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Luce Carevic, experte en accessibilité numérique : « En entreprise, les personnes handicapées ont peur d’être stigmatisées »

Prévoir des postes adaptés, organiser le temps de travail, former les collaborateurs… autant de mesures que les entreprises peuvent mettre en place pour accueillir des salariés en situation de handicap. Mais aujourd’hui, avec le développement et la généralisation des outils numériques, il est possible d’aller plus loin pour permettre plus d’inclusion.

En France, une personne sur six est en situation de handicap. Il y a le handicap de naissance, mais aussi celui qui survient au cours de la vie après un accident, une maladie ou le temps qui passe. Cela représente 85 % des cas de handicaps. Pour une entreprise, adapter ses outils permet donc de toucher à la fois des salariés dans l’emploi et de futurs salariés.

Mais comment adapter son entreprise ? Quels outils numériques mettre concrètement en place ? Comment infuser une véritable culture d’un numérique inclusif ? Et comment toutes ces démarches peuvent devenir une opportunité pour les entreprises ?

Retrouvez l’entretien réalisé avec Luce Carevic, directrice de production et experte en accessibilité numérique chez Access42, pour le podcast du Monde « Rebond, vivre avec le handicap » (saison 3), réalisé en partenariat avec l’Agefiph, à l’occasion de la Semaine européenne pour l’emploi des personnes en situation de handicap (SEEPH).

Retrouvez l’intégralité des saisons du podcast « Rebond, vivre avec le handicap »

Access42 est un cabinet de conseil qui accompagne depuis 2014 les entreprises et les administrations publiques dans la mise en place et le suivi de leur politique d’accessibilité numérique. Lors de vos audits, quels constats faites-vous ?

En règle générale, les sites, les applications, les logiciels en entreprise (mais pas qu’en entreprise d’ailleurs) ont un niveau d’accessibilité déplorable. Il n’y a pas de données très fiables sur le sujet mais certaines enquêtes montrent qu’il y a moins de 10 % d’outils accessibles aux personnes en situation de handicap. Certains observatoires évoquent même 1 % ! Les entreprises s’intéressent au sujet lorsque certains de leurs salariés ne peuvent plus utiliser leurs outils, après une maladie par exemple. C’est le cas avec la déficience visuelle. Elles veulent donc voir comment les améliorer.

Quels principaux points de blocage constatez-vous ?

Ils sont de différents types. D’abord, les outils numériques ne sont pas pensés et codés pour être compatibles avec les aides techniques qu’utilisent les personnes handicapées, comme les lecteurs d’écran pour les personnes déficientes visuelles ou aveugles. Sauf que si l’outil de l’entreprise n’est pas codé correctement, l’outil numérique de la personne handicapée ne va pas du tout pouvoir fonctionner. Pour des actions basiques – comme commander quelque chose sur Internet ou poser des congés – ce sera complètement impossible. Sur de nombreux sites, il faut aussi interagir avec la souris, ou éventuellement avec un trackpad. Si vous utilisez d’autres outils qui simulent une navigation au clavier, cela ne fonctionnera pas du tout. Normalement, les équipes techniques, les développeurs et les développeuses sont censés connaître ces paramètres. Mais comme ce n’est pas toujours le cas, la plupart des outils numériques ne sont pas codés correctement. Pourtant, on ne parle pas de technologies très avancées ou d’un savoir-faire hors de portée.

Pourquoi est-on autant en retard ?

Il y a un manque de volonté, mais aussi de connaissances. Notamment car l’obligation légale n’a longtemps concerné que le secteur public. Finalement, la plupart des gens sont de bonne foi, font confiance aux équipes techniques ou aux prestataires. Ils se font livrer des sites web ou des applicatifs sans se poser la question de l’accessibilité et personne en interne n’est capable de le vérifier, ou n’ose le faire. En effet, les personnes en situation de handicap ne veulent pas forcément signaler qu’il y a des problèmes pour ne pas être stigmatisées ou perdre leur emploi.

Depuis 2019, les entreprises privées ayant plus de 250 millions de chiffre d’affaires et les entreprises publiques doivent garantir l’accès à l’information et aux services numériques pour les personnes présentant un handicap auditif, cognitif, visuel et physique. Ce n’est pas suffisant ?

