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Ces « salariés boomerangs » qui retournent dans leur ancienne entreprise

Un nouveau départ : c’est en ces termes que Nolwenn, 30 ans, parle de son retour chez Michelin. Pourtant, elle avait déjà travaillé pour l’entreprise sept ans auparavant. « J’étais très bien, mais j’avais eu envie de reprendre des études, ce qui n’était pas possible chez eux. Je suis donc allée chez la concurrence, qui m’offrait la possibilité de faire une alternance. » A la fin de ses études, Nolwenn signe un CDI dans l’industrie automobile. Lorsqu’elle démissionne de son poste, en janvier 2022, elle pense tout de suite à recontacter son ancien employeur. « A 30 ans, j’en avais assez des désillusions. Je trouvais fatigant de devoir à chaque fois me réintégrer dans un nouvel environnement. J’avais envie de travailler avec des gens que je connaissais déjà. » La jeune femme revient, mais cette fois à un poste de cadre. Selon elle, son expérience passée dans l’entreprise est un vrai plus. « Comme j’ai commencé tout en bas, quand je m’adresse aux salariés, je sais de quoi je parle, et ils me respectent pour cela », explique-t-elle.

Selon une étude du réseau LinkedIn parue en février, les salariés qui reviennent dans leur ancienne entreprise n’étaient que 1,75 % en 2019, contre 2,38 % en 2022. Une tendance qui reste donc très minoritaire, mais qui, pourtant, intrigue. Michael Obadia, fondateur du cabinet de recrutement Upward, confirme : « C’est un phénomène marginal, mais qui nous frappe parce qu’avant, ça n’arrivait tout simplement jamais. Il y a encore deux ou trois ans, il était impossible de proposer à nos clients des anciens salariés. Aujourd’hui, la porte n’est pas du tout fermée. » Des retours qui s’expliquent, selon lui, par un turnover bien supérieur des salariés. « Aujourd’hui, les entreprises peinent à recruter, et les salariés ont la main. Ce qui fait qu’ils n’hésitent pas à quitter des postes confortables quand on leur propose mieux ailleurs, quitte à revenir. » La relation entre employeur et salariés serait aussi devenue plus neutre : « Aujourd’hui, le “offboarding”, c’est-à-dire le départ des salariés, est mieux géré dans l’entreprise. Les cadres restent en moyenne deux ou trois ans dans un poste, ce qui fait que les deux côtés n’ont pas eu le temps de s’attacher l’un à l’autre. Dès lors que le départ s’est fait sans drame, le retour peut avoir lieu sereinement », précise Michael Obadia.

Lire la chronique de Pierre-Yves Gomez : Article réservé à nos abonnés Phénomène de « grande démission » : L’effet boomerang de la gestion individualisée des performances

Mais si les difficultés actuelles de recrutement rendent les employeurs plus susceptibles d’ouvrir leur porte à ces salariés dits « boomerangs », il reste quelques règles à respecter pour réussir un retour gagnant. La première étant de revenir à un poste qui prenne en compte l’expérience passée ailleurs.

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Pourquoi l’économie de la France tient bon (malgré tout)

Fluctuat nec mergitur. L’économie française pourrait faire sienne la devise de Paris en cette année 2023. Battu par les flots des crises successives depuis trois ans, le pays ne sombre pas. Comme si elle ne voulait pas se résoudre au déclin que promettent les Cassandre depuis des décennies, la France fait preuve d’une résilience inattendue, même si ses faiblesses structurelles persistent et, pour certaines d’entre elles, se sont aggravées. Sous les pavés des blocages liés à la réforme contestée des retraites, beaucoup d’indicateurs économiques restent bien orientés.

Cet article est tiré du « Hors-Série Le Monde : 40 cartes pour comprendre comment va la France » 2023. Ce hors-série est en vente dans les kiosques ou par Internet en se rendant sur le site de notre boutique.

Comme le confie au Monde le patron d’une grande banque d’affaires, « l’idée que la situation peut tourner à la catastrophe n’est dans aucune tête chez les investisseurs. Pour eux, c’est une crise à la française, comme le pays en a connu d’autres ». Le juge de paix pour les marchés financiers, c’est le fameux « spread », l’écart de rendement entre ­l’emprunt d’Etat français à dix ans et son équivalent allemand. Et, sur ce plan, c’est le calme plat.

