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« Aide à domicile, un métier en souffrance » : une profession dans l’impasse

C’est un métier où les journées « commencent bien souvent à 7 heures – ou plus tôt – et ne s’arrêtent qu’à 19 heures, 20 heures, voire au-delà ». La durée moyenne de travail des aides à domicile n’est pourtant que de 25 heures par semaine, et le temps partiel largement répandu (il concerne 64 % des salariées). Mais le morcellement des missions menées auprès des personnes en perte d’autonomie élargit considérablement les amplitudes horaires.

Cette profession quasi exclusivement féminine (à 99 %), aux modalités d’emploi multiples (auprès d’un particulier employeur, d’une structure publique ou privée), est aussi marquée par une importante pénibilité, tant physique que psychique. « C’est un métier qui use, dans lequel on ne dure pas. » Cela pour des rémunérations particulièrement faibles : en moyenne, 874 euros par mois en 2019.

Le tableau dressé par les économistes François-Xavier Devetter et Emmanuelle Puissant et la sociologue Annie Dussuet est des plus sombres. Dans leur ouvrage Aide à domicile, un métier en souffrance, les trois universitaires prennent le pouls d’une profession plongée dans une situation préoccupante, avec l’ambition de comprendre les blocages à l’œuvre et d’identifier les évolutions nécessaires pour « sortir de l’impasse ».

S’ils soulignent que des changements notables ont été opérés ces trente dernières années (structuration de la profession, développement des financements…), les auteurs estiment que les conditions de travail et d’emploi peinent singulièrement à s’améliorer. C’est notamment le fait, à leurs yeux, d’un manque de reconnaissance du métier au sein de la société. Les savoirs et savoir-faire sont invisibilisés, les complexités du métier niées.

Près de 600 000 salariés

« La croyance que le travail d’aide à domicile mobilise des compétences avant tout féminines et “naturelles” invalide la nécessité de qualifications et, par conséquent, la légitimité de définir des niveaux de salaires supérieurs au smic », précisent-ils. Un poids des représentations qui se mêle à des arbitrages financiers défavorables à la profession. « La négation de la valeur et de la complexité du travail nécessaire (…) résulte de choix des politiques publiques, ainsi que de pratiques de gestion des personnels et d’organisation du travail inscrites dans une logique de réduction du coût du travail. »

Tout concourt donc à une « industrialisation » des services fournis, néfaste aux aides à domicile comme aux personnes aidées. Les interventions sont minutées, raccourcies, et les temps considérés comme « non productifs » (échanges avec les personnes aidées…), bien que nécessaires, tendent à ne pas être rémunérés.

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France Travail : le gouvernement présente son projet de réforme de Pôle emploi en conseil des ministres

La première ministre, Elisabeth Borne, à L’Assemblée, le 6 juin.

Le gouvernement présente en conseil des ministres mercredi 7 juin son projet de loi « pour le plein-emploi », qui doit donner naissance à France Travail, organisme voué à succéder à Pôle emploi. Ce projet souhaite notamment mettre en place un accompagnement plus personnalisé et directif des allocataires du RSA.

L’exécutif mise sur cette transformation pour atteindre le plein-emploi, soit un taux de chômage autour de 5 % en 2027 (contre 7,1 % actuellement) en ciblant les personnes très éloignées de l’emploi.

En dépit de la forte baisse du chômage ces dernières années et des pénuries de main-d’œuvre dans de nombreux secteurs, le nombre des bénéficiaires du RSA n’a guère diminué depuis 2017, avec environ 1,8 million de bénéficiaires.

Dans ce contexte, la création de France Travail, prévue d’ici le 1er janvier 2025, vise à mieux coordonner les acteurs du service public de l’emploi, davantage morcelé que dans d’autres pays européens.

Rapprocher recherche d’emploi et aides sociales

L’idée est qu’une personne faisant une demande de RSA à la caisse d’allocations familiales se retrouve en même temps inscrite à France Travail, alors qu’aujourd’hui seuls 40 % des bénéficiaires du RSA sont à Pôle emploi.