Ces obligations sont pour le moment assez restreintes. A partir de 2025, elles vont être élargies à certains secteurs, notamment à la téléphonie, au livre numérique, au secteur bancaire, aux transports. J’en oublie certainement mais ça reste encore assez limité. Sauf que comment peut-on obliger d’un côté les entreprises à employer des personnes handicapées et de l’autre ne pas rendre obligatoire l’accessibilité numérique ? Si les outils ne sont pas accessibles, une grande partie des personnes en situation de handicap ne peuvent pas travailler. Il y a d’ailleurs eu une prise de conscience lors du confinement, quand tout le monde était en télétravail forcé. La plupart des outils de visio n’étaient pas accessibles et il était donc difficile de communiquer avec des collègues en situation de handicap.

Pourtant, sans adaptation, sans inclusion par le numérique, il peut y avoir des conséquences importantes pour les salariés…

On constate déjà une baisse de la productivité. Pour la même action, sans outil adapté, elle sera faite beaucoup plus lentement. A terme, cela peut entraîner une perte d’emploi ou l’impossibilité d’évoluer. Il nous est arrivé d’intervenir dans des entreprises où des salariés avaient les compétences pour changer de poste mais ne pouvaient pas parce que l’outil numérique qu’ils devaient utiliser n’était pas du tout accessible.

Comment les entreprises peuvent-elles s’adapter ?

Lorsqu’elles ont la main sur leurs outils, nous leur faisons des recommandations techniques pour les faire évoluer, les redévelopper ou en changer. Mais, un peu comme dans le bâti, lorsque quelque chose n’est pas conçu comme étant accessible dès le départ, il est compliqué de rajouter de l’accessibilité a posteriori. Aussi, lorsqu’un outil pourrait être accessible, il contrevient parfois à d’autres paramètres de l’entreprise comme ceux liés à la sécurité, aux règles RGPD, à la violation des données… Il est donc très compliqué de trouver l’outil qui répondra à toutes les réglementations et qui sera en plus accessible.

Au-delà des outils numériques, il est déjà possible de mettre en place des bonnes pratiques au sein de l’entreprise. Avez-vous des exemples ?

Il y a des exemples assez basiques. Commençons par l’e-mail. Si vous envoyez une image à une personne aveugle, son outil de lecture ne sera pas capable de voir ce qu’il y a dans l’image. De même pour les e-mails qui contiennent de la couleur et qu’une personne daltonienne ne verra pas. Lorsqu’une personne déficiente visuelle ou aveugle reçoit un document peu structuré, elle ne va pas pouvoir naviguer correctement dedans ou aller un peu plus vite. Pourtant, sur Word ou Excel, il est possible de prévoir des options d’accessibilité. Cela permet ensuite à une personne handicapée d’utiliser le fichier correctement. Ces exemples ne sont donc pas forcément liés aux outils numériques, ce sont seulement des bonnes pratiques à acquérir.

Comment intégrer l’accessibilité numérique dans la vision globale de l’entreprise ? C’est-à-dire former les départements RH, mobiliser les équipes techniques qui gèrent le parc informatique, aller jusqu’aux départements de communication et de marketing ?

La loi impose normalement aux entreprises publiques et aux entreprises privées, dont le chiffre d’affaires est supérieur à 250 millions d’euros, d’établir publiquement un schéma directeur d’accessibilité numérique en détaillant ce qu’elles vont mettre en place au sein de leur structure. Mais il faut que les entreprises comprennent que cette obligation légale n’est pas juste déclarative. Elles doivent s’en saisir pour réfléchir concrètement à cette problématique.

Les années passant, avez-vous vu les entreprises évoluer ?

Oui, il y a quand même une réelle évolution, même si certaines entreprises sont dépassées. On entend de plus en plus parler d’accessibilité numérique. Il y a sept ans, lorsque j’ai commencé dans ce métier, ce n’était pas le cas. Nous avions d’ailleurs très peu de clients privés, seulement ceux du secteur public qui avaient une obligation légale. Désormais, ce n’est plus vraiment le cas et nous avons de plus en plus d’entreprises privées. Certaines d’entre elles s’y intéressent par obligation légale mais d’autres veulent allier politique RSE et accessibilité numérique. Aujourd’hui, on parle aussi beaucoup d’inclusion. Sauf que parler d’inclusion sans penser au volet accessibilité et handicap, ce n’est pas très logique.

Intégrer l’accessibilité numérique est aussi bon pour l’image d’une entreprise…

Alors oui, il y a aussi cet aspect-là. Aujourd’hui, pas mal de profils cherchent à travailler dans des entreprises qui ont un minimum de valeurs. Ils s’interrogent sur le sens de leur travail. Cela peut donc attirer de futurs candidats de se dire « je travaillerai pour une société qui se soucie d’inclure des salariés différents, de ne pas exclure quelqu’un qui rencontrerait un problème au cours de sa vie ». Mais, a contrario, peu d’entreprises privées communiquent sur le travail qu’elles font sur l’accessibilité numérique. Peut-être à tort, mais aussi parce qu’elles considèrent qu’elles sont encore très loin d’avoir des résultats tangibles.

