Archive dans 2023

« Face au Covid, l’enjeu du salariat » : les institutions du salariat, un rempart face à la crise sanitaire

Cela a été une révélation pour certains observateurs, une confirmation pour d’autres. Durant la pandémie de Covid-19, les institutions du salariat (syndicalisme, Sécurité sociale…) ont été des piliers sur lesquels le monde du travail a pu prendre appui pour « éviter que la crise sanitaire ne se double d’une grave crise économique et sociale ». C’est tout le propos de l’ouvrage collectif Face au Covid, l’enjeu du salariat (La Dispute), mené sous la direction du sociologue Claude Didry.

Cet essai propose au lecteur d’explorer plusieurs secteurs d’activité à l’heure du Covid. Industrie automobile, restauration rapide, banque, hôpital public… Dans chacun d’entre eux, les chercheurs donnent à voir le quotidien d’un collectif humain évoluant au rythme des vagues épidémiques. Ce faisant, ils mettent en lumière la place que les représentants du personnel vont jouer dans l’édification, en urgence, d’une nouvelle organisation du travail.

Les auteurs partent d’un constat : la crise survient dans un contexte socio-économique dégradé. Certains secteurs sont en crise, des menaces sur l’emploi se font jour dans de nombreuses entreprises. En France, des politiques d’austérité se traduisent par exemple par « une baisse continue du nombre de lits hospitaliers au cours des [trente dernières années] ».

Dans le même temps, l’ouvrage montre que le salariat, dont on annonce avec constance la disparition prochaine, est attaqué de toute part. « Les réformes de 2016 (loi El Khomri) et 2017 (ordonnances Macron) couronnent [une] décennie de reculs sociaux inédits : avec elles, ce sont les procédures de licenciement et prud’homales, le poids de la branche dans la négociation collective, les institutions représentatives du personnel ou encore le contrat de travail qui sont battus en brèche. »

Pourtant, ces institutions fragilisées vont faire la preuve de leur importance à l’heure de la crise – laquelle impose « un armistice à la guerre contre le salariat », pour les auteurs. L’exemple du secteur hospitalier est, en cela, emblématique.

Un espace de coordination efficace

A la différence des entreprises privées, les comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) y sont alors toujours en place – leur suppression est intervenue dans la fonction publique en 2022 (remplacés depuis par le comité social d’administration et par le comité social d’établissement dans la fonction publique hospitalière).

L’essai explique qu’ils ont su s’imposer comme « le lieu d’un échange continu entre les représentants de la direction et les élus du personnel comme relais des préoccupations quotidiennes des personnels ». Un espace de coordination efficace où des solutions concrètes ont pu être construites.

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Paris 2024 : les VTC se mobilisent pour dénoncer leurs conditions de travail durant les Jeux olympiques

Le principal collectif français des conducteurs de voiture de transport avec chauffeur (VTC), l’Intersyndicale nationale VTC (INV), appelle ses adhérents à une journée d’action, jeudi 14 décembre, à travers une opération escargot sur le périphérique parisien. Objectif : dénoncer les conditions, qui seront réservées aux VTC durant les Jeux olympiques et paralympiques (JOP), à l’été 2024.

Brahim Ben Ali, secrétaire général de l’INV, dit attendre « 1 000 à 2 000 chauffeurs », et annonce une mobilisation « historique ». L’opération escargot se fera sur une distance de sept kilomètres. Le convoi partira en fin de matinée de la porte de Vincennes pour rejoindre la porte de Gentilly. Un rassemblement aura également lieu, vers 16 h 30, devant le ministère délégué aux transports, dans le 7e arrondissement.

Pendant les JOP, les 60 000 chauffeurs de VTC seront exclus des voies olympiques prioritaires en Île-de-France. Celles-ci – 185 kilomètres au total – seront réservées aux taxis, aux bus, aux véhicules de secours et aux personnes accréditées par le comité olympique. L’INV revendique un accès à ces voies sans aucune restriction sur toute la durée des Jeux.

