Archive dans 2023

« Le Canard enchaîné » : l’inspection du travail refuse le licenciement de Christophe Nobili

Un lecteur du « Canard enchaîné », le 25 février 2005, place de la Bourse à Paris.

« L’inspection du travail vient de rejeter la demande d’autorisation du Canard enchaîné pour mon licenciement », a déclaré Christophe Nobili à l’Agence France-Presse (AFP), mercredi 17 mai. Contacté par l’AFP, le directeur général délégué du Canard, Nicolas Brimo, a confirmé avoir reçu la décision de l’inspection du travail et a indiqué que le journal ne souhaitait pas faire de commentaire.

Le journaliste s’est dit « content » de la décision de l’inspection du travail, estimant que la décision de le licencier était « brutale, injuste et abusive ». Le licenciement de M. Nobili avait été enclenché par le comité d’administration du journal début avril, marquant une escalade dans la crise qui secoue depuis plusieurs mois l’hebdomadaire centenaire.

En mai 2022, Christophe Nobili avait déposé une plainte contre X après avoir révélé que la compagne d’un ancien dessinateur et administrateur du Canard, André Escaro, avait bénéficié pendant vingt-cinq ans d’une rémunération du journal sans y avoir travaillé. Une enquête avait été ouverte pour « abus de biens sociaux » et « recel d’abus de biens sociaux ».

Décision susceptible de recours

Le 8 mars 2023, il avait sorti le livre Cher Canard (éditions JC Lattès), dans lequel il revenait sur cette affaire qui a révélé des fractures au sein de la rédaction, sur fond de conflit entre générations. Après cela, le comité d’administration du journal avait décidé de le mettre à pied et d’enclencher une procédure de licenciement.

« Cette décision a été prise après la parution de son livre, et ses multiples déclarations à la presse et dans les autres médias », avaient écrit les administrateurs dans un courriel interne aux salariés le 2 avril.

La décision de l’inspection du travail, datée du 15 mai, est susceptible de recours. Mais en attendant, Le Canard enchaîné « est obligé de me réintégrer et de me verser mon salaire », car ce recours « n’est pas suspensif », a précisé M. Nobili à l’AFP. Selon lui, le recours peut être déposé dans un délai de deux mois soit devant le tribunal administratif, soit devant le ministre du travail, Olivier Dussopt.

Le Monde avec AFP

Travail forcé des Ouïgours : plusieurs associations déposent une nouvelle plainte contre quatre multinationales de l’habillement

Quelques semaines après avoir enregistré un premier revers avec le classement sans suite de leur plainte, plusieurs associations ont annoncé mercredi 17 mai avoir déposé, mardi, une nouvelle plainte auprès de la justice française visant des géants de l’industrie du textile, tels qu’Uniqlo et Inditex, accusés de tirer profit de l’exploitation des Ouïgours en Chine.

L’association anticorruption Sherpa, le collectif Ethique sur l’étiquette, l’Institut ouïgour d’Europe (IODE) et une Ouïgoure ayant été internée dans la province du Xinjiang (nord-ouest de la Chine), veulent, en effet, mettre au jour « les éventuelles responsabilités des multinationales de l’habillement qui profiteraient du travail forcé des Ouïgours pour la fabrication de leurs produits », assurant qu’« un vêtement en coton sur cinq pourrait être entaché par le travail forcé des Ouïgours ».

La plainte, dont elles se constituent partie civile, vise les infractions de recel de quatre crimes – crimes contre l’humanité, génocide, réduction en servitude aggravée et traite des êtres humains en bande organisée – et doit permettre d’obtenir la désignation d’un juge d’instruction.

Travail forcé

Cette deuxième plainte est née de « l’incompréhension » des plaignants après le classement sans suite, en avril, d’une enquête préliminaire ouverte en juin 2021, des suites d’une première plainte qu’ils avaient déposées, par le pôle crimes contre l’humanité du Parquet national antiterroriste (PNAT), qui traite en France les dossiers de crimes contre l’humanité.

