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Chez Orange, un contrat social à l’épreuve de la nouvelle stratégie

La directrice générale d’Orange, Christel Heydemann, et le président de l’opérateur, Jacques Aschenbroich, lors de l’assemblée générale du groupe, à Paris, le 23 mai 2023.

Le mardi 23 mai, pour la première assemblée générale de Jacques Aschenbroich en tant que président du conseil d’administration d’Orange, les actionnaires de l’opérateur télécoms, réunis Salle Pleyel, à Paris, comprennent vite qu’il n’est pas venu pour faire de la figuration protocolaire. L’ancien PDG de l’équipementier automobile Valeo profite de cette tribune publique pour faire part, sans bémol, de sa stupéfaction devant la réglementation du secteur dessinée par la loi et l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep).

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Alors qu’il constate des allègements ailleurs en Europe et malgré une « concurrence effrénée sur le marché français (…), il est surprenant de voir que, vingt-sept ans » après sa création en France, « cette régulation n’a pas fondamentalement évolué », commence M. Aschenbroich. Avant de lancer une seconde salve, encore plus ciblée : si l’Arcep refusait d’augmenter le loyer (dégroupage) que paient les concurrents pour utiliser le réseau ADSL de l’opérateur, l’un des sujets de discorde du secteur, « cela reviendrait pour Orange à subventionner et à enrichir des milliardaires », fustige le dirigeant, sans citer nommément Martin Bouygues, propriétaire de Bouygues Telecom, Patrick Drahi, celui de SFR, ni Xavier Niel, à la tête de Free (et actionnaire à titre individuel du Monde).

Le président d’un groupe dont le capital est détenu à 23 % par l’Etat devrait-il dire cela ? L’attaque de Jacques Aschenbroich, la deuxième après celle lancée, le 30 novembre 2022, devant le Sénat, par la directrice générale, Christel Heydemann, illustre en tout cas parfaitement le style que cherchent à imprimer les nouveaux pilotes d’Orange depuis leur arrivée aux commandes, au printemps 2022, à la suite de la démission de l’ancien PDG Stéphane Richard : cash, décomplexé et offensif.

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Aligné, le duo assume son credo : Orange n’est plus le France Télécom paternaliste d’autrefois, mais un groupe majoritairement détenu par des capitaux privés, dans un secteur concurrentiel, donc soumis à des obligations de rentabilité et de transformation s’il ne veut pas se laisser déborder. « Notre secteur et les usages de nos clients évoluent très rapidement. Il faut adapter le groupe à cet environnement. Nous avons encore trop de complexités, de lourdeurs. Il faut un nouveau modèle d’entreprise qui permette notamment que les décisions se prennent au plus proche du terrain », explique au Monde Christel Heydemann, rencontrée à la veille de l’assemblée générale.

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Avec le télétravail, la diplomatie gagne du temps mais perd en complicité

Une vidéoconférence entre le président chinois, Xi Jinping, la chancelière allemande, Angela Merkel, le président français, Emmanuel Macron, le président du Conseil européen, Charles Michel, et la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, le 30 décembre 2020.

La politique étrangère et la politique de défense se prêtent mal au télétravail. « Ce domaine régalien qui est caractérisé par le secret dans l’échange d’informations nécessite des contacts très réguliers », observe Delphine Deschaux-Dutard, maîtresse de conférences en science politique à l’université de Grenoble-Alpes, dans une étude pour la Fondation pour les sciences sociales. Pendant la crise liée à l’épidémie de Covid-19, en 2020-2021, les diplomates ainsi que les acteurs civils et militaires de la défense n’ont cependant guère eu le choix : il leur a fallu, comme tout le monde, renoncer aux voyages et aux échanges face à face.

Le télétravail est-il possible dans un domaine où le secret gouverne les échanges d’informations ? Comment conduire des négociations diplomatiques en format virtuel ? Pour répondre à ces questions, la politiste a interrogé, après les confinements de 2020, de nombreux acteurs de la politique étrangère et de la politique de défense de l’Elysée, des Nations unies, des ministères ou des états-majors. Et sa conclusion est claire : si la virtualisation des échanges ne change pas fondamentalement leurs pratiques, elle les prive des contacts informels qui forment l’essence de leur métier.

