Archive dans 2023

Après la mort de deux ouvriers, une succession de sous-traitants se renvoient la balle au tribunal

La cité La Source, à Epinay-sur-Seine, en Seine-Saint-Denis.

Une scène pourrait résumer à elle seule ces trois premiers jours d’audience : des hommes qui se font face devant le tribunal et qui se renvoient la responsabilité. Dans une salle en brique, presque comble, les familles des prévenus se serrent sur un banc, visages fermés. Presque aucune famille des victimes n’était présente lors de l’audience, la plupart ne se trouvant pas en France.

Depuis lundi 30 janvier, le tribunal de Bobigny tente de déterminer le niveau de responsabilité de sept hommes – et trois sociétés – dans la mort de deux ouvriers, employés au noir, sans papiers et inexpérimentés, sur un chantier de Seine-Saint-Denis, le 8 juin 2019. Mercredi 1er février, le parquet a requis des peines allant jusqu’à huit mois de prison ferme et 150 000 euros d’amende à l’encontre des prévenus, jugés notamment pour homicide involontaire et travail dissimulé.

Trois ans et demi plus tôt, Kamel Benstaali, 34 ans et Omar Azzouz, 29 ans, travaillaient à la rénovation thermique de la tour D de la cité La Source, à Epinay-sur-Seine. Il fallait charger des seaux de colle jusqu’en haut de l’immeuble, grâce à une plate-forme élévatrice qui, dans la matinée du 8 juin, s’est décrochée du 18e étage.

« J’ai levé la tête et vu la nacelle voler », confie Hafid Biyi, 62 ans, qui se balance d’une jambe sur l’autre. Il était à l’époque « chef des chantiers » pour la Société rénovation et isolation (SRI), qui a recruté les deux victimes. « Ce n’était pas parfait, on croulait sous le travail », reconnaît-il.

« Gérant fantôme »

Hafid Biyi était aussi ouvrier et commercial pour cette entreprise de quatre salariés, dont l’agrément pour intervenir sur le chantier d’Epinay a été longuement débattu durant la première journée d’audience. Sur ce chantier, c’était l’interlocuteur de tous, même s’il assure ne pas être le dirigeant de la société. Lui avance le nom de Fathy Abou Shreef, un « gérant fantôme », souvent évoqué durant l’audience mais introuvable depuis l’accident. C’est son nom qui apparaît sur les déclarations d’embauche, remplies deux jours après leur mort, de Kamel Benstaali et Omar Azzouz. Si les avocats d’Hafid Biyi demandent que leur client ne « paye pas pour les fautes de M. Abou Shreef », le tribunal émet des doutes sur le partage de fonction entre les deux hommes.

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Hafid Biyi affirme à la barre ne « pas connaître » les deux ouvriers avant cette matinée du 8 juin. Néanmoins, les analyses téléphoniques attestent de la présence d’Omar Azzouz depuis plusieurs semaines sur le chantier. Il dit « tout » ignorer des deux victimes et ne pas savoir s’ils possédaient bien la carte BTP, nécessaire pour travailler. « Qui avait la charge de vérifier ces cartes ? », demande Elisabeth Dugre, présidente du tribunal. « Personne », finit-il par lâcher. « Et qui devait s’assurer de la conformité de la plate-forme ? », interroge la présidente. « Je ne l’ai pas fait, je n’avais pas les compétences », dit-il, en baissant encore la voix.

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Des salariés d’Euronews en grève contre la crainte d’un démantèlement

Le siège d’Euronews à Lyon, le 15 octobre 2015.

Les craintes s’amoncellent chez les salariés d’Euronews. Inquiétudes autour d’une possible délocalisation d’emplois, de potentielles suppressions de postes, voire d’une fin du modèle multilingue de la chaîne. Environ 150 personnes – sur les 500 que compte la société – se sont mobilisées, jeudi 2 février, pour faire part de leur émotion devant les locaux vert fluo situés dans le quartier de la Confluence, à Lyon. « Non au démantèlement », « On veut juste les moyens de faire notre métier : informer », « Unis dans la diversité », pouvait-on lire sur les pancartes des manifestants appelés à la grève par l’intersyndicale constituée du SNJ, de la CGT et de la CFE-CGC.

