Archive dans 2023

Le gouvernement présente son projet de loi sur le « partage de la valeur en entreprise »

Le gouvernement présente, mercredi 24 mai, en conseil des ministres, son projet de loi sur le partage de la valeur en entreprise. Le texte est une « transposition fidèle et intégrale » de l’accord national interprofessionnel (ANI) conclu en février entre les partenaires sociaux, a déclaré le ministre du travail, Olivier Dussopt, mardi lors d’une conférence de presse. « Toute modification, tout apport par rapport à l’ANI, le gouvernement ne les défendra qu’avec un consensus des signataires de l’ANI », a-t-il ajouté.

L’accord interprofessionnel vise à améliorer et généraliser les dispositifs d’intéressement ou de participation pour les salariés, et ainsi améliorer leur rémunération dans un contexte de flambée des prix. L’accord a été validé par toutes les organisations patronales et syndicales, à l’exception de la Confédération générale du travail (CGT).

Le gouvernement souhaite une adoption avant la fin de la session parlementaire, cet été.

Cet accord contient trente-six articles et deux mesures principales :

  • Pour les entreprises de onze à quarante-neuf personnes : elles seront obligées, à partir du 1er janvier 2025, d’instaurer au moins un mécanisme « légal de partage de la valeur » – participation, intéressement ou encore « prime de partage de la valeur » – si elles dégagent, durant trois années successives, un bénéfice significatif, au moins égal à 1 % de leur chiffre d’affaires. Les entreprises de moins de onze salariés « ont la possibilité » de partager les profits avec leurs salariés.
  • Pour les entreprises d’au moins cinquante personnes : des discussions doivent avoir lieu de manière à « mieux prendre en compte les résultats exceptionnels » réalisés en France. Une mesure qui fait écho au débat sur la taxation des superprofits, relancé par les excédents inégalés de TotalEnergies.

Les entreprises plus petites sont encore à la traîne s’agissant des mécanismes de redistribution des bénéfices : 88,5 % des salariés d’entreprises de plus de 1 000 personnes bénéficiaient d’un tel dispositif en 2020, contre moins de 20 % dans celles de moins de cinquante salariés, d’après la Dares – la direction statistique du ministère du travail.

Le gouvernement a retenu 2025 comme date d’entrée en vigueur, contrairement à la recommandation d’un rapport parlementaire, qui préconisait au début d’avril une mise en pratique « dès 2024 », compte tenu des tensions inflationnistes.

En février, Geoffroy Roux de Bézieux, le président du Mouvement des entreprises de France (Medef), ainsi que Laurent Berger, secrétaire général de la Confédération française démocratique du travail (CFDT), avaient appelé l’exécutif à respecter le texte de l’ANI lors de sa transposition en projet de loi. Le patron du Medef avait estimé que « tout détricotage » constituerait « un coup de poignard dans le dos des partenaires sociaux », et le responsable syndical considérait qu’une modification serait « un croche-pied à la démocratie sociale ».

Le projet de loi se limite aux mesures de l’accord entre syndicats et patronat et ne comporte pas de mesures supplémentaires sur les « superprofits », évoquées par Emmanuel Macron à la fin de mars. Evoquant les grandes entreprises consacrant leurs revenus « exceptionnels » à des rachat d’actions, le chef de l’Etat avait demandé au gouvernement de réfléchir aux moyens de faire « profiter » les travailleurs de cette manne.

A l’Assemblée nationale, « il y a un risque de surenchère avec des sujets sur les superprofits et les superdividendes », a estimé M.  Dussopt.

Avec ce projet de loi, l’exécutif souhaite aussi tourner la douloureuse page des retraites. Après une rugueuse reprise de contact avec les syndicats, qui réclament toujours l’abrogation de la réforme, la première ministre, Elisabeth Borne, a reçu les principales organisations patronales en début de semaine. Ces dernières se disent disposées à discuter de l’emploi des seniors, alors qu’une quatorzième journée de mobilisation est programmée le 6 juin.

