Archive dans 2023

Souveraineté sanitaire : l’Etat met la main à la poche pour soutenir le seul projet de reprise de Carelide

Opération sauvetage pour Carelide, unique fabricant français de poches de perfusion. Au nom de la souveraineté sanitaire, l’Etat, la région des Hauts-de-France et la métropole lilloise ont annoncé un soutien financier à l’offre de reprise de l’entreprise nordiste, examinée vendredi par la justice.

La seule offre pour cette entreprise en difficulté avait été présentée in extremis mi-janvier par les laboratoires pharmaceutiques français Aguettant et le groupe Delpharm. Le tribunal de commerce de Lille Métropole doit se prononcer dans la journée sur cette opération, après une audience dans la matinée, selon une source proche du dossier.

Si elle est validée, la reprise ne prévoit que neuf suppressions d’emplois, sur quelque quatre cents, selon plusieurs responsables syndicaux. L’Etat va « faire un prêt de 20 millions d’euros et [accorder] une subvention de cinq millions » pour soutenir les repreneurs, a annoncé le ministre de l’industrie Roland Lescure sur l’antenne d’Europe 1.

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« Si on veut assurer notre souveraineté industrielle, on a besoin de grands industriels. On en a un, qui est prêt à prendre Carelide. L’Etat, du coup, va l’accompagner », a mis en avant le ministre, soulignant que le repreneur allait lui « mettre 40 » millions. Carelide fournit principalement les hôpitaux, un marché sur lequel il est concurrencé par un groupe allemand et par l’américain Baxter.

La société avait été placée en redressement judiciaire le 24 octobre à cause d’une « impasse de trésorerie », estimée pour janvier février à près de 10 millions d’euros, avait indiqué en novembre le président du tribunal de commerce Eric Feldmann. La région Hauts-de-France et la métropole européenne de Lille ont de leur côté annoncé vendredi qu’ils soumettront aux votes de leur assemblée respective une subvention de 1 million d’euros chacune pour sauvegarder cette « entreprise stratégique » basée dans la périphérie de Lille.

« Bonne nouvelle » pour les syndicats, qui restent « vigilants »

Plusieurs dizaines de salariés étaient rassemblés, vendredi matin, au tribunal de commerce de Lille Métropole. Prévoyant initialement la reprise d’au moins trois cents salariés sur les quelque quatre cents que comptait l’entreprise, les candidats à la reprise devraient finalement en conserver 383, soit neuf suppressions d’emploi, ont fait savoir plusieurs responsables syndicaux sur place.

Meryam Djidel, déléguée syndicale CGT, a salué une « bonne nouvelle » après l’annonce ministérielle. « L’enjeu, c’est de rester vigilants pour ne pas qu’il y ait d’autres licenciements plus tard ». « L’Etat a pris la mesure de l’enjeu », a estimé Daniel Moreia, délégué SUD. « On est les seuls à faire des poches de perfusion et de paracétamol liquide en France, et on a vu, avec les pénuries de paracétamol et d’antibiotiques fabriqués en Chine, l’importance de garder certaines productions en France », a-t-il souligné.

M. Lescure a lui aussi souligné que Carelide était « une des trois dernières » sociétés à produire des poches à perfusion en Europe. « On avait un enjeu, les hôpitaux nous l’ont dit, de capacité à livrer, et c’est la seule société aujourd’hui qui fait des poches à perfusion de paracétamol, donc, vraiment on en avait besoin », a-t-il conclu.

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En octobre 2020, en pleine crise sanitaire, le gouvernement avait octroyé à Carelide une aide de 5 millions d’euros – sur un investissement total de 12,5 millions d’euros dans l’entreprise – pour lui permettre d’augmenter sa capacité de production. Le nouveau coup de pouce a été annoncé le jour d’une réunion à Bercy d’industriels de la santé, auxquels l’Etat entend soumettre une nouvelle « doctrine » pour favoriser l’emploi en France, dans ce secteur.

Sous-traitant dans la fabrication de médicaments, Delpharm affichait en juin 2022 un chiffre d’affaires annuel de 1 milliard d’euros. Le groupe de Boulogne-Billancourt compte 6 000 salariés et dix-sept usines, dont onze en France. Basé à Lyon, Aguettant est un spécialiste des produits injectables utilisés à l’hôpital qui emploient 500 salariés et a réalisé, en 2022, un chiffre d’affaires de 160 millions d’euros.