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Au-delà des incertitudes, un véritable mécontentement a émergé parmi les salariés avec le rachat d’Euronews par le fonds d’investissement portugais Alpac Capital, en juillet 2022. « On est confrontés à des coupes budgétaires à tous les niveaux. Les conditions de travail se sont dégradées avec des sous-effectifs chroniques et le non-remplacement des salariés », dénonce Lena Roche, élue du personnel CFE-CGC et secrétaire du comité social et économique.

« Le fonds d’investissement n’a pas envie de développer l’entreprise, contrairement à ce qu’il clamait au départ », tance un journaliste de la rédaction souhaitant rester anonyme. « Il veut couper dans les dépenses, nous revendre en faisant une plus-value, et l’humain est la dernière chose dont ils se soucient », juge-t-il.

13 millions d’euros de déficit

Lancée en 1993 par une vingtaine de chaînes européennes, avec pour objectif de répondre à l’américaine CNN, Euronews a déjà été secouée par deux plans sociaux depuis 2017. La chaîne, qui diffuse en continu des informations en quinze langues avec une rédaction de quatre cents journalistes, est aujourd’hui exsangue. Elle a cumulé « 160 millions [d’euros] de pertes en dix ans », selon Guillaume Dubois, le directeur général nommé, en juin 2022.

L’ancien directeur général de BFM-TV et PDG du groupe L’Express explique que le déficit de la chaîne approcherait 13 millions d’euros dans son résultat d’exploitation de 2022, comme l’année précédente. Pour faire des économies, le « cube » d’Euronews et ses 10 000 mètres carrés de surface ont été mis en vente, l’actionnaire cherchant désormais de nouveaux locaux dans la métropole de Lyon.

L’annonce du plan stratégique, repoussée à plusieurs reprises, a fini par agacer au sein de la chaîne. « Je comprends l’impatience des salariés, mais ça sera fait la semaine du 27 février. On veut présenter un plan ambitieux, complet et argumenté », assure Guillaume Dubois. En attendant, trois délégués syndicaux ont rencontré Pedro Vargas David, le président du conseil d’administration d’Alpac.

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De passage à Lyon le 19 janvier, il n’est visiblement pas parvenu à rassurer. Il aurait affirmé sa volonté que des bureaux soient ouverts dans les capitales européennes. « On ne sait pas si nos rédactions vont être éclatées dans les différentes capitales ou si ce sera un complément », explique Marie Jamet, élue du personnel SNJ. « Il y a plein de questions et pas de réponses pour l’instant. On est tellement dans le flou que c’est “radio moquette” qui prend feu », déplore Lena Roche, de la CFE-CGC.

Salaires des professeurs : les questions posées par l’annonce de Pap Ndiaye sur le « nouveau pacte »

Le ministre de l’éducation nationale Pap Ndiaye, à l’Elysée, le 12 octobre 2022.

Cela ne devait plus faire partie de la nouvelle « méthode Pap », mais pour cette fois, le ministère de l’éducation nationale aura devancé les négociations syndicales dans les médias. Jeudi 2 février, sur France Inter, le ministre Pap Ndiaye a annoncé que les missions supplémentaires qui doivent permettre aux enseignants d’améliorer leurs rémunérations dans le cadre du « nouveau pacte » voulu par le président de la République, Emmanuel Macron, représenteraient « un volume horaire d’environ soixante-douze heures en plus » par an.

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Cette enveloppe annuelle assurerait une hausse de rémunération de 10 %, a également précisé le ministre. Le montant débloqué par année et par enseignant serait de 3 650 euros, soit un peu plus de 300 euros par mois sur douze mois.

Ces « nouvelles missions obligatoires pour les professeurs qui adhéreront au pacte » seront de plusieurs natures, a précisé Pap Ndiaye. Il pourra s’agir de « remplacement de courte durée, de l’orientation et de l’accompagnement des élèves, et, dans le premier degré, la possibilité d’enseigner au collège l’heure de renforcement de maths et de français », a-t-il énuméré.

Un deuxième type de mission concerné par le pacte pourra « varier selon les établissements », puisqu’il s’agira des projets pédagogiques innovants, financés dans le cadre du Conseil national de la refondation éducation. Dans certains établissements, ces missions ont déjà commencé et les enseignants perçoivent une indemnité correspondante. Pour les nouveaux projets à partir de septembre, cependant, celle-ci sera comprise dans le pacte, assure-t-on au ministère de l’éducation.