Cette inscription automatique à France Travail, sur la base de critères communs, permettra « une entrée rapide dans le parcours d’accompagnement » et « une visibilité sur l’ensemble des personnes en recherche d’emploi sur un territoire », souligne-t-on à Matignon.

Chaque inscrit à France Travail signera « un contrat d’engagement ». C’est dans ce cadre qu’un accompagnement rénové des allocataires du RSA est expérimenté dans 18 départements avec la question sensible des 15 à 20 heures hebdomadaires d’activité.

Lire aussi la synthèse : Article réservé à nos abonnés France Travail : les contours du futur service public de l’emploi se précisent

Pas formellement inscrites dans la loi, ces heures viseront un objectif « adapté » à chaque personne, a précisé le ministre du travail, Olivier Dussopt. Ce ne sera « ni du travail gratuit, ni du bénévolat obligatoire », a-t-il répété, face aux craintes des associations de lutte contre la pauvreté.

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France Travail et l’ensemble des acteurs (par exemple, les missions locales pour les jeunes, Cap emploi pour les personnes handicapées, ou encore les collectivités locales) devront fonctionner en réseau. France Travail sera l’opérateur en chef de ce réseau. « Il ne s’agit pas de faire un big bang institutionnel mais de jouer collectif », a résumé Elisabeth Borne, alors que certains élus dénoncent à l’instar de Régions de France « un projet recentralisateur ».

« Soumettre les allocataires du RSA au même contrôle que les chômeurs »

Pour le ministre du travail, « ce qui pêche, c’est l’accompagnement. 350 000 allocataires n’ont aucun suivi et on n’est pas quitte de notre devoir de solidarité avec 607 euros (le montant du RSA pour une personne seule) ».

Dans une enquête publiée en début d’année, 61 % des bénéficiaires du RSA disaient ainsi avoir eu un « besoin d’aide en matière professionnelle ou sociale » qui n’a pas été satisfait. Dans cette « logique de droits et devoirs », le projet de loi rend aussi plus facile la mise en œuvre de sanctions pour les allocataires ne respectant pas leurs obligations.

Pour renforcer l’accompagnement, il y aura « des moyens supplémentaires », a assuré Olivier Dussopt, tout en renvoyant aux discussions sur le prochain budget. Le rapport préfigurant la réforme a chiffré son coût « entre 2 et 2,5 milliards d’euros en cumulé jusque 2027 ».

Avant le couperet d’une radiation — peu appliqué actuellement — le conseiller pourra désormais, sauf opposition du président du conseil départemental, suspendre le versement du RSA en cas de manquement, avec une régularisation rétroactive lorsque la personne respecte à nouveau ses engagements.

Le gouvernement veut « soumettre les allocataires du RSA au même contrôle que les chômeurs », « ça les stigmatise profondément », a dénoncé la secrétaire générale de la CGT, Sophie Binet. Marylise Léon, la secrétaire générale adjointe de la CFDT, estime de son côté que la conditionnalité du RSA « est une ligne rouge ».

Le texte, qui sera d’abord examiné au Sénat début juillet, comporte deux autres volets : l’un sur le handicap qui vise à améliorer l’accès des personnes handicapées à l’emploi dans le milieu ordinaire et l’autre sur la petite enfance qui reconnaît les communes comme « autorités organisatrices » de l’accueil, avec mission de recenser les besoins, informer les familles et construire l’offre.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés France Travail : vers un guichet unique pour l’emploi

Le Monde avec AFP

Le versement du salaire à la carte serait-il inévitable ?

Carnet de bureau. « Il existe de plus en plus de salariés qui demandent des avances sur salaire et de petites entreprises qui voudraient pratiquer le paiement fractionné », affirme Amaury Lelong, le directeur général de PayFit. Cette jeune entreprise spécialisée dans les solutions RH pour les TPE/PME publie, jeudi 8 juin, une étude réalisée au mois de mai par Ipsos sur les Français et leur paie. Ses résultats révèlent notamment que l’idée d’être payé quand on le souhaite fait son chemin, en particulier chez les jeunes salariés.

