Archive dans 2023

RSA : « Stigmatiser les pauvres ne mène pas au plein-emploi »

Le projet de loi pour le plein-emploi est examiné le 10 juillet au Sénat. Sous prétexte de remobilisation, le revenu de solidarité (RSA) sera conditionné à la réalisation de quinze à vingt heures d’activité sous peine de suspension de son versement en vue, soi-disant, de la « remobilisation ».

La recherche du plein-emploi peut certes réduire la pauvreté globale, mais ne doit pas accentuer la misère de certains et stigmatiser les plus éloignés de l’emploi. Il serait indigne pour notre pays de priver des ménages de toute ressource. Le travail est un facteur d’intégration et d’émancipation, s’il est librement choisi et s’il s’exerce dans des conditions décentes.

Certains secteurs d’activité en tension ont besoin de main-d’œuvre, mais peinent à recruter et à garder leurs salariés au regard de garanties collectives de bas niveau et de conditions de travail peu attractives voire très pénibles. Avec son projet de loi Plein emploi, le gouvernement semble vouloir pallier ces difficultés en y positionnant les allocataires du RSA voire les travailleurs avec un handicap ou les jeunes de moins de 25 ans, même contre leur gré. Or, la difficulté d’accès à l’emploi des allocataires du RSA est due à des facteurs multiples. Il est d’abord essentiel de leur faciliter l’accès au logement, à la mobilité durable, aux soins, et à la garde des enfants. Il ne doit pas y avoir de pression abusive pour accepter n’importe quel travail, sans tenir compte des compétences et des projets des personnes.

Des risques de radiation massive d’allocataires

Nous dénonçons le risque de « trappe à précarité » pour les personnes devant accepter des emplois très précaires, temps partiels subis ou contrats courts, n’ouvrant ensuite pas droit à l’assurance chômage. Augmenter les contraintes n’est pas la solution et renforce la stigmatisation des personnes.

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L’inscription obligatoire des conjoints des allocataires du RSA à Pôle emploi, demain renommé « France Travail », augmente le risque des contrôles abusifs de la situation globale des ménages, qui pourrait accentuer le non-recours aux droits.

Nous alertons également sur les risques de radiation massive d’allocataires et sur les risques de pression institutionnelle, risques aggravés par la dégradation des conditions de travail des agents de Pôle emploi qui vont devoir faire face à l’arrivée de près de deux millions d’allocataires du RSA, selon l’Insee, et leurs conjoints inscrits automatiquement. Le mirage du traitement numérique des chômeurs porte les graines d’une déshumanisation de l’accompagnement et pose des problèmes majeurs de protection des données.

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« Que sait-on du travail ? » : La précarisation du marché du travail est portée par les moins de 25 ans

52,7 %, c’est la part d’emplois précaires des moins de 25 ans en 2019. Plus d’un jeune sur deux est soit en CDD, soit en intérim, soit en contrat aidé, soit en apprentissage. La précarisation du marché du travail à l’œuvre depuis une quarantaine d’années est largement portée par les jeunes, démontre le sociologue Camille Peugny dans le cadre du projet de médiation scientifique « Que sait-on du travail ? », du Laboratoire interdisciplinaire d’évaluation des politiques publiques (Liepp), diffusé en collaboration avec le Liepp et les Presses de Sciences Po sur la chaîne Emploi de Lemonde.fr.

Depuis les années 1980, à chaque fois que le marché du travail s’est affaibli, les premiers touchés ont été les juniors et les seniors. Et, au fil des années, la qualité de l’emploi s’est détériorée : la part d’emplois précaires a plus que triplé entre 1983 et 2019, passant de 2,2 % à 6,2 % pour les plus de 50 ans, de 2,9 % à 11,3 % pour les salariés de 25 à 49 ans, et de 16,7 % à 52,7 % pour les moins de 25 ans. C’est ainsi qu’« une part croissante des jeunes connaît des trajectoires d’entrée dans la vie active pour le moins heurtées, avec des séquences d’emplois précaires et de périodes de chômage de plus en plus fréquentes », observe le sociologue, avant de développer son analyse de l’impact sur l’ensemble de la carrière.