Lorsque la pandémie a commencé, en 2020, la numérisation des pratiques mise en place depuis quelques années s’est brutalement accélérée. « Pour les réunions du chef de l’Etat ou de son équipe diplomatique avec leurs homologues étrangers, le téléphone est privilégié pour les réunions courtes (moins de trente minutes), la visioconférence pour les réunions longues à plus de deux interlocuteurs », détaille Delphine Deschaux-Dutard. Ce sont ces types de format qui sont retenus, en 2020-2021, pour la préparation de la présidence française de l’Union européenne (UE) ou pour le point hebdomadaire de la ministre des armées de l’époque, Florence Parly, avec ses homologues de la force « Takuba » au Sahel.

Importance de la « diplomatie de couloir »

Si les conférences au téléphone ou en visio exigent une lourde préparation en amont, elles se révèlent d’une grande utilité : la souplesse des outils numériques permet, selon la politiste, de multiplier et d’approfondir les contacts avec les partenaires de coopération – au point que ces pratiques apparues pendant le confinement lui ont survécu. « En 2022, nombre de réunions avec les partenaires étrangers, voire en interne ou en interministériel, sont demeurées au format distanciel ou hybride du fait de la flexibilité et du gain de temps de transport que cette solution offre à des agents aux agendas surchargés », souligne Delphine Deschaux-Dutard.

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Les ventes de Chanel franchissent la barre des 16 milliards d’euros en 2022

Un magasin Chanel, à Melbourne, en Australie, le 11 mai 2020.

Chanel dévoile à son tour des ventes record. Quatre mois après la publication des résultats annuels de ses concurrents français LVMH et Kering, la maison de couture détenue par les frères Alain et Gérard Wertheimer depuis 1996 a annoncé, jeudi 25 mai, par communiqué, avoir réalisé « une solide performance financière » au cours de l’exercice 2022. Ses ventes ont progressé de 17 % par rapport à 2021, atteignant 17,2 milliards de dollars, soit 16,1 milliards d’euros. Sa rentabilité s’est améliorée de 6 % au cours de la période, portant sa marge opérationnelle à 33,5 %.

Dirigé, depuis janvier 2022, par Leena Nair, une ancienne DRH du groupe Unilever, le groupe connu pour ses tenues de haute couture et ses lignes de prêt-à-porter dessinées par Virginie Viard, ses parfums et ses cosmétiques a bénéficié d’un regain d’activité en Europe (+ 30 %), en dépit de la baisse des ventes réalisées auprès des touristes chinois en France (− 14 % par rapport à 2019). En Asie-Pacifique où le groupe réalise 50 % de ses ventes, l’activité a bénéficié d’une croissance de 14 % en 2022. Sur le continent américain, marché en croissance depuis la pandémie, le chiffre d’affaires a progressé de 9,5 %.

Aux Etats-Unis, il a crû à « deux chiffres sur l’ensemble de l’année », précise Reuters. Philippe Blondiaux, directeur financier, a toutefois précisé à l’agence d’informations économiques que dans ce pays, « la tendance a sans aucun doute ralenti depuis novembre 2022 ». Cette remarque ne manquera pas d’être analysée par les observateurs du secteur mondial du luxe, quelques semaines avant la publication des résultats semestriels des groupes de luxe LVMH, Kering et Hermès, prévus fin juillet. Les deux premiers réalisent 27 % de leurs ventes outre-Atlantique. Hermès en tire 18 %.

Augmentation des effectifs

Chanel continuera cependant d’ouvrir des magasins aux Etats-Unis, précise M. Blondiaux. Le groupe a consacré 3,9 % de son chiffre d’affaires à l’investissement en 2022, soit 625 millions d’euros. En outre, il a dépensé près de 2 milliards d’euros à la promotion de sa marque en 2022, soit 14,3 % de plus qu’en 2021. « Notamment à travers des événements clients organisés tout au long de l’année », précise Chanel.

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En substance, le groupe souligne ainsi combien l’exercice 2022 est un retour à la normale, après les années 2020 et 2021 marquées par l’annulation de défilés et de campagnes de promotion, compte tenu de la situation sanitaire mondiale. De fait, « dans toutes les catégories », rappelle M. Blondiaux, la marque a dépassé les niveaux d’activité enregistrés en 2019.

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Le sentiment de « relégation » dans les zones rurales est aussi lié à la qualité du marché de l’emploi

Les établissements plus de 10 salariés sont absents dans le rural dispersé alors qu’ils représentent 20 % des établissements dans les grands centres urbains.