Les associations y reprochaient à Uniqlo France (propriété du groupe japonais Fast Retailing), Inditex (qui détient les marques Zara, Bershka, Massimo Duti), SMCP (Sandro, Maje, de Fursac…) et au chausseur Skechers de commercialiser des produits fabriqués en totalité ou en partie dans des usines où des Ouïgours sont soumis, selon ces associations, au travail forcé, et dont le nombre est évalué jusqu’à plus d’un million.

Les plaignants estiment aussi que ces sociétés ne justifient pas de contrôles suffisants auprès de leurs sous-traitants. Leur avocat, Me William Bourdon espère la « reconnaissance de la compétence » de la justice française « sur le fondement du recel de crime contre l’humanité. »

« Les entreprises textiles devront rendre des comptes de s’être enrichies en connaissance de cause, au prix des crimes internationaux les plus graves, à l’envers d’une communication éthique de pure façade », a-t-il ajouté.

D’autres groupes accusés de tirer profit de travail forcé

A l’époque de la première plainte, les quatre groupes mis en cause par la plainte des associations avaient contesté tout recours à du travail forcé. Mais d’autres grands groupes, tels que Nike, Adidas, Shein, sont également visés par des accusations comparables.

Depuis plusieurs années, les autorités chinoises sont accusées par les pays occidentaux d’avoir massivement enfermé des Ouïgours et des membres d’autres minorités majoritairement musulmanes, y compris des Kazakhs, dans des camps de rééducation, après des attentats sanglants dans le Xinjiang. Leur nombre est parfois évalué à plus d’un million.

Washington et plusieurs pays évoquent un « génocide » et le Haut-Commissariat de l’ONU aux droits de l’homme parle de crimes contre l’humanité, des accusations rejetées par Pékin, qui défend des centres de formation professionnelle destinés à combattre l’extrémisme religieux et assurer la stabilité sociale. Certaines marques se sont engagées ces dernières années à ne pas utiliser de coton du Xinjiang (un cinquième de la production mondiale), mais peinent à montrer patte blanche face à des sous-traitants en cascade.

Le Monde avec AFP

Le taux de chômage stable à 7,1 % au premier trimestre en France, selon l’Insee

Le siège de l’Insee, à Montrouge (Hauts-de-Seine), en 2019.

Au premier trimestre, le nombre de chômeurs, au sens du Bureau international du travail (BIT) – définition plus stricte que celle des demandeurs d’emploi inscrits à Pôle emploi –, a très légérement reflué de 7 000 personnes comparé aux trois derniers mois de 2022 et se situe désormais à 2,2 millions de personnes, selon une note diffusée, mercredi 17 mai, par l’Insee. Le taux de chômage est stable sur le trimestre, à 7,1 %, et inférieur de 0,3 point à son niveau de l’année dernière à la même période.

Le Monde avec AFP

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Réforme des retraites : les DRH contraints de repenser les fins de carrière

« Cette réforme des retraites était moins une réforme des retraites qu’une demande faite aux Français de travailler plus longtemps » : c’est par ces mots que Bruno Palier, politologue et directeur de recherche du CNRS à Sciences Po, a introduit les Rencontres RH du mardi 9 mai, qui portaient sur l’impact de la réforme des retraites dans les entreprises.

Une dizaine de responsables des ressources humaines se sont retrouvés à ce rendez-vous mensuel de l’actualité du management, créé par Le Monde en partenariat avec ManpowerGroup et Malakoff Humanis, pour échanger sur leur politique, et plus particulièrement sur la question des seniors une fois la réforme appliquée.