Le Monde avec AFP

Pénurie de camions et de chauffeurs : l’enfer logistique de l’industrie automobile

Faute de chauffeurs et de camions, Stellantis doit stocker les véhicules Peugeot produits à Sochaux, à Malbouhans (Haute-Saône), le 25 novembre 2022.

Commander une voiture neuve est devenu une vraie école de patience. Françoise Lafargue, enseignante retraitée des Bouches-du-Rhône, en sait quelque chose. En avril 2022, elle a commandé une petite Dacia Spring électrique. La livraison, l’avait-on prévenue, n’interviendrait pas avant septembre. Début janvier, après avoir fait le siège du concessionnaire, elle a finalement appris que le véhicule, produit en Chine, était immobilisé depuis quelque temps sur un quai du port du Havre (Seine-Maritime).

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Un mois et demi plus tard, il s’y trouve toujours, faute d’un transporteur disponible pour assurer le trajet final. A Françoise Lafargue, qui vit près d’Arles (Bouches-du-Rhône), on a promis sa Spring au plus tard le 16 mars. En attendant, elle lui a déjà donné un surnom qui s’impose : « l’Arlésienne ».

Au sein du groupe Renault auquel appartient Dacia, les questions logistiques sont scrutées quotidiennement par une war room qui suit à distance les mouvements de 6 000 poids lourds entre usines et lieux de stockage. « En plus de la crise des semi-conducteurs et de l’indisponibilité chronique de solutions de transport maritime, le manque de camions porte-voitures est la dernière pénurie en date… en attendant la prochaine », se désole une porte-parole de Renault.

Grandes remorques

Chez Stellantis, une task force a été constituée afin de prendre à bras-le-corps un dossier décrété « priorité absolue ». L’une de ses premières décisions aura été de stocker sur l’aérodrome militaire désaffecté de Lure-Malbouhans (Haute-Saône) plusieurs centaines de Peugeot et de Citroën fraîchement sorties de l’usine de Sochaux (Doubs) ou acheminées depuis les centres de production installés en Slovaquie ou en Espagne.

Cette agitation souvent vaine se déploie alors que les coûts logistiques flambent. Ils ont officiellement progressé de 18,5 % en 2022, mais certains tarifs grimpent beaucoup plus vite. Pour expédier des véhicules vers l’Allemagne ou la Suisse, la facture a été multipliée par trois, selon un constructeur. Ce déséquilibre entre l’offre et la demande de transport de voitures, un marché qui pèse environ 2,5 milliards d’euros en France, ne date pas d’hier.

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Entre 2008 et 2018, le nombre de porte-huit disponibles, ces grandes remorques qui peuvent accueillir autant de véhicules, est passé de 20 600 à 17 000 unités en Europe. La faute, selon les organisations professionnelles, à la faible rémunération des opérateurs mis en concurrence par les constructeurs et l’attrait exercé par d’autres marchés de la logistique, plus rémunérateurs.

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Un grave accident du travail par empoisonnement à la gare de Lyon, sur fond de conditions difficiles

« Vers 19 heures, mon manageur arrive avec un gobelet. Je lui demande ce que c’est. Il me répète trois fois de le boire. Je finis par le faire, car je lui fais confiance. Cela m’a immédiatement brûlé tout le corps. » L’histoire fait froid dans le dos : dimanche 13 novembre 2022, alors qu’il travaillait comme chaque week-end dans le magasin Pierre Hermé de la gare de Lyon, Gabriel (le prénom a été modifié) se serait vu proposer un gobelet de l’enseigne Starbucks située à proximité, et gérée par la même entreprise, Select Service Partners (SSP).

Loin d’être un jus, le produit qu’il ingère se révélera être un détergent pour lave-vaisselle à base de soude caustique. Evacué par les pompiers, cet étudiant en bac pro plomberie passera finalement deux semaines dans un coma artificiel, subissant de nombreuses interventions chirurgicales qui lui laisseront des séquelles, notamment au niveau de l’œsophage.

