Archive dans 2023

Dans le secteur de la coiffure, le modèle du « salon » remis en question

Les coiffeurs freelance David Vincent Marotta (au premier plan) et Charlotte Brochot (derrière le miroir), à l’espace de « coworking » La Fabrica, à Paris, le 17 août 2023.

« Je voulais avoir la liberté d’exécuter mon métier sans contraintes. Aujourd’hui, je peux travailler à 6 heures, à 22 heures, le dimanche. Je choisis mes clients, j’ai une vraie relation avec eux, je ne passe plus mon temps à courir. »

Après trente ans dans la coiffure, David Marotta confie qu’il n’a jamais été aussi heureux dans l’exercice de son métier. Après avoir dirigé un salon pendant dix ans, il s’est lancé en tant que free-lance en 2019 et exerce à La Fabrica, dans le 9e arrondissement de Paris.

Ici, tout ressemble à un salon de coiffure, sauf qu’il n’y a ni patron ni salariés : La Fabrica est un lieu où une quarantaine de coiffeurs microentrepreneurs louent des sièges à l’heure (pour 15 euros), la journée ou le mois, pour recevoir leurs clients. Impossible, donc, de se faire couper les cheveux à l’improviste, puisque la réservation est obligatoire. Impossible, aussi, de distinguer qui est client et qui est coiffeur, dans l’espace où tous peuvent se détendre autour d’un verre en attendant leur rendez-vous.

« Un état d’esprit »

Ce lieu est un « coworking » de coiffeurs, selon leurs fondateurs, Julien Dauger et Nicolas Auber, ingénieurs de formation. Le modèle, inspiré des Etats-Unis, émerge dans plusieurs métropoles. Chaque artisan y a sa spécialité : cheveux bouclés, extensions, couleur… L’un d’entre eux ne propose même que des coupes mulet. « On n’est pas concurrents, on est complémentaires, témoigne David Marotta. J’envoie certains clients à d’autres, on s’échange des conseils, c’est un état d’esprit. »

Deuxième secteur de l’artisanat en France, la coiffure est en pleine réinvention. Selon le cabinet Altares, 602 salons ont été déclarés en faillite au premier semestre, soit une hausse de 49 % par rapport à la même période de 2022, et de 181 % par rapport à 2021. Cette fragilité s’explique par l’inflation, car elle a aussi bien fait exploser les charges des commerces (eau, électricité, produits) qu’elle a réduit le pouvoir d’achat des clients, qui espacent un peu plus leurs passages sous les ciseaux. La pandémie de Covid-19 est aussi passée par là : près de 20 000 salons doivent aujourd’hui rembourser leur prêt garanti par l’Etat.

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Mais l’inflation accélère un mouvement à l’œuvre depuis plusieurs années : le secteur étant très concurrentiel, en particulier dans les grandes villes, les ouvertures et fermetures sont fréquentes. Ce sont surtout les petits salons qui peinent à survivre, d’autant que les difficultés de recrutement sont aussi à un niveau record. Selon l’enquête Besoins en main-d’œuvre 2023 de Pôle emploi, 77,4 % des recrutements de coiffeurs et esthéticiens sont jugés difficiles, contre 61 % pour l’ensemble des métiers.

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Assistante maternelle ou nounou à domicile : le coût de la garde d’enfant, par département

Combien coûte la garde d’un jeune enfant ? Les parents cherchant à se faire une idée doivent s’attendre à de longues soirées de recherches sur Internet…

L’affaire est complexe : il faut comparer des modes de garde individuels et collectifs aux logiques et aux prix très différents, prendre en compte les aides financières, les crédits d’impôt, les cotisations sociales, etc. Le tout variant selon les modes de garde, mais aussi en fonction de la situation de la famille (revenus, composition, etc.) et de l’endroit où elle vit.

Un baromètre annuel peut donner des repères, celui de l’Observatoire de l’emploi à domicile ; il liste les coûts moyens par département pour les parents employeurs. L’édition 2023 est parue le 12 juillet.

