Archive dans 2023

Casino veut lancer un plan social dans les bureaux et la logistique

Une manifestation organisée par les syndicats pour soutenir l’enseigne de supermarchés Casino, en difficulté financière, et ses salariés, à Saint-Etienne, le 17 décembre.

Pas de fermeture de sièges annoncée pour le moment, mais un plan social. La direction du Groupe Casino et les représentants du trio, qui doit prendre les commandes du groupe fin février 2024 (Daniel Kretinsky, Fimalac et le fonds Attestor), ont annoncé aux syndicats, mardi 19 décembre, la mise en place d’un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) afin de redimensionner le groupe en termes d’effectifs dans les bureaux et la logistique après la cession de l’ensemble de ses hypermarchés et supermarchés.

Le Groupe Casino a en effet annoncé, lundi, être entré en négociations exclusives avec Intermarché et Auchan, afin de leur céder 313 magasins (représentant un chiffre d’affaires de 3,6 milliards d’euros en 2022, hors essence) pour un prix de 1,35 milliard d’euros. Autrement dit, le distributeur se prépare à vendre la quasi-totalité de ses hypermarchés et supermarché. Seules 13 grandes surfaces en Corse ne sont pas concernées par cette vente mais elles seraient vouées à disparaître ont appris les syndicats.

Quant aux propriétaires des 56 magasins franchisés sous bannière Casino, ils détermineront par la suite s’ils souhaitent ou non rejoindre ces enseignes dans le giron des deux concurrents. Les enseignes Monoprix, Naturalia, Franprix et l’e-commerçant CDiscount restent, elles, dans le Groupe Casino.

Appel à la grève

« Tout est vendu. Tous les hypermarchés partiront le 1er mai 2024 et tous les supermarchés le 1er juin », a déclaré Jean Pastor, délégué syndical CGT, « complètement sonné » au sortir de trois heures de réunion au cours de laquelle Casino a expliqué avoir choisi l’offre la mieux disante socialement, la meilleure en termes de prix, mais aussi la plus rationnelle en raison de ses liens noués dans l’achat de marchandises avec le duo Intermarché-Auchan.

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La direction a assuré aux représentants des salariés que les magasins de proximité (Vival, Spar, Petit Casino…), sur lesquels Carrefour avait fait par ailleurs une offre de reprise, étaient « toujours au cœur de la stratégie du consortium » et ne seraient pas vendus. Une prochaine réunion avec la direction est d’ores et déjà prévue le 4 janvier 2024 à Saint-Etienne.

Les négociations concernant le PSE devraient commencer au début du mois de janvier 2024. Ce plan social concernera « un grand nombre de salariés, peut-être autour 1 000 personnes », indique M. Pastor. Près de 1 800 personnes travaillent au siège social historique de Saint-Etienne et environ 1 000 personnes au siège de Vitry-sur-Seine, dans le Val-de-Marne (en comptant les salariés dédiés à l’enseigne Franprix). La branche logistique et ses 12 entrepôts emploient 2 300 salariés. La direction n’a pas mentionné son intention de fermer un ou plusieurs des sièges sociaux.

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StaffMe et Monoprix condamnés aux prud’hommes pour travail dissimulé

C’est un nouveau revers en justice pour une société fondant son modèle sur l’autoentrepreneuriat. Mardi 19 décembre, le conseil de prud’hommes de Paris a requalifié en contrat de travail les missions qu’a réalisées un autoentrepreneur, à l’époque sans papiers, pour le compte de l’enseigne Monoprix et par l’entremise de la plate-forme StaffMe. Les deux sociétés ont été déclarées coemployeurs de cet individu et devront lui verser des indemnités, notamment pour travail dissimulé et rupture de contrat abusive.

Cette histoire est celle d’Alain (le prénom a été modifié), un travailleur qui a immigré en France en 2018. Il s’est inscrit, à 22 ans, sur l’application StaffMe, qui lui a proposé sa première mission dans un magasin Monoprix du 15e arrondissement de Paris, le 16 mars 2020, soit la veille du confinement national. « J’étais sans papiers [ce n’est plus le cas aujourd’hui]. Je n’avais pas le choix d’accepter ou de refuser, raconte-t-il. J’ai fait de la mise en rayon. Tout s’est bien passé, alors j’ai ensuite été à la caisse, ou préparateur de commandes dans un autre Monoprix. » Durant deux mois, il est entouré de quelques salariés des magasins, mais surtout d’autres « staffeurs » autoentrepreneurs, appelés pour pallier un fort taux d’absentéisme. Les semaines sont chargées, jusqu’à soixante-dix heures de travail par semaine.

