Archive dans 2023

Faillites d’entreprises : les pratiques des mandataires judiciaires en question

Les quelque 300 mandataires judiciaires répertoriés en France peuvent légitimement s’inquiéter. Non contents d’être l’objet d’une information judiciaire confiée au juge Vincent Lemonier dans le cadre de la dénonciation de dérives opérée par la direction de l’Agence de garantie des salaires (AGS), les voici placés sous les feux croisés du Medef et du Parlement.

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Leur profession est largement méconnue. Chargé de représenter les créanciers lors d’un processus de redressement judiciaire, le mandataire judiciaire assure le paiement des salariés grâce aux avances consenties par l’AGS. Il récupère aussi tous les actifs de l’entreprise et devient possiblement son liquidateur à la toute fin du processus. Revenu moyen d’un mandataire : 10 000 euros mensuels, sachant qu’un tiers de la profession est payé au smic. Il y a donc de réelles rentes de situation dans la profession, avec potentiellement des abus, sur fond de connivences avec les tribunaux de commerce, notamment.

Autant dire que le mandataire n’a pas bonne presse. Président d’honneur du Conseil national des administrateurs judiciaires et mandataires judiciaires, Christophe Basse s’en désole, lui qui raconte avec humour se sentir parfois, dans les dîners en ville, quand on le présente comme liquidateur, « dans la peau du croque-mort de Lucky Luke ». « Ces rapports d’audit [commandés par la nouvelle direction], dans l’affaire de l’AGS, on n’en a pas vu la couleur, proteste-t-il. On parle de milliards disparus, et on ne nous donne aucune information ! Nous sommes une profession ultra-contrôlée, tous nos comptes sont publiés et accessibles. Nous ne sommes payés qu’à la clôture du dossier. L’argent entre et sort, tout est tracé. »

« Un puits sans fond »

Le président du Medef, Geoffroy Roux de Bézieux, nourrit quelques doutes : « Quand vous avez une boîte en redressement judiciaire, il y a tout de suite des avocats spécialisés qui se greffent, des boîtes de conseil qui vont faire un business plan pour le tribunal, et tous ces gens-là se servent massivement sur la bête. Les mandataires judiciaires, si j’étais journaliste, je m’y intéresserais, ça c’est sûr ! Est-ce que c’est un système sain ? Non, ça c’est certain. Quelle est la part de ceux qui exagèrent leurs facturations ou qui ne rendent pas l’argent à l’AGS ? Je n’en sais fichtre rien… »

Plusieurs rapports parlementaires ou gouvernementaux ont été consacrés au sujet. L’ancien député (MoDem) du Bas-Rhin Sylvain Waserman a tenté d’y voir plus clair. « Il y a des pratiques qui ne vont pas du tout, dénonce le centriste. Les entreprises défaillantes, c’est un puits sans fond, il faut moraliser la profession. » Durant son mandat (2017-2022), il a travaillé avec Brigitte Vitale, ex-dirigeante d’entreprise, qui se bat avec son association Aide Entreprise pour changer les méthodes en vigueur dans les procédures collectives. « Ces mandataires, c’est une clique qui gère depuis des décennies tous les dépôts de bilan, accuse-t-elle. Ils font main basse sur le patrimoine des dirigeants, même si tous les mandataires ne sont pas des escrocs. »

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Production : « Les entreprises peinent aujourd’hui à écouler les stocks immenses accumulés fin 2021 et 2022 »

Les chaînes d’approvisionnement ont connu d’importantes perturbations pendant la pandémie. Ces bouleversements ont conduit de nombreuses entreprises à se détourner des réseaux « juste à temps » (just-in-time), qui permettent aux biens d’arriver sur un site uniquement lorsqu’ils sont nécessaires afin de réduire les stocks et leurs coûts, en faveur de modèles « en cas de besoin » (just-in-case) plus robustes et moins risqués : il s’agit d’accumuler des stocks supplémentaires pour faire le plein de réserves. En cas de perturbation, le surplus de stock fournit un coussin de sécurité.

Mais en résolvant un problème, les entreprises se trouvent aujourd’hui confrontées à un nouveau défi, celui de la gestion des stocks. Car elles peinent aujourd’hui à écouler les stocks immenses qu’elles ont accumulés fin 2021 et 2022. Alors que la rotation des stocks ralentit et la demande des consommateurs faiblit à nouveau, conserver de vastes quantités de marchandises peut constituer un problème dans la mesure où elles représentent un capital immobilisé considérable, qui pourrait être utilisé de manière plus productive.

Ces stocks supplémentaires augmentent aussi les dépenses en raison des coûts liés à leur maintenance et à leur traitement. Pour réduire les surplus, les entreprises peuvent être obligées de solder leurs produits, ce qui réduit leurs marges bénéficiaires. Dans certains secteurs, comme la mode où les tendances peuvent changer du tout au tout, l’accumulation massive de stocks pose également un risque majeur, car il peut devenir plus difficile de maintenir le prix initial des produits.