Pourtant, rien n’aura été épargné à l’économie française : crise pandémique, pénuries de composants perturbant la production, flambée des prix de l’énergie, guerre en Ukraine, inflation, remontée des taux d’intérêt et maintenant crise sociale et politique. Malgré ces tumultes, la France continue à créer de l’emploi, contre toute attente.

Le pays du chômage de masse aurait-il commencé sa mue ? Trop tôt pour le dire mais, quoi qu’en pensent les sceptiques, la proportion de Français en emploi n’a jamais été aussi élevée. Selon la « photographie du marché du travail en 2022 » publiée par l’Insee, 68,1 % des personnes âgées de 15 à 64 ans occupent un poste. Du jamais-vu depuis 1975, date à laquelle l’organisme de statistiques a commencé à mesurer cette donnée. Pour la septième année d’affilée, le taux de chômage diminue, pour s’établir à 7,3 % en moyenne annuelle en 2022, soit 3 points de moins qu’en 2015. L’inversion de la courbe du chômage chère à François Hollande ne tient plus de l’incantation, c’est désormais une réalité.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Chômage : les chiffres restent stables au dernier trimestre de 2022

L’amélioration est aussi bien quantitative que qualitative. Globalement, la précarité recule, en matière de contrat de travail comme de temps de travail. Les embauches en contrat à durée indéterminée ont augmenté de plus de 20 % par rapport au niveau de la fin 2019. Le nombre de salariés à temps complet n’a jamais été aussi élevé (57 %), et la part des jeunes de 15 à 29 ans qui ne sont ni en emploi ni en formation diminue. Même si la France compte encore trois ­millions de chômeurs, le fait que le thème de l’emploi ait quasiment disparu du débat public constitue un bon indicateur de l’amélioration de la situation.

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A Saint-Etienne, le sort de Casino soulève de vives inquiétudes

Le siège social de Casino, à Saint-Etienne, le 28 octobre 2022.

Implanté en face de la gare de Châteaucreux, à Saint-Etienne, le siège mondial du groupe de distribution Casino proclame son slogan sur la façade de son immeuble design : « Forever ». Avec sa traduction française homophone : « #forts et verts ». La référence, intimement liée à l’histoire de la cité minière, fait allusion à la couleur du club de football légendaire et tient du mantra, en pleine période d’incertitude sur la reprise du Groupe Casino.

La couleur verte vient de l’adresse de sa première implantation, rue des Jardins. Au début du XXe siècle, le groupe a fondé l’Amicale des employés de la société Casino, en même temps qu’il multipliait les succursales. Le modèle social, inspiré des utopies de la révolution industrielle, prévoyait système de retraite et progression interne des carrières.

L’amicale est devenue la célèbre Association sportive de Saint-Etienne (ASSE), au panache inégalé et au stade mythique, portant le nom de Geoffroy Guichard, fondateur de la première épicerie Casino. Alors que l’équipe de football a été reléguée en deuxième division en 2022, Casino, perclus de dettes, peut-il sombrer ?

« Personne ne veut croire que Casino peut disparaître, tellement la marque est liée à l’histoire de la région. Mais les salariés sont inquiets. Nous n’avons aucune assurance que le siège du groupe ne soit pas dans la balance des négociations qui s’engagent », confie Guillaume Touminet. Le représentant syndical (CFDT) auprès de la direction Casino France a tiré le signal d’alarme il y a quatre ans.

Pour lui, la vente des murs des succursales a donné l’impression « que l’entreprise était vidée de sa substance pour augmenter les dividendes des actionnaires et rembourser les dettes des autres entités du groupe ». Allusion aux autres structures de l’empire de la distribution constitué par Jean-Charles Naouri à partir de 1992, avec l’absorption de Casino par la holding détenant Rallye, suivi des rachats des enseignes Monoprix, Franprix, Leader Price et Cdiscount.

Le syndrome Manufrance

« Le siège social a fondu, la direction des achats du groupe est à Vitry-sur-Seine [Val-de-Marne], la holding de M. Naouri et le siège de Monoprix sont aussi en région parisienne. Que fera le repreneur ? », s’interroge Guillaume Touminet. En réponse à ses inquiétudes, exprimées dans la presse locale, le syndicaliste a été convoqué en 2019 pour un entretien préalable à son licenciement, avec avertissement à la clé.