« Les institutions publiques justifient ces mesures par le manque de réglementation dans notre secteur, exacerbé par l’arrivée de plus de 60 000 nouveaux chauffeurs, souvent à temps partiel, et la prolifération de réseaux mafieux exploitant frauduleusement le métier de chauffeur », expose l’INV dans un communiqué, publié le 4 décembre.

Le collectif, qui revendique 2 800 membres sur l’année 2023, demande, à ce propos, la mise en place d’un numerus clausus, comme c’est le cas en Belgique, afin de réguler les faux profils de chauffeurs et « assainir la profession », selon Brahim Ben Ali.

Pour la mobilisation de jeudi, INV a déposé un préavis, mais le collectif prévient qu’il n’hésitera pas à s’en passer si besoin à l’avenir : « Si l’intégralité des demandes n’est pas satisfaite, on multipliera les mobilisations en désobéissance civile », avance Brahim Ben Ali.

« Si on n’a rien, on sera obligés de s’inviter aux JO autrement »

L’annonce de la manifestation de jeudi a été communiquée après que l’association des VTC de France (AVF), l’Union Indépendants (CFDT) et la fédération française des exploitants de voiture de transport avec chauffeur (FFEVTC) aient également annoncé une mobilisation le 11 janvier 2024.

Si quelques tensions existent entre les différents collectifs de VTC, l’indignation face à ce qu’ils perçoivent comme une exclusion des Jeux est unanime. « On ne peut pas travailler comme ça, on n’arrête pas de nous mettre des bâtons dans les roues, proteste Karim Daoud, président de l’AVF. On est devenu un acteur des transports parisiens. Les Parisiens prennent plus facilement les VTC que les taxis. Être obligé de laisser nos clients à 500 mètres, un kilomètre, c’est scandaleux. »

Les syndicats se disent par ailleurs inquiets quant aux effets de ces mesures, redoutant qu’elles puissent ouvrir la porte à davantage de dégradation de leurs conditions de travail. « Le but, c’est que ces voies réservées soient pérennes après les Jeux, or, si on ne les a pas avant les JO, on ne les aura jamais », estime Karim Daoud. « Si on n’a rien, on sera obligés de s’inviter aux JO autrement », annonce l’AVF. Plus frontal, Brahim Ben Ali du collectif INV prévient : « On prendra en otage les Jeux olympiques ».

Notre sélection d’articles sur les Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024

Retrouvez tous nos contenus sur les Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 :

  • La question de la présence des athlètes russes et biélorusses

Les questions soulevées par la décision du CIO d’autoriser les Russes aux Jeux olympiques

Paris 2024 : « Le statut de la neutralité pour les athlètes russes, c’est de l’irresponsabilité », affirme le ministre des sports ukrainien

Comment les tensions internationales pourraient s’inviter aux Jeux olympiques

  • Les transports

Pour éviter l’engorgement des transports durant les JO, Clément Beaune invite les Franciliens à « s’organiser différemment »

Tout ce qu’il faut savoir sur les conditions de circulation durant les Jeux olympiques

Pourquoi des inquiétudes planent sur l’offre de transport pendant les JO

  • Les chantiers

Une ONG demande au CIO de trouver « d’autres solutions » pour l’épreuve de surf

À Teahupoo, les épreuves olympiques de surf de plus en plus contestées

  • Les Jeux paralympiques

Le gouvernement appuie sur l’accélérateur pour combler les retards d’accessibilité

  • La sécurité

Cherche agent de sécurité privée désespérément pour les Jeux olympiques

Cérémonie d’ouverture de Paris 2024 : les pouvoirs publics penchent pour environ 300 000 spectateurs en accès gratuit

  • La billetterie

400 000 billets olympiques mis à la vente pour les fêtes de fin d’année

La société responsable des chantiers a pioché dans ses réserves pour financer des mesures de sécurité

L’organisateur des Jeux pioche dans ses réserves pour assurer l’équilibre de son budget

Ce que l’Etat et les collectivités financent pour les Jeux olympiques et paralympiques

  • La préparation des athlètes françaises et français

L’irrésistible ascension des frères Lebrun, champions de tennis de table made in France