Le politologue, également auteur de Réformer les retraites (Presses de Sciences Po, 2021), a décrit en quelques mots la situation des actifs proches des 62 ans sur le marché du travail : « La moitié des Français ne sont plus en emploi à l’âge de partir à la retraite ; les quelques mois de travail supplémentaires demandés à ceux qui sont proches de l’âge de départ n’ayant pas été pris en compte dans les négociations de rupture conventionnelle, avec la réforme de l’assurance-chômage, ils tombent directement dans un sas de précarité. Enfin, ceux qui restent n’ont pas envie de travailler plus longtemps dans des conditions de travail qui se sont dégradées, parce que le travail a été considéré comme un coût. »

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés De plus en plus de seniors dans un « sas de précarité »

Ce qui, du côté des entreprises, s’est traduit par quatre stratégies de compétitivité, explique-t-il en substance : délocaliser, sous-traiter (avec un moindre accès à la formation et à l’évolution de carrière), se débarrasser des salariés les plus coûteux (à savoir les seniors) et intensifier le travail de ceux qui restent.

Nouvelle donne

« La stratégie de se débarrasser des seniors était une réalité quand on est passé de 60 à 62 ans, réagit Adrien Barre, directeur du développement de la transition emploi-retraite du cabinet de conseil Diot-Siaci. Aujourd’hui, la moitié des entreprises nous contactent pour demander comment garder leurs salariés. » Stéphanie Carles, directrice des relations sociales de bioMérieux, explique comment, dans son entreprise de microbiologie, « la réforme des retraites a remis sur le tapis la problématique d’accompagnement, avec une forte demande des collaborateurs » « On a beaucoup de salariés en horaires décalés, ce sujet était déjà pris en main depuis des années, mais aujourd’hui on a un énorme casse-tête avec les seniors itinérants qui ne veulent plus prendre la route et qu’il faut replacer, y compris géographiquement, ce qui est quasiment impossible. »

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« L’enfer, c’est les autres au travail » : l’anxiété sociale en entreprise, un phénomène de moins en moins marginal

« Mes collègues n’ont pas conscience que, pour moi, arriver au travail, c’est comme entrer dans une pièce pleine d’araignées. » En une comparaison saisissante, cette patiente avait évoqué voici quelques années avec son thérapeute, le psychiatre Patrick Légeron, les troubles dont elle était victime. Atteinte d’anxiété sociale, elle abordait avec douleur la confrontation quotidienne avec les autres salariés, la peur permanente du regard et du jugement d’autrui.

Un phénomène marginal ? Les professionnels de santé assurent le contraire. La phobie sociale, forme grave de l’anxiété sociale, est bien sûr minoritaire, mais toucherait tout de même 2 % à 7 % de la population adulte en France, selon les différentes études. Quant aux manifestations plus légères, entre trac et timidité, elles sont fréquentes et perturbent le quotidien de nombreux salariés, voire influent sur leurs choix de carrière : « Cinquante-huit pour cent des employés disent appréhender d’occuper un poste de direction par peur de devoir s’exprimer en public », notent ainsi les coauteurs, parmi lesquels M. Légeron, de La Nouvelle Peur des autres (Odile Jacob, 416 pages, 23,90 euros).

Au fil de ses années de consultations, le psychiatre a constaté la diversité des difficultés rencontrées par ces salariés en souffrance dans le collectif de travail. Il garde en mémoire les angoisses de ce cadre, qui perdait le sommeil plusieurs jours avant une présentation en public. Ou celles de cette dirigeante, qui fuyait systématiquement les moments de convivialité organisés par son entreprise. Elle préférait « expliquer qu’elle n’était pas intéressée et passer pour une personne hautaine plutôt qu’apparaître mal à l’aise en société ».

« Faux self », un masque social

Si elles sont multiples, les difficultés rencontrées ont aussi eu tendance à s’intensifier ces dernières années. En cause, principalement, l’évolution des attendus dans l’entreprise. La valorisation des compétences comportementales ou « soft skills » (capacité d’adaptation, esprit d’équipe, etc.) a complexifié le quotidien de certains collaborateurs.

Tel ce salarié rencontré par M. Légeron qui avait choisi un secteur, l’informatique, où il espérait limiter les interactions. Las, son entreprise a progressivement souhaité que ses collaborateurs s’impliquent davantage et participent activement à des réunions. « Il a vécu cela dans une panique absolue », note le psychiatre.