« Le tribunal des prud’hommes a sanctionné cette décision. J’ai aujourd’hui le sentiment qu’il faut de nouveau demander la vérité sur la situation réelle du groupe et sur les intentions de nos dirigeants. Dans le passé, personne n’osait imaginer que Manufrance pouvait couler du jour au lendemain, malgré les promesses de reprises », explique M. Tourminet. Le syndrome lié au groupe industriel, disparu en 1980 avec 1 800 salariés, touche encore les cœurs à Saint-Etienne.

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Le compte personnel de pénibilité, dit « compte professionnel de prévention », affiche un maigre bilan

Politique de l’emploi

[La politique de l’emploi s’appuie sur des dispositifs créés au fil des besoins, qui restent parfois méconnus longtemps après leur création. Quelle est leur efficacité contre le chômage ? Elle n’est pas toujours évaluée. « Le Monde » publie une série d’articles sur les aides à l’emploi, pour tenter d’estimer ce qu’on en sait – leur objectif initial, leurs résultats.]

L’objectif du dispositif

Instauré sous la présidence Hollande en 2015, le compte personnel de pénibilité a été créé pour « compenser » l’espérance de vie des travailleurs réduite par l’exposition aux risques liés à la pénibilité au travail. Relativement similaire au compte personnel de formation (CPF), il permet au salarié, exposé à certains facteurs de pénibilité au travail, de cumuler des points sur son compte afin de financer une formation pour une reconversion, un temps partiel sans baisse de salaire avant la retraite ou encore un départ plus précoce (au maximum deux ans avant l’âge légal de départ à la retraite).

Intitulée à l’origine « compte personnel de prévention de la pénibilité », ou C3P, il est devenu, en 2017, le compte professionnel de prévention, ou C2P, dans le cadre des ordonnances Macron. Quatre des dix critères de pénibilité, qui permettent de cumuler des points, ont alors été supprimés par les ordonnances : l’exposition à des agents chimiques dangereux, aux poussières et aux fumées, le port de charge lourdes, les postures pénibles et les vibrations mécaniques émises par des machines.

Les six critères qui demeurent sont : les activités exercées dans des milieux extrêmes (bruyants, sous très haute pression ou haute température), les tâches impliquant des gestes répétitifs ainsi que le travail en équipes alternées (en trois-huit, par exemple) et le travail de nuit.

Le fonctionnement

Un salarié exposé à un de ces critères cumule 4 points par année d’exposition (8 pour les salariés nés avant juillet 1956) et 8 points (16 pour les salariés nés avant juillet 1956) en cas d’expositions à plusieurs facteurs de risques avec un plafond de 100 points pour toute la carrière, à condition de dépasser certains seuils. La réforme des retraites introduit à ce niveau quelques assouplissements, qui doivent encore être confirmés par décret.

Lors de la présentation du projet de loi sur la réforme des retraites à l’issue du conseil des ministres, le 23 janvier, le ministre du travail, Olivier Dussopt, avait annoncé une « modernisation » du dispositif pour une « amélioration de la prise en compte de la pénibilité ».

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A Béthune, la discrète renaissance de l’industrie

L’immense cathédrale de béton et de poutrelles qui abritait l’usine Bridgestone de Béthune (Pas-de-Calais) jusqu’à sa fermeture, en septembre 2020, reprend vie peu à peu. Le 11 mai, les verres ont tinté en compagnie du gotha local pour fêter l’installation d’une nouvelle entreprise, Ennea Groupe, sur une petite parcelle de l’ancienne usine de 200 000 mètres carrés.

La jeune société rejoint ainsi trois autres locataires du site, Black Star, acteur français du pneu reconditionné, qui profite des machines abandonnées sur place par le constructeur japonais ; Bringback, spécialisé dans la régénération de batteries au lithium ; et LPI (Logistique de prestations industrielles), un logisticien du pneu. Au total, une centaine de salariés travaillent aujourd’hui dans l’ancienne usine, un chiffre qui devrait doubler dans les mois à venir grâce aux projets de développement des firmes déjà présentes et aux nouvelles arrivées.