Lire le décryptage : Article réservé à nos abonnés Comment mieux gérer son épargne salariale

Le Monde avec AFP

La gestion des grilles de salaires compliquée par les pénuries de main-d’œuvre et la revalorisation du smic

Avec une inflation durable et un marché de l’emploi tendu, les DRH sont désormais confrontés au risque d’incohérence de leur politique de rémunération et en particulier des grilles de salaires, à l’origine gage de reconnaissance équitable du travail et d’engagement des salariés. « Suis-je aussi bien payé que mon collègue de bureau ? » et « que gagnerais-je à prendre des responsabilités ? » sont des questions auxquelles l’entreprise doit être en mesure d’apporter des réponses satisfaisantes, grâce à ces matrices de rémunération que sont les grilles.

« Une grille de salaire équilibrée, disposant d’échelons en nombre suffisant, permet à chacun de se situer au sein de l’entreprise et de se projeter, explique Marc Grosser, partenaire du cabinet de conseil RH Topics. Sur cette base, l’entreprise peut aussi mieux repérer les inégalités et mieux négocier avec les partenaires sociaux. » L’outil définit des familles de métiers, des niveaux de qualification et de responsabilité, associés à une médiane de salaire, généralement établie en fonction d’un « benchmark », d’une norme sur le marché. Les plus petites entreprises se calent, elles, sur les minima décidés par leur branche professionnelle.

Mais la cohérence de ces grilles salariales est sapée depuis des mois par deux courants violents : d’une part la forte inflation – + 5,9 % en un an –, conduisant à des hausses successives du smic ; et d’autre part les salaires hors norme réservés à l’embauche des profils les plus recherchés sur un marché de l’emploi tendu. Les métiers pénuriques sont de plus en plus divers – de la tech et du numérique aux spécialistes de la logistique ou aux métiers de bouche.

« Une grille bis »

« Aujourd’hui, des spécialistes du digital peuvent obtenir 10 % à 15 % de plus que la moyenne des salariés, à qualification et expérience équivalentes, et plus encore si le recrutement est urgent, observe Cyrille Bellanger, directeur du conseil en rémunération de Mercer. Certaines entreprises ont dû établir une grille bis pour ces profils, voire pour les jeunes diplômés en général ; elles ont aussi intégré les primes, dont beaucoup sont quasi systématiquement accordées, dans le salaire de base pour l’améliorer. »

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Franck Chéron, associé du cabinet Deloitte, constate lui aussi depuis deux ans une vaste réflexion sur les grilles de salaires des entreprises qu’il accompagne, certaines en recréent une, d’autres intègrent de nouvelles classifications ou élaborent une grille parallèle. « Une grille inadaptée conduit à la multiplication des cas d’exception », rappelle Claire Morel, directrice de Syndex, qui conseille les délégués syndicaux et les comités sociaux et économiques.

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La pénibilité numérique : deux coupables identifiés

Carnet de bureau. Les salariés gèrent en moyenne 144 e-mails par semaine (331 pour les dirigeants), a révélé lundi 15 mai l’Observatoire de l’infobésité et de la collaboration numérique (OICN) dans son étude annuelle sur le sujet réalisée pour sa deuxième édition auprès de 9 000 personnes. « Personne ne devrait gérer plus de 100 mails par jour », conseille l’OICN, qui estime que « sans action, l’infobésité peut générer une incapacité à réaliser le travail prescrit ». Une des ambitions de cet observatoire est de mesurer l’impact du déversement massif d’informations sur les organisations du travail.

Une thèse de Delphine Dupré alertait déjà en 2020 sur les effets délétères et les expériences négatives associées aux technologies de l’information. La chercheuse en communication de l’université Bordeaux-Montaigne fait ainsi état « des phénomènes d’angoisse, survenant le matin au moment d’ouvrir la boîte de réception, au retour des congés ou encore le dimanche soir, liés à l’appréhension de la charge de travail qui s’est accumulée pendant les périodes de déconnexion ». Peur du salarié d’être débordé, de « perdre le contrôle » sont autant de sources de stress et d’épuisement.

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C’est aussi pour le manageur le risque de « transmettre de nombreuses demandes par courriel sans avoir connaissance de la charge de travail endossée par le destinataire ». Près des deux tiers des e-mails envoyés demandent à être suivis d’action, selon l’OICN. Or, c’est bien le manageur qui sera tenu responsable d’une surcharge d’activité de ses subordonnés.