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« Personne ne nous avait parlé d’un horaire annuel de soixante-douze heures », s’étonne Sophie Vénétitay, du SNES-FSU. La réunion avec les syndicats est prévue mercredi 8 février pour discuter de la partie « pacte » de la revalorisation, à ne pas confondre avec la partie « socle », qui correspond à l’augmentation, sans conditions, de certains échelons de la grille de salaire des enseignants. « J’ai fait savoir que nous n’apprécions pas de revenir à un modèle où nous apprenons les choses par voie de presse avant même le début des négociations », ajoute Catherine Nave-Bekhti, du SGEN-CFDT.

« Un problème de forme »

Les syndicats enseignants se souviennent des années Blanquer, et particulièrement de la crise due au Covid-19, où les décisions de l’institution étaient systématiquement annoncées dans les médias. La somme annoncée de 3 650 euros par an et par enseignant avait en revanche déjà circulé « en off » dans l’entourage du ministre, assurent-ils.

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Revalorisation des enseignants : Pap Ndiaye propose 72 heures par an pour de « nouvelles missions »

Le ministre de l’éducation nationale, Pap Ndiaye, a indiqué jeudi 2 février que le « pacte » proposé par le gouvernement aux enseignants, qui prévoit une hausse de rémunération conditionnée à de nouvelles missions, correspondrait à un « volume annuel d’environ 72 heures » de tâches supplémentaires.

« Nous sommes en négociation actuellement pour aboutir, début mars, à des propositions qui seront mises en œuvre à partir de la rentrée 2023. De quoi s’agit-il ? Il s’agit de deux volets en quelque sorte dans ce pacte : un volet obligatoire, avec en particulier des missions liées aux remplacements de courte durée (…) Pour l’ensemble de ces nouvelles missions, nous calculons un volume annuel d’environ 72 heures », a déclaré le ministre sur France Inter, sans donner davantage de précisions.

Il a cité également « des missions d’orientation et d’accompagnement des élèves », avec « du côté du premier degré cette possibilité d’enseigner au collège », avec l’heure supplémentaire de renforcement et de soutien en français et en mathématiques en 6e annoncée récemment par le ministre, assurée en partie par des professeurs des écoles.

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Deux scénarios de revalorisation

« Ensuite, il y a tout un volet de missions qui peuvent varier selon les établissements et qui sont liés au CNR [Conseil national de la refondation] éducation, à toutes ces initiatives qui sont prises », a-t-il dit. Ces nouvelles missions permettront de « gagner 10 % de plus par rapport au salaire moyen, donc ça représente une somme de 3 650 euros annuels », a souligné le ministre.

Les concertations sur les hausses de rémunérations des enseignants, promises par le président Emmanuel Macron, ont repris en janvier, après une première phase à l’automne. Elles ont porté la semaine dernière sur la partie « socle » (inconditionnelle) des hausses, avant une réunion mercredi prochain sur cette partie « pacte », liée à de nouvelles missions. Sur la partie « socle », le ministère a présenté aux syndicats deux scénarios de revalorisation des salaires des enseignants aux syndicats, mais ceux-ci sont restés sceptiques, jugeant les hausses de rémunérations prévues trop faibles pour les deuxièmes moitiés de carrière.

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Le Monde avec AFP

Réformes des retraites : le tabou de la rémunération des seniors

Trop chers les quinquas ? C’est souvent l’un des arguments mis en avant par les entreprises pour justifier le faible taux d’emploi des plus de 55 ans en France – une singularité réapparue avec la réforme des retraites, que les économistes peinent encore à expliquer. Alors que les députés ont approuvé, mardi 31 janvier, lors de l’examen du projet de loi en commission à l’Assemblée nationale, la création d’un « index seniors » dans les entreprises pour améliorer la place des salariés en fin de carrière, les chiffres sont éloquents. Selon l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), moins de 54 % des Français âgés de 55 à 64 ans occupaient un emploi en 2020, contre 60 % en moyenne en Europe et dans l’OCDE (qui regroupe les 38 pays les plus développés), et jusqu’à 71 % au Danemark.