Salaire horaire net moyen de l’assistant(e) maternel(le) au dernier trimestre 2022 : 3,78 euros par enfant accueilli, indique le baromètre – un chiffre en hausse de 2,4 % sur un an. « Il varie toutefois beaucoup selon les localisations, de 3,20 euros dans l’Orne ou la Sarthe à 4,70 euros à La Réunion, soit un écart de 47 % », précise Zied Chaker, chargé d’études et d’évaluation des politiques publiques de cet observatoire, qui dépend de la Fédération des particuliers employeurs de France (Fepem).

Outre La Réunion, les départements les plus chers sont la Haute-Corse (4,60 euros), la Corse-du-Sud (4,50 euros), les Alpes-Maritimes, les Bouches-du-Rhône, le Var, les Hauts-de-Seine et la Guyane (4,40 euros).

Ces moyennes se basent sur les données salariales transmises par l’Urssaf. Les plus fortes hausses sur un an ont été constatées en Guyane, à La Réunion et dans la Sarthe (+ 4,5 %), les plus faibles en Haute-Loire (0 %) et dans les Alpes-de-Haute-Provence (+ 0,2 %).

« Les écarts s’expliquent par le jeu de l’offre et de la demande, et on commence dans certains départements, notamment en outre-mer, dans le Sud et dans l’Ouest, à constater un début de pénurie d’assistantes maternelles, surtout dû aux départs à la retraite », analyse Marie-Béatrice Levaux, présidente de la Fepem.

Crédit d’impôt en hausse

Le salaire horaire net moyen de la garde à domicile se situe, quant à lui, à 10,07 euros, en hausse de 4,2 % sur un an. La Creuse affiche la plus basse moyenne, 9,10 euros, l’Ain la plus haute, 10,60 euros. Les plus fortes hausses sont intervenues dans l’Eure (+ 7,1 %), la Sarthe (7,2 %) et la Haute-Marne (7,6 %). La garde à domicile, encore appelée « nounou à domicile », travaille chez les parents, alors que l’assistant(e) maternel(le) exerce à son propre domicile.

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« La croissance de l’emploi est maximale pour une répartition de deux tiers pour les salaires et d’un tiers pour les profits »

En 1817, l’économiste anglais David Ricardo (1772-1823) avait considéré que la répartition des revenus entre profits et salaires était le principal problème de l’économie politique. En réalité, Ricardo fut très marqué par Adam Smith (1723-1790) qui, dès 1776, a fait le constat que les Hollandais avaient de meilleurs salaires que les Anglais, alors que les profits de leurs entreprises étaient plus faibles ! De nos jours, on dirait que les profits ne ruissellent pas sur l’économie et qu’une répartition des revenus favorable aux salariés peut stimuler la croissance économique.

Ainsi, ces deux économistes, les pères du libéralisme économique, avaient des questionnements sur le partage salaire-profit que leurs successeurs ont oublié ! En effet, ces derniers se sont égarés pendant trop longtemps dans l’idée que les profits s’annuleraient avec la concurrence, ou qu’ils seraient illégitimes, ou enfin qu’ils dépendraient des rapports de force entre les classes sociales.

Deux cent six ans après, nous sommes convaincus de la nécessité de relever le défi de Ricardo et de comprendre les « lois » de la répartition des revenus dans les économies capitalistes contemporaines. C’est la première conclusion que nous tirons de l’observation des performances des économies avancées depuis plusieurs décennies.

L’économie américaine l’illustre de manière exemplaire. De 1875 à 2000, pendant une exceptionnelle période de prospérité, en tendance, la part du profit dans le revenu sur le long terme connaît une moyenne proche d’un tiers. Par exemple, elle est de 34,3 % de 1961 à 2000, associée à une croissance forte et régulière, en moyenne annuelle de 3,5 %. Depuis le tournant des années 2000, la part du profit n’a cessé de croître pour atteindre 39 % ces dernières années, tandis que la croissance économique était divisée par deux après la « grande récession » de 2008.