Huit secondes

De son côté, l’Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles (INRS) constate également les dégâts subis par les salariés, mais sans entrevoir de solution. « Certains auteurs considèrent ainsi que l’e-mail est devenu le métronome de l’activité des cadres (Bretesché et al., 2012). Il a un impact considérable sur leurs pratiques professionnelles, qui en viennent à être assez largement organisées autour de la gestion et de la hiérarchisation continue des informations reçues par ce canal, (…) en mode “flux tendu” ». Pourtant, selon l’étude de l’OICN, seuls 16 % des e-mails reçus obtiennent une réponse.

L’INRS explique que les travailleurs estiment gagner en flexibilité et en autonomie pour organiser une activité toujours plus fragmentée et plus souvent interrompue. « Il en résulte un sentiment de densification du travail et de surcharge cognitive, préjudiciable à la qualité du travail », analyse Suzy Canivenc, chercheuse à la chaire Futurs de l’industrie et du travail de Mines Paris-PSL.

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« Les ouvrières de Vertbaudet, par leur lutte exemplaire, montrent qu’elles ne se laisseront pas faire et qu’elles ont droit au respect »

Les soixante-douze grévistes de l’usine Vertbaudet de Marquette-lez-Lille (Nord), principalement des femmes, sont en grève pour la première fois de leur vie.

« On aurait dû se révolter bien avant », disait l’une d’elles au Monde. Avec des salaires n’atteignant pas les 1 500 euros après plus de vingt ans d’ancienneté, les soixante-douze femmes grévistes de Vertbaudet ne comprennent pas pourquoi la direction de l’usine refuse catégoriquement d’augmenter leurs salaires. En effet, ce qui a mis le feu aux poudres, c’est l’accord salarial pour 2023 qui prévoit… 0 % d’augmentation de salaire, alors que l’inflation atteint des niveaux record.

Depuis soixante-trois jours, les travailleuses de l’entrepôt d’acheminement Vertbaudet de Marquette-lez-Lille sont en grève. Elles réclament une augmentation de leur salaire d’au moins 150 euros net et l’embauche d’intérimaires.

Le 16 mai, au lieu d’organiser une médiation, la préfecture a envoyé la police évacuer le piquet de grève. Résultat : deux gardes à vue, une gréviste violentée puis hospitalisée avec quatre jours d’interruption temporaire de travail (ITT), six salariées convoquées pour un entretien préalable. La spirale de l’intimidation et de la violence a été franchie avec le guet-apens dont a été victime le délégué syndical CGT.

Son fils et son épouse menacés

L’homme, embarqué devant sa maison, a été agressé par plusieurs hommes armés, ces derniers n’ont pas hésité à menacer son fils et son épouse. En 2023 en France, voilà ce que donnent neuf semaines de grève pour un meilleur salaire. Encore une fois, le gouvernement et le patronat font front contre le salariat.

Depuis, interpellée par la CGT, la première ministre s’est enfin engagée à cesser toutes les poursuites contre les ouvrières et à garantir une médiation avec la direction de l’entreprise. Cependant, plus de soixante jours après le début de la grève, la direction méprise toujours les soixante-douze salariées grévistes et refuse toute augmentation collective de salaire.

Cette violence et ce mépris que subissent les ouvrières de Vertbaudet, des milliers de grévistes les subissent alors qu’ils luttent contre la réforme des retraites, pour l’augmentation des salaires ou pour de meilleures conditions de travail. Les ouvrières de Vertbaudet sont à l’image des millions de femmes, scotchées à un plancher collant qui les retient dans des emplois dévalorisés et sous-payés à cause d’un management sexiste.

Leur grève met en lumière une question centrale. Comment, sans salaire digne, faire ses choix de vie, quitter son conjoint si on le souhaite et pouvoir nourrir ses enfants ? Comment être libre sans indépendance économique ?

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Vers des remplaçants professionnels ?

Droit social. Le contrat de travail à durée indéterminée à plein temps et s’inscrivant dans une relation directe de subordination entre employeur et salarié est la norme de la relation de travail. Il confère d’importantes protections aux travailleurs, mais est aussi utile aux employeurs, qui peuvent s’appuyer sur une main-d’œuvre stable, mettre à profit et maintenir à leur service le talent de cette dernière, tout en exerçant leur autorité et autres prérogatives patronales pour diriger et organiser le travail de leurs salariés.