La petite dernière, Ennea Groupe, est experte dans le reconditionnement de matériels professionnels : laveuses, balayeuses, compresseurs et distributeurs de boissons passent entre ses mains pour repartir, comme neufs, vers les entreprises clientes. Un modèle centré sur l’économie circulaire, qui a permis la création de quatorze emplois.

« A terme, nous aimerions nous étendre sur 5 000 mètres carrés au lieu de 2 200 actuellement », assure le directeur général, Eric Busche. Le fondateur d’Ennea entend « développer des synergies » − comprendre : trouver des clients − avec l’écosystème qui émerge dans la région autour de la filière de la mobilité électrique, dans le sillage des méga-usines de batteries électriques qui y poussent.

Dans l’ancienne usine de Bridgestone, la surface d’extension potentielle d’Ennea Groupe, à Béthune (Pas-de-Calais), le 11 mai 2023.

Dans un rayon de 70 kilomètres, pas moins de quatre gigafactories sont en cours de construction ou en projet. Pour un territoire qui a subi une désindustrialisation massive à partir de 2005 et ses vagues de licenciements (plus de 5 000 emplois ont été perdus entre 2008 et 2019 dans l’agglomération de Béthune-Bruay), cette effervescence a un parfum de renaissance.

« La dynamique est en train de se réveiller »

« La fermeture de Bridgestone s’est conjuguée avec des projets de réouverture industrielle », observe Jérôme Brossier, directeur du développement des entreprises auprès de la communauté d’agglomération de Béthune-Bruay, Artois-Lys Romane. La transformation de l’industrie automobile, l’essor de l’économie circulaire et le volontarisme affiché par les élus locaux et régionaux, qui n’hésitent pas multiplier les dispositifs d’accompagnement et les aides, ont entraîné un « développement endogène colossal ». « On n’en est même plus aux projets dormants. La dynamique est en train de se réveiller », se félicite M. Brossier.

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Soft skills : « Les enseignants se retrouvent à apprécier des qualités personnelles qui sont socialement marquées, comme l’aisance à l’oral »

Autrice d’une thèse sur la professionnalisation des études universitaires en France, la chercheuse Laurène Le Cozanet a observé comment les notions de « compétences », dont les compétences douces ou « soft skills », sont progressivement entrées à la fac. Elle rappelle le temps long de la mue des universités, réformées pour s’adapter aux réalités économiques du pays. Un processus générateur de tensions, notamment autour de l’enseignement des soft skills dont certains pensent qu’il crée l’illusion que les étudiants sont préparés au monde du travail. « Ce qu’on appelle la socialisation professionnelle se nourrit plutôt de l’alliance entre la maîtrise de savoirs formels et le temps long de l’expérience », souligne la politiste.

A quelle période observez-vous les softs skills entrer à la faculté ?

Dans les années 2010, des universités françaises se dotent de projets labellisés soft skills, une notion venue du management pour désigner des aptitudes comportementales telles que l’aisance à l’oral ou la capacité à travailler en équipe. Mais si ce vocabulaire est nouveau, la démarche ne l’est pas : dès les années 2000, les facs ont créé des modules censés permettre d’acquérir des « compétences transversales » aussi appelées « savoir-être ». C’est le résultat du processus de Bologne, un mécanisme européen lancé en 1998 dont le but consistait à harmoniser l’enseignement supérieur au niveau de l’UE et à le rendre plus lisible en le découpant par blocs de compétences. Cette approche par compétences est notamment censée faciliter la communication entre l’univers des études supérieures et celui du travail.

En France, ce processus a abouti à la réforme LMD [licence, master, doctorat] qui a réuni tous les cursus universitaires dans un même cadre juridique et a attribué à chacun une issue professionnelle. Au même moment, en 2002, est décidée l’inscription de toutes les formations universitaires dans le nouveau répertoire national des certifications professionnelles, le RNCP, où tous les diplômes à finalité professionnelle du pays sont décrits en termes de compétences.

A quand cette dynamique de professionnalisation remonte-t-elle ?

Dès les années 1950 émerge la formation continue. Elle est portée par des militants de l’éducation populaire, des pionniers de la gestion des ressources humaines et des hauts fonctionnaires qui théorisent les apports complémentaires entre savoir, savoir-faire et savoir-être. En 1958, un cadre des usines Renault, figure de ce mouvement, prononce un discours sur la « compétence » de l’employé bien intégré dans son entreprise, qu’il qualifie de « conjonction heureuse » des « connaissances », des « aptitudes » et de la « bonne volonté ». L’idée selon laquelle la formation n’est pas seulement de l’éducation se diffuse.