« Mettre en avant ses soft skills relève de l’impossible pour certains salariés, confirme Philippe Zawieja, psychosociologue, chercheur associé à l’université Paris-Cité. Certains tenteront tout de même de se glisser dans le moule demandé, en adoptant un “faux self”, un faux soi. » Un masque social bien lourd à porter, « inconfortable psychologiquement et très coûteux énergétiquement ».

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Les « soft skills » débarquent à l’université

Aksel, 21 ans, admet qu’il avait jusqu’à récemment « du mal pour les travaux en groupe », à l’université comme dans sa vie personnelle. « Soit j’attends que les autres me disent quoi faire, soit j’ai tendance à être un peu directif avec eux », explique le jeune inscrit en deuxième année de licence de langues à l’université Lyon-III. C’est ce qui l’a poussé à participer, en janvier, à l’atelier « Travailler en groupe » proposé par son établissement. Après trois heures de mise en situation, de tables rondes et de découverte de quelques concepts-clés de psychologie sociale avec une quinzaine d’autres étudiants, il a compris que « 90 % du job dans un travail en groupe, c’est “écouter” les autres, vraiment, pas seulement les “entendre” », mais surtout qu’il ne fallait pas avoir peur « de donner son avis, de débattre et de ne pas être d’accord ». Depuis cette courte formation, ses expériences de travail avec d’autres étudiants « ont été beaucoup plus positives », affirme-t-il.

Travailler en groupe, communiquer à l’oral, gérer son intelligence émotionnelle, optimiser sa mémoire, être créatif : « Ces compétences ne sont pas innées. Elles doivent s’apprendre, car les étudiants sont désormais attendus là-dessus par les recruteurs… », résume Nathalie Krief, vice-présidente de Lyon-III chargée de la formation, de la vie étudiante et de l’insertion professionnelle. La liste des ateliers proposés par l’université recoupe en effet en grande partie celle des « soft skills » (ou compétences comportementales), que les employeurs disent désormais rechercher lors des entretiens d’embauche, au moins autant que les « hard skills » (compétences techniques), que les diplômes viennent sanctionner.

Les compétences transversales recherchées par les recruteurs dans les CV

Selon une étude du Centre d’études et de recherches sur les qualifications (Cereq) publiée en juin 2021, « Le rôle des compétences transversales dans les trajectoires des diplômés du supérieur », les recruteurs valorisent d’abord chez les candidats à un poste la « capacité à travailler en équipe », suivie par le « dynamisme », la « capacité à s’organiser », le « sens des responsabilités », et enfin les capacités d’« initiative » et d’« innovation ».

« On peut être un très bon technicien dans son domaine, mais si on ne sait pas s’organiser, gérer son stress, vendre ou partager efficacement ses idées, on se retrouve rapidement en difficulté. Et ce, en tant qu’étudiant comme en tant que professionnel », illustre Fabien Lafay, le responsable du pôle réussite de l’université, qui organise ces modules depuis 2006. Avec « près de 20 000 étudiants » bénéficiaires de ces ateliers, proposés hors maquette et sur la base du volontariat par des formateurs ou coachs professionnels, Lyon-III fait figure de pionnière, alors que la question de la transmission des compétences dites « transversales » s’invite à petits pas dans les universités.

Petite révolution

Dans les universités de Lyon, Strasbourg, Nantes, Rouen-Normandie, ou encore à Paris-VIII, pour ne citer que ces établissements, cette tendance prend, depuis cinq ans, la forme de nouvelles unités d’enseignement (UE) facultatives proposées aux étudiants pour développer spécifiquement ces compétences. Mais aussi de formations pédagogiques des enseignants, ou encore de temps de sensibilisation aux soft skills durant l’année, de diplômes universitaires (DU) spécifiques, etc. Outre l’intérêt de plus en plus fort du monde professionnel pour ces compétences, des évolutions réglementaires expliquent cet engouement naissant. L’arrêté licence de 2018 rappelle ainsi l’importance de l’approche dite « par compétences » dans les diplômes universitaires. Outre des connaissances et compétences disciplinaires, linguistiques et professionnelles, y figurent ainsi des compétences transversales, telles que « l’aptitude à l’analyse et à la synthèse, à l’expression écrite et orale, au travail individuel et collectif, à la conduite de projets (…) », précise le document, qui va donc au-delà des simples soft skills.