Pourquoi créer un contrat à durée déterminée (CDD) multi-remplacement ? Le CDD est un contrat de travail par lequel un employeur recrute un salarié pour une durée limitée, se démarque de  l’« emploi typique » en ce qu’il engendre par essence une plus grande précarité du salarié. Les entreprises y recourent car il présente l’avantage de prendre fin sans formalité, par son seul terme ou la réalisation de son objet, tel le retour du salarié malade remplacé.

Le législateur français a fait du CDD un mode exceptionnel d’embauchage et en a subordonné drastiquement le recours à des cas précis, tout en limitant sa durée et ses possibilités de renouvellement. La comparaison internationale (Bernd Waas, Guus Heerma van Voss, Restatement of Labour Law in Europe vol II : Atypical Employment Relationships, Hart Publishing, 2020) montre que le formalisme qui accompagne ce type de contrat est important en droit français.

Original à plus d’un titre

La législation nationale est également de plus en plus complexe : le CDD est devenu un outil des politiques d’emploi. S’appuyant sur le postulat jamais vérifié qu’une législation contraignante est défavorable à l’emploi en particulier pour les personnes dont l’insertion dans le marché du travail est la plus difficile, les règles dérogatoires et les règles spéciales se sont multipliées : on a vu fleurir, les CDD jeunes, les CDD seniors et celui réservé aux salariés agricoles âgés, les CDD de transition, les contrats d’insertion ou de réinsertion professionnelle, les CDD de mission, les CDD de travaux urgents nécessités par des mesures de sécurité, les emplois saisonniers, le contrat vendange, celui relatif aux emplois pour lesquels il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat à durée indéterminée, le CDD pour les sportifs professionnels, etc.

L’article 6 de loi « portant mesures d’urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein-emploi » de décembre 2022 est venu ajouter à ce millefeuille de règles un nouvel assouplissement. Alors que l’article L. 1242-2 du code du travail impose de conclure un nouveau CDD à chaque mission de remplacement, les entreprises ont été autorisées à procéder au remplacement de plusieurs salariés absents, simultanément ou successivement, au moyen d’un seul CDD multi-remplacement.

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Manque d’infirmières et pénurie de médecins, la santé scolaire en crise

« La santé scolaire est en train de s’effondrer ! », martèle Gwenaëlle Durand, secrétaire générale du SNIES-UNSA, l’un des deux syndicats des infirmières scolaires. Cette organisation appelle, avec le SNICS-FSU, à une marche blanche, mardi 23 mai, pour « sauver la santé à l’école ». Les deux syndicats demandent, entre autres, la création de 15 000 postes, une revalorisation salariale et une formation spécifique sanctionnée par un master.

« Il est temps que nos revendications soient prises en compte, sinon on va se retrouver dans une situation catastrophique », s’alarme Mme Durand.

Un système pas à la hauteur : tel était, aussi, le ton du rapport d’information de la commission des finances sur la « médecine scolaire et la santé à l’école », présenté le 10 mai, devant l’Assemblée nationale, par le député (Renaissance) de l’Essonne Robin Reda. Ce document met en évidence des « besoins grandissants » – avec la montée en puissance de l’école inclusive, qui nécessite une individualisation des parcours scolaires, la crise sanitaire et le mal-être des élèves qui s’accroît – et la difficulté du système de santé scolaire à y répondre, en raison d’un « manque de personnel ».

Disparités géographiques

En dix ans, le nombre de médecins scolaires a chuté de 20 %. En 2023, il y aurait environ 900 médecins scolaires pour 60 000 établissements et plus de 12 millions d’élèves. « Depuis plusieurs années, le rendement du concours oscille entre 30 % et 50 % », faute de candidats en nombre suffisant, avance le ministère de l’éducation nationale. L’effectif des infirmières et infirmiers, lui, reste stable, à environ 7 700, mais le taux de rendement au concours qui s’élevait à 100 % en 2018 s’est dégradé. En 2022, il a manqué 58 candidats admis au concours pour 395 postes offerts, constate le rapport.