Le 15 mai, à la fin du confinement, il est subitement déconnecté de la plate-forme, au même titre que d’autres autoentrepreneurs, car « on nous a dit que nos papiers ne marchaient pas pour travailler en France. On a été utilisés, juste après on s’est fait jeter », résume-t-il. Lorsqu’il travaillait chez Monoprix, sa pièce d’identité était simplement indiquée « en cours de validation » sur l’application.

La société StaffMe, qui met en relation des entreprises et de jeunes autoentrepreneurs en quête de petits boulots, revendique 12 000 clients et 800 000 jeunes inscrits, depuis son lancement en 2016. Il s’agit de la deuxième requalification décidée contre la plate-forme, après celle d’un glacier, obtenue en janvier. « C’est le même juge départiteur qui avait rendu la décision. C’est donc une décision davantage contre la plate-forme que contre Monoprix », réagit Philippe Bouchez El Ghozi, avocat de l’enseigne.

Temps de travail et absence de protections sanitaires

Pour Kevin Mention, l’avocat d’Alain, il s’agissait de démontrer que son client était traité de la même manière qu’un salarié, sous la subordination de la direction des magasins, et qu’il n’avait pas le loisir de choisir ses horaires et conditions de travail. « Nous avons obtenu tout ce que nous souhaitions, y compris des dommages et intérêts pour irrespect des règles liées au temps de travail », précise l’avocat, qui a aussi fait valoir l’absence de protections sanitaires au début du confinement.

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L’économie va avoir « massivement » besoin de travailleurs étrangers, alerte le patronat

Le président du Medef, Patrick Martin, à Paris, le 16 octobre 2023.

Grand absent des débats autour du projet de loi sur l’immigration, le patronat a finalement pris la parole mardi 19 décembre, alors que les discussions entre le gouvernement et les oppositions s’étiraient à l’Assemblée nationale. « Ce ne sont pas les patrons qui demandent massivement de l’immigration, c’est l’économie », a expliqué Patrick Martin, président du Medef, sur Radio Classique, soulignant que « d’ici 2050, nous aurions besoin, sauf à réinventer notre modèle social, sauf à réinventer notre modèle économique, de 3,9 millions de salariés étrangers ».

Confronté à des pénuries de main-d’œuvre dans presque tous les secteurs de l’économie après la crise sanitaire, le patronat est pourtant resté silencieux ces derniers mois, au grand dam du gouvernement qui espérait un soutien des milieux économiques. Seules quelques fédérations concernées au premier chef, comme celle des hôteliers et restaurateurs, ou des services à la personne, sont montées au créneau en faveur des régularisations. Le texte, à travers son article 3, visait pourtant à répondre à ces difficultés en créant un titre de séjour pour les travailleurs immigrés exerçant dans les métiers en tension. « C’est le patronat qui a demandé qu’il y ait plus de main-d’œuvre », avançait le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, dans Le Monde, en novembre 2022, en présentant le contenu du texte.

Dans ce contexte, la sortie du président du Medef n’est évidemment pas passée inaperçue. Elle n’en reste pas moins d’une grande prudence. Patrick Martin dit regretter que le volet économique du débat sur l’immigration soit « occulté » par la question des régularisations. Et évoque plutôt le défi de long terme, à savoir le déclin démographique et le vieillissement de la population, qui vont tout à la fois assécher la population active et créer de nouveaux besoins autour du grand âge. « On ne s’est pas interrogé finalement sur ce qui est l’essentiel : aura-t-on ou non besoin de main-d’œuvre immigrée, bien sûr légale (…) à partir de 2036 ? », a ajouté Patrick Martin. « On pense qu’on aura du mal à échapper à ça, comme beaucoup d’autres pays ont fait ce choix. »