  • Les retombées des Jeux

Les hôteliers font flamber leurs tarifs, les contrôles vont s’intensifier

Les JO mobiliseront 181 000 emplois, mais encore faut-il arriver à les pourvoir

  • La Seine-Saint-Denis et les Jeux

La Seine-Saint-Denis, au cœur du marathon paralympique et du paracyclisme

« Je sens que je vais voir beaucoup de choses que je n’ai jamais vues, même depuis la rue »

  • Les enquêtes judiciaires en cours

Jeux d’hiver 2030 et 2034 : un cadre de Paris 2024 visé par une plainte

A un an des JO, le spectre des affaires plane sur Paris 2024

  • Le relais de la flamme olympique

Sur fond de tensions sociales, le parcours parisien du relais de la flamme dévoilé

  • Les enjeux environnementaux

Les taxis volants des JO jugés trop bruyants et trop gourmands par l’Autorité environnementale

Le difficile pari de JO « écolos »

  • Les enjeux sociétaux que les Jeux mettent en exergue

« A l’heure des Jeux, la politique publique en faveur du sport ne serait-elle qu’affaire de slogans ? »

Sport à l’école : le ministère de l’éducation nationale veut « y voir plus clair » sur la mise en œuvre des trente minutes par jour

Le sport à l’école cherche encore la bonne formule

  • Les enjeux pour Paris

Les JO de Paris 2024 accélèrent la transformation du Nord-Est parisien

  • Les Jeux, ce n’est pas seulement Paris et la Seine-Saint-Denis

Mathieu Hanotin et Arnaud Robinet : « Le sport est un catalyseur de la cohésion sociale »

Les collectivités en quête d’une part de l’« effet JO » avec les centres de préparation aux Jeux

Emploi des seniors : « Se cantonner à une diminution de la durée d’indemnisation de l’assurance-chômage passerait à côté d’une très grande partie du problème »

Depuis les premières préretraites des années 1970, le monde du travail a internalisé que « passé 50 ans, surtout quand on est une femme, on n’a plus tout à fait sa place dans l’entreprise ». Le serpent de mer de l’emploi des seniors est un immense gâchis humain et économique. La nation exclut. Elle se prive d’expériences, de savoir-faire, comme de forces productives et contributives.

Le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, a eu le mérite de remettre le sujet au cœur du débat en évoquant la diminution de la durée d’indemnisation des seniors par l’assurance-chômage. Mais se cantonner à cette mesure passerait à côté d’une très grande partie du problème. On peut saluer qu’il ait ensuite proposé de s’attaquer au « cas français » par un plan global, bien plus juste et pertinent.

Car, non, la sortie précoce des seniors du monde du travail n’est pas une fatalité – pas plus que le chômage de masse. C’est, au contraire, un défi que nous pouvons relever, à l’image de la Finlande il y a vingt ans. Mais, oui, il y a bien des spécificités françaises au problème, et nous partons de loin.

Selon l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), si notre taux d’activité des 30-50 ans est relativement satisfaisant, il chute de manière beaucoup plus précoce que celui des mieux-disants européens – vers 53 ans au lieu de 60 ans. Résultat : 35 % de taux d’activité des 60-64 ans en France contre 60 à 70 % pour les Pays-Bas, l’Allemagne et les pays scandinaves. Ce différentiel explique une grande partie de notre écart de produit intérieur brut par habitant de 15 % avec ces pays. L’enjeu est immense.

« Ni en emploi ni à la retraite »

Cette particularité résulte en partie de mécanismes publics. Certes, nous partons plus tôt à la retraite que nos voisins européens. Mais cette réalité n’explique pas tout. Notre dispositif d’indemnisation chômage spécifique aux seniors commence plus tôt – 53 ans contre 58 ans en Finlande – et dure plus longtemps.

Notre assurance-chômage n’incite pas à la reprise d’emploi en fin de carrière, et ce d’autant que les entreprises articulent leurs politiques de rupture conventionnelle en fonction des paramètres publics. Par ailleurs, la France est, avec le Portugal, le pays qui taxe le plus le retour à l’emploi d’un senior par rapport aux revenus d’inactivité – 85 %, une fois prise en compte la disparition d’aides avec la reprise d’emploi pour un salaire médian, contre 50 % en moyenne dans l’Union européenne, selon l’OCDE.