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Vers un compromis entre partenaires sociaux sur la branche accidents du travail-maladies professionnelles

Les syndicats et le patronat devraient davantage peser sur la gouvernance d’un système d’assurance aussi méconnu qu’essentiel : celui qui indemnise les victimes d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle. Dans la nuit du lundi 15 au mardi 16 mai, à l’issue d’une ultime séance de négociations qui a duré près de dix heures, ils sont parvenus à un projet d’accord national interprofessionnel qui renforce leurs prérogatives sur cette branche du régime général de la Sécurité sociale.

Le texte a d’ores et déjà l’imprimatur des trois mouvements d’employeurs : Medef, Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME), Union des entreprises de proximité. Les cinq organisations de salariés, de leur côté, doivent consulter leurs instances avant d’arrêter une position, mais la CFDT va, selon toute vraisemblance, signer. La CFE-CGC semble également aller dans ce sens, tout en réservant sa réponse. Les parties prenantes ont jusqu’au 31 mai pour faire connaître leur décision.

La prise en charge des risques professionnels repose sur un dispositif qui constitue l’un des cinq piliers de la « Sécu » – avec l’Assurance-maladie, la branche autonomie, le réseau des caisses d’allocations familiales et l’Assurance-vieillesse. A l’heure actuelle, la branche des accidents du travail et des maladies professionnelles (AT-MP) affiche une santé éclatante sur le plan financier : en 2022, elle a dégagé un excédent de 1,6 milliard d’euros, d’après la Cour des comptes (sachant qu’en 2023, le résultat pourrait être meilleur, à 2,2 milliards, selon les prévisions les plus récentes).

La prévention, un « parent pauvre »

Le système obéit à des règles un peu singulières : intégré à l’Assurance-maladie, il associe une instance, appelée commission AT-MP, dans laquelle siègent des représentants syndicaux et patronaux. Celle-ci vote le budget, formule des avis sur les taux de contribution, etc. Quant aux recettes, elles proviennent pour l’essentiel de cotisations payées par les entreprises.

Depuis des années, les partenaires sociaux regrettent d’être cantonnés dans une position subalterne au sein du dispositif. Ils déplorent également que la prévention « demeure le parent pauvre », les moyens alloués à celle-ci avoisinant 300 millions d’euros par an, ce qui est jugé notoirement insuffisant. Enfin, les mesures de réparation en faveur des victimes pourraient être améliorées, à leurs yeux.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Pourquoi des salariés ne déclarent pas leurs accidents de travail

C’est pour remédier à ces « difficultés » qu’une négociation a donc été ouverte, en juillet 2022. Initialement, les protagonistes ambitionnaient de conclure à la fin de l’année dernière. Mais du retard a été pris, notamment à cause de la réforme des retraites. Le projet du gouvernement a perturbé les discussions car il prévoit une ponction sur les excédents de la branche pour financer des actions visant à empêcher « l’usure professionnelle ». Il s’accompagne, de surcroît, d’une baisse du taux de cotisation pour compenser le relèvement des contributions payées par les entreprises à l’Assurance-vieillesse. Qui plus est, les syndicats ont souvent été accaparés par les mobilisations contre le report à 64 ans de l’âge légal de départ.

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La crise du logement « qui s’installe durablement » en France s’accompagnera d’une crise de l’emploi, prédisent les professionnels du bâtiment

Sur un chantier, dans le nouveau quartier de La Cartoucherie à Toulouse, le 13 octobre 2022.

Pour rédiger la lettre ouverte qu’ils ont adressée au président de la République, lundi 15 mai, et le communiqué qui l’accompagne, les professionnels de la construction et de l’immobilier n’ont pas lésiné sur l’emploi des adjectifs et des adverbes. C’est qu’ils ont déjà mal pris le report des conclusions du Conseil national de la refondation logement, dont ils attendent, après des mois de concertation, de « puissantes mesures d’urgence » pour faire « face à la crise du logement qui s’installe durablement dans notre pays ».