Lire aussi notre synthèse (2022) : Article réservé à nos abonnés L’interminable crise de la médecine scolaire

Des disparités importantes existent selon les territoires. « La carte de la pénurie de médecins scolaires recoupe celle des déserts médicaux et s’ajoute à la crise d’attractivité, au sens large, de l’éducation nationale », précise M. Reda. Le rapport cite les chiffres de la Cour des comptes qui établissait, en 2018, que le nombre moyen d’élèves par équivalent temps plein (ETP) de médecin de l’éducation nationale, dans chaque département, était compris entre 6 464 élèves dans le Lot et 99 370 en Dordogne. Pour les infirmières et infirmiers, la Cour des comptes avait noté un nombre d’élèves par ETP allant de 680 dans le Cantal à plus de 2 000 à Mayotte. Au niveau national, les moyennes se situeraient à 12 800 élèves par médecin et 1 303 élèves par infirmier.

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Informatique : le secteur bancaire manque de spécialistes du cobol

Qui connaît le cobol ? De moins en moins d’informaticiens, apparemment… Le coboliste est une espèce en voie d’extinction : les développeurs maîtrisant ce code informatique partent peu à peu à la retraite. Pourtant, derrière un retrait d’argent au distributeur, la réservation d’un vol d’avion, la déclaration d’un sinistre ou l’impression d’un ticket de caisse en grande distribution, un programme rédigé en cobol tourne en continu.

Pour assurer le maintien des logiciels, les banques et les assurances se disputent les services des codeurs encore capables d’interpréter le précieux langage. « Si vous en avez un sous le coude qui cherche du travail, dites-le-nous ! », glisse, sous couvert d’anonymat, un cadre informatique d’une grande banque française, sans que l’on puisse distinguer si c’est une boutade ou une réelle offre d’emploi.

Créé en 1959, le COmmon Business Oriented Language (langage commun axé sur les affaires) a été inventé pour simplifier l’interconnectivité entre les ordinateurs de plusieurs constructeurs informatiques. Adopté par le Pentagone, ce langage se diffuse peu à peu dans les entreprises américaines, avant de conquérir dans les années 1960 les banques et les assurances européennes, rassurées par sa fiabilité.

Téléphone à cadran

Soixante-quatre ans plus tard, un rapide tour sur les sites de recrutement dévoile une véritable chasse au développeur cobol. La Banque postale, le groupe Covéa, réunissant notamment les marques MAAF, MMA et GMF, ou encore la BPCE inondent la Toile d’offres d’emploi mentionnant dès le titre la maîtrise indispensable du fameux code. « Je continue de recevoir des propositions d’embauche », affirme Thierry Longer, développeur cobol à la retraite depuis deux ans.

Comme des milliers d’informaticiens du XXᵉ siècle, ce baby-boomeur a été formé à ce langage lors de ses études. « C’était le seul code qu’on nous enseignait puisque c’était le seul utilisé », se remémore-t-il. Depuis une quinzaine d’années, aucune université française ne l’enseigne encore à ses étudiants. « Mais on leur apprend à apprendre, justifie-t-on au secrétariat d’un IUT parisien. C’est un code simple à utiliser. »

Simple en apparence, mais complexe à maîtriser entièrement. D’autant plus que parler de cobol à un jeune développeur, c’est montrer un téléphone à cadran à un adolescent accro à son smartphone. Au mieux, il sourira ; le plus souvent, il vous regardera avec de grands yeux ébahis.

Les nouvelles générations de codeurs préfèrent se tourner vers des langages plus en vogue comme le JavaScript ou le Python. « Le cobol, ce n’est pas sexy », admet Cyril Coquilleau, formateur cobol depuis six ans. Des lettres rouges et vertes sur un fond noir, « on a l’impression de coder sur Minitel », ajoute-t-il. Passé de mode, le langage est renommé par les jeunes développeurs en Completely Obsolete Business Oriented Language (« langage axé sur les affaires complètement obsolète »).

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Dans l’aéronautique, la sous-traitance se prépare à la hausse des cadences de production

Sur la chaîne de montage d’un Airbus A350, à Colomiers (Haute-Garonne), près de Toulouse, le 9 décembre 2022.

