Réindustrialisation de la France : le défi de l’acceptabilité sociale de nouvelles usines
Réconcilier l’économie et l’écologie, c’est la promesse enthousiaste de la loi relative à l’industrie verte du 23 octobre, adoptée dans un bel élan transpartisan. Mais, pour réindustrialiser la France, encore faut-il trouver où installer les usines. Car, même repeintes en vert, et sans même parler des métiers, elles n’ont rien de bucolique. « Une usine, c’est un drame humain quand elle ferme, mais aussi – parfois – quand elle ouvre », résume David Cousquer, directeur général de Trendeo, qui fournit des données sur l’emploi et l’investissement.
A Soissons (Aisne), les habitants et les associations écologistes, désormais soutenus par le parti Renaissance, se battent depuis 2021 contre l’implantation d’une usine de laine de roche. A Laruscade (Gironde), la position critique adoptée le 19 octobre par l’Autorité environnementale a ravi les opposants à la création d’une zone d’activité visant à abriter une filière de production de dirigeables. S’y ajoute la contestation dans l’Allier, voire dans le Sud-Finistère, contre l’exploitation de mines de lithium. Quant à l’industriel breton Le Duff, six ans après avoir entamé le parcours pour construire une fabrique de viennoiseries à Liffré, près de Rennes, il a jeté l’éponge en juin 2023 face à l’accumulation de recours déposés contre son projet.
Selon Trendeo, 99 usines ont annoncé depuis le début de l’année 2023 leur intention de s’implanter en France (contre 76 fermetures), avec à la clé 24 333 emplois nets créés, les deux principaux projets visant à produire des panneaux photovoltaïques à Fos-sur-Mer (3 000 emplois) et des batteries à Dunkerque (1 700). « Ce qu’on peine à mesurer, ce sont les usines qui vont s’implanter ailleurs, souvent faute d’avoir trouvé un terrain », précise M. Cousquer. Ou parce qu’elles pensent être mieux reçues en Allemagne ou au Portugal ?
Un ballet de camions
Personne n’a envie de voir surgir un pot d’échappement géant en face de ses fenêtres ou d’être réveillé par un ballet de camions. Rien de nouveau, dira-t-on. « Au XIXe siècle, il y a eu un coup de force de l’administration à travers un décret de 1810 pour imposer l’industrialisation au pouvoir local, qui était contre », observe Jean-Baptiste Fressoz, historien des sciences, des techniques et de l’environnement.
Deux siècles plus tard, les réseaux sociaux donnent une résonance nationale aux conflits locaux. Les collectifs animés sur Facebook ont tôt fait de battre le rappel contre un méthaniseur agricole ou une plate-forme logistique. Des industriels excédés dénoncent une posture idéologique, en échos aux luttes écologiques contre l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, près de Nantes, ou contre l’autoroute A69, reliant Toulouse et Castres. Mais ces tensions révèlent plutôt un profond changement dans la manière dont les riverains pondèrent les bénéfices et les coûts d’une installation industrielle.
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