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Télécoms : vague de licenciements massifs chez les opérateurs britanniques

Les bureaux de BT à Singapour, en janvier 2019.

C’est une semaine noire pour les salariés de l’industrie des télécoms au Royaume-Uni. Jeudi 18 mai, BT Group, l’opérateur historique du pays, a annoncé vouloir supprimer entre 40 000 et 55 000 emplois d’ici à 2030, y compris des sous-traitants. Cela représente jusqu’à 42 % de ses effectifs actuels. BT emploie environ 130 000 personnes, dont 30 000 issus de sous-traitants.

Ce plan de départ est le plus important annoncé par l’opérateur depuis sa privatisation et l’ouverture à la concurrence du secteur en 1981. Deux jours plus tôt, le 16 mai, son concurrent Vodafone avait dévoilé un plan d’économies entraînant 11 000 suppressions d’emplois sur trois ans, sur un total d’environ 100 000 salariés actuellement.

A regarder ses résultats 2022-2023, publiés en même temps que l’annonce du plan de départ, BT ne va pas si mal que ça. Lors de l’exercice 2022-2023 (arrêté au 31 mars), BT a dégagé une marge brute d’exploitation de 39 %, 7 points de plus que son concurrent britannique Vodafone et 9 points de plus qu’Orange, l’opérateur historique français.

Remplacés par des applications utilisant l’IA

« Au cours des quatre dernières années, nous nous sommes fermement tenus à notre stratégie et cela fonctionne », reconnaît même Philip Jansen, le directeur général de l’opérateur qui se félicite que le groupe ait « augmenté le chiffre d’affaires pro forma et le résultat brut d’exploitation (Ebitda) pour la première fois en six ans ». BT avait engagé en avril 2020 un plan de réduction des coûts : 2,1 milliards de livres (2,4 milliards d’euros) d’économies ont déjà été réalisées, pour un objectif de 3 milliards.

Mais, selon le dirigeant, aux commandes de BT depuis février 2019, la fin prochaine du plan de transformation du réseau fixe, passé du cuivre vers la fibre optique, exigera moins de main-d’œuvre à l’avenir. Autre explication avancée par Philip Jansen : « Chaque fois qu’il y a de nouvelles technologies, il peut y avoir de grands changements. »

Il pense notamment aux perspectives offertes par les outils d’intelligence artificielle (IA) générative comme ChatGPT. Dix mille des emplois supprimés pourraient être remplacés par des applications utilisant l’IA, a indiqué le directeur général. C’est pour cela, selon lui, qu’il faut « adapter la structure de coûts et améliorer la productivité ». Avant BT, aucun autre grand opérateur télécoms européens n’avait avancé ces arguments pour justifier un plan de transformation de cette ampleur. Chez Vodafone, les 11 000 suppressions de postes répondaient avant tout à une logique d’économies.

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A la Société générale, un cas emblématique de discrimination syndicale

« Ma compréhension était que vous étiez prêt à renoncer à vos activités syndicales pour un poste intéressant. Qu’en est-il exactement ? » « Vous êtes prêt à réduire le champ de vos activités syndicales si le poste proposé l’exige. » Ces mails, envoyés en 2007 et en 2008 par une responsable hiérarchique à Jean-Pierre Lamonnier, cadre à la Société générale, ont notamment permis de prouver la discrimination syndicale dont il a fait l’objet. « Ce sont des pièces très intéressantes, car l’obtention d’une promotion est conditionnée au fait de ne plus être syndicaliste. Cela veut dire qu’on ne peut pas mener les deux en même temps, c’est cela qui fait que la discrimination existe », explique son avocat, Me Xavier Sauvignet.

Elu depuis 2001 du Syndicat national de la banque et du crédit (SNB), principale organisation de salariés dans cette banque, M. Lamonnier, parti à la retraite en 2019, a fait condamner son entreprise en appel, le 19 avril 2023, à lui verser près de 600 000 euros, car il avait été victime de discrimination syndicale durant toutes ces années.