Quels conseils aimeriez-vous transmettre en matière d’accessibilité numérique aux entreprises qui nous écoutent ?

Je leur conseillerai de commencer petit à petit. D’abord en se posant la question des outils utilisés en interne, en faisant un état des lieux puis en se renseignant sur le sujet. Il y a beaucoup de contenus gratuits disponibles sur le Web sur ce sujet. Je les inviterai aussi à se rapprocher des missions handicap.

« Rebond, vivre avec le handicap » est un podcast écrit et animé par Isabelle Hennebelle et Joséfa Lopez pour Le Monde. Mixage : Eyeshot. Identité graphique : Mélina Zerbib. Reportage : Marjolaine Koch. Partenariat : Sonia Jouneau, Victoire Bounine. Partenaire : Agefiph.

Le Monde

La grève à France 3 entre dans sa troisième semaine

Un cameraman de France 3 Bretagne, à Rennes, le 19 septembre 2012.

Et de trois. Sauf surprise, la grève en cours au sein des journaux de France 3 entrera, mercredi 22 novembre, dans sa troisième semaine. Cela fait quinze jours qu’au lieu des éditions baptisées « Ici », mises en place à la rentrée à la place du « 12-13 heures » à la mi-journée et du « 19-20 heures » en début de soirée, les téléspectateurs de France 3 se contentent de JT « dégradés ». Toutes les régions, sauf la Corse, ont déjà été touchées.

Lundi 20 novembre, « 19 éditions sur 24 ont été diffusées, dont 5 à 100 %, alors que le taux de grévistes était de 4,3 %, soit 91 personnes, pour la mi-journée, et de 3,31 % [71 personnes] le soir », indique-t-on à France Télévisions. « En pourcentage, il y a peu de grévistes, mais c’est la visibilité de la mobilisation qui compte », souligne Raoul Advocat, délégué syndical SNJ. Organisé en arrêts de travail de cinquante-neuf minutes, le mouvement démultiplie d’autant plus son impact que cinq organisations syndicales (SNJ, CGT, CFDT, FO, SUD) sont solidaires pour rejeter les conditions d’exécution de cette réforme.

Portées à l’antenne le 4 septembre, les nouvelles sessions d’information « Ici » sont censées compiler actualité internationale, nationale et régionale selon une hiérarchie décidée dans chacune des 24 régions, là où, précédemment, les éditions nationales du « 12-13 » ou du « 19-20 » se chargeaient de tout ce qui n’était pas local.

Des scriptes débordées

« Nous passons de deux éditions nationales quotidiennes sur France 3 à 48 éditions régionales », se réjouissait à la rentrée Delphine Ernotte, la présidente de France Télévisions, dans Le Monde, ravie de proposer des JT « moins parisiano-centrés ». Mais les régions se sont retrouvées à gérer des conducteurs (le déroulé des journaux) beaucoup plus longs qu’auparavant, les rédactions ne découvrant par ailleurs la durée des sujets à intégrer, fabriqués à Paris, que très tardivement. Malgré l’apport de « 60 équivalents temps plein », le surplus de travail a provoqué une « crise majeure », selon les syndicats. « On déplore 14 accidents du travail », assure M. Advocat, qui pointe notamment la situation des scriptes, débordées.

Le 17 novembre, la direction de France Télévisions a fait des propositions : augmentation du nombre de scriptes, fourniture pendant trois mois d’un « prêt à diffuser » tout en images de sept minutes pour traiter l’information nationale et internationale… « Le compte n’y est pas. Toujours pas », écrivaient les syndicats dimanche soir, entraînant la caducité de l’offre de la direction. Aucune nouvelle réunion de négociation n’est programmée.

Mise à jour mardi 21 novembre à 19 h 50 : ajout de SUD parmi les syndicats appelant à la grève.

Les compagnies aériennes déjà confrontées à un manque de pilotes

Un Boeing 777X, lors du salon aéronautique de Dubaï, le 14 novembre 2021.

L’Association internationale du transport aérien (IATA) a sonné l’alarme. Au cours des vingt ans à venir, il faudra recruter de 500 000 à 600 000 pilotes. Il faut dire que, d’ici à 2044, le nombre d’appareils va doubler. Selon les chiffres de Boeing, publiés en juin et très proches de ceux d’Airbus, il devrait y avoir 48 575 avions dans le ciel dans vingt ans contre 24 500 aujourd’hui.