Le sentiment de « relégation » des habitants des régions rurales, souvent évoqué lors des crises du type « gilets jaunes », n’est pas uniquement nourri par l’éloignement des centres administratifs, des établissements d’enseignement supérieur ou la raréfaction des transports publics. La qualité des emplois disponibles autour de chez soi contribue tout autant à ce sentiment, indique une étude du Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (Crédoc) réalisée pour le compte de l’Agence nationale de cohésion des territoires et publiée jeudi 25 mai.

De plus, « davantage que la situation professionnelle et personnelle des habitants des zones rurales, ce sont les caractéristiques du marché de l’emploi local qui façonnent leurs perceptions », expliquent les auteurs de la note, Eliot Forcadell, Sandra Hoibian et Lucie Brice-Mansencal.

Si les zones rurales ne sont pas particulièrement en prise avec le chômage ou la pauvreté, les emplois sur ces territoires sont en moyenne moins qualifiés qu’ailleurs − comprenant moins de postes de cadres et plus de postes d’ouvriers − moins sécurisants, avec moins de CDI, plus de statuts d’indépendants ou d’agriculteurs. Et les rémunérations associées sont, en moyenne, moins élevées dans ces typologies d’emplois.

Le Crédoc cite quelques chiffres : dans les grands centres urbains, 77 % des emplois sont sans limitation de durée (CDI ou titulaires de la fonction publique) et 6 % seulement sont des emplois indépendants. Dans les régions rurales « à habitat dispersé », ces chiffres sont respectivement de 53 % et 23 %. Si l’on va plus loin encore dans la campagne, dans les régions rurales « à habitat très dispersé », les deux types d’emplois sont représentés à équivalence : 38 % d’emplois pérennes, 37 % d’indépendants.

Levier de valorisation

« Les actifs des zones rurales occupent moins souvent des emplois offrant une forme de sécurité par rapport à l’avenir », souligne le Crédoc. Les entreprises locales sont aussi plus petites, offrant moins de possibilités d’évolution et sans doute moins d’instruments de rémunérations complémentaires que les plus grandes (comités d’entreprise, intéressement, mutuelles, avantages en nature…). En effet, les établissements plus de 10 salariés sont absents dans le rural dispersé alors qu’ils représentent 20 % des établissements dans les grands centres urbains.

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Cette note, si ce n’est pas son objectif premier, constitue en tout état de cause un puissant argument en faveur de la réindustrialisation des territoires. L’arrivée de grandes entreprises crée de l’emploi, souvent plus qualifié que ceux dans la logistique, par exemple, et mieux rémunérés. Elles amènent également avec elles une population de cadres qui peut contribuer à améliorer la perception qu’ont les habitants de la qualité du marché du travail qui les entoure.

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Menacés par l’intelligence artificielle, les comédiens de doublage s’unissent dans un collectif international

Dans une salle de cinéma de Nantes, le 14 mars 2021.

Les comédiens de doublage veulent avoir voix au chapitre. Dans un manifeste publié jeudi 25 mai, alors que le Festival de Cannes accueille le cinéma mondial, 21 syndicats et associations des professionnels de la voix répartis à travers dix pays haussent le ton face à l’intelligence artificielle (IA).

Ils appellent à « protéger le travail des acteurs et la créativité humaine dans son ensemble » pour éviter la « destruction d’un patrimoine artistique pétri de créativité et d’émotions, qu’aucune machine ne peut produire ». La jeune organisation incite également les décideurs européens à « adapter le régime de protection des droits des artistes interprètes ».

Parmi les signataires, l’association française Les Voix, qui regroupe plus de 210 professionnels du secteur, avait déjà averti sur « des enregistrements frauduleux », dans une alerte au « vol de voix » publiée en avril 2023. « Nous avons reçu de certains de nos membres des contrats d’enregistrements “à finalité de recherche”, raconte Patrick Kuban, comédien interprète et cofondateur des Voix. Nous avons ensuite découvert qu’ils étaient utilisés pour entraîner l’intelligence artificielle d’une start-up milanaise. »

« Donnée biométrique »

Sur son site Internet, Voiseed, l’entreprise soupçonnée de se nourrir de ces voix, assure répondre « à la demande croissante de contenu vocal expressif multilingue en révolutionnant la synthèse vocale avec une nouvelle technologie ». En février, cette même société annonçait une levée de fonds d’un million d’euros auprès d’un fonds italien et du Conseil européen de l’innovation. L’institution, créée pour soutenir la commercialisation des technologies développées sur le Vieux Continent, avait déjà accordé un prêt de 3 millions d’euros à la jeune pousse milanaise en 2021.