La présentation des arbitrages programmée le 9 mai a été reportée au 5 juin. Alors, quand, dans un entretien donné à Challenges, Emmanuel Macron a appelé, le 10 mai, à une nouvelle « conférence des parties » pour répondre à cette « crise multifactorielle », tous ont bondi. « L’heure n’est plus aux constats, aux atermoiements ni aux hésitations. Quand l’Etat prendra-t-il la véritable mesure du risque de bombe économique, sociale et sociétale ? », tempêtent-ils.

La Fédération française du bâtiment (FFB), les promoteurs, les syndicats de l’immobilier se disent découragés, exaspérés, et brandissent désormais la menace de l’emploi pour être entendus. Mi-avril, lors d’une conférence de presse, Olivier Salleron, le président de la FFB, prédisait déjà un avenir sombre : « Dans le logement neuf, la crise est amorcée. » Depuis 2020, le nombre de permis a chuté. « Or l’avantage, dans le bâtiment, c’est qu’on sait trois ou quatre ans à l’avance ce qui va se passer. » Ces derniers mois, tout s’est accéléré. Dans ce contexte, sans aides supplémentaires, avec des conditions de crédit aussi tendues, la FFB prévoit une production en recul de 4 % entre 2022 et 2025, et la destruction de « près de 100 000 postes ». Voire « 150 000 » « dans les prochains mois », est-il écrit dans la lettre au président.

Le gouvernement tarde à rendre ses arbitrages ? Les professionnels redisent les « mesures applicables immédiatement et puissantes », qui, selon eux, devraient être mises en œuvre. Et de citer, en vrac, l’allégement des contraintes bancaires, le rétablissement du prêt à taux zéro dans sa version antérieure, celle du dispositif Pinel, « avant son verdissement », complète Olivier Salleron. En matière de rénovation énergétique, les moyens doivent être « à la hauteur des enjeux et des ressources des ménages », sinon, il faudra « assouplir le calendrier » imposé par la loi climat et résilience de 2021, préviennent-ils. Lundi 15 mai, dans son interview au journal de 20 heures de TF1, Emmanuel Macron n’a, à aucun moment, explicitement abordé la question du logement.

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Bruxelles anticipe une accélération de l’économie européenne en 2024

Une plus grande résistance de l’économie, mais une inflation toujours aussi forte et préoccupante. Dans ses prévisions semestrielles, publiées lundi 15 mai, la Commission européenne a dévoilé des perspectives légèrement meilleures qu’attendues à la fin de 2022, avec une croissance de 1 % attendue en 2023 et de 1,7 % en 2024. « L’économie européenne se porte mieux que nous ne l’avions prévu l’automne dernier », insiste Paolo Gentiloni, le commissaire à l’économie. En novembre 2022, les économistes de l’exécutif communautaire anticipaient une progression du produit intérieur brut (PIB) de 0,8 % cette année et de 1,6 % en 2024.

Parmi les grandes économies du continent, l’Allemagne devrait afficher un des taux de croissance parmi les plus faibles cette année, à 0,2 %, et un millésime 2024 autour de 1,3 %. Les investissements des entreprises, liés à la hausse des taux de la Banque centrale européenne, devraient reculer de 0,7 %.

Bruxelles attend une croissance française autour de 0,7 % en 2023, et de 1,4 % l’an prochain, grâce à une bonne tenue des investissements, tandis que la troisième économie de la zone euro, l’Italie, devrait connaître cette année 1,2 % de progression du PIB grâce, notamment, au plan de relance européen, et de 1,1 % en 2024. Parmi les économies les plus dynamiques, les pays méditerranéens se distinguent. L’Espagne et la Grèce dépassent 2 % de croissance, là aussi portés par le plan de relance européen.