Dans l’étude Ipsos/Payfit, près d’une personne sur quatre (23 %) a demandé une avance sur salaire en 2023 et plus d’une sur trois (36 %) pour les plus jeunes (18-34 ans). Dans une autre étude réalisée en février 2022 par OpinionWay pour la fintech Rosaly, ils étaient moitié moins : 11 % seulement l’avaient fait, mais 33 % des salariés affirmaient déjà souhaiter y recourir.

L’inflation à plus de 5 % est toujours au cœur des préoccupations des salariés, mais n’est pas la seule explication à cette tendance émergente. En 2022, les salariés qui demandaient des avances évoquaient leur inquiétude de ne pouvoir faire face à une facture. Les raisons invoquées en 2023 vont au-delà : il s’agit de ne plus attendre la fin du mois pour toucher son dû. Près d’un salarié sur dix aimerait qu’il soit possible de percevoir sa paie quand bon lui semble.

Contraire au code du travail

A l’heure où le temps de travail est fractionné, quatre heures par-ci, trois heures par là, y compris samedi, dimanche, et où le travail lui-même organisé en multiactivité, voire en multitâche, concerne de plus en plus d’actifs, le paiement à la carte peut sembler cohérent, voire attractif. Ainsi, 21 % des personnes interrogées par Ipsos pour Payfit en attendent « une meilleure gestion des finances ».

La flexibilité dans le versement de la rémunération à l’anglo-saxonne, comme cela se pratique en Angleterre ou en Australie, qu’elle soit souhaitable ou non, gagne du terrain. Mais ce n’est pas du tout ce que prévoit le code du travail, qui est très clair sur le sujet : « Le paiement de la rémunération est effectué une fois par mois », indique l’article L. 3242-1. Et l’avance sur salaire elle-même est encadrée : « Un acompte correspondant, pour une quinzaine, à la moitié de la rémunération mensuelle, est versé au salarié qui en fait la demande », poursuit le même article du code.

La loi inscrit volontairement la relation de travail entre employeur et travailleur dans le temps long, pour protéger le salarié. Toute une partie de la vie en société est d’ailleurs organisée sur ce même tempo mensuel : le loyer, les remboursements d’emprunts, etc. Côté entreprise, les employeurs redoutent déjà la complexité administrative qui accompagnerait un hypothétique versement de la paie à la carte. Pourtant, le code du travail fait déjà des exceptions pour les saisonniers, les intermittents, les intérimaires, parce que leur mode de travail est morcelé. Le salaire fractionné serait-il inéluctable ?

« Le recours à l’immigration de travail est inéluctable »

Le solde démographique naturel, c’est-à-dire l’excédent de naissances sur les décès, est, en France, tombé à 56 000 en 2022, son plus bas niveau depuis 1945. Une cause en est la baisse tendancielle du taux de fécondité, mais quand bien même elle serait enrayée, ce solde décroîtra progressivement, jusqu’à devenir négatif dans une douzaine d’années. Si la France en subit les effets avec retard, elle n’est nullement exempte du vieillissement démographique auquel sont exposés tous les pays développés. Mais à la différence de ces derniers, elle est largement en déni quant à ses conséquences. Celles-ci sont de deux ordres : une charge qui s’alourdit rapidement sur les épaules des actifs, et un besoin de main-d’œuvre que seule l’immigration est en mesure de satisfaire. Ces deux questions sont au cœur des débats politiques qui agitent aujourd’hui le pays.

L’effondrement des taux de fécondité en Europe du Sud et de l’Est engendre des soldes démographiques négatifs de l’ordre de 2 à 3 millions par an et un vieillissement démographique bien plus marqué qu’en France, longtemps préservée par une natalité vigoureuse. Pour autant, l’âge médian – qui divise une population en deux parts égales – est passé de 32 ans en 1985 à 42 ans aujourd’hui. Moyennant quoi le ratio de dépendance démographique, qui exprime la charge représentée pour la population active par les personnes âgées, se dégrade rapidement.