D’autres freins sont à l’œuvre. Comme le montrent les enquêtes Eurofound, la France reste relativement mal classée en Europe en matière de conditions de travail, pour lesquelles la situation des seniors agit de fait comme un miroir grossissant. Dans un pays survalorisant le diplôme, la formation professionnelle ne concerne que 60 % des salariés de 25-44 ans et seulement 35 % des plus de 55 ans.

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La double peine des salariés atteints de maladie chronique

Carnet de bureau. Maladies cardio-vasculaires, diabète, cancer, asthme, VIH, dépression… Les maladies chroniques, en constante augmentation, toucheront 25 % de la population active en 2025, contre 15 % en 2019, selon l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (Anact).

Ce sont des situations que les manageurs ne peuvent pas considérer comme une parenthèse dans la vie des salariés, comme on le ferait pour une grippe ou une jambe cassée. Les entreprises vont devoir « faire avec » et « faire avec » longtemps, car la caractéristique première de toutes ces affections est d’être durable. L’acceptabilité des situations particulières par le collectif de travail est donc essentielle.

Or, le 16e baromètre Organisation internationale du travail (OIT)-Défenseur des droits sur la perception des discriminations dans l’emploi, réalisé au printemps auprès de 3 000 personnes et publié jeudi 14 décembre, alerte sur l’ampleur des attitudes hostiles à l’encontre des malades chroniques : « 43 % des actifs atteints (…) déclarent avoir vécu au moins une situation de discrimination ou de harcèlement discriminatoire, tous critères confondus, dans le cadre de sa recherche d’emploi ou de sa carrière », indique le baromètre.

Lire aussi la chronique : Article réservé à nos abonnés Un salarié sur deux a été en arrêt maladie en 2022

Visible ou invisible, l’affection durable dérange. « Le fait d’avoir une maladie chronique visible ou ayant des répercussions dans les activités quotidiennes surexpose à la discrimination », pointe le document. « On m’a interdit de former, sous prétexte de me protéger, alors que je suis formateur, et on m’a interdit de manager (le stagiaire, l’alternant) au motif que je suis un malade reconnu par le médecin du travail, alors que j’ai toujours managé », témoigne un malade cité dans le baromètre.

Propos stigmatisants

Mais l’apparition de ce type d’affection peut aussi susciter « l’incompréhension de l’entourage personnel ou professionnel, du fait de l’invisibilité ou de la non-permanence de la plupart des symptômes ». L’enjeu est de taille : 80 % des maladies chroniques sont invisibles.

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Certains contextes sont plus propices que d’autres à la discrimination. Le retour d’arrêt maladie ou la demande d’aménagement de poste sont ainsi autant d’occasions de subir des propos stigmatisants ou des comportements hostiles. Le baromètre cite plusieurs témoignages édifiants, dont celui-ci : « A la fin de mon arrêt maladie, on m’a demandé par mail d’enchaîner avec mes congés sans reprendre (ce qui est illégal et une cause de licenciement) ». Le harcèlement moral n’est pas loin. Les salariés malades chroniques y sont surexposés : 55 % déclarent en avoir été victimes, contre 35 % pour le reste de la population active.

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Prix du livre d’économie : avec l’intelligence artificielle, près d’un Français sur deux craint pour son emploi

Un portefeuille garni et une santé de fer, cela ne suffit pas au bonheur, mais c’est une obsession de tous les jours. Surtout au sortir de deux années de valse folle des étiquettes comme on n’en avait jamais connu depuis les années 1980. « Au sortir » ? Ce n’est pas certain. La hausse des prix est certes revenue globalement à des niveaux bien plus supportables – après avoir dépassé les 10 % en octobre 2022, l’inflation est revenue à 2,4 % dans la zone euro et à 3,4 % en France, en novembre. Mais le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, a beau assurer « l’inflation est vaincue, c’est un vrai succès économique », ce n’est pas tout à fait le sentiment des Français.