Embarras

Historiquement, le patronat a longtemps joué un rôle moteur dans la politique migratoire, rappelle l’historien du patronat et chercheur au CNRS Hervé Joly. « Jusqu’à la crise des années 1970, l’immigration était encouragée par les milieux libéraux et la droite car elle favorisait la concurrence sur le marché du travail et permettait de recruter une main-d’œuvre moins chère. Sans que cela soit toujours assumé publiquement, car les syndicats et la gauche y étaient plutôt hostiles. »

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La mutuelle, le salaire et les négociations annuelles obligatoires

Carnet de bureau. A l’heure des négociations annuelles obligatoires (NAO) sur les rémunérations, le regard des DRH a tendance à se décaler. Lorsque les directions des ressources humaines n’ont pas l’enveloppe budgétaire suffisante pour décider de revalorisations salariales significatives, soit parce que l’entreprise est en difficulté, soit parce que la stratégie du groupe fixe d’autres priorités, ou pour toute autre raison, la première piste étudiée est celle des « autres avantages salariés », comme la mutuelle. Les salariés considèrent-ils pour autant leur mutuelle comme un élément de rémunération ?

Le 15e baromètre de la prévoyance, publié mardi 19 décembre, délivre quelques éléments de réponse sur le sujet. Il a été réalisé par l’IFOP pour le Centre technique des institutions de prévoyance (CTIP) auprès d’un millier de salariés en septembre et autant d’employeurs en octobre.

La mutuelle est bien perçue comme un avantage par les salariés. Selon cette étude, 87 % des personnes interrogées estiment qu’il est important de développer des actions de prévention santé ou de prévoyance (invalidité, dépendance, décès) dans leur entreprise. « Les Français perçoivent la mutuelle comme un avantage réel, tangible, une réponse à l’enjeu prioritaire qu’est la santé. Dans le cadre de nos enquêtes qualitatives, où le pouvoir d’achat est une préoccupation majeure, les dépenses de santé ressortent fortement », remarque Frédéric Dabi, le directeur général de l’IFOP. Plus d’un salarié sur deux (54 %) n’avance pas de frais pour la plupart des dépenses de santé grâce à sa mutuelle.

Le salaire, c’est le salaire

La ressource financière que représentent ces dispositifs va au-delà du collaborateur. L’étude CTIP révèle que 43 % des salariés interrogés utilisent la complémentaire santé d’entreprise (mutuelle) pour couvrir une autre personne (conjoint, ayant droit).

De leur côté, les employeurs voient dans la mutuelle un facteur d’attractivité. Ils ont souvent augmenté les niveaux de garanties proposées. Ainsi, 46 % des dirigeants interrogés déclarent avoir un niveau de couverture qui a été négocié par l’entreprise contre 41 % deux ans auparavant. Et seuls 44 % (contre 47 % en 2021) se contentent du niveau minimum prévu par la loi. « Les employeurs perçoivent la mutuelle comme un élément de valorisation de l’entreprise », commente M. Dabi.

Mais les salariés n’assimilent pas pour autant les dispositifs de prévention santé ou de prévoyance à une rémunération. Selon l’étude CTIP, seules 16 % des personnes interrogées considèrent les garanties de prévoyance comme « un plus payé par l’entreprise ». Les deux tiers (64 %) estiment que c’est avant tout « une protection pour soi et ses proches ». C’est pour « améliorer la santé » qu’il est important de développer la prévoyance en entreprise, répondent-ils. Idem pour la complémentaire santé. « Faire passer aux salariés qu’une mutuelle est un élément de rémunération tangible paraît insurmontable », analyse M. Dabi. Le salaire, c’est le salaire.

« Les Entreprises et l’égalité femmes-hommes » : pourquoi les écarts de salaires ne baissent plus

Livre. Si l’égalité salariale entre les hommes et les femmes est, depuis des décennies, une ambition fièrement revendiquée par les gouvernements de droite comme de gauche, elle n’est pas encore entrée dans les mœurs : en 2021, le salaire moyen horaire des femmes ne représentait que 85 % de celui des hommes. Et, depuis le début des années 2010, l’écart n’a quasiment pas bougé… Cette « inertie » a conduit l’économiste Dominique Meurs, dans Les Entreprises et l’égalité femmes-hommes (Les Presses de Sciences Po, 116 pages, 9 euros), à explorer avec beaucoup de rigueur et de précision les multiples facettes de cette discrimination.