Pour l’aéronautique, si le coup d’arrêt du printemps 2020 a été brusque, la reprise, elle, est précipitée. Il y a trois ans, la pandémie de Covid-19 avait immobilisé le transport aérien : tous les avions, ou presque, ne pouvaient décoller et les chaînes de fabrication tournaient au ralenti. Mais, résilient, le secteur, dopé par la reprise du trafic aérien en 2021 et 2022, s’est relevé. En Occitanie, la chaîne d’approvisionnement​ respire​​ de nouveau​,​ au rythme des réacteurs​, car quand Airbus, le moteur de l’économie régionale, va, c’est toute une filière (770 entreprises et 75 000 salariés, intérim compris) qui repart.

Début mai, l’avionneur européen a annoncé augmenter les cadences de production de son best-seller, l’A320, passant de soixante-cinq appareils par mois fin 2024 à soixante-quinze par mois en 2026. « Cette annonce est un bon signal », se félicite Christian Cornille, président de Mecachrome, un fabricant de pièces de structures et de moteurs d’avion. « Il est plus réjouissant de s’occuper d’un plan de croissance que d’un plan de restructuration​. »

​Cependant, cette reprise de l’activité est contrariée par le manque de​ disponibilité de certains alliages d’aluminium ou d’aciers Inox.​ « Au-delà du volume, le problème est la question de la capabilité », relève M. Cornille. « Certains fournisseurs se sont restructurés et spécialisés dans des typologies de titane et d’acier et choisissent à qui livrer la matière première. Parfois, ils ne le font pas en notre faveur. » En conséquence, la ligne de fabrication des​ cônes avant des moteurs d’avion de l’usine du groupe implantée à Aubigny-sur-Nère (Cher) s’est mise à l’arrêt quinze jours, en février. « Notre client, Safran, a dû utiliser ses stocks », note M. Cornille.

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A cette contrainte s’ajoutent d’autres difficultés financières qui pèsent sur la trésorerie des entreprises. L’envolée des prix des matières premières et la hausse des coûts de l’énergie surviennent au moment où la sous-traitance doit rembourser des prêts garantis par l’Etat contractés lors de la crise sanitaire. Cette conjonction de facteurs fragilise, de bout en bout, toute la chaîne de fabrication, occasionnant un décalage des calendriers de production​ et, in fine, des livraisons de pièces.

« Notre trésorerie a fondu. Nous n’avons plus rien », observe Sabrina Dos Santos, présidente de l’entreprise Vidal (usinage de précision des pièces pour les trains d’atterrissage), installée à Saint-Martin-du-Touch, un quartier de Toulouse. « Nous sommes à un stade où, si nous n’acceptons pas les prix imposés, nous produisons à perte. »

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L’argot de bureau : le « shadow comex », parole aux jeunes (mais pas trop)

L’Argot de bureau.

Imaginez un monde où un concours d’éloquence étudiant remplace l’élection présidentielle, où les parodies « jeunes » des Nations unies remplacent la véritable organisation internationale, où l’âge moyen des membres de l’Académie française est radicalement divisé par quatre, et où les meilleures équipes sportives laissent la place à la réserve de leurs centres de formation. Et si l’on donnait subitement aux jeunes le pouvoir dont ils hériteront (peut-être) dans vingt ou trente ans seulement ?

Dans les entreprises, de telles réunions existent, sans toutefois être vouées à remplacer les cadres décisionnaires : ce sont les « shadow comex » (ou « shadow codir », selon les cas). Comme leur nom l’indique, ces groupes de personnes agissent dans l’ombre des comités exécutifs ou de direction.

Leur fonctionnement s’inspire directement des « shadow cabinets » que les partis d’opposition britanniques ont l’habitude de créer avec leurs députés pour copier-coller un gouvernement, et où chaque membre observe en miroir l’action du véritable ministre, pour mieux le critiquer. En entreprise, c’est peu ou prou la même chose, à la différence que l’âge fait foi pour entrer : les membres du shadow comex ont moins de 30 ou 35 ans, dans la plupart des cas.