Selon le dernier sondage Ipsos, réalisé à l’occasion de la remise du Prix du livre d’économie mercredi 13 décembre à Bercy, une bonne majorité des personnes interrogées (60 %) estiment que la situation va encore se dégrader en 2024. Seul un tiers voit une amélioration sur front de l’inflation à l’horizon de 2024, ce qui est pourtant la prévision de la plupart des économistes et du gouvernement. Les consommateurs comprennent qu’au mieux la hausse pourrait s’arrêter, mais qu’ils ne reviendront pas à la situation antérieure. Ils actent une perte nette de leur pouvoir d’achat que les hausses de salaires ne compensent pas complètement. Pas étonnant, donc, qu’ils placent tout en haut de leurs préoccupations la question de l’inflation et de ses conséquences sur le porte-monnaie.

« Cela témoigne d’un pessimisme massif qui traverse toute la population », explique Mathieu Gallard, directeur affaires publiques d’Ipsos et auteur de l’enquête. Ils rejoignent finalement la prudence affichée par les banques centrales, qui persistent à maintenir leurs taux d’intérêt à des niveaux au plus haut en dépit des premiers signes de retournement de la conjoncture.

Clivage générationnel

Ce coup de sonde dans l’opinion, réalisé début décembre, a le mérite d’éclairer la hiérarchie des priorités des Français. Juste derrière le pouvoir d’achat, cité à près de 45 %, se trouve l’autre grande obsession depuis la crise liée au Covid-19 : la santé publique. Deux préoccupations qui transcendent les clivages partisans et qui ont toutes deux été engendrées par la crise sanitaire. L’avenir du système de santé est une préoccupation partagée de la même manière quelle que soit l’orientation politique.

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Ces deux sujets, la hausse des prix et la santé, relèguent très loin derrière des thèmes autrefois plus populaires et qui, eux, restent éminemment clivés politiquement, qu’il s’agisse des inégalités, des salaires, des impôts, des retraites ou de la dette. Ce dernier point, par exemple, est un thème classique de la droite, qui le relie à celui de la dépense publique et de la fiscalité. Il n’arrive qu’en neuvième position au classement général et n’est pratiquement pas cité à gauche. La question de la dette et des déficits reste très secondaire aux yeux des Français. « Ce qui explique pourquoi le discours autour de la fin du “quoi qu’il en coûte” passe mal dans l’opinion », assure Mathieu Gallard. Reste une troisième catégorie de questions qui ne semblent presque plus être prioritaires, en dépit de leur importance politico-économique : le chômage, les services publics, les conditions de travail. Trois domaines qui sont cependant nettement plus cités par les plus jeunes.

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La prime de partage de la valeur, un joker risqué pour les négociations salariales

La prime de partage de la valeur (PPV) était l’un des ingrédients majeurs des négociations salariales 2022-2023. Et elle figure en bonne place des discussions lors des premières négociations annuelles obligatoires (NAO) pour 2024. Elle est pourtant toute jeune, puisqu’elle a remplacé, en 2022, la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat (PEPA), créée en 2019. Les autres modes majeurs de partage de la valeur que sont la participation – obligatoire pour les entreprises de cinquante salariés et plus – et l’intéressement sont nés, eux, d’une ordonnance de 1959.

« Cette PPV était présente dans un tiers des accords 2022-2023 que nous avons analysés », confirme Claire Morel, codirectrice de Syndex, qui accompagne les syndicats d’entreprise dans leurs négociations. De son côté, la Banque de France évalue qu’elle a concerné 27 % des salariés, contre 14 % en 2022. D’un maximum de 3 000 euros (6 000 euros, en cas d’accord d’intéressement préexistant), pouvant se passer d’un accord et avec un rendement boosté par les exonérations sociales et fiscales, cette prime a beaucoup séduit.

« N’oublions pas qu’une majorité d’employeurs sont entrés dans une zone inconnue depuis 2022, rappelle Benoît Serre, vice-président de l’Association nationale des directeurs des ressources humaines. Peu d’entre eux ont vécu une période à 5 % d’inflation ou plus en tant que dirigeants. La PPV a parfois représenté une solution bienvenue dans cette circonstance. » La caractéristique d’une prime exceptionnelle est de ne pas augmenter de façon pérenne la masse salariale de l’entreprise.