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Cette trajectoire, qui semble peu compatible avec la lutte contre le réchauffement climatique, est confortée par la succession de commandes géantes passées par les plus grandes compagnies aériennes. Au salon aéronautique de Dubaï, qui a fermé ses portes vendredi 17 novembre, Emirates a fait sensation, avec l’annonce de l’acquisition de 90 long-courriers Boeing 777X pour 52 milliards de dollars (environ 47,7 milliards d’euros) au prix catalogue, auxquels s’ajoutent 15 jumbos Airbus A350, pour un chèque supplémentaire de 5,5 milliards de dollars.

En juin, à l’occasion du salon du Bourget, près de Paris, c’était Airbus qui avait tenu la vedette avec la commande – qualifiée d’« historique » – d’Air India, de 500 Airbus A320 pour 44 milliards d’euros. Et ce n’est pas tout. Airbus et Turkish Airlines ont conclu un accord de principe pour 355 Airbus, pour 53 milliards de dollars.

Inadaptation de la filière de formation

Cette augmentation continue du nombre d’avions commerciaux provoque déjà « des tensions sur le recrutement » des pilotes, observe Marc Rochet, président d’Air Caraïbes et de French bee. Un début de pénurie s’est fait jour depuis la relance du long-courrier après la crise due au Covid-19. Car les dessertes des destinations lointaines sont gourmandes en équipages. Quand il faut, selon Alexandre Blanc, directeur général adjoint des opérations aériennes d’Air France, « cinq équipages, c’est-à-dire dix pilotes, pour prendre les commandes d’un appareil moyen-courrier, il en faut vingt et un à vingt-quatre pour un long-courrier ».

La guerre en Ukraine n’a rien arrangé. L’obligation de contourner la Russie « rallonge les routes de l’Europe vers l’Asie et le Japon de deux heures. Nous dépassons la limite des treize heures trente de vol, ce qui contraint les compagnies à passer de trois à quatre pilotes par équipage », ajoute le patron des navigants d’Air France. « Le manque de pilotes, c’est déjà un sujet !, constate Guillaume Hue, spécialiste de l’aéronautique pour le cabinet de conseil Archery Strategy Consulting. C’est même ce qui limite la croissance des compagnies aériennes, bien avant la disponibilité des avions. »

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Handicap : l’accessibilité numérique, un tremplin pour l’emploi ?

En France, 1,1 million de personnes handicapées travaillent, mais 450 000 restent sans emploi.

Sous-titrages, synthèse vocale, commandes visuelles… Les outils numériques de compensation facilitent le quotidien des personnes en situation de handicap. Grâce à des applications ou des logiciels, elles peuvent désormais lire, regarder un film, se déplacer, communiquer. Mais pour ce qui est des services numériques proposés par les entreprises et les administrations, le niveau d’accessibilité est « déplorable » en France, constate Luce Carevic, du cabinet Access42, qui les accompagne depuis dix ans dans la mise en place et le suivi de leur politique d’accessibilité.

Résultat, il reste difficile pour les personnes en situation de handicap de s’intégrer dans le marché du travail. « Les outils numériques n’ont pas permis de développer notre insertion professionnelle autant que nous l’espérions, en raison du manque d’accessibilité des contenus et des services numériques. Nous sommes exclus de franges entières de la société », déplore Manuel Pereira, non-voyant, responsable du pôle accessibilité à l’association Valentin-Haüy, qui agit en faveur de l’autonomie des personnes déficientes visuelles.

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En effet, en France, si 1,1 million de personnes handicapées travaillent, plus de 450 000 autres restent sans emploi. Leur taux de chômage est presque deux fois plus important que celui de la population générale (12 % contre 7 %). Elles sont aussi davantage concernées par l’illectronisme, qui touchait 15,4 % de la population en 2021 selon l’Insee, et elles sont nombreuses à se heurter à la dématérialisation des services publics. Une situation qui entrave leur route vers l’emploi.