Le grand principe de l’égalité femmes-hommes – à travail égal, salaire égal – a été inscrit dans les textes dès les années 1950 : il figure dans les conventions de l’Organisation internationale du travail de 1951 et 1958, le traité européen de 1957, mais aussi dans la loi française, qui a multiplié, depuis les années 1980, les obligations imposées aux entreprises – un rapport de situation comparée en 1983 ; une proportion de 40 % de femmes dans les conseils d’administration des entreprises cotées, puis de la fonction publique en 2011 et 2013 ; un indicateur d’égalité unique assorti de sanctions en 2019.

Malgré ces efforts, l’égalité salariale semble enlisée dans un mystérieux marasme. Est-ce le fruit de l’indigence des politiques publiques ? De la mauvaise volonté des entreprises ? De la puissance des normes sociales ? Pour démêler cet immense « sac de nœuds », Dominique Meurs, professeure d’économie à l’université Paris-Nanterre, mobilise, dans un livre très documenté, des dizaines d’études internationales consacrées à l’efficacité des politiques de sanctions, à l’impact des réformes des congés parentaux ou aux résultats des stratégies de flexibilité horaire mises en place par les entreprises.

Filières de bas salaires

Ce travail approfondi lui permet de débusquer les « fausses bonnes idées » – la mixité, par exemple, des comités de recrutement –, mais aussi de montrer que certaines politiques se révèlent efficaces. L’affichage public des écarts salariaux a ainsi réduit les inégalités au Royaume-Uni, au Canada, au Danemark et en Suisse ; tout comme l’augmentation de la présence de femmes dans les conseils d’administration aux Etats-Unis. Par ailleurs, l’égalité professionnelle et le congé parental simultané des parents institué en 2012 par la Suède ont amélioré significativement la santé physique et morale des mères.

Restent, et là se situe sans doute le cœur du « sac de nœuds » méthodiquement analysé par Dominique Meurs, les normes sociales. Malgré leur belle réussite scolaire et universitaire, les femmes sont en effet surreprésentées dans les métiers mal rémunérés du service à la personne et de la vente, ainsi que dans les filières de formation littéraires, artistiques et juridiques, qui affichent souvent de bas salaires. Ces orientations « genrées » ralentissent à la fois la mixité de la vie professionnelle et l’égalité salariale, et sont difficiles à faire bouger.

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L’enseigne d’ameublement Habitat risque la liquidation judiciaire

La trésorerie d’Habitat s’est effondrée au lendemain du placement de l’enseigne en redressement judiciaire, le 30 novembre.

Le sort d’Habitat et de ses 550 salariés sera scellé avant Noël. Les administrateurs judiciaires de l’enseigne d’ameublement ont obtenu une audience au tribunal de commerce de Bobigny, mercredi 20 décembre, pour « demander la mise en liquidation judiciaire » de l’enseigne d’ameublement détenue par Thierry Le Guénic, a confirmé au Monde l’un de ses porte-parole après la révélation de cette hypothèse par le site d’actualité Mediapart, jeudi 14 décembre.

Déjà presque asséchée, la trésorerie de l’entreprise s’est effondrée au lendemain de son placement en redressement judiciaire, le 30 novembre. En effet, confronté à de multiples incidents avec les clients dont les commandes ne seront pas honorées, le personnel des vingt-cinq magasins a exercé son droit de retrait et procédé à la fermeture de l’ensemble des points de ventes exploités en propre en France (plusieurs autres points de vente opèrent sous franchise en Espagne, en Suisse et à Monaco).

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés L’enseigne d’ameublement Habitat dans la tourmente

Racheté pour 1 euro symbolique en 2020

Début décembre, sans convaincre les représentants du personnel, dont ceux de la CGT, M. Le Guénic assurait être en mesure de présenter un plan de continuation dans le cadre de la procédure de redressement judiciaire. L’homme d’affaires avait racheté l’entreprise Habitat au groupe Cafom (commerces franchisés exploités en outre-mer, sites marchands) pour 1 euro symbolique en 2020 ; sa trésorerie avait alors été renflouée à hauteur de 15 millions d’euros.

