Archive dans 2023

Réindustrialisation de la France : le défi de l’acceptabilité sociale de nouvelles usines

Manifestation contre le projet d'usine Bridor de Liffré, à Rennes, à l’occasion de la journée internationale de la Terre, le 22 avril 2023.

Réconcilier l’économie et l’écologie, c’est la promesse enthousiaste de la loi relative à l’industrie verte du 23 octobre, adoptée dans un bel élan transpartisan. Mais, pour réindustrialiser la France, encore faut-il trouver où installer les usines. Car, même repeintes en vert, et sans même parler des métiers, elles n’ont rien de bucolique. « Une usine, c’est un drame humain quand elle ferme, mais aussi – parfois – quand elle ouvre », résume David Cousquer, directeur général de Trendeo, qui fournit des données sur l’emploi et l’investissement.

A Soissons (Aisne), les habitants et les associations écologistes, désormais soutenus par le parti Renaissance, se battent depuis 2021 contre l’implantation d’une usine de laine de roche. A Laruscade (Gironde), la position critique adoptée le 19 octobre par l’Autorité environnementale a ravi les opposants à la création d’une zone d’activité visant à abriter une filière de production de dirigeables. S’y ajoute la contestation dans l’Allier, voire dans le Sud-Finistère, contre l’exploitation de mines de lithium. Quant à l’industriel breton Le Duff, six ans après avoir entamé le parcours pour construire une fabrique de viennoiseries à Liffré, près de Rennes, il a jeté l’éponge en juin 2023 face à l’accumulation de recours déposés contre son projet.

Selon Trendeo, 99 usines ont annoncé depuis le début de l’année 2023 leur intention de s’implanter en France (contre 76 fermetures), avec à la clé 24 333 emplois nets créés, les deux principaux projets visant à produire des panneaux photovoltaïques à Fos-sur-Mer (3 000 emplois) et des batteries à Dunkerque (1 700). « Ce qu’on peine à mesurer, ce sont les usines qui vont s’implanter ailleurs, souvent faute d’avoir trouvé un terrain », précise M. Cousquer. Ou parce qu’elles pensent être mieux reçues en Allemagne ou au Portugal ?

Un ballet de camions

Personne n’a envie de voir surgir un pot d’échappement géant en face de ses fenêtres ou d’être réveillé par un ballet de camions. Rien de nouveau, dira-t-on. « Au XIXe siècle, il y a eu un coup de force de l’administration à travers un décret de 1810 pour imposer l’industrialisation au pouvoir local, qui était contre », observe Jean-Baptiste Fressoz, historien des sciences, des techniques et de l’environnement.

Deux siècles plus tard, les réseaux sociaux donnent une résonance nationale aux conflits locaux. Les collectifs animés sur Facebook ont tôt fait de battre le rappel contre un méthaniseur agricole ou une plate-forme logistique. Des industriels excédés dénoncent une posture idéologique, en échos aux luttes écologiques contre l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, près de Nantes, ou contre l’autoroute A69, reliant Toulouse et Castres. Mais ces tensions révèlent plutôt un profond changement dans la manière dont les riverains pondèrent les bénéfices et les coûts d’une installation industrielle.

Il vous reste 60% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Assurance-chômage : un accord sur le fil qui offre un sursis au paritarisme

Le président de la CFTC, Cyril Chabanier, prend la parole à la tribune, lors d’une conférence sociale réunissant les représentants des syndicats et du patronat, au Conseil économique, social et environnemental, à Paris, le 16 octobre 2023.

Le paritarisme bouge encore. Après deux mois de négociation pour redéfinir les règles de l’assurance-chômage, les partenaires sociaux sont parvenus à un « protocole d’accord », vendredi 10 novembre, tard dans la soirée, à l’issue d’une dernière séance de discussions laborieuses. Les organisations d’employeurs et de salariés, qui ont jusqu’au 17 novembre pour approuver le texte, vont désormais consulter leurs instances.

Côté patronal, il ne s’agira que d’une formalité puisqu’il est acquis que le Medef, la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) et l’Union des entreprises de proximité (U2P) apposeront leur signature. En revanche, pas de grand chelem chez les syndicats : si la CFDT et la CFTC vont très certainement accorder leur imprimatur, FO rendra sa décision après son bureau confédéral, lundi 13 novembre, tandis que la CFE-CGC et la CGT ont d’ores et déjà annoncé qu’elles ne parapheront pas le compromis trouvé.