Une situation absurde

Pourtant, certains métiers du numérique, en tension, offrent de nombreuses possibilités. Responsable cybersécurité, analyste de trafic, chargé de référencement, ingénieur cloud et réseaux… D’ici à 2027, 230 000 postes seront à pourvoir dans ce domaine. « La plupart aboutissent à un CDI, les conditions de travail sont attractives, et pourtant, l’an dernier, 85 000 sont restés vacants », regrette Françoise Farag. La présidente de la commission inclusion de Numeum, l’un des syndicats professionnels du secteur, souligne : « La situation est absurde : deux mondes se côtoient sans se rencontrer ou si peu, alors qu’ils pourraient s’enrichir mutuellement. Il faut que cela change ! »

Les solutions sont plurielles. D’abord, il est essentiel d’augmenter le niveau de formation des personnes en situation de handicap. « Elles ont tendance à s’autocensurer, car le secteur requiert un niveau bac + 2 à bac + 5, voire plus. Il faut donc les aider à oser se diriger vers ces études », exhorte Françoise Descamps-Crosnier, présidente du Fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP). L’enjeu est d’autant plus important que même des métiers traditionnels – comme garagiste, imprimeur ou cariste – nécessitent de maîtriser des outils numériques.

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L’ordre des médecins exprime « sa profonde inquiétude » sur le projet d’installation d’espaces de télémédecine dans les gares SNCF

L’ordre des médecins a vivement critiqué, lundi 20 novembre, le projet de la SNCF d’installer des espaces de télémédecine dans ses gares, lui conseillant plutôt « d’améliorer la desserte ferroviaire des territoires les plus enclavés » pour attirer des professionnels de santé.

« L’ordre des médecins ne peut qu’exprimer sa très profonde inquiétude » face au projet d’implantation de la SNCF d’espaces de télémédecine dans environ trois cents gares, d’ici à 2028.

« Cette proposition va détourner des professionnels de santé, qui seront ainsi moins disponibles pour exercer dans les territoires les plus vulnérables », a notamment pronostiqué l’ordre des médecins, qui dénonce également un nouveau pas vers la « financiarisation » du système de santé.

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Lutter contre les déserts médicaux

La SNCF a déclaré, vendredi, vouloir déployer des espaces de télémédecine pour lutter contre les déserts médicaux dans environ trois cents gares d’ici à 2028. Ces espaces de 15 mètres carrés doivent être installés au début dans des bâtiments modulaires fournis par Loxamed, une filiale du groupe Loxam (location de matériel de chantier). Celle-ci a conçu des modules spécialisés dans le soin, utilisés notamment pendant la crise sanitaire pour faire du dépistage.

La SNCF a déclaré qu’un infirmier serait toujours présent sur place, et que chaque patient « sera examiné à distance par un médecin exerçant sur le territoire français ». Loxamed prévoit de s’adresser aux unions régionales des professionnels de santé (URPS) pour trouver les infirmiers et les médecins libéraux qui prendront en charge la télémédecine.

Le syndicat de médecin UFML (Union française pour une médecine libre) a, lui aussi, vivement dénoncé l’initiative de la SNCF et de Loxamed, y voyant un nouvel exemple de développement d’une « médecine low cost très lucrative » pour les entreprises.

« Il ne peut y avoir de bonne médecine faite de consommation presse-bouton à distance d’un médecin qui ne connaît pas le patient », a critiqué le syndicat.

Le Monde avec AFP

Handicap : le numérique les a propulsés vers l’emploi

Code, développement Web, logiciels de bureautique : après une formation au numérique, ces trois personnes éloignées de l’emploi ont réussi leur réinsertion professionnelle.

Fanny Codecco-Grando, 46 ans : « Je découvre ce que c’est que d’être intégrée dans une équipe »

« Il y a quatre ans, je ne savais pas taper une ligne de code », confie Fanny Codecco-Grando, aujourd’hui développeuse full stack à la Société générale, à la Défense (Hauts-de-Seine). Elle est à la fois capable de réaliser le design d’un site ou d’une application Web (front end) et de coder son fonctionnement (back end). En alternance pendant encore un an, cette ancienne illustratrice, titulaire d’une maîtrise en lettres et civilisation russes, a découvert tardivement, après des années de mal-être et un burn-out, qu’elle était atteinte de troubles autistiques et dyslexiques. C’est un enseignant, lors d’une formation en informatique qu’elle suivait pour se reconvertir dans le développement Web, qui pointe chez elle des symptômes caractéristiques. « Effondrée, mais consciente que cela touchait juste », elle passe des examens médicaux qui confirment les suppositions. Elle obtient sa reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH), quitte sa formation et s’inscrit à OpenClassrooms. Cette entreprise à mission, créée en 2013, vise à rendre l’éducation accessible à tous. L’école propose de nombreux cours en accès libre et gratuit, ainsi que des programmes certifiants pour les métiers du numérique, 100 % en ligne. Fanny trouve la formule idéale. Inscrite à Pôle emploi, elle accède à des séances de coaching et à des sessions de job dating organisées par l’Association pour l’emploi des cadres (Apec). C’est grâce à la mission handicap de cette dernière qu’elle candidate à la Société générale pour son poste actuel. Avec succès. « Pour la première fois de ma vie professionnelle, je découvre ce que c’est que d’être intégrée dans une équipe, de ne pas être harcelée ou mise sur la touche. C’est plutôt cool, je savoure », sourit-elle.