La pratique a émergé à partir de 2015, dans le cadre d’une avalanche de communications des entités souhaitant se montrer à l’écoute des millennials : Pernod Ricard, Havas, Adecco, Banque de France… Et particulièrement AccorHotels, qui a beaucoup mis en lumière son comité… pourtant censé rester dans l’ombre : il était alors constitué de treize cadres de moins de 35 ans, de sept nationalités et de métiers différents, pour introduire un nouveau souffle face au constat que les innovations dans l’hôtellerie (Booking, Airbnb) étaient le fait de jeunes.

Un statut cosmétique

Ce format − au nom digne d’un groupe de punk londonien des années 1980 − vise à impliquer les moins expérimentés dans les décisions des entreprises, en leur offrant une tribune. Il s’agit aussi de dépoussiérer l’image qu’ils pourraient se faire de la direction d’une entreprise, réputée froide, exclusivement masculine et de plus de 50 ans.

Ce comité de l’ombre doit porter des fruits grâce à sa fonction consultative. Questionné sur le même ordre du jour que le vrai « comex », il est invité à remettre en question sincèrement les orientations stratégiques. A ce propos, Engie Ineo a justement baptisé « comité challenger » le sien, en 2015. De l’ombre vient la lumière : on attend aussi de ce comité une fonction de laboratoire à idées, très souvent sur les sujets numériques, pour s’adapter à l’évolution des outils et des usages. « Tenez, vous qui êtes jeunes, qui s’y connaît en “TicTac”, pour que l’on puisse investir ce terrain ? Ma fille est accro… »

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La Grande Récré joue son avenir au tribunal

Un magasin La Grande Récré, à Marseille, le 12 décembre 2021.

Qui prendra le contrôle de La Grande Récré ? Le tribunal de commerce de Paris doit examiner, lundi 22 mai, les offres de reprise de la chaîne de magasins de jeux et de jouets, de ses 950 salariés et de ses 350 points de vente, dont 97 magasins intégrés en France. Le groupe King Jouet, en lice pour un rachat partiel, a annoncé, mercredi 17 mai à l’Agence France-Presse, renoncer à son offre, laissant le champ libre à JouéClub. Le tribunal auditionnera lundi les candidats, mais tranchera à une date ultérieure. La liste des repreneurs potentiels n’a pas été officialisée. Y figurent également l’enseigne de chaussures Chaussea et peut-être Jour de Fête, une entreprise spécialisée dans les déguisements et les articles de décoration.

« Nous sommes les seuls à proposer une offre de reprise globale », a estimé Jacques Baudoz, président de JouéClub, après le retrait de King Jouet. L’enseigne, qui s’appuie sur 290 magasins, propose de reprendre 90 % du réseau intégré de La Grande Récré, les 50 contrats de franchise, les « corners » dans d’autres enseignes (Casino, Total…) et garantit la continuité d’exploitation de la marque. Parmi ses arguments : la préservation de « plus de 1 000 emplois directs et indirects » et le fait que La Grande Récré ait été « un ancien membre de la coopérative JouéClub » de 1986 à 1994. Il en était même devenu l’un des plus gros adhérents.

Surtout, JouéClub conserverait l’enseigne La Grande Récré, afin, précise M. Baudoz, de « garder une diversité dans les enseignes que fournisseurs et consommateurs apprécient ». Les emplacements des magasins étant complémentaires, « nous serions présents dans toute la France et dans tous les formats [urbain, périphérie, centres commerciaux], souligne-t-il. C’est d’ailleurs un point qui nous a fait nous intéresser au dossier ». Cela pourrait en outre faciliter un passage devant l’Autorité de la concurrence. De son côté, Chaussea (près de 500 points de vente), a indiqué avoir « déposé une offre sur un certain nombre de magasins » pour être « transformés en Chaussea », sans plus de précisions.

En quête d’un actionnaire de remplacement

Comme l’ensemble des biens de consommation, ce marché a souffert en 2022. Les ventes de jouets ont reculé de 2,6 %, mais ces chiffres sont à comparer avec une croissance record de 3,3 % en 2021, alimentée par la crise sanitaire, lorsqu’il fallait occuper les enfants. Pour les professionnels, il ne s’agirait donc que d’un effet de rattrapage, dans la mesure où les variations annuelles oscillent entre plus ou moins 3 % depuis plus de vingt ans.

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