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« Nous confirmons qu’un collaborateur SSP en gare de Lyon Paris a malheureusement été impliqué dans ce grave accident du travail qui a conduit à son hospitalisation. Nos pensées s’adressent à notre collègue dans ce moment difficile, réagit, auprès du Monde, la direction britannique de l’entreprise de restauration commerciale gérante de plusieurs commerces de la gare, dont le fameux restaurant Le Train Bleu. Immédiatement après l’accident, nous avons lancé une enquête en collaboration avec la Commission santé, sécurité et conditions de travail (CSSCT), afin de mieux comprendre les circonstances de l’accident. » SSP, qui compte 23 000 salariés dont 3 000 en France, n’a pas donné davantage de détails.

Que s’est-il passé précisément ? Dans le procès-verbal d’une réunion ordinaire de la CSSCT, tenue onze jours après les faits, alors que Gabriel était toujours dans le coma, le déroulé des événements est le suivant : « Le point de vente était en rupture sur un produit d’entretien, c’est pourquoi ils sont allés sur un autre point de vente pour récupérer du produit pour effectuer leur lavage. Ce produit a été transvasé dans un récipient type gobelet. Le gobelet a été ramené sur Pierre Hermé et a été posé à côté du lavabo, endroit où un collaborateur effectuait son nettoyage. Vu qu’il s’agissait d’un gobelet standard sans indication particulière, la victime, en voyant le gobelet, a pensé que c’était du jus de fruit et en a bu une gorgée. » Un récit qui diffère du témoignage de la victime.

Plusieurs consignes de santé-sécurité n’ont pas été respectées

Mis au courant de l’affaire, des représentants de la fédération SUD Hôtellerie-Restauration ont demandé qu’une enquête soit lancée. L’inspection du travail et la médecine du travail aussi sont intervenues, tandis que la famille de Gabriel a porté plainte. Par ailleurs, une « enquête de police est en cours pour déterminer si l’empoisonnement est volontaire ou pas de la part du manageur, selon quoi une procédure pénale aura lieu », indique Francine Biboum, avocate de la famille de Gabriel, qui devrait attaquer SSP pour démontrer une faute inexcusable de l’employeur.

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Grève dans la fonction publique d’Etat : les modalités de retenues sur salaire « disproportionnées », selon un organe du Conseil de l’Europe

La France enfreint la Charte sociale européenne en appliquant à certains fonctionnaires grévistes des retenues de salaires excessives, a considéré, dans une décision rendue publique mardi 14 février, le Comité européen des droits sociaux (CEDS). L’instance, rattachée au Conseil de l’Europe et chargée d’examiner le respect de ce traité ratifié par la France, avait été saisie par la Confédération générale du travail (CGT), sur la règle dite du « trentième indivisible » à laquelle sont soumis les agents de la fonction publique d’Etat.

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Ils sont en effet privés d’un trentième de leur rémunération par jour de grève, même s’ils ne font grève qu’une heure ou une demi-journée (à l’inverse, notamment, du secteur privé dans lequel la retenue sur salaire est proportionnelle à la durée de l’arrêt de travail). Le CEDS a donné raison à la CGT en estimant que cette règle « constituait, dans son effet, une restriction d’un droit fondamental », à savoir le droit de grève.

Le dispositif « entraîne une retenue disproportionnée sur le salaire des grévistes et revêt un caractère punitif », concluent les juristes européens. Le CEDS relève par ailleurs l’absence de « justification objective et raisonnable » à la différence de traitement entre les 2,5 millions d’agents de la fonction publique d’État et ceux des versants territorial (2 millions d’agents) et hospitalier (1,2 million), qui ne sont pas soumis à la règle du trentième indivisible.

Pas d’effet contraignant

Cette décision de la CEDS n’a toutefois pas de force « exécutoire » dans le droit national. Dans un communiqué, la CGT a estimé qu’il y avait « urgence à ce que l’employeur public et les juridictions internes appliquent les recommandations du CEDS, comité participant à l’effectivité et la protection des droits sociaux des travailleurs.es ».

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Il s’agit cependant d’une « belle victoire (…) dans cette période de mobilisation sociale », estime la CGT. Depuis le mois de janvier, les syndicats présentent un front uni contre la réforme des retraites proposée par le gouvernement, qui prévoit de repousser progressivement l’âge légal de départ à la retraite de 62 à 64 ans et d’accélérer l’allongement de la durée de cotisation requise pour toucher une retraite à taux plein.