Les chiffres révèlent aussi une réalité moins débattue : les 55-64 ans coûtent plus cher en France qu’ailleurs. Leur rémunération moyenne y est supérieure de 17 % à celle des 25-54 ans, selon les données de l’OCDE, contre 11 % en Allemagne, 8 % aux Etats-Unis, ou 3 % au Danemark. Dans certains pays, la rémunération tend même à diminuer en fin de carrière : elle décroît ainsi légèrement au Royaume-Uni ou au Canada (− 1 %).

En France, en moyenne, le salaire mensuel à 25 ans s’élève à 1 350 euros environ, progresse rapidement dans les dix à quinze années suivantes, stagne ensuite au-dessus de 2 000 euros, avant d’accélérer de nouveau dans les dix dernières années pour culminer autour de 2 300 euros, détaille une note de France Stratégie, organisme rattaché à Matignon, publiée en 2018. Dans une carrière complète, le salaire moyen augmenterait donc de 1 000 euros environ.

Accords de branche

Cet écart entre les salariés âgés et les autres s’est réduit ces dernières années – il était deux fois plus élevé en 2006. Mais « ces différences de salaires en fin de carrière peuvent avoir un effet sur l’emploi, confirme Hervé Boulhol, économiste principal chargé des retraites, à la direction de l’emploi, du travail et des affaires sociales de l’OCDE. Les pays dans lesquels les rémunérations augmentent sont aussi ceux où le taux d’emploi des seniors est faible – l’Italie, la Belgique, la Grèce, l’Autriche… La corrélation n’est pas forcément une causalité, mais il y a quand même quelque chose de flagrant ».

Les chiffres sont toutefois un peu déformants, note l’organisation. « Il y a un effet lié au profil des personnes qui quittent le marché à cet âge, confirme l’économiste Alain Trannoy, directeur de recherche à l’Ecole des hautes études en sciences sociales. En France, contrairement aux Etats-Unis, les moins qualifiés sont ceux qui sortent les premiers. Ceux qui restent sont plus diplômés et plus adaptés au marché du travail. Or, ce sont aussi les mieux payés, d’où cet effet sur les salaires. » Reste à savoir pourquoi les premiers sont exclus du marché. Sont-ils jugés moins productifs – un fait très difficile à établir ? Ou est-ce de la discrimination, découlant de représentations stéréotypées liées à l’âge ?

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Actions des grévistes sur le réseau électrique : l’enquête de la DGSI révèle un climat social tendu chez RTE

Avant d’être une citadelle d’ingénieurs, de data scientists et d’économistes, RTE est une entreprise « les mains dans le cambouis », comme le dit le président du directoire, Xavier Piechaczyk (262 500 euros de salaire brut, 80 000 euros de part variable, en 2021, selon l’agence de participation de l’Etat). L’huile qui sert d’isolant dans les transformateurs. Le cuivre des fils électriques. L’acier des 250 000 pylônes. Le béton des tunnels pour les lignes enterrées, notamment celles qui passent sous la mer ou sous les montagnes, devenues essentielles cet hiver pour importer de l’électricité en provenance du reste de l’Europe.

Sur ses 9 500 salariés, 4 000 environ travaillent dans la maintenance, les fameux « lignards », de jour comme de nuit, le long des lignes haute tension (entre 63 000 et 400 000 volts). La CGT y a toujours tenu une place solide, sous la bannière de la Fédération de l’énergie, très attachée au statut des industries électriques et gazières, avec des taux de syndicalisation restés élevés.

Les syndicats sont sévères sur le management de RTE. « Avec l’application Ecowatt [qui donne des alertes aux consommateurs sur les risques éventuels de coupures], Xavier Piechaczyk est un peu devenu le Olivier Véran de l’électricité », grince un syndicaliste, agacé de voir le patron de l’entreprise prendre la lumière médiatique. L’année 2022 a été marquée par un conflit social très dur sur les demandes d’augmentation salariale.

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De longues grèves, portées notamment par la CGT. « La direction est en mode bulldozer, ils ne cherchent pas les compromis », fustige Francis Casanova, délégué central de la CGT. Même si, après de longs mois de bataille, la direction et les syndicats se sont entendus, mi-décembre 2022, sur les hausses de rémunération face à l’inflation en 2022 et 2023, suivant d’autres entreprises du secteur, notamment Enedis et EDF.