Voiseed n’est pas la seule société sur ce créneau. La société Eleven Labs promet « l’outil ultime pour raconter des histoires ». En 2021, la start-up israélienne DeepHub doublait le film d’horreur Every Time I Die en portugais et en espagnol grâce à l’IA. Début mai, Google a présenté son nouvel outil Universal Translator, capable de traduire le discours d’une personne tout en faisant correspondre le mouvement de ses lèvres avec les spécificités de la nouvelle langue.

Les sociétés qui se sont lancées sur ce marché mettent en avant les économies que pourraient faire les sociétés de production, ainsi que le respect de l’œuvre originale. Les professionnels du doublage leur opposent les dérives juridiques.

« La voix est une donnée biométrique, analyse Mathilde Croze, avocate spécialisée dans la propriété intellectuelle et le numérique qui défend les intérêts des Voix. Les entreprises qui récupèrent ce genre de données ont-elles réellement tous les accords des comédiens pour les utiliser dans ce domaine ? »

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« Idées reçues sur le travail » : des stéréotypes à l’épreuve des faits

Le livre. Une souffrance, le travail ? C’est ce que suggère l’étymologie qui lui est régulièrement accolée. Le mot « travail » proviendrait du latin tripalium, qui fait référence à un instrument de torture à trois pieds. De quoi appuyer de manière percutante tous les discours critiques à son endroit. Sauf que… « cette hypothèse apparue au XXe siècle est très probablement fantaisiste », affirme le linguiste Franck Lebas. Il aurait plus sûrement pour origine le mot latin trabs, qui signifie « poutre » et qui a donné « travée » et « entraver ». « L’idée d’une contrainte est bien là, mais nous sommes loin de l’idée de torture », note M. Lebas.

Le linguiste s’est lancé, avec de nombreux chercheurs (économistes, historiens, psychologues…), dans une traque minutieuse des lieux communs qui touchent le monde du travail. Ceux qui assurent que « le salariat, c’est du passé », que « les étrangers prennent le travail des Français » ou que « le management est devenu horizontal » et « qu’il n’y a plus de chef ».

En est ressorti un ouvrage, Idées reçues sur le travail. Emploi, activité, organisation, réalisé sous la direction de Marie-Anne Dujarier, professeure de sociologie à l’université Paris Cité, au fil duquel les auteurs déconstruisent les stéréotypes un à un.

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L’essai se veut d’abord un exercice méthodique de confrontation des idées reçues aux chiffres et aux faits. « On ne trouve plus à recruter » parce que les chômeurs seraient de mauvaise volonté ? « Cette perspective culpabilisatrice ne tient (…) pas face aux données dont on dispose sur le marché de l’emploi français », écrit le sociologue Hadrien Clouet, soulignant qu’« on recrute (…) plus et plus vite que jamais ».

Hauteur face aux stéréotypes

Même volonté de mise à l’épreuve des faits pour l’économiste Michaël Zemmour. En France, le travail coûterait trop cher. Face à cette affirmation, le chercheur met en évidence la « part socialisée » du salaire net dans l’Hexagone (la CSG et les cotisations sociales). Puis il montre que dans d’autres pays, comme la Suisse ou les Etats-Unis, où la situation diffère, « les employeurs et les salariés souscrivent conjointement des contrats d’assurance privée (…) qui sont nettement plus coûteux que la Sécurité sociale française ». Il souligne, dans le même temps, qu’en France « les salaires nets sont relativement modérés ».

Tout en revenant à la réalité des faits, les auteurs mettent à mal des lectures souvent libérales, parfois portées par le patronat, du marché du travail et du monde de l’entreprise. Des lectures qui assurent qu’il y aurait trop de fonctionnaires en France. Que la concurrence au travail serait naturelle et bénéficierait à tous. Qu’être son propre patron permettrait d’être libre. Une assertion dont s’empare la sociologue Sarah Abdelnour pour souligner combien la situation des indépendants apparaît ambivalente et peut, au contraire, conduire à une « auto-exploitation ».