Le Monde avec AFP

Retraite et travail : « Pour les jeunes générations, l’impression d’une arnaque généralisée »

Dans Travailler moins pour vivre mieux. Guide pour une philosophie antiproductiviste (Dunod, 2021), Céline Marty, professeure agrégée et chercheuse en philosophie du travail, s’interroge sur la centralité du travail dans nos vies. A rebours de l’actuel projet de réforme des retraites, qui prévoit de travailler davantage, elle se penche sur les aspirations à « ralentir » exprimées par une partie de la jeunesse.

Les incertitudes sur le futur, revenues avec la réforme des retraites, pèsent-elles sur le rapport au travail des jeunes générations ?

Le principe de la retraite par répartition repose, avant tout, sur une confiance en l’avenir et un pacte social de réciprocité. Pour les jeunes générations, ce rapport de confiance a été malmené, et est aujourd’hui brisé. Avec les différents projets de réforme, une défiance est apparue : l’impression d’une arnaque généralisée, où les jeunes générations sont appelées à financer de plus en plus longtemps les retraites des aînés, avec de moins en moins de certitude de pouvoir jouir, un jour, de la même pause que ces derniers.

Face à la crise climatique, nombre d’entre eux s’interrogent aussi sur les conditions dans lesquelles nous serons amenés à travailler d’ici à quelques dizaines d’années – qui ne sont d’ailleurs pas du tout prises en compte dans les calculs technocratiques sur l’allongement de la vie professionnelle. Que signifierait encore travailler à 64 ans, dans un monde à 3 degrés de plus de réchauffement ?

En quoi l’enjeu climatique est-il central dans les réflexions de la jeunesse autour de la réforme ?

Les jeunes générations engagées, celles qui se trouvent notamment dans des organisations militantes comme Youth for Climate, soulignent en effet les conséquences écologiques de la réforme des retraites. Elles pointent la logique productiviste qui sous-tend ce projet d’allongement du temps de travail, qui épuise les travailleurs et les ressources naturelles. Pour cette jeunesse, cette réforme apparaît comme une aberration sur le plan écologique quand tout nous appelle, au contraire, à ralentir.

Elle est souvent taxée, pour cela, de « fainéantise » par une partie de ses aînés. Est-on face à une génération paresseuse ?

Cette critique caricaturale vise à évacuer les propositions que porte une partie de cette génération autour d’un travail moins aliénant. Vouloir s’épanouir hors du seul cadre de l’employabilité et du productivisme ne suppose pas une fainéantise. On l’a bien vu avec la question, soulevée depuis le projet de réforme, de l’importance sociale fondamentale, mais non marchande, des retraités dans la vitalité associative ou le soin aux enfants.

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La réforme des retraites à hauteur de PME : « On en parle dans l’usine, et parfois ça monte en température »

Au sein de l’usine Bioseptyl, à Beauvais, le 13 juin 2017.

Dans le bassin d’emploi de Beauvais (Oise), La Brosserie française ne fait pas jeu égal avec le mastodonte Massey-Ferguson, qui étale ses tracteurs à perte de vue sur des parkings le long de la voie ferrée. Peu importe : la PME installée derrière la gare s’enorgueillit d’un autre titre de gloire, celui de produire chaque année huit millions de brosses à dents. Son ancien directeur industriel, Olivier Remoissonnet, 52 ans, a repris la société en 2012 alors qu’elle courait à la liquidation, fragilisée par la concurrence chinoise. Il a relancé l’activité grâce à l’expertise des salariés, au « made in France » et aux produits écoresponsables.

Chacun se fait l’écho des interrogations entendues ces dernières semaines dans le débat parlementaire et dans la rue

Les affaires vont bien – 6 millions d’euros de chiffre d’affaires aujourd’hui contre 3 millions en 2012 –, mais beaucoup, parmi les trente-quatre employés, voient d’un œil suspicieux la réforme des retraites qui pourrait chambouler leur carrière. Des ouvrières trimant sur les empoileuses – ces machines qui plantent à la vitesse de l’éclair de petits bouquets de fils de nylon dans la tête des brosses à dents – jusqu’au patron, chacun se fait l’écho des interrogations entendues ces dernières semaines dans le débat parlementaire et dans la rue : la réforme est-elle nécessaire ? Juste ? Bien pensée ? En un mot : opportune ?