Une « procédure normale »

Un épisode en particulier a marqué les esprits dans l’entreprise : le recours à la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), en juillet 2022, à propos d’actions de protestation dans les Hauts-de-France. Les quelque 200 procès-verbaux de l’enquête pénale, consultés par Le Monde, montrent que l’entreprise a choisi de prévenir le service d’espionnage en parallèle du dépôt de plainte pour des faits d’intrusion dans le système informatique, commis en marge d’un mouvement syndical, ayant perturbé RTE dans son pilotage des réseaux dans la région ces jours-là.

Après une enquête interne particulièrement approfondie, les services de sécurité de RTE, dirigés par un général de gendarmerie à la retraite, ont identifié quatre suspects parmi les employés. La DGSI a pris le relais : écoutes judiciaires, géolocalisation des déplacements, perquisitions par une vingtaine de policiers et techniciens scientifiques, puis un peu plus de soixante-douze heures de garde à vue pour les quatre salariés mis en cause. « Avec des collègues, on s’était organisés pour essayer de faire parler de nous puisque les voies normales ne marchaient pas », a justifié Antoine B. devant les enquêteurs en reconnaissant les faits comme les trois autres hommes auditionnés.

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La Fed ralentit la hausse des taux et adopte un ton résolument optimiste sur l’inflation

Le président de la Réserve fédérale (Fed, banque centrale américaine), Jerome Powell, à l’issue de la réunion du comité de politique monétaire, à Washington, mercredi 1er février.

La bataille contre l’inflation n’est pas encore gagnée, mais l’affaire est en très bonne voie. C’est au fond le message qu’a adressé Jerome Powell, le président de la Réserve fédérale (Fed, banque centrale américaine), lors de sa conférence de presse, à l’issue de la réunion du comité de politique monétaire, mercredi 1er février.

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Comme prévu, l’institution a augmenté ses taux directeurs, mais d’un quart de point seulement, à 4,75 %. La banque revient à un rythme normal, après avoir relevé le loyer de l’argent à marche forcée, le faisant passer de zéro à 4,5 %, en 2022. La Fed, dans son communiqué, souligne que « l’inflation a quelque peu diminué, mais reste élevée » et estime que des augmentations continues seront appropriées pour atteindre une politique monétaire suffisamment restrictive pour ramener l’inflation à 2 %.

D’autres hausses sont à attendre, en mars ou en mai. Toutefois, pendant sa conférence de presse, M. Powell était optimiste, au point que les marchés, qui étaient dans le rouge, se sont envolés : le Nasdaq, riche en sociétés technologiques et très sensible à l’inflation, a fini la séance de mercredi en hausse de 2 % (12,9 % depuis le début de l’année), tandis que le S&P 500 progressait de 1,05 %. « Je pense que nous pouvons maintenant dire que pour la première fois le processus désinflationniste a commencé », a déclaré M. Powell, tout en notant qu’il serait « très prématuré de déclarer victoire ou de penser que c’est fait ».

Un marché de l’emploi favorable aux salariés

« Désinflation », le mot est prononcé, qui concerne avant tout le prix des biens. Hors énergie et alimentation, ceux-ci baissent depuis septembre 2022, en raison de la résorption des goulets d’étranglement post-Covid-19 (semi-conducteurs, matières premières, fret) et de la désaffection des consommateurs, qui avaient surconsommé quand ils étaient confinés. Leur hausse, sur un an, n’était que de 2,1 % en décembre 2022.

Deuxième bonne nouvelle, la hausse du coût du logement se calme, notamment en raison du doublement des taux des emprunts hypothécaires, qui se situent à 6,5 % sur trente ans. Reste l’inflation dans les services, encore trop élevée, avec une exubérance du transport aérien (+ 28 % sur un an) : M. Powell voudrait la voir baisser.

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L’inflation encore élevée est notamment liée au marché de l’emploi, qui reste très favorable aux salariés, avec un taux de chômage de 3,5 %, au plus bas depuis cinquante ans, une faible immigration et une participation à l’emploi en deçà des niveaux prépandémiques. En 2022, 50,5 millions d’Américains ont quitté leur emploi, soit 3,1 % des salariés du privé. Un record.