Interdite depuis les lois Auroux de 1982, la discrimination syndicale est inscrite dans le code du travail (articles L.1132-1 et L.2141-5) : l’employeur doit veiller à ce que l’exercice de fonctions représentatives n’influe pas sur le déroulement de la carrière du salarié. Cela concerne l’ensemble de la relation de travail, du recrutement à la rémunération en passant par la formation professionnelle.

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La discrimination syndicale est un phénomène difficile à mesurer, mais concerne près de la moitié (46 %) des personnes syndiquées, qui estiment avoir déjà été discriminées au cours de leur carrière en raison de leur activité syndicale, selon un baromètre du Défenseur des droits et de l’Organisation internationale du travail publié en 2019. En 2021, 5,5 % des saisines du Défenseur des droits concernent des activités syndicales, ce qui en fait le cinquième facteur de discrimination relevé, notamment devant l’âge ou le sexe.

Absence d’évolution

La plupart du temps, ces discriminations se traduisent par une absence d’évolution professionnelle. Pour 51 % des personnes exerçant ou ayant exercé une activité syndicale, cette dernière a représenté un frein dans leur évolution professionnelle (en matière de qualification, d’avancement, de grade…).

C’est justement le cas de Jean-Pierre Lamonnier : depuis la prise de ses mandats syndicaux, cet ancien expert-comptable est resté bloqué au niveau I de la convention collective de l’entreprise (sur une échelle allant des lettres A à L) pendant vingt-deux ans. « Normalement, il faut quatre à cinq ans avant de passer au niveau supérieur, on a retrouvé ce délai moyen dans les bilans sociaux », précise son avocat. En 2016, alors qu’il était âgé de 62 ans, l’âge moyen des collègues de sa catégorie se situait autour de 40 ans.

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Au Royaume-Uni, Stellantis menace de fermer ses usines si le Brexit n’est pas renégocié

Pendant les quatre années qu’ont duré les très difficiles négociations du Brexit, l’industrie automobile était au cœur des discussions. Sachant que 80 % des véhicules construits au Royaume-Uni sont exportés, la majorité dans l’Union Européenne (UE), et qu’une large partie des pièces détachées vient de l’UE, obtenir un accord pour exonérer la filière des droits de douane relevait de sa survie. Fin 2020, à l’arraché et dans le soulagement général de cette industrie, un compromis a été trouvé : aucun droit de douane n’est imposé.

Voilà pourtant que deux ans et demi plus tard, la question revient sur le tapis. Stellantis, le quatrième constructeur mondial, très présent au Royaume-Uni avec sa marque Vauxhall, menace de fermer ses usines si l’accord sur le Brexit n’est pas renégocié. Dans l’urgence, la ministre des entreprises et du commerce, Kemi Badenoch, s’est entretenue mercredi 17 mai par vidéoconférence avec des dirigeants du constructeur français. La réunion aurait été « constructive », à en croire une source citée par la BBC… Etant donné que Stellantis a deux usines et cinq mille employés outre-Manche, l’enjeu politique est important pour le gouvernement britannique.

Le problème vient de règles techniques mais essentielles comprises dans l’accord du Brexit. Pour bénéficier de l’exemption des droits de douane, il faut prouver que la marchandise est bien « made in UK » (ou « made in EU » s’il s’agit d’une exportation dans l’autre sens). Problème : avec des chaînes logistiques internationales et des composants qui viennent d’un peu partout dans le monde, à partir de quel moment peut-on considérer qu’un véhicule est « britannique » ? L’accord du Brexit a donné la réponse : il faut que 40 % de la valeur des pièces du véhicule soient fabriquées soit au Royaume-Uni, soit dans l’UE.

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« Les constructeurs vont relocaliser leurs usines »

Mais ces règles vont se durcir. En 2024, elles passent à 45 %, et en 2027 à 55 %. Pour les véhicules électriques, c’est encore plus compliqué, avec une règle spécifique pour les batteries : en 2027, celles-ci devront être à 70 % fabriquées soit au Royaume-Uni, soit dans l’UE.