« On en parle et parfois ça monte en température », s’amuse Julien, 36 ans (il ne souhaite pas donner son nom de famille), chargé de veiller à la maintenance et au réglage des machines. Le décalage de 62 ans à 64 ans de l’âge légal de départ à la retraite, associé à l’accélération de la hausse de la durée de cotisation, dégage ici un parfum d’injustice. D’abord parce que sur la chaîne, le travail est usant. Blouse blanche de rigueur et charlotte sur les cheveux, Sylvie Garçon fait le compte : « Bruit, gestes répétitifs, horaires décalés, posture debout. »

Horaires du soir et du matin d’une semaine à l’autre

Cette ouvrière de 59 ans, entrée à La Brosserie à 17 ans, touche 1 650 euros net sur treize mois. Elle alterne horaires du soir et du matin d’une semaine à l’autre. Ces derniers temps, l’embauche a été provisoirement avancée d’une heure, à 5 heures, ce qui permet de fermer l’atelier le vendredi après-midi afin de réaliser des économies d’énergie tout en préservant la productivité. Mais il faut quitter le lit au milieu de la nuit et « c’est dur ».

Sylvie Garçon doute que la réforme sauve le système de retraites

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Le handicap invite les entreprises à repenser leur organisation de travail

Comment évolue l’intégration des personnes en situation de handicap dans les entreprises ? Une quinzaine de participants ont échangé sur leurs pratiques à l’occasion des Rencontres RH, rendez-vous mensuel de l’actualité du management organisé par Le Monde en partenariat avec ManpowerGroup et Malakoff Humanis, mardi 7 février à Paris (et à distance).

« Beaucoup d’entreprises invoquent l’absence de candidats handicapés, leur sourcing se développe, mais c’est loin d’être suffisant », a introduit Guy Tisserant. Le quadruple médaillé d’or aux Jeux paralympiques en tennis de table, reconverti dans l’informatique, puis fondateur du cabinet de conseil en recrutement des salariés handicapés TH Conseil, a énuméré différents chantiers pour favoriser l’emploi handicapé : améliorer la perception de cette catégorie de la population, adapter le travail aux personnes en situation de handicap et non l’inverse, ou penser leur formation.

Tous les participants déplorent la multiplicité des intervenants, qui peut désorienter les responsables des ressources humaines, faute de guichet unique. Aides de l’Association nationale de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées (Agefiph), recours aux entreprises adaptées… « C’est foisonnant et dur de s’y retrouver, souligne Franck Bodikian, DRH de ManpowerGroup. On a résolu cela avec une personne qui conseille aussi bien nos permanents que nos intermédiaires. » Le référent handicap, obligatoire dans les entités de plus de 250 salariés, devient pour certains l’interlocuteur privilégié.

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A l’échelle locale, dans ses magasins Castorama et Brico Dépôt, l’entreprise Kingfisher France privilégie plutôt les partenariats avec des associations pour bénéficier de leur expertise. Chez Havas Village, réseau d’agences de communication et de publicité, « outre un partenariat avec l’association Arpejeh, on privilégie le stage et l’alternance », déclare la DRH Delphine Castanet.

6 % de leur effectif

En matière de handicap, un chiffre condense souvent les efforts des entreprises : le taux d’emploi. Depuis 1987, toutes les sociétés de plus de vingt salariés sont dans l’obligation d’embaucher des personnes en situation de handicap, à hauteur de 6 % de leur effectif. Si elles n’atteignent pas ce taux, elles doivent verser une compensation financière à l’Agefiph. C’est le cas d’Havas Village, où le taux moyen est de 2,2 %.

L’Agirc-Arrco et Malakoff Humanis affichent quant à elles des taux de respectivement 10 % et 8 %, mais immédiatement relativisés par leurs DRH : en effet, les chiffres exceptionnels s’expliquent davantage par la déclaration régulière de salariés déjà en poste comme travailleurs handicapés, que par le recrutement en externe.