Si deux jeunes sur trois sont en CDI entre 25 et 29 ans, certains n’ont toujours pas d’emploi stable plusieurs années après la fin de leur formation initiale. L’observation de la part des CDI par tranche d’âge selon les générations met en évidence ce qu’il nomme « un effet cicatrice » de ces débuts difficiles sur l’ensemble de la vie professionnelle. « Si la part de l’emploi précaire dans les premières années de vie active grandit au fil des cohortes successives, ces dernières ne semblent pas rattraper leur retard sur les cohortes précédentes, y compris jusqu’à un âge avancé », note le sociologue.

De précédentes études avaient établi l’impact à moyen terme d’une faible rémunération à l’embauche en période de crise économique. En matière d’emploi, « quelques trimestres de mauvaise conjoncture ne dégradent pas durablement le niveau d’insertion », relativise le Centre d’études et de recherches sur les qualifications, mais un mauvais salaire à l’embauche est long à rattraper, surtout pour les femmes.

Le travail de Camille Peugny va plus loin en s’intéressant, au-delà du taux d’emploi et de la rémunération, à la stabilisation dans l’emploi. Le sociologue ne manque pas de s’intéresser également à l’évolution du rapport au travail des jeunes. Son analyse nous révèle indirectement que la pratique courante de l’emploi précaire, qu’il s’agisse de CDD ou d’intérim, pour ouvrir la porte du marché du travail aux jeunes laisse des traces, et pour longtemps.

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« Les jeunes sont-ils des travailleuses et travailleurs comme les autres ? »

[Existe-t-il une spécificité des jeunes en matière de travail et d’emploi ? Le sociologue Camille Peugny propose de répondre à la question en distinguant deux aspects : la situation objective des jeunes sur le marché de l’emploi, d’une part, et leurs aspirations subjectives en matière de travail, d’autre part. Professeur à l’UVSQ (université Paris-Saclay) et chercheur au laboratoire Printemps, il dirige la Graduate School sociologie et science politique de l’université Paris-Saclay. Ses travaux portent sur la stratification sociale et sur les politiques en direction de la jeunesse. Il est notamment l’auteur de Pour une politique de la jeunesse, publié aux éditions du Seuil en 2022.]

Le marché du travail se précarise-t-il pour les jeunes ?

Le risque du chômage, pour les jeunes actifs, n’est pas nouveau. Au début des années 1980, le taux de chômage des actifs de moins de 25 ans évolue déjà autour des 20 %, soit une proportion tout à fait comparable à celle observée jusqu’au début de la décennie 2020. Sur l’ensemble de la période, et même s’il est particulièrement sensible à la conjoncture, il est toujours deux à trois fois plus élevé que celui observé parmi le reste de la population active. Cela fait donc près de quarante ans que les cohortes successives ont à s’insérer sur un marché du travail marqué par un taux de chômage très élevé. Outre ce problème structurel, on note qu’au fil du temps les conditions d’emploi se sont nettement détériorées pour les jeunes qui exercent une activité professionnelle.

Figure 1 : infographie sur l’évolution de l’emploi précaire en fonction de l’âge

En 2019, parmi les moins de 25 ans, plus d’un jeune sur deux en emploi exerce son activité en CDD, en intérim, en contrat aidé ou en apprentissage. Cette proportion était de moins de 20 % au début des années 1980. Ce triplement de la part de l’emploi précaire parmi les jeunes actifs est d’autant plus inquiétant que les autres classes d’âge ont été relativement épargnées par ce mouvement de précarisation. C’est bien au détriment des jeunes que le marché du travail se précarise.

Les conditions d’insertion sur le marché du travail se détériorent-elles au fil des cohortes ?

Les enquêtes « Génération » du Centre d’études et de recherches sur les qualifications (Céreq) permettent de suivre l’évolution des trajectoires d’insertion des jeunes sur le marché du travail. Ces dernières sont assez sensibles à la conjoncture économique : les individus qui terminent leurs études en 1998 bénéficient d’un climat économique particulièrement favorable, tandis que ceux qui les achèvent en 2010 doivent composer avec un marché du travail marqué par les conséquences de la crise financière de 2008. Toutefois, au-delà de ces variations conjoncturelles, des évolutions plus structurelles sont repérables qui soulignent les difficultés rencontrées par une proportion croissante de jeunes (Virginie Mora, 2018, « Comment les conditions d’insertion des jeunes se sont-elles transformées en vingt ans ? », Céreq Essentiels, n° 1, p. 51-59.).