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Pouvoir d’achat : le gouvernement met la priorité sur le partage de la valeur dans les entreprises

Le ministre du travail, Olivier Dussopt, à Aubervilliers (Seine-Saint-Denis), mercredi 24 mai 2023.

Améliorer le pouvoir d’achat des Français en ces temps d’inflation record et en profiter pour tourner la page des retraites. Tout en prouvant que le dialogue social fonctionne encore. Le projet de loi sur le partage de la valeur au sein de l’entreprise, présenté, mercredi 24 mai, en conseil des ministres, revêt plusieurs enjeux importants pour l’exécutif.

L’objectif du gouvernement était d’abord de retranscrire fidèlement l’accord national interprofessionnel (ANI), signé, le 10 février, par les organisations patronales et syndicales, à l’exception de la CGT. Le texte, qui sera examiné en séance publique, à l’Assemblée nationale, à partir du 26 juin, comprend quinze articles qui reprennent en grande partie l’accord visant à généraliser les dispositifs de partage de la valeur.

Si le texte était adopté, les entreprises de 11 à 49 salariés devront instaurer un mécanisme « légal de partage de la valeur » (participation, intéressement mais aussi prime de partage de la valeur), si elles dégagent, durant trois années d’affilée, un bénéfice significatif, au moins égal à 1 % de leur chiffre d’affaires. S’agissant des entreprises d’au moins 50 salariés, des discussions devront s’ouvrir, afin de « mieux prendre en compte les résultats exceptionnels » réalisés en France.

« Ajustements limités »

L’exécutif a toutefois procédé à quelques ajustements par rapport à l’ANI. Alors que le texte prévoyait initialement de soumettre la définition du bénéfice exceptionnel à l’appréciation de l’employeur, elle sera finalement renvoyée à la négociation collective d’entreprise. Un changement qui intervient après l’examen du texte par le Conseil d’Etat, en mai, mais auquel les partenaires sociaux ont été associés.

Selon le ministère du travail, le dispositif pourrait être davantage sécurisé lors des débats parlementaires, encore une fois en accord par les partenaires sociaux. Le Conseil d’Etat a également estimé que la prime de partage de la valeur versée aux salariés rémunérés moins de trois fois le smic dans les entreprises de moins de 50 salariés, exonérée de cotisations fiscales et sociales et pas soumise à l’impôt sur le revenu, pourrait être déclarée inconstitutionnelle pour rupture d’égalité.

Le texte pourrait également encore évoluer à l’issue des débats dans l’Hémicycle. « Les ajustements seront très limités de notre côté », prévient le député (Renaissance) de Saône-et-Loire et futur rapporteur du texte, Louis Margueritte. Ce dernier souhaite notamment avancer d’un an la mise en place de l’accord dans les entreprises de 11 à 49 salariés. En cas d’amendements, le ministre du travail, Olivier Dussopt, a rappelé que l’avis du gouvernement sera « toujours appuyé sur un consensus des organisations signataires pour respecter » l’ANI.

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Chaussures Clergerie : la décision sur un éventuel repreneur reportée au 14 juin

A Paris, en novembre 2005.

C’est un « soulagement », reconnaît Valérie Treffé-Chavant, représentante CFE-CGC des salariés de la marque Clergerie. Le tribunal de commerce de Paris a reporté, mercredi 24 mai, sa décision concernant l’avenir du chausseur français, placé en redressement judiciaire depuis le 29 mars. Les juges ont accordé un délai supplémentaire de trois semaines aux candidats à la reprise pour améliorer leurs offres initiales.

Pour l’heure, trois candidats se sont manifestés auprès des administrateurs judiciaires, maîtres Didier Lapierre et Jonathan El Baze. Le belge Optakare, qui, à la barre du tribunal de commerce de Paris, a obtenu la reprise des magasins André, le 4 mai, a déposé une offre pour des magasins et 40 emplois. L’homme d’affaires tunisien Philippe Sayada a lui présenté une offre aux administrateurs judiciaires. Il s’est également manifesté auprès des salariés, lors d’une visioconférence « sans détailler le nombre de salariés repris », souligne Mme Treffé-Chavant. Enfin, le groupe américain Titan Industries, fabricant de chaussures fondé en 1988 en Californie, serait candidat à la reprise de la marque et d’une cinquantaine de postes.