M. Le Guénic est, par ailleurs, confronté aux difficultés de Burton of London, autre enseigne reprise en 2020, qu’il prétendait redresser. Placée en procédure de sauvegarde en octobre 2022, la chaîne avait été restructurée en février, avec la fermeture de vingt-six de ses cent neuf points de vente. Ce plan de réduction de coûts n’avait pas suffi. Huit mois plus tard, elle a été placée en redressement judiciaire. Et, faute de candidat à sa reprise, le tribunal de commerce de Paris avait accepté que le dirigeant présente un plan de continuation de l’entreprise. Après prolongation de la période d’observation de l’entreprise, les juges doivent examiner ce plan le 31 janvier.

Transco, un dispositif de reconversion qui n’a pas encore trouvé son public

Une aide-soignante à la maison Les Papillons de Marcelle, à Arles (Bouches-du-Rhône), le 9 mai 2023.

C’est un premier bilan instructif sur un dispositif régulièrement mis en avant dans les discours publics depuis deux ans, Transitions collectives ou Transco, qu’a publié, jeudi 14 décembre, l’association Transitions Pro Ile-de-France (ancien Fongecif), structure chargée de la gestion des projets de reconversions des salariés, composée de représentants syndicaux et patronaux.

Transco vise à mettre en lien des entreprises qui anticipent des réductions d’effectifs (liées à une baisse d’activité, ou à leur disparition), avec d’autres qui ont, au contraire, des difficultés à recruter, l’idée étant de faire basculer des salariés grâce à un dispositif de reconversion sécurisé. Le maintien de leur rémunération et les frais de la formation sont totalement ou partiellement pris en charge par l’Etat, selon la taille de l’entreprise.

Lancé en janvier 2021, Transco a parfois été présenté comme un remède à chaud pour des structures voyant leur activité compromise par les confinements dus à la pandémie de Covid-19. Alors que le dispositif a, en fait, été pensé avant la crise sanitaire par les partenaires sociaux, sous l’impulsion du ministère du travail, comme une réponse structurelle aux mutations provoquées par la transition écologique ou l’essor du numérique.

84 bénéficiaires en Ile-de-France

Au total, en 2021 et 2022, en Ile-de-France, 84 salariés ont bénéficié de Transco (48 ont été interrogés pour l’étude). Une paille si on compare aux 5,3 millions d’actifs de la région parisienne. D’autant que 66 d’entre eux sont issus de deux grands groupes, l’un dans la grande distribution (des caissiers et caissières), l’autre dans le nettoyage (des agents d’entretien). Des secteurs très féminisés, ce qui montre le profil global des bénéficiaires : des femmes à 87 %, âgées de 35 à 54 ans pour les deux tiers, près de la moitié avec un niveau inférieur au bac.

Ces deux firmes ont engagé un partenariat avec un acteur du secteur sanitaire et médico-social manquant d’aides-soignants et avec un grand groupe de crèche privée à la recherche d’auxiliaire de puériculture. Le reste des bénéficiaires sont issus de TPE et de PME de secteurs très affectés par la crise sanitaire (commerce, tourisme, événementiel).

Finalement, 44 % des participants interrogés ont déjà intégré leur entreprise d’accueil ou une nouvelle société. Les autres sont toujours en formation (27 %) ou sont retournés dans leur structure d’origine (23 %). Mais que ce soient ces salariés, leurs représentants syndicaux, les entreprises de départ, celles d’arrivée, une très grande majorité d’entre eux se disent extrêmement satisfaits de ce dispositif « gagnant-gagnant ».

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« Que sait-on du travail ? » : l’intensification du travail, principale suspecte de la dégradation de la santé des salariés

37 % : c’est, en 2019, la part des salariés français qui jugent ne pas être capables de faire le même travail jusqu’à la retraite. Les métiers le plus souvent qualifiés d’« insoutenables » sont aussi les moins qualifiés, et les plus exposés aux risques physiques et psychosociaux, sources d’accidents du travail et de maladies professionnelles, apprend-on à la lecture des chiffres de l’enquête « Conditions de travail » du ministère du travail.

Dans sa contribution au projet de médiation scientifique « Que sait-on du travail ?  » du Laboratoire interdisciplinaire d’évaluation des politiques publiques (Liepp), diffusé en collaboration avec les Presses de Sciences Po sur la chaîne emploi du site Lemonde.fr., le sociologue Arnaud Mias interroge les causes persistantes de la dégradation de la santé des travailleurs français.