Ces prévisions s’expliquent, selon le commissaire italien, par « des efforts déterminés pour renforcer notre sécurité énergétique, un marché du travail remarquablement résilient et l’assouplissement des contraintes d’approvisionnement ». A l’été 2022, du fait de la guerre en Ukraine et de l’arrêt de l’importation de gaz russe, les prix du gaz avaient été multipliés par dix pendant l’été, entraînant l’inflation proche du seuil de 10 % dans la zone euro, et près de 20 % dans certains pays comme l’Estonie.

« Taux d’emploi à des niveaux record »

Désormais, Bruxelles anticipe une décrue de l’inflation, mais bien moins rapide qu’attendue à la fin de 2022. En 2023, après un pic à 7,6 % en mars, elle devrait progressivement baisser autour de 5,8 % en moyenne dans la zone euro (à 5,5 % en France), et de 2,8 % en 2024. La Pologne, la Tchéquie, la Slovaquie et la Hongrie devraient encore connaître une hausse des prix à deux chiffres cette année.

Cette inflation devrait être alimentée notamment par les hausses de salaire, qui se poursuivront en Europe, même si elles sont insuffisantes pour éviter une perte de pouvoir d’achat. Dans ces conditions, l’exécutif s’attend à des mouvements de revendication salariale à travers le continent. Et ce d’autant plus que le marché du travail reste extrêmement tendu.

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Réforme des retraites : les salariés entrés dans un dispositif de fin de carrière devront-ils revenir travailler ?

Retournera, retournera pas au travail ? Début avril, une soixantaine de salariés du groupe Orano (ex-Areva) proches de la retraite, qui pensaient ne plus avoir besoin de retourner au travail grâce aux congés accumulés sur leur compte épargne-temps (CET), ont reçu une lettre de leur direction les prévenant que la future réforme des retraites remettait en question leur plan de départ.

Trois options s’offraient à eux : retourner au travail pour obtenir les semestres de cotisation supplémentaires exigés par la réforme, voir leur rémunération lissée jusqu’à leur nouvelle date de départ en retraite ou bien prendre des congés sans solde.

Reprise dans la plupart des médias, l’affaire avait fait grand bruit. Sur Twitter, Orano déclare avoir voulu « réagir pour gérer une situation qui s’impose à [lui] et identifier des cas individuels pouvant présenter des difficultés ». Interrogé le 9 mai sur cette situation, le ministre du travail, Olivier Dussopt, a indiqué que « chaque dossier individuel bénéficiera d’un traitement social, pour que personne ne soit rappelé », tout en soulignant qu’il ne s’agissait que de « quelques cas » de salariés potentiellement concernés.

Chez Thales, l’entreprise a mis en place en 2017 un dispositif spécifique de CET de fin de carrière, abondé par l’entreprise à hauteur de 40 %. « Ce sont des dispositifs appréciés à la fois par les salariés et par les directions, car ils permettent de faire partir plus tôt des salariés proches de la retraite », souligne Grégory Lewandowski, de la CGT Thales.

Comme chez Orano, ceux qui sont entrés dans ce dispositif voient leur départ en retraite décalé. « On a beaucoup de salariés inquiets qui nous contactent, indique le responsable syndical. La direction nous propose de prendre en charge six mois d’allongement et, pour les salariés qui verraient leur date de départ à la retraite reportée de plus de six mois, d’étaler leur rémunération sur toute la période. Mais cela pourrait représenter beaucoup d’argent en jeu pour quelques cas, peu nombreux. On demande donc à ce que la direction prenne en charge la totalité de l’allongement. »

« Des discussions se mettent en place »

Ces « quelques cas » ne manquent pas d’interpeller directions et syndicats. Bien que les décrets d’application concernant la réforme des retraites, qui entre officiellement en vigueur le 1er septembre, n’aient pas encore été publiés, « on voit déjà des discussions qui se mettent en place dans des entreprises au niveau des plans d’aménagement de fin de carrière », indique Stéphane Destugues, secrétaire général de la fédération métallurgie de la CFDT (FGMM-CFDT).

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