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Revalorisation salariale des enseignants : Pap Ndiaye fait « un geste », mais la tension reste vive avec les syndicats

Alors que le ministre de l’éducation nationale, Pap Ndiaye, devait restaurer la confiance avec des enseignants malmenés sous l’ère de son prédécesseur, Jean-Michel Blanquer, c’est aujourd’hui la défiance qui règne sur le chantier-phare de la revalorisation salariale des professeurs. Une nouvelle réunion de concertation, mercredi 15 février, n’est pas parvenue à faire baisser la tension, en dépit d’un geste en faveur des enseignants en fin de carrière, qui s’estiment lésés depuis le début des négociations.

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Depuis la réélection d’Emmanuel Macron et la nomination de M. Ndiaye, la Rue de Grenelle travaille sur une revalorisation – soumise à concertation jusqu’à la mi-mars – en deux temps : une partie sans contrepartie, dite « socle », et une partie pour les enseignants volontaires prêts à accepter de nouvelles missions, dite « pacte ».

Sur le budget 2023, 635 millions d’euros sont dévolus aux augmentations inconditionnelles à partir de septembre 2023 – 1,9 milliard en année pleine –, et 300 millions d’euros au pacte pour cette année. Des sommes importantes, jugées « historiques » par Bercy et l’exécutif, mais insuffisantes par certains syndicats comme la FSU, au regard du décrochage par rapport aux autres pays de l’OCDE. Quant à leur ventilation, elle ne satisfait pas en l’état la communauté enseignante.

Comment en est-on arrivés à cette crispation ? Au fil des mois, les couacs de communication se sont enchaînés. Sur le volet inconditionnel, les 10 % d’augmentation promis par le chef de l’Etat sont devenus « 10 % en moyenne » et, dans les premiers documents de travail transmis aux syndicats, les pourcentages de hausse – de 3 % à 23 % selon l’ancienneté – intègrent celles déjà amorcées depuis 2020. Des tergiversations qui attisent le scepticisme, voire la colère des professeurs. « Les enjeux de la communication politique et médiatique ne sont pas en accord avec le bon déroulé du dialogue social », regrette ainsi Catherine Nave-Bekhti, l’une des responsables du SGEN-CFDT.

Priorité donnée aux enseignants débutants

Au gré des scénarios qui circulent, chaque enseignant tente de faire ses calculs. Un enseignant titulaire débutera à 2 000 euros net par mois, conformément à la promesse d’Emmanuel Macron. Après une dizaine d’années de carrière, il pourra espérer atteindre 2 300 euros net contre environ 2 000 aujourd’hui et après vingt-cinq ans, 2 700 euros net contre environ 2 650 aujourd’hui, avec des possibilités de promotion au grade supérieur élargies.

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Alors que le ministère de l’éducation nationale assume cette priorité donnée aux enseignants débutants, les plus en décrochage par rapport aux autres pays, la revalorisation des professeurs en milieu et fin de carrière est devenue un enjeu. Ces enseignants chevronnés « voient passer depuis 2020 et le Grenelle de l’éducation la mise en place de primes sans en bénéficier », explique Mme Nave-Bekhti. Sans compter l’inflation, qui rogne les avancées. « Ce qui pouvait être acceptable il y a encore deux ans ne l’est plus », affirme Stéphane Crochet, secrétaire général du SE-UNSA.

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« Le smic ne joue plus son rôle d’outil de politique salariale en France »

Introduit en 1970 dans la foulée des accords de Grenelle de 1968, le salaire minimum de croissance (smic) fut pensé comme un outil de partage des fruits de la croissance. Certes, seulement 10 % à 20 % des salariés, selon les périodes, avaient une part de leur rémunération directement basée sur le smic, mais il servait d’aiguillon pour l’ensemble de la hiérarchie salariale. La désindexation des salaires, jusqu’alors indexés sur l’inflation, dans les années 1990, avait même renforcé ce rôle : les gouvernements utilisaient les coups de pouce au smic au-delà de la formule automatique pour impulser une dynamique salariale.

