Le syndicat SUD-Rail n’exclut pas de faire grève pendant les vacances de Noël, faisant ainsi ressurgir la crainte chez les usagers de voir leur train retardé ou supprimé. D’un côté, la direction de la SNCF propose une « augmentation moyenne » des salaires de 4,6 % pour 2024. De l’autre, SUD-Rail, troisième syndicat représentatif dans l’entreprise ferroviaire, demande « 400 euros d’augmentation mensuelle pour tous ». Les syndicats ont jusqu’au mercredi 22 novembre pour signer l’accord formulé dans le cadre de la négociation annuelle obligatoire (NAO) – la CFDT-Cheminots et l’UNSA-Ferroviaire l’ont déjà ratifié.
Le mois de décembre est propice aux rapports de force entre les syndicats et la compagnie du rail. « Historiquement, c’est le moment du changement de service [la modification annuelle des horaires de trains], sur lequel se greffe une multiplicité des occasions » de faire grève, analyse Gilles Dansart, journaliste fondateur du média spécialisé Mobilettre, qui énumère le pouvoir d’achat ou encore la NAO. Le Monde passe en revue les mobilisations marquantes de fin d’année à la SNCF depuis dix ans – des mouvements aux résultats contrastés.
2022 : les contrôleurs obtiennent une augmentation d’indemnité après un mouvement inédit
La fin de l’année 2022 a donné lieu à une mobilisation à la forme inédite et particulièrement impopulaire auprès des usagers : les contrôleurs se sont organisés sur les réseaux sociaux en formant un collectif, délaissant le cadre traditionnel des organisations syndicales – qui ont toutefois porté les revendications et déposé des préavis. Pour Gilles Dansart, ce conflit social « a émergé en septembre et a pourri par négligence de la hiérarchie ». Avant de se concrétiser par un mouvement de grève des contrôleurs à partir du premier week-end de décembre.
Ce bras de fer s’est soldé in extremis avant Noël, alors que le gouvernement avait mis la pression sur la compagnie ferroviaire pour trouver une issue au conflit social. Les chefs de bord ont obtenu, notamment, une augmentation de leur indemnité (qui compte dans le calcul de la pension de retraite) et des créations de postes. « Pour moi, c’est une des grèves où il y a eu le plus d’avancées sociales », estime Fabien Villedieu, délégué syndical SUD-Rail depuis vingt-trois ans, qui ajoute avoir « plutôt l’habitude de se battre sur les conditions de travail. La question salariale a pris de l’importance depuis 2020 ».
La fin du conflit a permis d’assurer un trafic normal pour le Nouvel An, mais le week-end de Noël est resté perturbé – jusqu’à 50 % d’annulations sur les axes TGV Nord et Atlantique. Des Ouigo et des Intercités ont aussi été supprimés. Au total, quelque 200 000 voyageurs, sur les 800 000 prévus, ont vu leur train annulé.
2021 : des primes obtenues pour les conducteurs et contrôleurs du TGV Sud-Est
Cette fois, c’est une menace localisée, mais sur un axe fréquenté, qui a plané sur les grands départs. Jeudi 16 décembre, avant le premier week-end de vacances, les syndicats CGT-Cheminots et SUD-Rail lèvent finalement leur appel à la grève, prévue le lendemain, sur la ligne du TGV Sud-Est. Des primes de 600 euros pour les conducteurs et de 300 euros pour les contrôleurs ont été obtenues à la suite d’un accord avec la direction de la SNCF de l’axe TGV Sud-Est.
Faute de pouvoir mettre en état de fonctionnement toutes les rames à temps, 50 000 voyageurs ont été privés de train. Les appels à la grève ont été levés « trop tardivement sur le plan opérationnel pour assurer une remontée » du nombre de TGV en circulation, explique la direction.
2019 : une grève inédite contre la réforme des retraites
La mobilisation de 2019 à la SNCF est historique. La grève contre la réforme des retraites d’alors commence le lundi 5 décembre et entraîne la suppression de 90 % du trafic des TGV et des Transiliens, des trains de banlieue desservant principalement les gares franciliennes. La mobilisation continue s’est étendue jusqu’à janvier, dépassant ainsi le record de 1986-1987. « A l’époque, il y a eu des débats entre organisations syndicales, mais la plupart étaient d’accord sur l’idée qu’il ne fallait pas arrêter le mouvement pendant les fêtes », rapporte Stéphane Sirot, historien spécialiste de la sociologie des grèves.
La forte mobilisation des cheminots vise le projet du gouvernement qui envisage d’instaurer un système de retraites par points supprimant les régimes spéciaux. Ce sont 30 % à 40 % des agents de la SNCF et de la RATP qui peuvent être concernés par la réforme – qui sera finalement abandonnée sous cette forme en mars 2020.
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Financièrement, la SNCF a souffert de la contestation : après onze premiers mois « très dynamiques », le groupe public a accusé une perte nette de 801 millions d’euros sur l’année. Les vingt-sept jours de grève en décembre ont représenté environ 690 millions d’euros de manque à gagner de chiffre d’affaires, a estimé l’entreprise.
2013 : une opposition à la réforme ferroviaire
A la mi-décembre 2013, une grève est lancée par cinq syndicats pour contester le projet de réforme ferroviaire visant à rassembler l’exploitant SNCF et le gestionnaire d’infrastructures Réseau ferré de France en un établissement public à caractère industriel et commercial chapeautant deux branches, SNCF Réseau et SNCF Mobilités. Avec cette nouvelle configuration, les syndicats redoutent un « éclatement de la SNCF ».
Le trafic des TGV et TER est légèrement perturbé. C’est en Ile-de-France que la circulation est la plus entravée, avec un train sur quatre sur la ligne B du RER, qui relie notamment Paris aux aéroports de Paris – Charles-de-Gaulle et Paris-Orly. Une mobilisation de moindre importance comparée à celle de juin, portant sur le même enjeu, qui avait été suivie en moyenne par un cheminot sur trois (68,6 % des agents de conduite et 70,4 % des contrôleurs).
La réforme a finalement été adoptée au Parlement et promulguée à l’été 2014. Quatre ans plus tard, une autre réforme organisationnelle a touché la SNCF : celle du « nouveau pacte ferroviaire », qui a supprimé le statut de cheminot pour les nouveaux embauchés à partir de 2020 et organisé l’ouverture à la concurrence pour le transport de voyageurs. Cette grève de trente-six jours, étalée sur le printemps 2018, a coûté 770 millions d’euros de profit opérationnel à l’entreprise, divisant par dix le bénéfice net part du groupe (141 millions d’euros) par rapport à l’année passée.