Nulle trace d’un effet de « ruissellement »

Le Japon a vu ses performances macroéconomiques se dégrader de manière continue depuis le krach boursier de 1991, avec une quasi-stagnation depuis 2008 ; là aussi, la part du profit bat tous les records et atteint jusqu’à 40 %. L’Italie, avec une part du profit d’au moins 39 % depuis les années 1990, sombre dans la dépression économique après 2008.

A l’évidence, dans les économies avancées du début du XXIe siècle, l’accroissement important de la part du profit est associé à un sévère ralentissement économique, voire à la stagnation, mais aussi au fléchissement des investissements. En définitive, on ne trouve nulle part trace d’un supposé effet de « ruissellement » sur les économies !

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Daniel Kretinsky, nouveau poids lourd de l’emploi en France

De quelques centaines à plusieurs dizaines de milliers de salariés. Dans quelques semaines, une fois définitivement signés les projets d’acquisition du distributeur Casino, de l’éditeur Editis et de TechFoundations, la division infogérance d’Atos, Daniel Kretinsky s’imposera comme l’un des premiers employeurs de France. Pas loin de 80 000 personnes auront l’homme d’affaires tchèque comme propriétaire à 100 % ou comme premier actionnaire.

Les médias (M. Kretinsky est actionnaire indirect du Monde), secteur dans lequel la première acquisition remonte à 2018 avec l’hebdomadaire Marianne, puis l’achat, en 2019, des activités françaises de l’énergéticien allemand Uniper, lui ont ouvert les portes de l’Hexagone, mais ces métiers n’emploient respectivement que 700 et 400 personnes.

Lire aussi le décryptage : Article réservé à nos abonnés Les défis de Daniel Kretinsky, nouveau maître de Casino

Rien à voir avec les 50 000 salariés de Casino en France. A eux seuls, les effectifs français du distributeur représentent précisément le double de ceux d’EPH, le groupe d’énergie de l’homme d’affaires tchèque, celui qui a fait sa fortune dans les centrales à charbon et qui lui permet d’enchaîner les acquisitions un peu partout en Europe. A ces 50 000 employés chez Casino, il faut ajouter les 19 000 du distributeur Fnac-Darty, dont M. Kretinsky détient 25 % du capital, les 6 000 informaticiens de TechFoundations et les 2 500 collaborateurs d’Editis.

Un argument de poids

Cette nouvelle responsabilité sociale en France engage autrement plus le milliardaire tchèque que s’il était resté cantonné aux médias et à l’énergie. Denis Olivennes, qui conseille M. Kretinsky dans la presse et l’édition, aime présenter son patron comme un bâtisseur et non comme un spéculateur. Pour emporter Casino, M. Kretinsky, associé pour l’occasion à Fimalac, la holding de Marc Ladreit de Lacharrière, et au fonds britannique Attestor, savait bien qu’il devait montrer patte blanche sur le volet social pour rassurer le ministère de l’économie et la mairie de Saint-Etienne, berceau du distributeur.

« Il n’est pas question que le siège historique du groupe soit menacé par la reprise, quel que soit le repreneur qui sera choisi », avait lancé le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, devant les députés le 11 juillet, alors que Xavier Niel (actionnaire à titre individuel du Monde), Matthieu Pigasse et Moez-Alexandre Zouari étaient eux aussi en course pour s’emparer de Casino. Message entendu : MM. Kretinsky et Ladreit de Lacharrière se sont engagés dans l’accord signé le 27 juillet à maintenir l’emploi en France, à préserver le siège stéphanois, qui compte 1 500 personnes, et à garder le plus possible d’hypermarchés et de supermarchés.