Le protocole doit aboutir à une nouvelle « convention » régissant les conditions d’indemnisation des demandeurs d’emploi à compter du 1er janvier 2024. Chargés de cogérer l’assurance-chômage à travers l’association paritaire Unédic, les partenaires sociaux reprennent la main, qu’ils avaient perdue au profit de l’Etat après l’échec de la négociation de 2019. Depuis lors, les pouvoirs publics s’étaient installés aux commandes du régime et avaient engagé des réformes, par le biais de plusieurs décrets, publiés entre juillet 2019 et janvier 2023 : allongement de la période de cotisation pour ouvrir des droits, changement du calcul de l’allocation qui réduit son montant mensuel pour ceux ayant accumulé des contrats courts, dégressivité pour les demandeurs d’emploi qui percevaient de hauts salaires quand ils étaient en activité, réduction de la durée d’indemnisation lorsque le marché du travail se porte bien (selon le principe dit de « contracyclicité »), etc.

Sous la surveillance étroite de l’Etat

Le projet d’accord conclu vendredi soir témoigne donc d’un sursaut du paritarisme, qui demeure cependant fragile, tant les acteurs en présence ont sué pour ficeler un texte – qui ne fait pas l’unanimité parmi eux. Ce regain de vitalité doit d’autant plus être relativisé que les négociateurs n’avaient pas les mains libres : ils devaient suivre le « document de cadrage » envoyé, début août, par Matignon, qui leur laissait très peu de marges de manœuvre. Cette feuille de route les empêchait de revenir sur les réformes impulsées par l’exécutif, de la mi-2019 jusqu’au début de cette année. Elle imposait, par ailleurs, à l’Unédic une contribution de 11 à 12 milliards d’euros (de 2023 à 2026) pour financer les politiques publiques en faveur de l’emploi et de la formation professionnelle.

Il vous reste 70% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

La crise du logement renforce les tensions sur le marché du travail

Est-il encore possible de se loger décemment à Paris avec un salaire de fonctionnaire ? Lasse de chercher des solutions, Bérénice (le prénom a été changé), professeure d’arts plastiques dans les écoles de la capitale, a fini par déménager en septembre avec son fils pour un 52 mètres carrés dans les Yvelines, à une heure de son travail. Il y a cinq ans, lorsque son couple se délite, elle comprend que prendre son autonomie ne va pas de soi. Son salaire, rapporté aux loyers parisiens, ne lui permettra au mieux d’accéder qu’à un 25 mètres carrés, avec une seule chambre, pour son fils. « A 55 ans, après une vie dans l’éducation et le social, dormir dans le canapé du salon et plus un sou à la fin du mois, c’était ça l’horizon », s’indigne-t-elle.

Elle a pourtant multiplié les démarches pour obtenir un logement social. « Comme tous les voyants ne sont pas au rouge, vous n’avez aucune chance », lui lance un jour une assistante sociale, qui détaille : elle n’a pas de famille nombreuse, elle ne vit pas à l’hôtel ou chez un tiers, elle n’est pas victime de violences. « Je ne vais quand même pas faire croire que je suis battue ! », rétorque Bérénice. « “Eh bien si !”, m’a sérieusement répondu la dame, une main courante ferait avancer le dossier », raconte-t-elle, encore sidérée. Elle n’en fera rien. Aujourd’hui, dans le petit salon de son nouvel appartement, elle s’interroge : « J’adore mon travail, mais est-ce que ça vaut le coup tout ça ? Peut-être vaudrait-il mieux partir en province ? Nous aurions une vie moins étranglée… »

Cette question se pose à nombre de ménages de la classe moyenne qui travaillent à Paris. La capitale connaît d’ailleurs ces dernières années une érosion, faible mais continue, de sa population. Dans toutes les métropoles et les zones attractives, administrations et entreprises connaissent le même sort. « Très souvent les jobs qui ne sont pas pourvus, c’est pour un problème de logement », alertait cet été Geoffroy Roux de Bézieux, encore président du Medef. « C’est un énorme problème. Pour les entrepreneurs qui ne trouvent pas à embaucher, et pour nos collaborateurs qui doivent vivre à deux heures de trajet pendulaire de leur travail », renchérit Bernard Cohen-Hadad, président de la CPME Ile-de-France.