Selon le chercheur, c’est avant tout l’organisation du travail qui engendre mécaniquement des risques professionnels. Convoquant des travaux de différentes disciplines, il insiste sur l’intensification du travail depuis les années 1980-1990, qui « traduit la multiplication des contraintes pesant sur le travail ». Il pointe la juxtaposition délétère des innovations managériales à la fois industrielles et marchandes : les salariés ont des cadences à tenir et des délais stricts à respecter… mais doivent en même temps s’adapter à la clientèle et à l’imprévu. Cette contradiction est venue rogner les marges de manœuvre dont disposaient les salariés pour adapter leur travail à leur situation personnelle.

Moins de médecins et d’inspecteurs du travail

En plus d’influer négativement sur l’autonomie et le sentiment de reconnaissance, cette intensification dégrade leur santé. Malgré les politiques de prévention, les accidents du travail et les maladies professionnelles restent à un niveau élevé : en 2019, on dénombre 783 600 accidents du travail avec au moins un jour d’arrêt, dont 790 mortels, et 49 505 maladies reconnues d’origine professionnelle. Ces dernières sont même sous-déclarées : malgré leur enrichissement progressif, les tableaux indiquant les pathologies « éligibles » excluent un certain nombre de maux : « l’instrument paraît totalement inadapté aux enjeux sanitaires actuels », commente l’auteur. Seuls 300 cancers sont reconnus chaque année comme maladies professionnelles, alors que le nombre de cancers liés au travail serait au moins vingt fois supérieur.

« Tout se passe comme si notre système productif devait inéluctablement générer un contingent stable d’accidents du travail », s’étonne le chercheur. Certains profils, comme les travailleurs de la sous-traitance ou de l’intérim, sont davantage exposés aux problèmes de santé causés par le travail.

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« L’horizon fuyant de la santé au travail »

[Comment expliquer la persistance des accidents du travail et maladies professionnelles à un niveau élevé ? Arnaud Mias est professeur de sociologie à l’université Paris Dauphine-PSL et membre de l’Institut de recherche interdisciplinaire en sciences sociales (Irisso, UMR CNRS-Inrae). Il coordonne avec Laure de Verdalle le comité de rédaction de la revue Sociologie du travail. Ses recherches portent sur les politiques du travail, les relations collectives de travail, les trajectoires professionnelles et les conditions de travail. Il a récemment dirigé avec Claire Edey Gamassou l’ouvrage numérique Dé-libérer le travail. Démocratie et temporalités au cœur des enjeux de santé au travail (Teseo, 2021).]

Le mouvement de contestation de la réforme des retraites au début de l’année 2023 a rappelé l’impossible dissociation des enjeux de protection sociale et d’emploi des problématiques de travail et de conditions de travail. Il a fait ressortir ce que d’aucuns nomment une « crise du travail » en France (voir la contribution de Maeëlezig Bigi et Dominique Méda).

En parallèle, les Assises du travail, dont le « Rapport des garants » a été remis en avril 2023, soulignent la nécessaire évolution des pratiques managériales pour faire face aux risques accrus pour la santé au travail, dans un contexte de transitions écologique et numérique.

Ces considérations invitent à interroger les rapports entre santé et travail dans la France contemporaine, et à se demander en particulier s’il est acceptable que le travail rende malade ou use précocement, alors même qu’il peut constituer une ressource primordiale pour la santé, si l’on considère que la santé a à voir avec la « fierté de pouvoir assumer des tâches concrètes utiles à tous » (Yves Clot et al., 2021, page 7). La question n’est pas seulement celle de l’efficacité de la prévention des risques professionnels déployée au plus près des situations de travail. Il faut se demander si les conditions dans lesquelles le travail de chacun est réalisé permettent d’en faire un facteur de développement de sa santé.

Dans un premier temps, le questionnement doit porter sur les organisations du travail et leur capacité à ménager les conditions d’un travail soutenable pour tous et toutes. Nous proposons ensuite un état des lieux critique de la santé au travail en France, interrogeant la façon dont on dénombre les maux du travail. Nous revenons enfin sur les pratiques et acteurs de la prévention de la santé au travail pour en pointer les fragilités.

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