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Clap de fin pour la librairie française de Jérusalem

La librairie française de Jérusalem Vice Versa a mis la clé sous la porte jeudi 27 juillet, alors qu’elle aurait dû fêter ses 23 ans quelques jours plus tard. Sa directrice, Nathalie Hirschsprung, qui avait repris ce magasin en 2019, était confrontée à une érosion des ventes depuis deux ans. « J’ai perdu, au cours de cette période, la moitié de mes clients en raison de la concurrence de Lireka. » Cette librairie en ligne vise les deux millions d’expatriés français dans le monde et tous les francophones en proposant des tarifs attractifs, inférieurs à ceux d’Amazon pour des délais de livraison équivalents.

Malgré 71 400 euros d’aides versées par le Centre national du livre (CNL) depuis 2019, Nathalie Hirschsprung accuse aussi « l’absence de commandes » significatives « des institutions françaises en Israël ». Aucune législation ne protégeant les locataires, elle risque, dit-elle, si son propriétaire n’est pas arrangeant, de « devoir payer le loyer jusqu’à la fin du bail, en décembre 2024 », malgré sa faillite.

Marc Bordier, cofondateur de Lireka, trouve « un peu facile de désigner [sa start-up] comme bouc émissaire, d’autant plus qu’il existe de nombreux autres facteurs, la hausse des loyers, des charges de personnel ou du tarif de l’énergie… qui fragilisent toutes les librairies ». Présente en Israël depuis deux ans, son entreprise y « envoie des commandes de livres, avec un panier minimum de 50 euros, et inclut dans ses tarifs le prix du transport par Fedex et de la TVA locale à 17 % », explique-t-il.

Lireka est adossée à la librairie grenobloise Arthaud, et Marc Bordier sait « à quel point le modèle de la librairie indépendante peut être fragile et la concurrence difficile ». Israël est devenu son quatrième marché, après les Etats-Unis, en tête, puis le Canada et la France. « Nos ventes ont progressé en Israël, mais pas plus qu’ailleurs », dit-il.

Un audit sur les librairies françaises

Le ministère de la culture va lancer à l’automne une étude mondiale sur la situation économique de ces librairies françaises de l’étranger (LFE), ce qui permettra, précise le CNL, « de mesurer l’impact de Lireka sur leur clientèle ».

Considérées comme l’emblème de la francophonie, de l’exception française ou encore comme la vitrine de l’édition hexagonale, ces LFE souffrent de maux toujours plus violents : délais de livraison trop longs , prix de vente plus élevés qu’en France, explosion des coûts des transports et concurrence sévère des plates-formes numériques comme Amazon et Lireka.

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Près de Bordeaux, cinq ouvriers « dans un état grave » après la chute d’une nacelle

Cinq ouvriers du port autonome de Bordeaux sont « dans un état grave » après la chute d’une nacelle de chantier vendredi 4 août, a appris l’Agence France-Presse auprès de la préfecture et des pompiers de Gironde. Selon ces derniers, qui sont intervenus vers 10 heures, ces cinq hommes âgés de 21 à 40 ans ont été hospitalisés en « urgence absolue » au CHU de Bordeaux, dont un évacué par hélicoptère. Les victimes « ont été transportées dans un état grave », a confirmé la préfecture.

Selon le journal Sud Ouest, la nacelle se situait à une dizaine de mètres au-dessus du sol quand elle aurait basculé. L’accident est survenu sur les quais de Bassens, au nord de Bordeaux. Le ministre des transports, Clément Beaune, a adressé sur X (anciennement Twitter) « toutes [ses] pensées aux ouvriers blessés, dont certains grièvement, ainsi qu’à leurs collègues et leurs proches ». Une enquête a été ouverte.

Le Monde avec AFP

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Assurance-chômage : le gouvernement impose un cadre strict pour les négociations

La première ministre française Elisabeth Borne avant une réunion avec les syndicats et le patronat à Matignon, à Paris, le 12 juillet 2023.