Il n’est pas nouveau. Dès le début des années 1950, face à la pénurie, l’Etat et les partenaires sociaux créent le 1 % logement. L’organisme, rebaptisé Action Logement, continue de financer le logement des salariés à revenus modestes, grâce à la collecte d’une cotisation, la participation des employeurs à l’effort de construction (PEEC), fixée à 0,45 % de la masse salariale des entreprises.

Il vous reste 80% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

« Les aides financières à l’emploi doivent être conditionnées à des objectifs de qualité des emplois et de transition écologique »

Comme l’ont montré les exemples récents du RSA, de l’assurance-chômage ou de la réforme des retraites, les politiques de l’emploi françaises restent marquées par le paradigme de l’activation et de l’incitation financière à l’emploi, développé dans les années 1990 par l’OCDE. Ce paradigme s’appuie sur des modèles théoriques expliquant le chômage par un ensemble de rigidités entravant le fonctionnement du marché du travail, au premier rang desquelles figurent les comportements des travailleurs rendus trop exigeants par les protections dont ils disposent. Pourtant, le contexte du marché du travail a profondément changé : l’enchaînement des crises non anticipées crée une forte incertitude pour les travailleurs comme pour les entreprises, imposant des adaptations parfois très rapides comme dans le cas de la crise sanitaire ; le changement technologique accroît les besoins de compétences (spécifiques comme transversales) des travailleurs, tout en rendant leurs trajectoires professionnelles plus incertaines et plus inégalitaires, et sans montrer pour le moment de reprise des gains de productivité ; la transition écologique augmente les besoins de main-d’œuvre dans des secteurs prioritaires (comme la construction, les transports, l’agriculture), pourtant déjà déficitaires, rendant nécessaire une réflexion sur l’adaptation des formations et sur les transitions professionnelles vers ces secteurs ; enfin, la perception des inégalités au travail et de l’attractivité des emplois s’est élargie au-delà des enjeux de salaires, prenant en compte les conditions de travail, les horaires, les perspectives de carrière, le sens du travail et son utilité sociale.

Pour réussir les politiques de l’emploi à l’horizon 2030, c’est-à-dire faire baisser le chômage tout en soutenant la transition écologique et en améliorant la cohésion sociale, il faut aujourd’hui changer de paradigme et mettre l’accent sur la sécurité et la qualité de l’emploi et des trajectoires professionnelles.

Position défavorable

En effet, si le chômage est globalement en baisse par rapport aux périodes précédentes, la qualité de l’emploi et du travail ne s’améliore pas en France, selon les enquêtes européennes sur les conditions de travail de la Fondation de Dublin. La dernière enquête, datée de 2021, confirme une position défavorable de notre pays en matière de conditions de travail (risques physiques, environnement de travail), de santé et de sécurité au travail, et, enfin, d’accès à la formation et de carrières. De plus, les inégalités de qualité de l’emploi sont flagrantes, avec un cumul de conditions défavorables (bas salaires, pénibilités physiques, contraintes horaires) dans les métiers du soin, du commerce ou de la sécurité, pourtant perçus comme « essentiels » depuis la crise sanitaire.

Il vous reste 60% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Le droit à congés payés pour les salariés malades met en colère les PME et réjouit les syndicats

« J’ai subi durant dix-sept mois une série d’arrêts maladie d’un serveur dont l’absence m’a obligé à refuser des clients et causé une perte importante de chiffre d’affaires. Dans ce nouveau contexte juridique, je serais obligé de lui verser au moins 3 500 euros au titre de ses congés payés, alors même qu’il ne travaille plus chez moi depuis un an et demi », s’indigne un restaurateur savoyard.

Ce dernier s’est donc empressé de signer la pétition lancée par la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME), qui affirme avoir collecté en quelques jours 15 000 signatures de patrons, vent debout contre plusieurs arrêts rendus par la Cour de cassation le 13 septembre. La raison ? Ces arrêts affirment que désormais un salarié arrêté pour maladie, même non professionnelle, continue d’acquérir des droits aux congés payés (généralement à raison de 2,5 jours par mois).