Lors de l’audience au tribunal de commerce de Paris, mercredi 24 mai, une quatrième offre de reprise a été évoquée. « Celle de Renaissance Luxury Group », rapporte Mme Treffé-Chavant, sans toutefois pouvoir préciser le périmètre de reprise envisagé par ce spécialiste du retournement d’entreprises françaises en difficulté, qui détient une marque de bijoux, Les Georgettes. Contacté par Le Monde, Renaissance Luxury Group dément toutefois « avoir déposé une offre de reprise ».

Un courrier envoyé à Brigitte Macron

Les 140 salariés de Clergerie devront donc patienter jusqu’au 14 juin pour en savoir davantage sur leur avenir professionnel. L’angoisse étreint plus particulièrement les 90 employés de l’usine de Romans-sur-Isère (Drôme), qui, depuis début avril, sont au chômage partiel. Car beaucoup s’inquiètent du sort de cette unité de production située au cœur de l’ancienne capitale de la chaussure.

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« Il est regrettable qu’aucun grand groupe de luxe ne s’intéresse à Clergerie », s’agace une salariée (qui souhaite garder l’anonymat), qui, depuis trente-cinq ans, travaille pour cette marque fondée, en 1981, par Robert Clergerie. Céline Gerbault-Laymond, designer au sein de la société, a envoyé un courrier à Brigitte Macron pour l’inviter à soutenir l’entreprise et intercéder auprès du président de la République. « Je n’ai pas manqué de relayer votre démarche à la ministre déléguée chargée des PME », lui a-t-elle répondu, le 15 mai, dans un courrier que Le Monde a consulté.

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RSA : le gouvernement intègre les heures d’activités obligatoires au contrat entre le bénéficiaire et son conseiller, le système de sanctions réformé

Le ministre du travail Olivier Dussopt lors d’une réunion à Matignon, le 17 mai 2023.

La principale mesure portant sur le conditionnement du revenu de solidarité active (RSA) en échange « de quinze à vingt heures d’activité obligatoires d’insertion par semaine » ne sera pas inscrite comme prévu dans le projet de loi France Travail, a assuré Olivier Dussopt, ministre du travail, mardi 23 mai. Ce temps d’activité figurera dans le contrat d’engagement signé entre les bénéficiaires et leur conseiller, ce qui permettra, selon le ministère, d’adapter le volume horaire de manière individualisée.

« Ce n’est pas du tout une remise en cause du principe. Ça ne relève juste pas du niveau législatif », a assuré Matignon au Monde, avant de poursuivre que « le projet de loi prévoit en revanche que le contrat d’engagement, entre le bénéficiaire du RSA et l’organisme qui l’accompagne, précise l’intensité de l’accompagnement. »

En clair, le bénéficiaire et son conseiller signent un « contrat d’engagement ». C’est dans ce contrat − « qui existe depuis la création du RMI en 1988 », a précisé M. Dussopt que la nature des activités (immersion et formation en entreprise, démarche sociale accompagnée, ateliers collectifs, etc.) et le nombre d’heures − entre quinze et vingt − sont fixés.

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En fonction des situations personnelles des bénéficiaires, le contenu des activités sera amené à varier. « Une allocataire handicapée qui passe du temps à diagnostiquer ses problèmes de santé pour savoir quels postes elle peut occuper, c’est du retour à l’emploi. Ça rentre dans les quinze à vingt heures », a cité en exemple le ministre lors d’une conférence de presse rapportée par l’Agence France-Presse.

La création d’une suspension avant la radiation

Le projet de loi France Travail réformerait aussi le système de sanctions pour les bénéficiaires qui ne respectent pas leurs obligations. « Aujourd’hui, il y a une radiation pure et simple (…). Ce que nous voulons créer [avant la radiation], c’est une suspension qui sera toujours décidée par le président du conseil départemental. Elle pourra durer un jour, une semaine… L’avantage, c’est [que c’est] rapide à mettre en œuvre et rapidement réversible », a détaillé M. Dussopt.

Cette décision mécontente ATD Quart-Monde, qui estime qu’« une suspension arbitraire ne peut qu’aggraver l’insécurité des personnes en situation de grande pauvreté et le non-recours [à cette allocation] ». « Sur 1,95 million de bénéficiaires du RSA, 350 000 n’ont aucun suivi ni social ni socioprofessionnel », a insisté Olivier Dussopt.