Une mesure en est donnée par le rapport entre la population sortie d’activité (de plus de 62 ans, qui est l’âge moyen constaté pour cette sortie) et celle comprise entre 22 ans (âge moyen d’entrée constaté) et 62 ans. De près de 36 % en 2001, ce ratio est monté à 51 % en 2021 et, toutes choses restant égales par ailleurs, il passerait à 66,5 % en 2041. Soit un alourdissement de 85 % en l’espace de deux générations.

Quant au besoin de main-d’œuvre, il fait partie du paysage quotidien d’une économie qui peine à recruter et à pourvoir les emplois vacants. Ceux-ci étaient estimés à 350 000 au premier trimestre 2023, en progression de 70 % par rapport à la situation d’avant-Covid.

Défi structurel

Invités par le président Macron à réfléchir sur les trois défis structurels à long terme pour la France, les économistes Olivier Blanchard et Jean Tirole ont, à la tête d’une commission internationale, identifié la démographie, aux côtés du changement climatique et des inégalités économiques. Leur rapport, publié en 2021, pointait la précocité, par rapport aux pays comparables, de la fin d’activité en France et plaidait en faveur d’une réforme du système de retraite. Il s’était également intéressé au rôle de l’immigration, relevant un taux d’emploi plus faible dans la population immigrée, en particulier chez les femmes, que parmi les non-immigrés : 45 % des femmes immigrées d’origine non européenne ne recherchent pas d’emploi ou sont au chômage. Les raisons de cette moindre participation à l’emploi sont diverses : trop faible qualification, facteurs culturels ou religieux, mais aussi discrimination à l’embauche.

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Aux Etats-Unis, les « chatbots » désormais intégrés dans la vie des entreprises : « C’est un nouveau membre de l’équipe de direction »

Les robots conversationnels du type de ChatGPT sont de plus en plus utilisés au sein des entreprises aux Etats-Unis.

« Jeff, il faut absolument que tu regardes ça. » C’est le message qu’un ingénieur a envoyé sur la messagerie professionnelle Slack à Jeff Maggioncalda, patron des formations en ligne Coursera, à la fin de 2022. Ça ? C’était l’une des premières versions de ChatGPT, le robot conversationnel (ou chatbot) lancé par la start-up OpenAI en novembre 2022. « Je n’arrive pas à croire que ce tchat portait en lui tant de possibilités », s’exclame encore aujourd’hui M. Maggioncalda, émerveillé par la puissance d’analyse du big data de cet outil. Le dirigeant, conquis, s’en sert tous les jours. « C’est mon relecteur, dit-il. J’écris un premier jet, je lui demande de corriger les fautes et de raccourcir le texte. »

Sa secrétaire doit elle aussi utiliser ChatGPT. Lorsque celle-ci trie les e-mails reçus par M. Maggioncalda, elle prépare des réponses avec l’aide du robot… qui a appris à reproduire le style de son patron. Ce dernier n’a plus qu’à vérifier et l’affaire est entendue.

Le savant tchat n’est pas réservé qu’au dirigeant, la compagnie en profite tout autant : les coachs s’en servent pour affiner les choix des étudiants, les instructeurs lui demandent de résumer les parties essentielles de leurs cours. L’équipe marketing écrit quant à elle ses e-mails avec le chatbot et profite de la finesse de son analyse. « Cela nous libère de 20 % à 30 % de temps pour faire du brainstorming », dit M. Maggioncalda. Le robot, assure-t-il, est « un nouveau membre de l’équipe de direction ».

Une conversion à grande vitesse

Coursera n’est pas la seule compagnie à avoir embrassé avec passion les algorithmes d’intelligence artificielle (IA), capables de générer des contenus adaptés aux besoins de l’entreprise. Start-up et grands groupes se convertissent à grande vitesse : 49 % des 1 000 entreprises américaines sondées en février par le site Resume Builder déclarent utiliser ChatGPT. Ce qui, bien sûr, bouleverse de fond en comble l’organisation du travail.