Ce revirement de jurisprudence résulte d’un autre arrêt de 2009 émanant de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), qui veille à l’application du droit communautaire. S’appuyant sur une directive de Bruxelles de 2003 sur le temps de travail et sur la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, la CJUE stipulait que le droit au congé annuel institué par cette directive ne pouvait être subordonné à l’obligation d’avoir effectivement travaillé pendant la période concernée.

Incohérence de la situation

En conséquence, les travailleurs en arrêt maladie avaient droit d’acquérir des congés payés, quelles que soient la durée et la cause de leur absence. Ce faisant, la plus haute instance judiciaire européenne se heurtait à la législation nationale, qui précise que seul un salarié arrêté pour accident du travail ou maladie professionnelle continue d’acquérir des congés payés, et ce dans la limite d’un an.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Jours de congé et arrêt maladie : l’Etat condamné

La France aurait dû, en fait, surmonter cette contradiction en transposant dans le code du travail cette disposition qui s’impose à tous les Etats membres. Mais elle a négligé de le faire, d’où des condamnations à la suite de plaintes de salariés lésés. De son côté, après avoir pointé l’incohérence de la situation, la Cour de cassation a fini par se mettre en conformité avec la jurisprudence européenne le 13 septembre.

« Cela va coûter aux employeurs toutes tailles confondues quelque 2,5 milliards d’euros par an et plus de 7 milliards sur trois ans, sachant que les salariés pourraient sans doute bénéficier d’une rétroactivité. Quand bien même les arrêts maladie sont moins fréquents dans les PME et TPE, ces dernières encaisseront difficilement un tel choc », alerte Jean-Eudes du Mesnil du Buisson, secrétaire général de la CPME.

Il vous reste 30% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Les Allemands appelés à travailler plus longtemps pour redresser leur économie

« L’Allemagne n’est pas l’homme malade de l’Europe, c’est l’homme vieillissant de l’Europe. » Le constat livré par Monika Schnitzer, présidente du conseil des experts de l’économie allemande, ou « conseil des sages », n’est pas nouveau. Le sujet pourrait revenir au cœur du débat politique, tant la question démographique devient cruciale pour l’évolution de l’économie allemande.

Le rapport annuel du comité, remis par les cinq économistes mercredi 8 novembre au chancelier, propose une réforme en profondeur du système de retraite, en suggérant notamment de corréler l’âge de départ à la retraite à l’évolution de l’espérance de vie. La proposition a été rejetée, jeudi 9 novembre, par le syndicat IG Metall.

Pour les « sages », le défi démographique allemand est la cause principale de la léthargie que devrait connaître le pays ces prochaines années, bien davantage que la faiblesse conjoncturelle actuelle. Ce défi du vieillissement, assènent les économistes en direction du gouvernement, a été « insuffisamment préparé ». En raison du départ en retraite des générations nombreuses nées autour des années 1960, du ralentissement de la productivité et des créations d’entreprises, le potentiel de croissance de la première économie d’Europe pourrait se situer autour de 0,4 % par an jusqu’en 2028 si rien n’est fait, anticipent-ils. Soit environ un tiers de la performance allemande pendant les années 2010.

C’est une baisse massive de création de richesse pour la première économie d’Europe, qui aura des conséquences considérables sur le système social. Outre les conséquences du manque de main-d’œuvre, la charge financière du système de retraite sur les jeunes générations pourrait devenir insupportable : selon les calculs du conseil, le taux de cotisation moyen pourrait passer de 18,6 % du salaire actuellement à 26 % d’ici à 2080, si le niveau des pensions reste inchangé.

Les options sont limitées

Le problème des retraites était passé au second plan des priorités des politiques ces dernières années, en raison des chiffres élevés de l’immigration. Mais le récent tournant engagé par Berlin pour réduire le nombre de demandeurs d’asile, à la suite de la montée en puissance de l’extrême droite, montre les limites de cette approche. Quant aux travailleurs qualifiés qui arrivent légalement dans le pays, leur nombre ne devrait pas suffire à combler le manque de travailleurs à venir, les pays développés étant par ailleurs en compétition internationale pour les meilleurs talents.