Le ministre a également remis en cause l’accompagnement qui « pêche » : « Sept ans après leur première inscription, 42 % des bénéficiaires du RSA y sont toujours, c’est un échec collectif ». Pour y remédier, il y aura « des moyens supplémentaires », a assuré le ministre, rappelant que le haut-commissaire à l’emploi Thibaut Guilluy avait chiffré « entre 2 et 2,5 milliards d’euros en cumulé jusque 2027 » la réforme France Travail.

Cela passera aussi par des redéploiements de postes de Pôle emploi, « dont les effectifs sont passés de 47 000 à 51 000 équivalents temps plein (ETP) de 2017 à 2022 alors que le taux de chômage est maintenant inférieur à son niveau d’avant crise », a rappelé le ministre. Pour rappel, la réforme du RSA a commencé à être expérimentée dans dix-huit départements et une métropole, et fait partie du projet de loi France Travail qui vise à réformer tout le service public de l’emploi.

Le Monde avec AFP

L’emploi des seniors au cœur des discussions entre Elisabeth Borne et les organisations patronales

La première ministre, Elisabeth Borne, à Matignon le 17 mai 2023.

Ouvertes au dialogue mais dans des limites soigneusement définies. Reçues à tour de rôle, lundi 22 et mardi 23 mai, par Elisabeth Borne, les trois principales organisations patronales (Medef, CPME et U2P) ont passé en revue les dossiers sociaux du moment, en valorisant ceux sur lesquels elles sont disposées à avancer. Une priorité semble se dégager, à ce stade : l’emploi des seniors. Cette préoccupation est logique puisqu’elle occupera une place centrale dans la mise en application de la réforme des retraites dont l’objectif est de faire travailler plus longtemps des personnes ayant franchi le cap de la soixantaine ou qui s’en rapprochent.

Les entretiens entre la première ministre et les responsables de mouvements d’employeurs font suite aux rencontres qui avaient lieu, les 16 et 17 mai, à l’hôtel de Matignon avec les leaders syndicaux. Cette série de réunions vise à donner un contenu au « pacte de la vie au travail » annoncé, à la mi-avril, par Emmanuel Macron. Le président de la République avait alors proposé aux partenaires sociaux de lancer des négociations tous azimuts sur des « sujets essentiels » : partage de la richesse, reconversions professionnelles, pénibilité, maintien en poste des salariés vieillissants…

Sur ce dernier item, le patronat paraît animé de bonnes intentions. « Ce sur quoi on est prêts à discuter, qui paraît le plus urgent, c’est l’emploi des seniors », a déclaré Geoffroy Roux de Bézieux, à l’issue de son tête-à-tête avec Mme Borne. Le président du Medef n’a pas livré de détails, tout en esquissant plusieurs pistes : aménagements de « transitions » en fin de carrière, développement de la « retraite progressive » – un dispositif qui permet de travailler à temps partiel tout en percevant une fraction de sa pension.

La « ligne rouge » du Medef

Il y a « des choses à faire, peut-être, autour des emplois de cadres seniors qui ont souvent des salaires élevés, [ce qui] freine leur embauche par les entreprises », a poursuivi M. Roux de Bézieux. Il a aussi évoqué l’allocation-chômage accordée sur des durées plus longues à ceux qui ont au moins 53 ans : un tel paramètre « peut être un frein à la reprise d’emploi » et « incite, parfois, les entreprises (…) à mettre les seniors au chômage ».

François Asselin, le numéro un de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME), a également consacré une bonne partie de son propos à cette thématique, durant l’échange qu’il a eu avec la première ministre. Il s’est attaché à défendre une de ses revendications-phares : l’exonération de cotisations patronales à l’assurance-chômage pour les contrats de travail signés par des seniors, afin d’encourager le recrutement de cette catégorie d’âge. Une mesure un peu similaire avait été introduite dans la réforme des retraites, à l’initiative du Sénat, mais elle a été censurée par le Conseil constitutionnel, au motif qu’elle représentait un « cavalier social », sans rapport avec l’objet de la loi. Autre disposition invalidée par les juges de la rue de Montpensier à Paris : l’index seniors, qui entendait objectiver la place des sexagénaires dans les entreprises. Le patronat est contre, mais le gouvernement souhaite la rétablir, comme l’a confirmé, mardi, Olivier Dussopt, le ministre du travail.

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