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Des salariés satisfaits mais tendus : l’intensification du travail a augmenté la charge mentale

Le goût du travail bien fait et le goût des autres sont toujours d’actualité, à en croire la dernière étude de l’Institut Montaigne, « Les Français au travail : dépasser les idées reçues » à paraître jeudi 2 février. Les actifs aiment leur travail, aussi pénible soit-il, mais veulent le faire dans de bonnes conditions, et davantage en télétravail. Et s’ils sont prêts à travailler plus, c’est pour gagner plus. « La préoccupation centrale de la rémunération se traduit dans notre enquête par l’importance de (…) “gagner de l’argent” dans le sens donné au travail, plus dans le privé que dans le public, et en particulier pour les ouvriers », commente l’Institut Montaigne.

Le think tank a abouti à ces conclusions en deux temps. Kantar Public a réalisé pour lui une enquête à l’automne 2022 intitulée « Le travail au XXIsiècle », qui a donné la parole à plus de 5 000 actifs en emploi (des salariés et des indépendants, qu’ils soient dans le secteur public ou dans le privé) afin qu’ils décrivent eux-mêmes leur rapport au travail. Puis, il en a confié l’analyse économétrique au cabinet de conseil Kearney pour disséquer les données, identifier les ruptures avec les études précédentes de l’Institut Montaigne, en les croisant avec les statistiques nationales et européennes afin d’explorer les liens de causalité.

Dans cette étude, le management apparaît comme un enjeu majeur en lien avec la qualité de vie au travail. C’est surtout la charge de travail qui apparaît problématique : 60 % considèrent qu’elle a augmenté au cours des cinq dernières années. Un quart des salariés (24 %) et 18 % des indépendants la jugent même « excessive » : 31 % dans les secteurs de la santé, du social et de la culture et 30 % au sein des professions intermédiaires.

« On ne déconnecte plus »

La plupart des facteurs qui expliquent le ressenti de cette charge de travail « excessive » sont d’ordre subjectif : une relation dégradée avec le management, une faible autonomie au travail… et surtout une charge psychique, qui pèse lourd sur les actifs. « Les manageurs devraient avoir davantage conscience que leur rôle est plus qu’ils ne l’imaginent important pour la satisfaction des salariés. Les insatisfactions à leur égard, même si elles sont légères, pèsent lourd », commente l’économiste Bertrand Martinot, spécialiste de l’emploi de l’Institut Montaigne.

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Contrairement à ce que l’on observe pour la pénibilité physique, la charge mentale ne dépend pas de la catégorie socioprofessionnelle. Elle frappe en revanche certains secteurs plus que d’autres : la santé, le social, l’hébergement et la restauration. La pénibilité psychique est fortement ressentie : 47 % des actifs interrogés estiment que leur travail est psychologiquement pénible. « Les questions liées à la santé au travail, surtout la santé mentale et le traitement, si possible préventif, d’une charge psychique excessive, doivent devenir des préoccupations centrales », recommandent les auteurs.

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« La Nouvelle Peur des autres » : Etes-vous un anxieux social ?

Le livre. « Imaginez qu’en rentrant dans cette salle, vous vous aperceviez soudain que vous êtes tout nu. (…) C’est ce que vivent, avec plus ou moins d’intensité il est vrai, les anxieux et les phobiques sociaux. » Voici quelques années, la présidente de l’Association américaine des troubles anxieux avait saisi, avec ces mots, l’assistance d’un Congrès mondial de psychiatrie. Et mis le doigt sur les douleurs intenses que peuvent ressentir les personnes touchées par l’anxiété sociale, sans que leur entourage le remarque forcément.

De fait, cette peur du regard et du jugement d’autrui qui se décline en trac, timidité ou phobie sociale, peut handicaper lourdement ceux qui la subissent. Dans les cas extrêmes, elle envahit tous les compartiments d’une vie où des efforts démesurés sont déployés pour éviter tout contact.

Cette anxiété sociale est l’objet d’un essai mené par trois psychiatres, Christophe André, Patrick Légeron et Antoine Pelissolo, La Nouvelle Peur des autres (Odile Jacob), qui explorent ses manifestations, ses ressorts, mais aussi les moyens de s’en libérer (médicaments, psychothérapie). Ce faisant, ils mettent en lumière combien cette crainte d’autrui peut peser sur la vie professionnelle des personnes concernées.