Les options sont donc limitées pour le made in Germany. Certaines de celles qui ont été présentées par le conseil, mercredi, seront potentiellement difficiles à faire accepter à une population où la génération née autour de 1960 est presque deux fois plus nombreuse que celle des moins de 20 ans. Outre l’allongement de la durée du travail, les « sages » ont évoqué l’idée d’adapter à la baisse le niveau des pensions, en introduisant par exemple davantage de solidarité entre les retraités, grâce à des adaptations de la valeur du point. Une autre voie proposée est de créer un système complémentaire de prévoyance vieillesse par capitalisation, dans lequel les travailleurs pourraient cotiser. Ils recommandent également de mieux former les jeunes générations aux investissements sur les marchés financiers, en leur confiant un capital de départ.

Il vous reste 40% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Arnaud Lagardère arrive à la tête d’Hachette Livre au moment où Vincent Bolloré va en prendre le contrôle

Arnaud Lagardère, PDG du groupe qui porte son nom, à Paris, en mai 2019.

La redistribution des cartes dans le capital des deux plus gros groupes d’édition français s’accompagne d’un grand mercato chez ses dirigeants. Au moment où le groupe Vivendi de Vincent Bolloré s’apprête à prendre officiellement le contrôle d’Hachette Livre, après avoir reçu le feu vert des autorités de la concurrence européenne, le suspense sur le nom du nouveau patron du numéro un hexagonal de l’édition et numéro trois mondial a pris fin, mercredi 8 novembre. Le conseil d’administration d’Hachette Livre a nommé Arnaud Lagardère au poste de PDG. Ce dernier conserve, par ailleurs, son mandat de PDG du groupe qui porte son nom.

M. Lagardère remplace donc Pierre Leroy – en place depuis mars 2021 – qui a été nommé, mercredi, directeur général délégué du groupe Lagardère. « Au moment du rapprochement (…) avec Vivendi, j’ai voulu montrer mon attachement historique et viscéral pour ce métier du livre que la famille Lagardère a toujours soutenu, même lors des périodes de doutes sur ce marché », a affirmé le nouveau PDG.

Hachette Livre, maison mère de Grasset, Fayard, Calmann-Lévy, Hatier ou le Livre de poche réalise deux tiers de son chiffre d’affaires à l’international, notamment grâce à ses filiales aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en Espagne.

La question de la liberté des maisons d’édition

Arnaud Lagardère a donc été préféré aux deux autres prétendants au poste : Nicolas Sarkozy, administrateur de Lagardère, est empêtré dans des affaires judiciaires, tandis qu’Arnaud de Puyfontaine, président du directoire de Vivendi, doit notamment gérer les difficultés de Telecom Italia, qui a accusé une perte de 1,12 milliard d’euros au cours des neuf premiers mois de l’année, après 2,92 milliards en 2022.

La question de la liberté dont jouissent les maisons d’édition d’Hachette restera l’un des indicateurs les plus sensibles, au moment où elles passent dans le giron de l’industriel breton. Pour mémoire, Arnaud Nourry, l’ancien PDG d’Hachette avait été remercié après dix-huit ans de services pour s’être opposé au rapprochement avec Vivendi.

Rien ne dit qu’Arnaud Lagardère fasse rempart aux volontés idéologiques de Vincent Bolloré, qui a tracé un boulevard médiatique à Eric Zemmour en lui laissant une chronique sur CNews, ou transformé en quelques numéros la ligne éditoriale du JDD. Au cœur de l’été, alors que la rédaction s’opposait unanimement à l’arrivée de Geoffroy Lejeune, l’ancien ­directeur de la rédaction de Valeurs actuelles, Arnaud Lagardère promettait pourtant : « Je le redis, nous ne ferons pas du JDD un tract idéologique ni un journal militant. Ce fantasme de l’extrême droite est infondé et méprisant. »

Il vous reste 25% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

La banque américaine J.P. Morgan poursuit son soutien caritatif d’envergure à la Seine-Saint-Denis

Jamie Dimon, PDG de J.P. Morgan, en visite dans un atelier des Compagnons du devoir à Pantin (Seine-Saint-Denis, le 6 novembre  2018.