Un contexte différent

Certaines entreprises ont optimisé le budget prévu avec ce dispositif, estime Marie Bouny, docteure en droit et associée du cabinet de conseil Sia Partners. « Avec une même enveloppe, la distribution d’une PPV en début de période et l’application en cours d’année des augmentations de salaire ont pu favoriser le net immédiat de certains salariés. D’autres entreprises, pour compléter la NAO, ont négocié une PPV en cours d’année, qu’il y ait ou non clause de revoyure [qui permet de rediscuter d’un accord signé en fonction de l’évolution notamment de l’inflation]. »

La « prime Macron » restera sans doute l’un des dispositifs les plus utilisés de la nouvelle loi sur le partage de la valeur, publiée le 30 novembre, et ce, même si ses exonérations seront réduites à partir de 2024. Elle apparaît comme un curseur de choix dans le délicat jeu d’équilibre des politiques salariales, complétant l’articulation entre les salaires et les autres éléments de la rémunération : participation, intéressement, voire des avantages sociaux de plus en plus intégrés dans les négociations (transports, mutuelle, restauration…).

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Comment les entreprises tentent de concilier flexibilité et équilibre vie professionnelle-vie personnelle

Comment les entreprises peuvent-elles garantir l’équilibre entre la vie professionnelle et la vie personnelle de leurs salariés, une demande grandissante depuis la pandémie de Covid-19 et la démocratisation du télétravail ? Une dizaine de DRH ont échangé sur ce sujet, mardi 5 décembre, lors des rencontres RH, rendez-vous mensuel de l’actualité RH organisé par Le Monde en partenariat avec ManpowerGroup Talent Solutions et Malakoff Humanis.

Ergonome et codirectrice du Laboratoire interdisciplinaire pour la sociologie économique (LISE), Corinne Gaudart a ouvert les débats en interrogeant la pertinence de l’expression. « Pourquoi ne pas parler de “temps d’emploi” et de “temps hors emploi” ? L’usage de ces deux “vies” ne nous empêche-t-il pas de penser les relations entre les deux ? Il y a des perméabilités permanentes. »

La chercheuse considère que cette perméabilité des temps est surtout négative : ce sont, par exemple, « les risques de désynchronisation, avec des projets aux rythmes et durées extrêmement variables, qui peuvent déborder sur la sphère privée », ou « la flexibilisation du temps de travail, avec des couples biactifs qui ont du mal à faire famille ».

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Les liens entre emploi et vie privée sont aussi illustrés par la valorisation de certaines compétences comportementales (bienveillance, souci de l’autre) dans un but de performance professionnelle, ou des outils professionnels importés dans notre vie privée, pour rationaliser notre temps. « Il y a des formes de perméabilité positive : chaque domaine devient une ressource pour l’autre », complète-t-elle.

Risques psychosociaux

Cette porosité est désormais admise par les DRH. Elle passe d’abord par une plus grande tolérance vis-à-vis des salariés qui ont des urgences personnelles (maladies, enfants) sur leur temps de travail. « Cette notion est plus instruite qu’avant. Nous sommes dans un monde qui tisse des relations personnelles et professionnelles en permanence, et les entreprises ont un rôle à jouer », considère Olivier Ruthardt, directeur général adjoint chargé des ressources humaines chez Malakoff Humanis. « Aller vers un équilibre, c’est passer par une prise de conscience que les collaborateurs ont des contraintes personnelles et qu’elles se manifestent pendant leur temps de travail », renchérit Allyson Fagart, directrice relations sociales et diversité chez Nexity.

Chez Kingfisher (magasins Castorama, Brico Dépôt), des accords ont été signés pour concilier les deux « temps », alors même que la majorité des salariés n’ont pas accès au télétravail. « Il y a un rééquilibrage, où on voit les besoins liés à la vie personnelle s’exprimer fortement. Nous devons proposer des solutions pour permettre aux salariés de mieux supporter les contraintes qui sont les leurs, avec un accompagnement psychologique en cas de besoin », juge le DRH Gino Balderacchi.