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Yassine Hadjel, 24 ans : « Les outils d’IA sont une vraie bénédiction pour moi »

« L’informatique m’a toujours permis de compenser mes grosses difficultés d’écriture et de lecture. Mais même les machines n’acceptent pas les fautes d’orthographe, lance Yassine Hadjel, 24 ans, atteint de dyslexie et de dysorthographie. Les outils d’intelligence artificielle tels que les chatbots ou ChatGPT sont une vraie bénédiction pour moi : ils me permettent enfin de rédiger des documents sans fautes. » Titulaire d’un brevet des métiers d’art en graphisme et décors, il poursuit avec un bachelor de développeur Web au sein de l’Ecole multimédia, à Paris, avant de décrocher une formation gratuite d’un an de technicien supérieur services et réseaux au sein de l’association Konexio. Cette dernière aide les personnes en situation de fragilité à s’approprier les outils numériques, de la phase de prise en main à l’apprentissage d’un métier. Yassine Hadjel est maintenant en alternance en tant que technicien réseaux chez Infodis, une entreprise parisienne de prestations numériques, jusqu’en juillet 2024.

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Abandons de poste : entre faux licenciement et vraie démission, le flou juridique demeure

Droit social. Un employeur peut-il aujourd’hui licencier pour faute un salarié ayant volontairement abandonné son poste, alors que la loi du 21 décembre 2022 puis le décret du 17 avril 2023 ont prévu une procédure spécifique conduisant à une présomption simple de démission ? Qualification donc opposée au classique licenciement pour faute, devant permettre à l’Unédic, l’association paritaire qui gère l’assurance-chômage, de réaliser à terme 380 millions d’euros d’économies annuelles.

Cette évolution avait aussi pour but de dissuader certains départs impromptus, de la même manière que l’indemnité de fin de contrat du contrat à durée déterminée veut inciter le travailleur précaire à rester jusqu’au terme.

Dissuasion réussie ? Surprise des chiffres : cette loi aurait atteint son but dès avant son décret d’application ! Ce dernier date du 17 avril : or le nombre de licenciements pour faute grave ou lourde était au deuxième trimestre 2023 inférieur de 30 % à celui du deuxième trimestre 2022, selon l’enquête du ministère du travail publiée le 31 octobre 2023, concluant : « Ce repli intervient dans un contexte de promulgation de la loi introduisant la présomption de démission pour abandon de poste. » On avait en effet du mal à comprendre une telle chute des comportements fautifs, a priori indépendants de la conjoncture.

Situation complexe

Mais, selon l’Unédic, la moitié des abandons serait réalisée en accord avec l’employeur, dont 23 % suggérés par lui : la frontière est donc poreuse entre licenciement arrangé, abandon de poste accepté et rupture conventionnelle. Il ne fait d’ailleurs aucun doute que l’exceptionnel succès de cette dernière est d’abord dû au bénéfice des allocations-chômage, réglées par l’Unédic : le mode de rupture du contrat dépend souvent de l’accès ou non à celles-ci.

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Reste que, côté entreprise, la situation est aujourd’hui doublement compliquée. Certes, les règles spéciales dérogent aux règles générales. Mais l’article R. 1237-13 semble la laisser libre de son choix : « L’employeur qui entend faire valoir la présomption de démission doit lui adresser une lettre…  » : jusqu’à pouvoir choisir la procédure de la présomption de démission pour M. A. qui s’en trouvera privé d’allocation, mais licencier pour faute grave Mme B. qui pourra donc en bénéficier ?

C’est l’un des arguments développés par la CGT, FSU et Sud, qui ont contesté la légalité du décret devant le Conseil d’Etat, le Conseil constitutionnel ayant cependant estimé que ces dispositions ne méconnaissaient pas le principe d’égalité.

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Handicap : le numérique, un vivier d’emplois à exploiter

Certaines entreprises du numérique prévoient des postes de travail adaptés, comme ce téléagrandisseur dans une société de télémarketing.

