionnel sur le partage de la valeur en entreprise, conclu en février entre les partenaires sociaux, visant une adoption au Parlement cet été.
Cet accord vise à généraliser les dispositifs d’intéressement ou de participation à toutes les entreprises de plus de onze personnes, ainsi qu’à développer l’actionnariat salarié. Objectif : améliorer la rémunération des employés dans un contexte de flambée des prix.
Les mesures de l’accord – validé par toutes les organisations patronales et syndicales, à l’exception de la Confédération générale du travail (CGT) – seront traduites dans un projet de loi d’une « quinzaine d’articles », présenté vendredi par les cabinets des ministres de l’économie, Bruno Le Maire, et du travail, Olivier Dussopt. Le texte doit être validé fin mai en conseil des ministres, ont précisé les deux ministères.
Le projet de loi reprend les deux principales mesures de l’accord, à savoir :
Pour les entreprises de onze à quarante-neuf personnes : l’obligation, à partir du 1er janvier 2025, d’instaurer au moins un dispositif de partage de la valeur – participation, intéressement ou encore « prime de partage de la valeur » – si elles dégagent, durant trois années consécutives, un bénéfice net au moins égal à 1 % de leur chiffre d’affaires.
L’exécutif a retenu le 1er janvier 2025 comme date d’entrée en vigueur, contrairement à la recommandation d’un rapport parlementaire, publié début avril, qui préconisait, compte tenu de la forte inflation, une mise en pratique au 1er janvier 2024.
Cette généralisation des dispositifs de partage de la valeur aura un « caractère expérimental » pendant cinq ans, selon le projet de loi.
Pour les entreprises d’au moins cinquante personnes : l’obligation de négocier une manière de distribuer d’éventuels « résultats exceptionnels ». Conformément à l’accord interprofessionnel, la définition d’un tel bénéfice hors norme sera soumise à l’appréciation de l’employeur. Cette mesure fait écho au débat sur la taxation des superprofits, relancé par les excédents sans précédent de TotalEnergies.
Le projet de loi se limite ainsi aux mesures de l’accord entre syndicats et patronat et ne comporte pas de mesures supplémentaires sur les « superprofits », comme évoquées par Emmanuel Macron fin mars. Le chef de l’Etat avait jugé qu’« il y a quand même un peu un cynisme à l’œuvre quand on a des grandes entreprises qui font des revenus tellement exceptionnels qu’ils en arrivent à utiliser cet argent pour racheter leurs propres actions ». En conséquence, il souhaitait « demander au gouvernement de travailler sur une contribution exceptionnelle » pour que « les travailleurs puissent profiter » de cette manne.
La transition écologique s’annonce comme un défi majeur pour l’industrie, qui va se trouver confrontée à une transformation des modes de production et à une concurrence internationale intense dans les industries vertes. C’est la carte des puissances industrielles de demain qui pourrait être redessinée, les industries nationales qui sous-investiront étant évincées.
Or, sur la période 2016-2022, l’Union européenne n’a représenté que 2 % des méga-investissements industriels – plus de 5 milliards de dollars (4,5 milliards d’euros) – annoncés dans le monde, là où les Etats-Unis en captaient 14 %, la Chine 20 % et l’ensemble de l’Asie 60 %, selon les chiffres du cabinet d’études Trendeo. A cela s’ajoutent les politiques mises en place en Chine et aux Etats-Unis pour attirer les industries vertes sur leur sol (c’est le sens des clauses de l’Inflation Reduction Act conditionnant les financements à de la production locale aux Etats-Unis), plus offensives que celles que l’Europe s’apprête à mobiliser.
Dans ces conditions, tout l’enjeu de la transition écologique consiste à décarboner nos économies en évitant un décrochage industriel et ses effets délétères sur l’emploi.
Or, faute d’outils adaptés, les potentiels effets négatifs d’une telle transition sur le marché du travail ont tendance à être minimisés : la plupart des modèles économiques existants ne prennent pas en compte ses faibles capacités d’ajustement, c’est-à-dire la difficulté pour les travailleurs à changer d’entreprise ou de secteur sans se retrouver durablement au chômage ou perdre en salaire. Dans de tels modèles, changer de secteur d’activité, en passant d’une industrie polluante à une industrie verte, ou changer d’entreprise se fait sans coût d’ajustement pour les travailleurs concernés.
Tout d’abord, près de 40 % des salariés qui ont été licenciés dans le cadre d’un plan social dans l’industrie ne sont plus en véritable « poste de travail »,au sens de l’Institut national de la statistique et des études économiques, un an après le licenciement, et plus de la moitié six ans après. Retrouver un emploi dans un autre secteur s’est révélé particulièrement coûteux. Les salariés qui, après trois ans de chômage, ont retrouvé un premier emploi dans les services ont en moyenne un salaire de 58 % inférieur à celui des salariés qui avaient un profil professionnel comparable au leur mais qui n’ont pas subi de plan social, alors que ce différentiel n’est que de 12 % lorsqu’ils retrouvent un emploi dans le secteur manufacturier.
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