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Dans le sillage de Safran, le Maroc s’invite dans la cour des grands de l’aéronautique

Un moteur d’avion à l’Institut des métiers de l’aéronautique de Casablanca (Maroc), le 23 février 2021.

Safran poursuit l’extension de son empreinte internationale. Après la présence historique de plusieurs de ses marques en Malaisie et à Singapour, après l’implantation de dix-huit sites au Mexique, c’est au tour du Maroc d’être l’objet de toutes les attentions du motoriste. « Le Maroc est un élément stratégique pour le groupe Safran », a reconnu, mercredi 6 décembre, Olivier Andriès, directeur général de Safran, à l’occasion d’un déplacement à Casablanca pour signer « un accord-cadre » de développement des activités aéronautiques avec le royaume chérifien.

Avec Airbus, le motoriste donne le la à 142 entreprises et 20 000 salariés implantés principalement à Casablanca mais aussi à Rabat. De l’autre côté de la Méditerrannée, Safran se veut une locomotive pour « développer autour de lui, au Maroc, un écosystème de PME-PMI à l’exemple de Figeac Aero ». En octobre, l’équipementier pour l’aéronautique, installé dans le Lot, a signé un accord de 30 millions d’euros pour la fourniture de pièces métalliques à Safran.

Pour le patron du motoriste, le Maroc présente l’avantage « d’une proximité géographique avec la France, une efficacité opérationnelle et économique, et les coûts y sont plus faibles » qu’en France, les salaires mensuels moyens des techniciens ne dépassent pas les 460 euros. En pratique, à chacune des implantations du motoriste est dévolue une aire géographique. La Malaisie et Singapour fournissent l’Asie en pièces et en moteurs, le Mexique est chargé de l’Amérique tandis que le Maroc a l’Europe en ligne de mire.

Il n’est pas question d’« usines tournevis ». Maria El Filali, directrice générale du Groupement des industries marocaines aéronautiques et spatiales (Gimas), refuse « les délocalisations et veut du développement ». Elle rappelle que « l’Etat marocain a conditionné ses aides à la mise en œuvre de programmes d’avenir ». Son mot d’ordre est « intégration », c’est-à-dire la réalisation de A à Z d’éléments d’un avion. L’implantation de Safran Nacelles, la division qui fabrique l’ensemble support et capot des moteurs, dans une usine à la périphérie de Casablanca, répond à cette demande. Mais, paradoxalement, le site de production est né, en 2005, de la volonté d’Airbus de réinternaliser certaines activités, dont la fabrication des nacelles. A l’époque, l’avionneur trouvait que ses fournisseurs gagnaient trop d’argent à son détriment. Refusant de perdre une production, un chiffre d’affaires mais aussi un savoir-faire, Safran a proposé de les fabriquer à moindre coût à Casablanca.

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« Que sait-on du travail ? » : le verdissement des emplois, conditionné à des mutations du travail

Quatorze et demi pour cent : c’est la part des métiers verts et « verdissants » dans le total des emplois en France, en 2018, selon le service des données et études statistiques du ministère de la transition écologique. C’est 1,2 % de plus qu’il y a dix ans.

Les métiers verts sont ceux dont la finalité ou les compétences visent à mesurer, prévenir ou corriger les impacts négatifs et dommages sur l’environnement. Ils ne concernent que cent quarante mille emplois, contre 3,8 millions pour les emplois dits « verdissants » : ces derniers ont en commun d’intégrer de nouvelles compétences pour prendre la dimension environnementale dans les gestes du métier. Les chiffres augmentent doucement, preuve que l’« écologisation » du travail prend du temps, et nécessite parfois un changement de culture dans certains secteurs.

Dans leur contribution au projet de médiation scientifique « Que sait-on du travail ? » du Laboratoire interdisciplinaire d’évaluation des politiques publiques (Liepp), diffusé en collaboration avec les Presses de Sciences Po sur la chaîne emploi du site Lemonde.fr., l’économiste du travail Nathalie Moncel et la sociologue et anthropologue du travail Liza Baghioni, toutes deux membres du Département travail emploi professionnalisation (DTEP) du Centre d’études et de recherches sur les qualifications (Céreq), dénombrent les politiques publiques et instances cherchant à anticiper et mesurer les effets de la transition écologique sur l’emploi.