En 2018, à l’occasion du 150e anniversaire de sa présence en France, J.P. Morgan avait promis d’allouer, à travers sa fondation, 30 millions de dollars (26 millions d’euros à l’époque) sur cinq ans afin d’aider les habitants de Seine-Saint-Denis à « accéder à des opportunités économiques ». Mercredi 8 novembre, Jamie Dimon, le président-directeur général de la première banque américaine, en visite à Paris, a annoncé une rallonge de 20 millions de dollars pour les cinq prochaines années.

A cela s’ajoute une enveloppe de 50 millions de dollars – puisée sur le capital du groupe – visant à financer des fonds de capital-risque « dirigés par des femmes » ou « ayant un impact positif sur la société ». Ce « superfonds », confié à Bpifrance, fait écho à un dispositif lancé en 2021 par la firme américaine aux Etats-Unis.

La France confirme ainsi son statut de principale bénéficiaire, en dehors des Etats-Unis, des actions philanthropiques de J.P. Morgan, sans aucune défiscalisation associée. « Nous payons beaucoup d’impôts en France, nous employons 900 personnes et nous agissons en tant qu’entreprise responsable. Nous aidons à tirer le pays vers le haut, et cela ne bénéficie pas seulement à ceux qui sont déjà en haut », se réjouit M. Dimon, fan de la première heure des réformes économiques d’Emmanuel Macron, qu’il avait d’ailleurs rencontré dans la matinée.

Une locomotive pour les entreprises locales

« Nous avons voulu lancer une opération d’envergure à Paris, à l’image de celle que nous menons à Detroit depuis 2014 », relate au Monde Peter Scher, vice-chairman de J.P. Morgan, chargé de la responsabilité d’entreprise. Pour aider à remettre sur pied la capitale de l’automobile aux Etats-Unis, J.P. Morgan a engagé 200 millions de dollars en près de dix ans. « Detroit et la Seine-Saint-Denis sont des endroits bien différents, mais notre approche est la même : nous voulons servir de catalyseur en soutenant les bons partenaires, en liaison avec les acteurs publics », poursuit M. Scher.

Une vingtaine d’associations actives dans le département francilien, l’un des plus pauvres de France mais aussi l’un des plus jeunes, ont bénéficié de cet appui. « J.P. Morgan a eu une démarche originale en concentrant énormément de moyens sur une zone », souligne Quentin Moreno, directeur général adjoint de l’association Sport dans la ville, qui vise notamment à amener vers l’emploi des jeunes ayant décroché scolairement : « Grâce à la Fondation J.P. Morgan, nous avons pu doubler le nombre de jeunes accompagnés en Seine-Saint-Denis. »

Il vous reste 65% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

« Enseigner : quoi qu’il en coûte ? » : l’impact psychique de la continuité pédagogique pendant le Covid-19

Cela a constitué la plus grande perturbation de la sphère éducative qu’ait connue le monde moderne, souligne le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres. La pandémie de Covid-19 a entraîné en 2020 la fermeture brutale des établissements scolaires à travers le monde. Près de 1,6 milliard d’apprenants ont été touchés. En France, un grand nombre d’élèves et d’étudiants ont dû suivre leurs cours depuis leur domicile, par écran interposé. A charge pour les enseignants d’assurer, dans l’improvisation, cette « continuité pédagogique ».

L’événement, qui a provoqué la sidération générale, est connu. Ce qui l’est moins en revanche, c’est la façon dont les enseignants ont vécu intérieurement cette expérience à marche forcée. Quel impact sur leur psychisme, mais aussi sur leurs méthodes et sur les apprentissages qu’ils ont pu transmettre ?

Professeur en sciences de l’éducation à l’université de Rouen-Normandie, Jean-Luc Rinaudo s’est penché sur ces questions dans un livre paru aux éditions Erès, Enseigner : quoi qu’il en coûte ? Un ouvrage au travers duquel il explore le vécu des acteurs de cet épisode inédit, à travers de nombreux témoignages, convoquant régulièrement l’analyse psychanalytique et soulignant la force des processus inconscients à l’œuvre.