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Le prêt-à-porter, un commerce confronté à une casse sociale à bas bruit

Une boutique fermée de la marque Du pareil au même, à Paris, le 2 juillet 2023. L’enseigne de vêtements pour enfants a demandé son placement en redressement judiciaire le 28 juin.

L’ancien magasin C & A de la rue de Rivoli, à Paris, qui a baissé le rideau en février, n’a toujours pas trouvé preneur. Des vingt boutiques Gap fermées définitivement en mai, il ne reste que les mannequins, nus, exposés en vitrine. Les 163 emplacements du chausseur San Marina sont sur le marché depuis sa liquidation, en février. Celui situé dans la rue du Commerce, artère réputée du 15e arrondissement de Paris, est toujours vide.

Écouter aussi Camaïeu, San Marina, Kookaï… Désastre dans le prêt-à-porter

Depuis le printemps, les procédures collectives concernant des chaînes d’habillement se multiplient. « Le nombre de défaillances est au niveau pré-Covid. C’est-à-dire, au total, tous secteurs confondus, 50 000 par an en France », explique Frédéric Abitbol, délégué général du Conseil national des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires. Et le secteur du commerce est celui qui affiche le plus grand nombre de défaillances, selon la Banque de France (+ 50 %, en mai, en un an, sachant que cette catégorie intègre la réparation automobile).

La marque marseillaise Kaporal, en redressement judiciaire depuis fin mars, devrait connaître le nom de son repreneur lors d’une audience au tribunal de commerce de Marseille prévue mardi 11 juillet : 434 salariés sont dans l’attente. Don’t Call Me Jennyfer, enseigne de 220 magasins qui emploie 1 112 personnes, a été placé en redressement judiciaire, le 21 juin. Idem pour Du pareil au même (DPAM, détenu par le groupe Générale pour l’enfant), 130 commerces, 2 600 salariés. Sa société sœur, Sergent Major, est, elle, en procédure de sauvegarde. Le plan de relance envisagé par son fondateur, Paul Zemmour, prévoit la fermeture de 87 DPAM et 47 Sergent Major. Soit 25 % des succursales du groupe.

Concepts vieillissants

Les plans de sauvegarde de l’emploi (PSE) se font aussi plus nombreux. Le 23 mai, le groupe japonais Fast Retailing, connu pour ses 2 394 magasins Uniqlo dans le monde, impose de nouvelles réductions de coûts à Comptoir des cotonniers et Princesse Tam-Tam, deux chaînes françaises rachetées en 2005, confrontées à un vieillissement de leurs concepts nés avant l’avènement de l’e-commerce. Elles vont devoir fermer 55 points de vente.

Déjà, en 2021, la première en avait supprimé 74 et la seconde, 26. Plus de 200 emplois ont alors disparu. Cette fois, 304 postes passent à la trappe, dont 185 dans les points de vente. Chez Pimkie, autre figure des années 2000, un PSE a été validé, le 5 juillet. Il porte sur 250 postes, lors de la fermeture de 63 boutiques, d’ici à 2027.

Toutes les enseignes justifient ces mesures par la succession de crises. Celle des « gilets jaunes », en 2018-2019, puis celle liée à la fermeture imposée en 2020 et en 2021 pour lutter contre la propagation du Covid-19. L’évolution des modes de consommation – désormais, 17 % des ventes d’habillement s’effectuent sur Internet – joue aussi. Tout comme la concurrence des petits prix du site chinois Shein, ajoute Emmanuel Locati, directeur général de Don’t Call Me Jennyfer. Les dirigeants évoquent la conjoncture depuis début 2022 : la guerre en Ukraine a fait flamber coûts de confection et bondir les frais d’exploitation des commerces. Le pouvoir d’achat des Français a été affecté.