Lucie Russeil, 41 ans, a toujours aimé l’informatique. Alors, quand de graves ennuis de santé contraignent cette assistante de direction à se reconvertir, elle pense rapidement à emprunter cette voie. D’autant que sa conseillère Pôle emploi, ambassadrice du numérique dans son agence, la dirige vers le programme DéClics numériques, de Diversidays. Ce programme d’une quarantaine d’heures, sous forme d’ateliers en ligne, vise à montrer aux demandeurs d’emploi et aux personnes en reconversion toutes les possibilités de recrutement et de formation dans ce secteur. 15 % des demandeurs d’emploi ainsi accompagnés depuis juillet 2020 sont handicapés, revendique l’association.

« C’est exactement ce qu’il me fallait. J’ai compris que je pouvais me lancer, même avec mon seul bac, sans parler l’anglais et malgré mon handicap », raconte celle qui, ensuite, a suivi une formation de sept mois de concepteur designer UI (interface utilisateur). Aujourd’hui webmaster conceptrice, elle met la dernière main à la création de sa microentreprise, qui ouvrira en janvier prochain. « Il me sera plus facile de m’organiser sans être salariée, pour gérer en parallèle les contraintes liées à mon état de santé. »

A l’instar de Lucie Russeil, en 2022, « 4 000 demandeurs d’emploi en situation de handicap se sont formés à un métier numérique », explique Aymeric Morin, adjoint au directeur général adjoint chargé de l’offre de services de Pôle emploi. Cela représente 6 % des personnes porteuses de handicap entrées en formation. Sur les 945 000 emplois dans ce secteur en 2022, près de 10 %, soit 85 000, étaient alors non pourvus, rappelle l’Institut Montaigne dans sa note « Mobiliser et former les talents du numérique » (mai 2023). Les métiers de développeur, de technicien informatique, de spécialiste systèmes, réseaux et sécurité, de consultant en management et de consultant après-vente constituent le top 5 de ceux qui recrutent le plus, d’après l’Observatoire prospectif des métiers et des qualifications.

Mise en situation

« Le numérique est le plus dynamique des secteurs d’emploi en matière de création et de publication d’offres. Cette tension sur les recrutements représente une opportunité pour les personnes handicapées », commente Johan Titren, directeur diversité et inclusion du groupe Adecco. « C’est un levier pour négocier avec les entreprises l’élargissement de leurs publics », appuie Aymeric Morin, qui se réjouit de disposer d’une palette d’outils pour les accompagner sur ce chemin de la diversité, comme le financement des formations avant embauche ou les périodes de mise en situation professionnelle, utiles pour faire tomber les préjugés.

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OpenAI : de hauts cadres menacent de partir si le conseil d’administration ne démissionne pas

Trois jours après le limogeage surprise de son patron, Sam Altman, la colère gronde dans les rangs d’OpenAI. La plupart des cadres dirigeants de la start-up d’intelligence artificielle encore en poste ont réclamé la démission de l’ensemble du conseil d’administration, faute de quoi ils se disent prêts à quitter l’entreprise, selon une lettre publiée lundi 20 novembre par plusieurs médias américains.

Ces prises de position surviennent après un week-end tumultueux : le conseil d’administration d’OpenAI, symbole de l’intelligence artificielle générative depuis le lancement de ChatGPT, il y a un an, a créé la surprise vendredi en annonçant le renvoi avec effet immédiat de Sam Altman à la suite d’« une procédure d’examen délibératif du conseil, qui a conclu qu’il n’avait pas toujours été franc dans ses communications avec le conseil, faisant entrave à sa capacité à remplir ses responsabilités ».

Plusieurs responsables de l’entreprise fondée fin 2015 ont depuis annoncé leur démission, en particulier le président du conseil d’administration Greg Brockman. Ce départ est « le seul moyen d’avancer et de défendre la mission d’OpenAI », a écrit le conseil d’administration (CA) dans une note envoyée à ses employés dimanche soir, selon un article du New York Times diffusé dans la nuit de dimanche à lundi.

Quelque 500 employés menacent de quitter le groupe

Selon plusieurs médias, quelque 500 des 770 employés d’OpenAI auraient menacé de quitter le groupe en cas de refus des administrateurs de renoncer à leur mandat. Pour les responsables qui ont signé la lettre adressée au conseil d’administration, le débarquement de Sam Altman « met en péril » le travail effectué par les équipes d’OpenAI.

« Votre conduite a apporté la preuve que vous n’aviez pas les compétences pour superviser OpenAI », ont écrit les douze dirigeants de la société, parmi lesquels le numéro deux, Brad Lightcap, et la responsable technique Mira Murati.

Plus surprenant, figure dans la liste Ilya Sutskever, responsable scientifique, qui est lui-même membre du conseil d’administration. En outre, plusieurs médias américains ont rapporté que cet administrateur aurait joué un rôle-clé dans le limogeage de Sam Altman.