Elles arrivent à la conclusion que les différentes nomenclatures – métiers verts, « éco-activités »… – ne sont pas satisfaisantes, puisqu’elles prennent en compte tous les effectifs d’une catégorie sans se pencher sur la finalité environnementale effective de chacun des métiers.

Absence de bouleversements

Les estimations chiffrées convergent tout de même sur un point : même à moyen terme, la transition écologique n’entraînera pas de bouleversements sur le marché du travail. A l’horizon 2030, seuls 200 000 à 500 000 emplois supplémentaires verront le jour, selon les scénarios. Quelques secteurs demeurent massivement concernés, comme le bâtiment, qui verra 100 000 à 200 000 nouveaux emplois, tandis que les transports et les industries carbonées auront tendance à perdre en effectifs.

Les chercheuses s’intéressent aux transformations observées dans les métiers et les activités, et à la nécessité du transfert de compétences entre elles. Il s’agit davantage d’une hybridation de qualifications existantes que de l’apparition de nouveaux métiers. Dès lors, « ce sont les dispositifs de formation et d’accompagnement des transitions professionnelles qui sont mis en première ligne pour assurer une transition écologique juste et efficace », écrivent-elles.

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« Le travail au temps de la transition écologique »

[Les entreprises se préparent-elles suffisamment à l’évolution de leurs métiers ? Liza Baghioni est sociologue et anthropologue du travail au Département Travail Emploi Professionnalisation (DTEP) au Centre d’études et de recherches sur les qualifications (Céreq). Ses recherches portent sur la précarité de l’emploi, la pluriactivité, l’accompagnement des actifs, la « transition écologique » (en tant qu’objet des politiques publiques) et les transformations du travail. Nathalie Moncel est économiste du travail, responsable du Département Travail Emploi Professionnalisation (DTEP) au Centre d’études et de recherches sur les qualifications (Céreq). Ses recherches portent sur les transformations des systèmes de formation et d’emploi, les mutations du travail et les trajectoires d’insertion des jeunes. Elles ont copublié en 2022 « La transition écologique au travail : emploi et formation face au défi environnemental », Céreq BREF, n° 423.]

Face à l’urgence climatique, la « transition écologique » tient le haut de l’affiche des politiques publiques et s’inscrit dans un renouvellement de la planification, avec la mise en place en juillet 2022, auprès des services de la première ministre, d’un secrétariat général à la planification écologique (SGPE), sous la bannière « France Nation verte », qui vise une « mobilisation collective pour réaliser ensemble une transition écologique juste et efficace ».

Au sein de cette organisation du processus de transition écologique, quelle est la place faite au travail ? Dans cet article, nous resituons d’abord les effets sur l’emploi tels qu’ils sont d’une part mesurés, et d’autre part anticipés, puis les transformations observées dans les métiers et les activités, et enfin les conditions d’une « écologisation » du travail visant une intégration systémique et systématique des préoccupations environnementales. La nécessité d’engager les pays dans une transition énergétique et écologique fait désormais consensus et s’inscrit à l’agenda des politiques publiques d’emploi et de formation.

En France, la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte de 2015, portant la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) qui, par décret, fixe les objectifs de réduction de consommation d’énergie et de développement d’énergies renouvelables, a marqué un tournant en ce sens, notamment en associant à cette programmation un ensemble de plans et schémas nationaux dont le Plan de Programmation des Emplois et des Compétences (PPEC).

En février 2019, est publié le rapport Parisot de préfiguration de ce PPEC, afin d’examiner « à quelles conditions les politiques d’emploi, de formation et d’évolution professionnelle pourraient être en cohérence et en synergie avec les objectifs fixés par la transition énergétique et écologique » (page 6). Dans cette perspective, le rapport élargit la problématique d’une transition vue à l’aune des éco-activités et des métiers verts à une transformation globale de tous les métiers.

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