Selon une étude Ipsos menée en avril, un sixième des Américains a déjà utilisé l’lA générative, et 29 % d’entre eux l’ont fait pour créer des textes pour leur travail. Le rédacteur free-lance Guillermo Rubio l’utilise pour écrire de courtes publicités, telles que des descriptions de produits. Marnix Broer, le numéro un de Studocu, une plate-forme d’échanges de cours visitée par huit millions d’étudiants américains, s’en sert pour classer ses documents, prendre des notes ou bien affiner les recherches.

Le développeur d’applications mobiles Willow Tree lui demande d’écrire des lignes de code et de tester ses programmes… avant l’intervention des experts. « C’est comme les voitures sans chauffeur, explique Tobias Dengel, le président de la compagnie. On a toujours besoin de contrôler. Mais ces premiers travaux sont d’ores et déjà très utiles. » Et d’enchaîner sur un usage encore plus complexe : « On peut construire notre propre système sur l’infrastructure de ChatGPT. » M. Dengel cite l’exemple d’un client dans l’agroalimentaire : « Nous introduisons tous ses fournisseurs dans le système et lui demandons de chercher lesquels laissent la moindre empreinte carbone. »

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En Europe, le lien entre santé mentale et travail fait débat

Alors que la réforme des retraites remet sur le devant de la scène médiatique le sujet du mal-être au travail, la reconnaissance du caractère professionnel de troubles psychiques est loin de faire consensus en Europe, constate Eurogip. Dans son dernier rapport, publié en mai, cet observatoire, créé par l’Assurance-maladie-Risques professionnels, s’est penché sur la façon dont plusieurs pays européens se sont emparés de ce sujet.

A l’image de la France, seulement une poignée de nos voisins ont entrouvert la porte à une reconnaissance en maladies professionnelles de pathologies telles que la dépression ou le burn-out : le Danemark, l’Espagne, l’Italie et la Suède.

En cause, la difficulté à mesurer objectivement l’impact de conditions de travail dégradées – harcèlement, surcharge de travail… – sur la santé mentale d’un travailleur, alors que des facteurs extraprofessionnels peuvent également l’affecter. L’Allemagne, l’Autriche ou encore la Suisse excluent cette possibilité.

Des critères d’appréciation très différents

Seul pays à avoir inscrit deux troubles mentaux – le stress post-traumatique et la dépression du vétéran – dans la liste des maladies professionnelles (sans pour autant écarter l’examen de pathologies hors liste), le Danemark arrive en tête des pays qui enregistrent le plus de demandes de reconnaissance et de cas reconnus. Mais avec un taux de reconnaissance des maladies psychiques plus faible (7 %) qu’en Italie (10 %) et surtout qu’en France, où ce taux atteint les 52 % (dans le secteur privé).

Dans le système français, les dossiers déposés sont beaucoup moins nombreux (16 demandes en moyenne pour 100 000 assurés, contre 162 au Danemark), mais appréciés au cas par cas par les comités régionaux de reconnaissance des maladies professionnelles (CRRMP). « Il est tentant d’interpréter ces taux de reconnaissance comme une illustration du degré d’ouverture du système de reconnaissance des maladies professionnelles psychiques », avancent les auteurs de l’étude.

Lire l’analyse des chercheurs du projet du Liepp : Article réservé à nos abonnés « La qualité de l’emploi et du travail en comparaison européenne : une contre-performance française ? »

Ces chiffres couvrent aussi des critères d’appréciation très différents d’un pays à l’autre. « Les interprétations jurisprudentielles de ce que recouvre un accident du travail d’une part, les procédures réglementaires de reconnaissance des maladies professionnelles d’autre part expliquent aussi cet écart au niveau des demandes et des reconnaissances », souligne Eurogip.

En France, la législation fixe un taux d’incapacité permanente d’au moins 25 % lorsqu’une maladie professionnelle est reconnue, ce qui suppose des lésions psychiques graves et irréversibles sur des victimes pas toujours en capacité de monter un dossier.