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Parcoursup : des délais de réponse plus « raisonnables » mais des critères de sélection encore « flous »

La campagne d’affectation dans l’enseignement supérieur, dont la phase principale s’achève vendredi 7 juillet, s’est déroulée de manière plus fluide grâce à un calendrier resserré. Restent un niveau de stress conséquent et une inconnue : le niveau de satisfaction réel des candidats lorsqu’ils acceptent de rejoindre une formation.

Rencontres économiques d’Aix-en-Provence : « Chercher des raisons d’espérer »

L’économiste français Jean-Hervé Lorenzi, à Paris, en octobre 2015.

S’exprimant, en 1959, devant une assemblée d’ecclésiastiques, le président des Etats-Unis, Dwight D. Eisenhower, confie : « J’ai deux types de problèmes, les urgents et les importants. Les urgents ne sont pas importants, et les importants ne sont jamais urgents. C’est le dilemme de l’homme moderne. Avec votre aide, tentons de donner à l’important une touche d’urgence. »

Hiérarchiser l’urgent et l’important, des générations de professeurs de management ont phosphoré sur cette idée particulièrement riche en période de crise… ou pour en sortir. Crise sociale, crise économique, crise géopolitique, les motifs sont aujourd’hui nombreux pour remettre la question sur le tapis.

C’est un peu l’idée de Jean-Hervé Lorenzi, l’infatigable inventeur des Rencontres économiques d’Aix-en-Provence, dans les Bouches-du-Rhône, qui ne renonce jamais à trouver un peu d’espoir dans un paysage que les Français aiment à voir bien sombre, avec quelques raisons en ce moment. Les rencontres, qui se déroulent du 7 au 9 juillet, vont donc chercher des raisons d’espérer tout au long des dizaines de débats accessibles au grand public et qui verront se croiser économistes, politiques, militants et chefs d’entreprise.

Mesure sociale simple

Et pour aider à la réflexion, Jean-Hervé Lorenzi et Le Cercle des économistes ont eu l’idée de publier un manifeste soumis à la société civile, qui liste finalement cinq priorités, importantes et pourtant rarement, ou tardivement, considérées comme urgentes : l’éducation, la formation, le travail, la citoyenneté et l’action publique. Avec, à chaque fois, une mesure forte qui pourrait changer bien des choses.

Par exemple, se donner pour objectif de réintégrer, en cinq ans, le 1,5 million de jeunes qui ne sont ni en étude, ni en emploi, ni en formation. S’adresser à ces jeunes défavorisés semble soudain devenu urgent depuis une semaine… Une mesure sociale simple : imposer dans les contrats de travail une obligation de formation qualifiante pour faire évoluer sa carrière face aux chocs économiques et technologiques.

Autre urgence importante, relever le taux d’emploi : 67 % des 15-65 ans ont un emploi. Comme le rappelle régulièrement l’économiste Patrick Artus, si la France avait le taux des Allemands (75 %), l’augmentation des recettes fiscales générées (+ 13 %) permettrait de supprimer le déficit budgétaire, à dépenses publiques inchangées. En cherchant, on trouve toujours des raisons d’espérer.

Les changements d’entreprise des salariés ont été plus nombreux en 2022 qu’avant la crise sanitaire

« Les salariés du privé ont été plus nombreux à quitter leur entreprise en 2022 qu’avant la crise sanitaire », indique une étude de l’Insee réalisée en collaboration avec la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) du ministère du travail et publiée le 29 juin. En 2022, 9,7 % des salariés du privé ont rejoint un nouvel employeur, contre 7,3 % en 2019. Le phénomène touche toutes les catégories socioprofessionnelles et concerne d’abord les jeunes.

D’autres salariés ont rejoint les rangs des travailleurs indépendants (0,9 %) et même ceux du secteur public (0,7 %), dans des proportions qui ont aussi légèrement augmenté par rapport à l’avant-crise sanitaire (respectivement + 0,3 et + 0,1 point). Quant à ceux qui se retrouvent au chômage (2,8 %), cette proportion a diminué de 0,6 point entre 2018-2019 et 2021-2022.

Si les conditions de départ des salariés se révèlent très diverses, « la hausse de la mobilité des salariés semble être l’aboutissement de motivations et de démarches volontaires », soutiennent les auteurs de l’étude. Pour preuve, selon eux, 24,6 % de ceux déclarant en 2021 vouloir trouver un nouvel emploi l’avaient effectivement trouvé un an plus tard, tandis que seulement 8,8 % de ceux qui déclaraient ne pas vouloir changer d’emploi ont finalement été contraints de le faire.