Les syndicats et le patronat reprennent la main, mais avec une liberté de mouvement très réduite. Mardi 1er août, Matignon leur a envoyé un « document de cadrage » pour baliser la négociation qu’ils vont engager, en principe, au sujet du régime de l’assurance-chômage. Qualifiée de « peu prescriptive » par le ministère du travail, cette feuille de route oriente, en réalité, les discussions dans un sens extrêmement précis : non seulement il n’est pas question de revenir sur les acquis des réformes décidées depuis 2019, mais les partenaires sociaux devront, de surcroît, faire un effort supplémentaire pour financer les politiques en faveur de l’emploi et de la formation. Des injonctions qui déplaisent aux organisations de salariés, à tel point que certaines d’entre elles se demandent si elles participeront aux pourparlers.

Avec le cahier des charges qui leur a été transmis mardi, les représentants des travailleurs et des chefs d’entreprise retrouvent un rôle dont ils avaient été dépossédés sous le premier quinquennat d’Emmanuel Macron. Normalement, ce sont eux qui fixent les conditions d’indemnisation des demandeurs d’emploi, sous réserve de parvenir à un accord et en se conformant à une lettre de cadrage rédigée par le pouvoir en place. Mais, n’ayant pu s’entendre en 2019, ils se sont effacés au profit de l’Etat, qui a modifié le système à travers une série de décrets publiés au cours des quatre dernières années.

Ces dispositions ont été synonymes de potion amère pour les chômeurs : période de cotisation plus longue pour pouvoir accéder au régime, changement du calcul de l’allocation entraînant une baisse du montant mensuel versé aux personnes ayant accumulé des contrats courts, dégressivité de la prestation pour ceux dont le salaire dépassait 4 850 euros par mois quand ils étaient en activité… Les dernières mesures, prises en janvier, vont réduire la durée d’indemnisation, selon le principe de « contracyclicité », qui offre un traitement favorable aux demandeurs d’emploi quand le marché du travail se porte mal – et moins généreux lorsque les entreprises embauchent à tour de bras.

Toutes ces normes cessant de s’appliquer le 31 décembre, il faut définir celles qui prévaudront après, de début 2024 à fin 2026. D’où le « document de cadrage » communiqué mardi. Les partenaires sociaux redeviennent donc les « législateurs » de l’assurance-chômage, mais avec une capacité d’initiative limitée. Ainsi, le caractère « contracyclique » du système devra être préservé. De même, Matignon exprime son attachement au mode de calcul de l’allocation actuellement en vigueur.

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Arrêts maladie : le gouvernement tente de freiner les dépenses, les médecins contestent la méthode

Un bâtiment de l’Assurance-maladie, le 16 juin 2017, à Arras, dans le nord de la France.

Y a-t-il de plus en plus d’arrêts maladie prescrits ? Bon nombre de médecins répondent par l’affirmative. Mais y en a-t-il « trop » ? La question leur semble mal posée, quand bien même elle renvoie au constat chiffré avancé, récemment encore, par l’Assurance-maladie : les dépenses d’indemnités journalières, hors Covid-19, ont bondi de 8,2 % en 2022 pour atteindre 13,5 milliards d’euros (hors maternité) ; une hausse « au-dessus de la dynamique » d’avant la pandémie, a averti l’instance dans son rapport « Charges et produits » divulgué à la fin du mois de juin et qui, comme tous les ans, fixe certaines des tendances qui se retrouveront dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale, débattu à l’Assemblée nationale à l’automne.

Cette année, peu de suspense : tailler dans les dépenses de santé, notamment en luttant contre l’augmentation des arrêts maladie, figure parmi les leviers d’économies identifiés pour redresser les comptes publics. Un levier – parmi d’autres – qui, selon les autorités, permettrait de réduire de 250 millions d’euros, en 2024, le déficit de l’Assurance-maladie.