Durant cette période, les enseignants ont dû relever un premier défi : trouver « la bonne distance » dans leur rapport aux élèves et aux étudiants. « Les participants des classes virtuelles peuvent ressentir un sentiment de présence de l’autre, à la condition que cette présence ne se fasse pas envahissante, intrusive et que les limites de l’intime soient préservées », indique l’auteur. Ils ont dû aussi maintenir un lien avec les élèves, une question prioritaire aux yeux d’une enseignante, Stéphanie : « Les enjeux relationnels ont pris le pas sur le contenu même des savoirs à enseigner. »

Les interactions se sont effacées

M. Rinaudo note combien les conditions d’exercice du métier d’enseignant ont pu mettre à l’épreuve les professeurs, dans cette « situation qui ressembl[ait] à l’école mais n’en [était] qu’un ersatz ». De fait, ils ont dû exercer leur métier devant un ordinateur, en « enseignant tronc », dans une relation souvent désincarnée. Pire : en de nombreux cas, ils n’ont eu face à eux qu’un écran noir, les caméras des apprenants n’étant pas activées. Les enseignants n’ont alors plus eu la possibilité de s’appuyer sur les réactions des élèves pour comprendre comment leur discours était accueilli.

Les interactions se sont effacées, les formateurs pouvant alors se vivre comme de simples « machines à enseigner ». De même, ils ont délivré leurs cours dans un silence inhabituel. « Une classe ordinaire bruisse, rappelle M. Rinaudo. L’enseignant qui éprouve le sentiment d’être seul, de parler dans le vide, peut légitimement s’interroger sur le sens de sa pratique professionnelle et ressentir une forme de perte de son identité. »

Il vous reste 25% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Les salariés du secteur privé ont perdu 1 % de pouvoir d’achat en 2022

Dans un supermarché, à Lens (Pas-de-Calais), le 28 avril 2023.

Ce n’était pas arrivé depuis un quart de siècle, si l’on met de côté les deux années exceptionnelles de 2020 et 2021. En 2022, le pouvoir d’achat des salaires du secteur privé a reculé de 1 %, selon les données publiées mercredi 8 novembre par l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee). En valeur absolue, les salariés du privé ont touché 2 630 euros net en moyenne par mois, pour un équivalent temps plein ; au plus bas de l’échelle, un salarié sur dix a gagné moins de 1 436 euros, perdant 0,1 % de pouvoir d’achat. Les 10 % des salariés les mieux lotis ont, eux, perçu en moyenne plus de 4 162 euros net, mais accusent une baisse de 1,4 % de leur pouvoir d’achat.

Seul le pouvoir d’achat des plus bas salaires s’est maintenu en 2022, en raison des revalorisations du smic intervenues au cours de l’année pour suivre la hausse des prix à la consommation, précise l’Insee. Les cadres ont perdu en moyenne un peu plus que les ouvriers (– 1,2 % contre – 0,9 %), puisque leurs rémunérations ont décroché plus fortement par rapport à l’inflation que les bas salaires.

Pourtant, indique l’organisme, les rémunérations des quelque 20 millions de salariés du privé, sur 25 millions de salariés au total, ont augmenté de 4,4 % pour le brut, et de 4,2 % pour le net, des hausses « particulièrement élevées au regard des trente dernières années ». Mais ces renégociations salariales et le versement de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat, devenue prime de partage de la valeur, n’ont pas suffi à compenser la hausse des prix, qui a atteint 5,2 % sur l’année 2022. Plus d’un salarié sur quatre a bénéficié de cette prime en 2022, selon l’Insee, pour un montant moyen de 803 euros par bénéficiaire.

Les disparités salariales au plus bas

Le recul du pouvoir d’achat des salaires nets ne signifie pas pour autant que les ménages ont subi un recul équivalent de leur pouvoir d’achat, une fois la totalité de leurs revenus pris en compte, transferts et prestations sociales inclus. « Le salaire net n’est pas équivalent au revenu disponible », rappelle Vladimir Passeron, chef du département de l’emploi et des revenus d’activité à l’Insee.

Dans sa note de conjoncture du 15 mars, l’institut détaille que le pouvoir d’achat du revenu disponible brut des ménages a augmenté de 0,2 % en 2022, après 2,3 % en 2021. Le dynamisme des revenus de la propriété, notamment, a compensé en partie le recul des salaires en euros constants pour les ménages propriétaires d’un ou plusieurs biens locatifs.

Il vous reste 30% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.