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« L’intelligence artificielle nous permet un rééquilibrage vers les dimensions sociale et émotionnelle au cœur de notre identité humaine »

L’IA risque de concurrencer l’intelligence « rationnelle » des hommes. Une manière de s’y préparer est de développer, dans l’enseignement supérieur, l’apprentissage des connaissances et compétences qui singularisent les humains, affirment, dans une tribune au « Monde », les universitaires Paul J. Leblanc et Boris Walbaum.

La timide irruption de la « transition écologique » dans le « dialogue social »

Droit social. Après la loi Climat et résilience du 22 août 2021 permettant au comité social et économique (CSE) d’être informé/consulté sur « les conséquences environnementales de l’activité de l’entreprise », trois syndicats patronaux (Medef, CPME, Union des entreprises de proximité) et deux confédérations (CFDT, CFTC) ont signé un accord national interprofessionnel (ANI), conclu le 11 avril, sur un thème fort novateur pour eux « relatif à la transition écologique et au dialogue social ».

Dans les deux cas, les « Céjamaisassez » s’en sont donné à cœur joie. La loi ne prévoit ni consultation spécifique ni sanctions pénales nouvelles ? Horreur et damnation au pays de l’hyper-pénalisation. L’ANI de cinquante pages ne commence pas par la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) des années 2030, mais présente simplement « des repères juridiques », puis « des repères pratiques pour nourrir le dialogue social » avec « des actions par domaine : ressources humaines ; organisation de la production ; achats responsables », aucune nouvelle obligation ? Aucun intérêt.

Mais cet impératif catégorique du XXIᵉ siècle est-il aussi connu des employeurs et des délégués que les conditions de travail ou les salaires ? Les gaz à effet de serre ? La biodiversité ? Les entreprises françaises ne se résument pas à TotalEnergies et Danone, avec leurs experts de haut niveau, des deux côtés.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés L’écologie entre les mains du dialogue social

Alors oui, dans la lignée de ces ANI devant être un TGV pour les grandes entreprises bien équipées, mais un omnibus pour les PME, il se veut un modeste mode d’emploi en forme d’acculturation à destination de ces dernières, dont beaucoup renouvellent cette année leur comité social et économique.

« C’est celui qui fait, qui sait »

Avec, dans la ligne de la sociétalisation de nos entreprises, un changement majeur. « Ayant pour mission d’assurer l’expression collective des salariés permettant la prise en compte permanente de leurs intérêts dans les décisions prises par l’employeur », le CSE traite depuis 1946 de deux questions internes à l’entreprise : économiques et sociales. Ce dialogue doublement interne devenant sociétal, l’irruption du thème de la « transition écologique » modifie sa raison d’être. Or dans combien de nos PME les deux partenaires sont-ils équipés pour le faire ?

Alors, pour éviter les débats idéologiques bien clivants sur ce thème idéal pour conflictualiser, l’ANI décline le principe de proximité : « C’est celui qui fait, qui sait ». Chercher sur place, dans l’établissement, des solutions à des problèmes bien concrets, avec la relance du droit d’expression directe et collective, et des représentants de proximité. Et une nécessaire formation, des deux côtés et si possible commune.

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« Du mépris à la colère » : l’appel de Laurent Berger pour remettre le travail au centre du discours politique

Livre. Il aurait pu tirer le bilan de ses onze années passées à la tête de la Confédération française démocratique du travail (CFDT) en livrant quelques anecdotes croustillantes sur les arrière-cuisines du syndicalisme. Mais, avant de quitter le poste de secrétaire général de sa confédération, le 21 juin, Laurent Berger a préféré parler de ce qui est au fondement de son engagement : le travail. Il s’agit d’un sujet « extraordinairement maltraité », alors qu’il occupe une « place centrale » dans la vie de millions de femmes et d’hommes, écrit le responsable cédétiste dans son essai percutant, Du mépris à la colère, parsemé d’annotations personnelles sur ses expériences de militant et son milieu familial, qui lui a légué la « fierté ouvrière ».