Sauf que l’équation ne convainc pas les médecins libéraux, priés de lutter, à leur échelle, contre la « surprescription » des arrêts maladie : « Se contenter d’un tableau chiffré, c’est passer à côté de l’enjeu véritable », fait valoir Agnès Giannotti, présidente de MG France, premier syndicat de généralistes, en rappelant que trois années de crise sanitaire, suivies d’une relance de l’activité professionnelle ont eu un fort impact sur la santé des Français. « En demandant aux collègues supposés “trop” prescripteurs d’en faire “moins”, on veut casser le thermomètre, dit-elle, mais ça ne fera pas disparaître le mal. Si les statistiques s’emballent, c’est qu’il y a des raisons ! »

« Je n’ai pas de baguette magique »

Un discours qui résonne fort sur le terrain. « Les autorités invoquent des chiffres, des dépenses, le budget, alors que l’on parle, nous, de patients, de souffrance, de soins… On frise le dialogue de sourds », souligne le docteur D., récemment installé dans la métropole lyonnaise – il a requis l’anonymat, comme tous les médecins ayant accepté de témoigner.

Ce jeune généraliste est, depuis peu, concerné par une procédure dite de « mise sous objectif » : sa caisse primaire l’a contacté, en juin, pour lui notifier un objectif de diminution de ses prescriptions d’arrêt maladie, dont le nombre a été jugé supérieur à celui de médecins exerçant dans des conditions comparables. Un « correctif » à concrétiser sur six mois – entre septembre 2023 et février 2024 –, sauf à s’exposer à une amende. Une « douche froide », dit-il.

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Le gouvernement à l’offensive contre les arrêts de travail « de complaisance »

Voilà un thème rêvé pour communiquer à la fois sur le sérieux budgétaire et la lutte contre les fraudes. Alors que les dépenses liées aux arrêts de travail s’envolent à un rythme de plus en plus soutenu, le gouvernement cherche à contrer cette évolution, qui pèse sur les comptes de la Caisse nationale de l’assurance-maladie (CNAM). A plusieurs reprises, depuis la fin du mois de mai, les ministres représentant Bercy ont exprimé leur volonté d’agir, à travers des mesures qui, depuis, ont commencé à être mises en œuvre, tandis que d’autres sont envisagées dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale de 2024, dont l’examen au Parlement est prévu à l’automne.

Les chiffres donnent un aperçu du phénomène. En 2022, les indemnités journalières versées à des individus ayant interrompu leur activité pour une raison de santé ou du fait d’une maternité se sont accrues de 8,2 % en un an, atteignant un peu plus de 14 milliards d’euros, selon un rapport publié fin juin par la CNAM. Si l’on tient compte des coûts liés à la prise en charge des femmes et des hommes atteints par le Covid-19, la facture atteint près de 15,8 milliards d’euros (+ 13,9 % par rapport à 2021).

Comme le relève l’Assurance-maladie, cette situation n’est pas nouvelle. Elle s’inscrit dans des « tendances de fond » observées « au cours de la dernière décennie ». Mais la « dynamique » s’avère plus puissante depuis la fin de la crise sanitaire : les montants indemnisés ont progressé de 5,5 % par an en moyenne entre 2019 et 2022 contre 2,3 % de 2010 à 2019.

Lire aussi la chronique : Article réservé à nos abonnés Un salarié sur deux a été en arrêt maladie en 2022

Quelle est l’origine d’un tel emballement ? L’exécutif a beaucoup insisté sur les abus qui sont commis. « Ce qui est totalement anormal et même révoltant, c’est qu’il y a des gens (…) qui sont en arrêt maladie alors qu’ils ne sont pas malades », a déclaré Bruno Le Maire, le 20 juin sur France 2. Pour le ministre de l’économie, ces pratiques « pénalisent » les personnes qui cessent momentanément de travailler pour « de bonnes raisons » mais aussi notre système de protection sociale et « la nation tout entière ».

« Un système trop laxiste »

Auditionné le 14 juin au Sénat, alors qu’il était encore ministre délégué aux comptes publics, Gabriel Attal a, de son côté, souligné combien « il est facile de se procurer un arrêt maladie » en quelques minutes, sur les réseaux sociaux ou « par téléphone », moyennant une dizaine d’euros. Il a aussi soutenu que les congés de ce type tombent en « majorité le lundi ou le vendredi ». Sous-entendu : certains en profitent peut-être pour allonger leur week-end aux frais de la collectivité.

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