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L’angoisse de s’exprimer en réunion, de s’affirmer et d’imposer ses vues à des prestataires ou même l’appréhension d’échanges informels autour de la machine à café… Cette peur des autres peut se manifester en de multiples occasions, jusqu’à influer les choix de carrière des personnes touchées. Ainsi, « 58 % des employés disent appréhender d’occuper un poste de direction par peur de devoir s’exprimer en public », expliquent les auteurs. De quoi pousser certains salariés à décliner une promotion.

Usage à double tranchant

D’autres professionnels ont ressenti le besoin d’adapter leur carrière : « Des médecins phobiques sociaux optent ainsi pour une spécialité qui ne les oblige pas à discuter avec leurs patients, comme l’anesthésie ou la radiologie », indiquent les auteurs, citant aussi le cas de ce « professeur d’histoire qui finit par renoncer à son métier pour travailler comme vigile de nuit dans une grande usine, seul moyen de ne pas se rendre quotidiennement malade en affrontant élèves, parents et collègues ».

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L’époque ne facilite pas les choses pour les anxieux sociaux. Si les technologies peuvent parfois constituer un refuge, leur usage est à double tranchant, rendant les interactions physiques plus rares… Et plus angoissantes. Nombre de salariés ont d’ailleurs eu des difficultés à reprendre une activité professionnelle en présentiel après les périodes de confinement, « ayant perdu l’habitude des confrontations directes et des prises de parole lors de vraies réunions ».

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Transition énergétique : le défi d’une électrification de la France d’ici à 2050

Le XXIe siècle sera électrique, ou ne sera pas. Thomas Veyrenc, ingénieur de CentraleSupélec et diplômé de Sciences Po, pilote les prévisions parmi les plus sensibles en France. Sous sa direction, au cœur du quartier de La Défense, à Paris, 150 ingénieurs et économistes analysent des quantités considérables de données, économiques, sociétales, météorologiques, physiques, minières, hydrologiques, climatiques, industrielles, afin d’éclairer les choix énergétiques de la France pour les prochaines décennies. « Une machine à simuler », dit-il dans un sourire.

Son employeur, dont il est directeur exécutif stratégie et prospective, est une entreprise habituellement discrète, sinon secrète, à la gouvernance atypique, à l’actionnariat dormant, longtemps demeurée dans l’ombre de la puissante EDF, mais dont le poids stratégique va s’accentuer avec la dramatisation des enjeux énergétiques et l’engagement de décarbonation du pays d’ici à 2050.

Bienvenue chez RTE, pour Réseau de transport d’électricité, 9 500 salariés, 106 000 kilomètres de lignes à très haute tension, 250 000 pylônes, plus de 5 milliards d’euros de chiffre d’affaires et la mission d’anticiper les avenirs énergétiques, exercice aussi délicat que stratégique, qu’il s’agisse des éventuelles coupures d’électricité de l’hiver 2022-2023 ou du visage de la France dans vingt ans.

« Les pédagogues d’une société décarbonée »

En fin d’entretien, quand la prudence s’estompe un peu, malgré les deux conseillères en communication mobilisées, Thomas Veyrenc livre son intime conviction, colonne vertébrale de la prochaine étude de RTE, qui devrait à nouveau bousculer les débats d’ici à juin : la France doit se préparer urgemment à un plan massif d’électrification et donc à des choix industriels drastiques dans un temps très court.

Car il va falloir que les filières – dans le nucléaire, les énergies renouvelables et les infrastructures – montent en cadence de façon spectaculaire pour absorber le choc à venir du remplacement des énergies fossiles consommées sur le territoire.

Sur le site de l’interconnexion électrique France-Espagne, à Baixas (Pyrénées-Orientales), le 19 janvier 2023.

C’était déjà, en partie, l’objet des travaux publiés par RTE en octobre 2021, sous le nom de « Futurs énergétiques 2050 ». Soit près de 1 000 pages d’anticipation, denses, argumentées, des scénarios envisageables pour que le pays atteigne son objectif de neutralité carbone, bien au-delà des débats habituels entre chapelles concurrentes sur le nucléaire, le pétrole, le gaz ou les énergies renouvelables. Ces travaux avaient, très distinctement, formé la charpente du discours du chef de l’Etat, Emmanuel Macron, le 10 février 2022, à Belfort, lors de ses annonces sur la politique énergétique française et la relance du nucléaire.

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