Par ailleurs, la stabilité des salariés en CDD dans l’entreprise « a un peu moins baissé entre 2018 et 2021 (– 1,1 point) que celle des salariés en CDI (– 1,9 point). Le regain de mobilité des salariés du privé concerne ainsi en particulier les salariés initialement en CDI, pourtant habituellement caractérisés par une plus forte stabilité », soulignent les auteurs de l’étude.

Rattrapage

Pour expliquer la hausse de la mobilité, l’étude met en avant un phénomène de rattrapage : « la période de crise sanitaire a retardé certaines mobilités ». Aussi, des « difficultés de recrutement historiquement élevées » sur la période et la baisse du chômage dès la fin de 2021 ont offert « plus d’opportunités aux salariés pour changer d’emploi » – ou leur ont permis d’en retrouver un plus rapidement.

Cette mobilité touche l’ensemble des secteurs d’activité et des régions, souligne l’étude. Elle est toutefois un peu plus marquée dans les industries agroalimentaires, l’hébergement-restauration et les services privés non marchands, qui comprennent notamment la santé et l’action sociale. « L’accroissement des mobilités résulte surtout de départs vers d’autres secteurs d’activité », remarquent les auteurs.

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La Cour des comptes pointe le coût « très élevé » des aides en faveur de l’apprentissage

La réforme de l’apprentissage continue de susciter la controverse, son financement tout particulièrement. En quelques années, le nombre de contrats d’apprentissage a explosé, jouant un rôle significatif dans la baisse du taux de chômage, principalement celui des jeunes. Mais cet essor sans égal – dû à la réforme de 2018 « pour la liberté de choisir son avenir professionnel » ayant libéralisé le cadre de la formation professionnel et de l’alternance – s’accompagne d’un coût insoutenable pour les finances publiques qui doit aujourd’hui être remis en question. C’est le constat fait par la Cour des comptes dans une note consacrée à la formation professionnelle et à l’apprentissage, publiée jeudi 6 juillet. Une note qui s’inscrit, avec huit autres, dans la contribution de la Cour à la revue de dépenses lancée par le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, afin de préparer le budget 2024.

C’est la deuxième fois que les magistrats de la rue Cambon épinglent l’apprentissage, après un premier rapport publié en 2022 et faisant état de l’impasse financière dans laquelle se trouvait la politique de formation en alternance. Entre 2017 et 2022, le nombre de nouveaux contrats d’apprentissage signés est passé d’un peu plus de 320 000 à 837 000. Des chiffres qui se rapprochent de l’objectif d’Emmanuel Macron visant à avoir un million de nouveaux apprentis par an à l’horizon 2027, mais qui pèsent sur les finances publiques. La Cour estime que « le coût pour les finances publiques s’est élevé en 2022 à plus de 16,8 milliards d’euros pour la seule politique d’alternance ».

Outre une critique sur les objectifs même de la réforme, qui « sont essentiellement d’ordre quantitatif », écrivent les auteurs, les remarques pointent surtout du doigt les « montants très élevés et la dynamique de la dépense », qui doivent amener à une réflexion sur le « dimensionnement du soutient public à ces dispositifs ».

Mais l’envolée de l’apprentissage et des dépenses est également liée aux aides exceptionnelles accordées depuis l’été 2020 aux patrons qui embauchent des alternants. A l’origine, les employeurs pouvaient toucher une prime de 8 000 ou 5 000 euros, selon les cas. Mais le dispositif a été revu en 2023 et une aide unique de 6 000 euros est octroyée la première année de l’apprentissage. Ces aides visant à inciter au recrutement d’apprentis ont eu un effet immédiat dépassant les attentes. Mais leur persistance et la quasi-absence de critères pour en bénéficier suscitent désormais l’incompréhension, alors qu’elles avaient vu le jour à travers le plan de relance pour faire face aux conséquences de la crise sanitaire. A la Cour des comptes, on considère que les entreprises sont devenues dépendantes de cet argent facile.

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