Or, cet objectif est aujourd’hui impossible à atteindre, avertit Stellantis. « Il n’y aura pas une production de batteries suffisantes au Royaume-Uni ou en Europe d’ici 2025 ou 2030, bien que ce soit une exigence essentielle des règles d’origine dans l’accord [sur le Brexit] », souligne Stellantis dans une note remise à un comité parlementaire britannique en février, mais révélée seulement mardi. Le Royaume-Uni n’a qu’une seule grande usine de batteries en cours de construction, près de l’usine Nissan, dans le nord-est de l’Angleterre. En Europe, les projets sont plus avancés, mais là encore insuffisants.

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Vertbaudet : Sophie Binet et Fabien Roussel dénoncent les violences dans le conflit social en cours

La première ministre, Elisabeth Borne, et la secrétaire générale de la CGT, Sophie Binet (à droite), avant leur rencontre à Matignon, le 17 mai 2023.

La secrétaire générale de la Confédération générale du travail (CGT), Sophie Binet, et Fabien Roussel (Parti communiste français, PCF) ont dénoncé, mercredi 17 mai, des violences dans le conflit social en cours dans l’enseigne de puériculture Vertbaudet à Marquette-lez-Lille (Nord), où la police a évacué mardi un piquet de grève. Le parquet de Lille a annoncé dans l’après-midi l’ouverture d’une enquête sur l’agression présumée d’un délégué CGT. « Des investigations sont en cours, notamment des réquisitions d’images de vidéoprotection », a-t-on précisé au parquet.

« Non seulement le patron refuse de négocier, mais en plus le préfet, au lieu de faire organiser une médiation, vient de leur envoyer les CRS pour démanteler le piquet de grève, et nous avons une gréviste qui a fini aux urgences et plusieurs gardes à vue », a déploré Sophie Binet sur France Inter. L’évacuation a eu lieu mardi matin. Les CRS ont délogé les grévistes mobilisés depuis le 20 mars à l’appel de la CGT pour des augmentations salariales. Selon la direction, 72 salariés sur 327 sont toujours en grève.

Reçue en fin d’après-midi par Elisabeth Borne, la responsable syndicale a assuré que la première ministre s’était engagée auprès d’elle à faire « cesser toutes les poursuites contre les ouvrières » et « à garantir une médiation avec la direction de l’entreprise ».

« Copieusement gazé, frappé »

L’union locale de la CGT avait affirmé dans un communiqué qu’un des deux délégués CGT du site avait été « copieusement gazé, frappé » mardi soir par des personnes se présentant comme des « policiers en civil » venus l’interpeller devant son domicile au cri de « sale gréviste ». La direction départementale de la sécurité publique du Nord s’est refusée à tout commentaire.

Le député du Nord et patron du PCF, Fabien Roussel, avait annoncé à l’Agence France-Presse (AFP) avoir saisi le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, de cette agression « extrêmement grave », et souhaité que le parquet s’en saisisse, indépendamment du dépôt d’une plainte par le délégué, « traumatisé ». Une quarantaine de salariés grévistes se sont par ailleurs réinstallés mercredi devant le site, encadré par les forces de l’ordre, a précisé l’une d’entre elles, Anaïs Vanneuville, à l’AFP. « Nous poursuivons notre grève et restons mobilisées sur le site », a-t-elle assuré.

Selon la CGT, les forces de l’ordre étaient déjà intervenues lundi. Elles avaient interpellé deux militants extérieurs à l’entreprise et les avaient placés en garde à vue, une information non confirmée par le parquet de Lille. Selon leur avocat, Ioannis Kappopoulos, ils auraient été relâchés, sans suite dans l’immédiat. Dans cette entreprise, « il n’y a aucun salaire au-dessus de 1 500 euros. Les filles qui travaillent à la chaîne pour faire des colis font 22 kilomètres par jour debout », avait dans la matinée dénoncé sur CNews M. Roussel, réclamant également une médiation.

Il a parlé d’un climat de violences et d’insultes sexistes, invitant les grévistes à « porter plainte ». « Vous pouvez crever dehors, disent, selon lui, couramment des membres de la direction en passant devant le piquet de grève. Parce que ce sont des femmes, l’un d’entre eux s’est permis de dire : “Il n’y a jamais eu autant de préservatifs dehors”. »

Le député « insoumis » de la Somme, François Ruffin, a pour sa part réaffirmé mercredi son soutien aux salariées en grève dans un communiqué. « Elles demandent du respect. On leur répond par de la brutalité », a-t-il déploré.

Le Monde avec AFP