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Ce n’est plus le cas depuis quinze ans. Le dernier coup de pouce date de juillet 2012 : consécutif à l’élection de François Hollande, il n’était que de 0,6 point et n’en était même pas un, puisqu’il s’agissait d’une avance sur la hausse automatique de janvier 2013. L’absence de coup de pouce a permis de rendre moins visible le gel du point d’indice des fonctionnaires ; le smic s’est rapproché imperceptiblement des salaires de base de corps de fonctionnaires qui n’ont pu bénéficier de mesures catégorielles significatives. C’est notamment le cas pour les enseignants. De même, les négociations de nombreuses branches accusent d’importants retards, laissant doucement les grilles de salaire s’enfoncer sous le smic. Résultat, les rémunérations moyennes du privé comme du public progressent actuellement bien moins que l’inflation.

A l’inverse, en Allemagne, la coalition a donné en automne 2022 un coup de pouce franc au salaire minimum afin, dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre, de renforcer l’attractivité des métiers à bas salaire, mais aussi d’enclencher des cycles de négociations pour des revalorisations générales.

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Mais le smic ne joue plus ce rôle d’outil de politique salariale en France. Il est même devenu un paramètre d’indexation des transferts de l’argent public vers les entreprises et les ménages. La réforme des retraites en est une illustration supplémentaire, avec la fameuse pension minimale à 85 % du smic pour une carrière complète à temps plein, dont le coût budgétaire est estimé à plus de 1 milliard d’euros.

Un salaire, pas un indice

Mais le cas le plus exemplaire reste les réductions et exonérations de cotisations sociales, le transfert d’argent public le plus massif à destination des entreprises. Pour les seuls dispositifs généraux, résultats d’une sédimentation de politiques décidées depuis le gouvernement Balladur il y a trente ans, l’Etat y consacre aujourd’hui près de 1 000 euros par an et par habitant ! Les débats entre économistes sont vifs sur leur impact réel pour l’emploi et la compétitivité.

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Fin de carrière à temps partiel : comment les entreprises développent leurs dispositifs

« L’amélioration du taux d’emploi des travailleurs expérimentés, notamment à travers des transitions progressives, n’évoluera que sur un temps long avec une prise de conscience culturelle de l’ensemble des acteurs concernés (branches, entreprises, salariés, pouvoirs publics) », expliquait, il y a trois ans déjà, le rapport Bellon-Mériaux-Soussan remis au gouvernement pour avancer sur l’emploi des seniors.

Bien en amont des débats actuels sur la réforme des retraites, il plébiscitait les mesures à temps partiel, tout en reconnaissant que celui-ci nécessitait de repenser la fin de la vie au bureau. Les entreprises avancent jusqu’ici en ordre dispersé et à petits pas sur le recours au temps partiel pour les seniors, en tentant de répondre d’abord à leur problématique de gestion des effectifs.

A la BNP, par exemple, un accord intergénérationnel prévoit que le salarié s’engage « de manière définitive par écrit » à quitter l’entreprise dès l’obtention de son taux plein. Ainsi, les ressources humaines peuvent mieux anticiper l’évolution des effectifs, quand un départ classique peut être annoncé seulement quatre mois plus tôt.

Certains prévoient un coup de pouce dans la rémunération, afin que la perte de salaire ne soit pas trop importante. Par exemple, jusqu’en 2018, l’accord intergénérationnel d’Airbus prévoyait pour certains salariés une mesure de temps partiel aidé, où le salaire était majoré de 10 % « sans que l’application de cette majoration puisse conduire à verser au salarié une rémunération brute supérieure à celle qu’il aurait perçue s’il avait travaillé à temps plein ».

Imaginée en 1988

Autre exemple, chez Orange, le dispositif de temps partiel senior négocié en décembre 2021 est tellement incitatif que 10 % de l’effectif y a eu recours. « L’entreprise avait besoin de dégager de la place dans les fonctions support où la moyenne d’âge était élevée, mais dont les conditions salariales étaient favorables », renseigne Frédéric Pelletier, délégué CFDT d’Orange qui a demandé lui-même à en bénéficier, tout comme 7 600 autres salariés.

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Mais le cadre le plus général pour développer le temps partiel des seniors est celui de la retraite progressive, qui avait été imaginée en 1988 pour éviter que les sociétés licencient leurs salariés âgés. Accessible à tous les salariés du privé de plus de 60 ans ayant validé au moins 150 trimestres, ce dispositif permet en effet de réduire la masse salariale en douceur, en autorisant les salariés à travailler à temps partiel en touchant une partie de leur pension. Le temps travaillé doit être compris entre 40 % et 80 %, et peut être modifié.

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