Séisme dans la Silicon Valley

L’éviction vendredi de Sam Altman, superstar et cofondateur d’OpenAI, à l’origine de la plate-forme d’intelligence artificielle ChatGPT, a provoqué un séisme dans la Silicon Valley (Californie), dont il était devenu en un an l’une des principales figures.

« Il est clair que le processus et la communication autour du retrait de Sam [Altman] ont été très mal gérés, ce qui a gravement entamé la confiance » dans OpenAI, a écrit sur X son remplaçant par intérim, Emmett Shear, cofondateur de la plate-forme de streaming vidéo Twitch qu’il a dirigée jusqu’en mars. Celui-ci s’est engagé pour les trente prochains jours à réaliser un audit indépendant sur les raisons de ce départ et à « réformer l’équipe de direction (…) pour en faire une force capable d’obtenir des résultats pour nos clients ».

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La structure de gouvernance d’OpenAI donne une importance renforcée au conseil d’administration, car il dépend d’une société à but non lucratif, qui chapeaute OpenAI, entité au statut social différent (à but lucratif mais limité). Dans leur lettre, les cadres reprochent également aux administrateurs d’avoir remplacé Mira Murati quelques heures seulement après sa désignation pour succéder à Sam Altman. Ils ajoutent que le conseil a déclaré aux équipes que laisser OpenAI se dissoudre serait « cohérent au regard de sa mission ».

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Le Monde avec AFP

Accidents du travail : Olivier Dussopt remet la réforme de l’indemnisation à plus tard

Le ministre du travail, Olivier Dussopt, et la première ministre, Elisabeth Borne, lors d’une séance de questions au gouvernement, à l’Assemblée nationale, le 14 novembre 2023. 

Le gouvernement et les partenaires sociaux ont trouvé un nouveau thème de discorde : la réforme de l’indemnisation des accidents du travail et des maladies professionnelles. Olivier Dussopt, le ministre du travail, vient de repousser les propositions communes qui lui ont été soumises sur ce dossier par les syndicats et le patronat, au motif qu’elles présentent un « risque constitutionnel » et posent de sérieux problèmes « en termes d’opérationnalité ». « Désinvolture », soupire Isabelle Mercier, secrétaire nationale de la CFDT. « C’est décourageant », renchérit Eric Chevée, vice-président de la Confédération des petites et moyennes entreprises. La refonte du dispositif, qui aurait dû être approuvée par le Parlement cet automne, est reportée sine die.

Au cœur du différend, il y a l’article 39 du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2024, qui figurait dans la version initiale du texte. L’objet de cette disposition était de transposer dans notre corpus législatif des orientations arrêtées par les syndicats et le patronat dans un accord national conclu le 15 mai. Ceux-ci avaient, entre autres, demandé au pouvoir en place de prendre des mesures pour contrer certains effets d’une nouvelle jurisprudence de la Cour de cassation, datée du 20 janvier, très favorable aux victimes d’accidents du travail en cas de « faute inexcusable » de l’entreprise et susceptible de déboucher sur une multiplication des contentieux. Une judiciarisation accrue que les partenaires sociaux voulaient éviter.

Dans le PLFSS présenté fin septembre en conseil des ministres, l’article 39 était donc censé mettre en musique la volonté des organisations de salariés et d’employeurs. Mais les syndicats ont estimé que la copie du gouvernement n’était pas conforme à leurs attentes, notamment parce qu’elle plafonnait l’indemnisation en cas de « faute inexcusable » de l’entreprise. Une critique également formulée par deux autres acteurs ayant pignon sur rue : l’Association nationale de défense des victimes de l’amiante (Andeva) et la Fédération nationale des accidentés du travail et des handicapés (Fnath). Le patronat, de son côté, ne partageait pas ces appréciations.

« Travaux d’analyse »

Face à de telles divergences, M. Dussopt a décidé, le 18 octobre, de retirer l’article 39 du PLFSS tout en invitant les partenaires sociaux à rouvrir des discussions sur ce sujet. Ce qu’ils ont fait quasi immédiatement. Après plusieurs réunions, les représentants des travailleurs et des chefs d’entreprise ont réussi à s’entendre, le 13 novembre, sur une réécriture de l’article 39, le but étant qu’elle soit réintroduite dans le PLFSS en cours d’examen au Parlement. Cette nouvelle mouture prévoit de renvoyer la question des dédommagements pour faute inexcusable à « des travaux d’analyse [qui] doivent être engagés » par la commission des accidents du travail et des maladies professionnelles dans laquelle siègent les organisations de salariés et d’employeurs.

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