Lire aussi l’entretien : Article réservé à nos abonnés Laurent Berger quitte ses fonctions : « Je ne suis pas indispensable à la CFDT »

Il estime que le long conflit déclenché par la réforme des retraites est une illustration éclatante de son propos. Si des centaines de milliers de personnes – parfois plus d’un million – ont manifesté contre le recul de l’âge légal de départ de 62 ans à 64 ans, c’est parce qu’elles se sont senties « humiliées ».

Beaucoup de salariés demandaient de la « reconnaissance », pas seulement sur leur fiche de paie, après l’épidémie de Covid-19, durant laquelle ils avaient porté l’économie à bout de bras, soigné les malades ou permis à la population de se nourrir. Mais leur « espoir s’est éteint » : pour eux, « rien n’a changé ou si peu », selon Laurent Berger. Pire même, le pouvoir en place leur a dit, « comme en guise de remerciement », qu’il faudrait rester en activité deux années de plus.

Sortir de cette situation de déni

Cette mesure ne pouvait que provoquer de « la colère », car elle frappe « très exactement la catégorie des travailleurs de première et deuxième lignes, qui se sent déjà invisibilisée et méprisée ». Laurent Berger dénonce Emmanuel Macron, dont « la logique libérale (…) s’est durcie », et « l’action » du gouvernement, qui « s’est droitisée ». Mais ce qui se révèle tout aussi grave à ses yeux, c’est l’impact électoral de l’obstination affichée par l’exécutif : en s’arc-boutant sur une loi impopulaire, « bricolée » et « confuse », celui-ci alimente « une défiance dangereuse vis-à-vis de notre système démocratique », avec le risque d’ouvrir à Marine Le Pen un boulevard vers l’Elysée en 2027.

La gauche n’est pas tellement plus à son avantage, d’après le leader de la CFDT. Elle est souvent restée prisonnière d’une « vision assez misérabiliste » du travail, le réduisant à une souffrance et à des relations d’exploitation. Une telle lecture est « biaisée » et tend à ignorer le réel.

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Comptoir des cotonniers et Princesse Tam-Tam touchés par un nouveau plan social

Le groupe Fast Retailing France, filiale du géant japonais du même nom, a annoncé lundi qu’il envisageait la fermeture de 55 magasins des enseignes d’habillement Comptoir des cotonniers et Princesse Tam-Tam sur 136 en France, ainsi que la suppression de 304 postes.

L’annonce de ce « projet de refonte de la stratégie de distribution » et de « réorganisation du réseau de points de vente » a été faite le 23 mai aux instances représentatives du personnel des deux enseignes, a précisé le groupe à l’Agence France-Presse (AFP), confirmant des informations du site spécialisé FashionNetwork.

Comptoir des cotonniers (vêtements pour femme) et Princesse Tam-Tam (lingerie) sont détenues par Fast Retailing France, entité du géant japonais du textile dont la marque phare est Uniqlo.

« Graves difficultés »

L’objectif du plan est de « continuer à adapter Fast Retailing France aux évolutions du marché de l’habillement et d’endiguer les graves difficultés rencontrées par la société et ses filiales afin d’assurer leur pérennité », selon le groupe.

« La situation est aujourd’hui telle qu’elle ne permet plus à Fast Retailing France de continuer sans risquer de compromettre son avenir et celui de ses marques. D’autant qu’aucune perspective de réelle reprise n’est envisagée », affirme-t-il aussi.

Concernant Comptoir des cotonniers, le projet prévoit la fermeture de 28 points de vente sur les 67 actuellement exploités dans l’Hexagone, et la suppression de 101 postes sur 272 CDI.

Pour Princesse Tam-Tam, la fermeture de 27 points de vente sur 69 est envisagée, ainsi que la suppression de 84 postes sur 235 CDI.

A ceci s’ajoute la suppression de 119 postes directement au sein de Fast Retailing France, « afin d’adapter les effectifs à la réorganisation du réseau de distribution mais aussi de réduire son surdimensionnement ».

« L’objectif est de clôturer les fermetures [de boutiques] à l’horizon d’août 2024, mais l’accompagnement des collaborateurs se fera sur une durée plus longue », a précisé le groupe.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Habillement et textile : pas d’éclaircie en vue en 2023

Le Monde avec AFP