Reconsidérer les lieux de production

Enfin, les entreprises de nombreux secteurs sont amenées à réduire les commandes passées à leurs fournisseurs, car elles doivent d’abord écouler les stocks qu’elles ont accumulés. Par ailleurs, la pression de l’inflation pousse les consommateurs à se tourner vers des alternatives moins chères. Cette situation peut plonger les marques « premium » dans un cercle vicieux où la baisse de la demande les oblige à réduire leurs prix alors que l’inflation augmente leurs coûts de production.

Les surstocks comportent également des risques sociétaux plus larges tels que le gaspillage alimentaire. Les commerçants ont tendance à surstocker pour éviter des indisponibilités de produits pour les consommateurs. Or, s’ils ne parviennent pas à vendre des aliments dont la date de péremption approche, ils doivent les jeter. En plus de gaspiller les aliments, les entreprises sont aussi susceptibles de jeter les emballages qui les contiennent, sans que les produits aient été consommés. Selon un rapport de la Fondation Ellen MacArthur, si rien ne change, la quantité de plastiques dans nos océans devrait dépasser le poids total des poissons d’ici à 2050.

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Faillites d’entreprises : une lanceuse d’alerte dénonce le scandale des milliards envolés

Houria Aouimeur, directrice générale de l’Agence de garantie des salaires, chez elle, à Paris, le 17 février 2023.

Elle ne s’imaginait certes pas un destin de lanceuse d’alerte. Houria Aouimeur, 53 ans, a toujours préféré la discrétion, à l’image de son parcours, dans l’ombre du patronat. Elle ne pensait pas, non plus, avoir un jour besoin d’une sécurité rapprochée, ni devoir s’épancher devant des enquêteurs pour révéler les secrets d’un système où les milliards d’euros coulent à flots, dans une certaine opacité. Houria Aouimeur n’envisageait pas, enfin, se trouver en position d’être licenciée pour faute lourde, quatre ans après son arrivée à la tête de la délégation Unédic-AGS.

« J’ai le sentiment de faire l’objet d’une véritable “chasse à l’homme” pour des motifs aussi délirants qu’inavouables », confie-t-elle au Monde, qui l’a longuement rencontrée. Parfois, elle craque, essuie quelques larmes. Son récit, étayé par de nombreux témoignages et quantité de documents, jette une lumière crue sur les drôles de pratiques d’un monde souterrain, où toutes les méthodes semblent permises, selon elle, pour détourner des centaines de millions d’euros, sur le dos des salariés d’entreprises en faillite. Houria Aouimeur est désormais la femme par qui le scandale arrive.

Fin 2018, cette juriste de formation décroche un poste enviable : directrice nationale de l’Agence de garantie des salaires, l’AGS, un mécanisme méconnu qui permet aux employés des nombreuses entreprises françaises placées chaque année en redressement judiciaire (42 000 en 2022) de continuer à percevoir leur rémunération. Les sommes brassées par cet amortisseur social sont colossales. Financée par les cotisations patronales, l’AGS a versé, sur les treize dernières années, 24 milliards d’euros.

Précision essentielle : l’AGS n’est pas directement en contact avec les salariés. Ce sont les 300 mandataires judiciaires répertoriés en France – accompagnés d’une cohorte d’avocats, d’experts et de conseils en tout genre – qui touchent les fonds, qu’ils sont ensuite chargés de redistribuer aux salariés. Le « marché » des entreprises défaillantes est, selon la formule de Mme Aouimeur, « un gigantesque fromage ». Qui attise les convoitises. Au point, assure-t-elle en substance, d’être le théâtre de nombreuses dérives.

Courriers anonymes

Peu après la nomination de Mme Aouimeur, la Cour des comptes relève, dans un rapport de février 2019, des « ambiguïtés » dans le régime de garantie des salaires et une « forte dépendance » vis-à-vis des mandataires judiciaires. A la même période, Houria Aouimeur prend connaissance d’un audit qu’elle avait commandé, dès sa prise de fonctions, au cabinet EY. En effet, se souvient-elle, « assez vite, les premiers bruits de malversations » lui étaient parvenus.

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Pour les biotechs, après l’euphorie, le brutal coup d’arrêt des investissements

Des embryons synthétiques de souris, dans le laboratoire de l’Institut Weizmann, à Rehovot (Israël), le 4 août 2022.

La fête est finie pour les biotechs. Après le faste des années Covid-19, qui ont porté le secteur à son apogée en 2020 et en 2021, l’euphorie des investisseurs est brutalement retombée en 2022. L’argent, qui coulait autrefois à flots, s’est fait plus rare sur les marchés financiers, obligeant les biotechs à compter désormais chaque euro.

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Les premiers symptômes ont fait leur apparition aux Etats-Unis dès 2021. « Une désaffection des investisseurs s’est amorcée. Après avoir réalisé des plus-values, ceux qui s’étaient opportunément intéressés à ce secteur au début de la pandémie ont commencé à prendre leurs distances », explique Jamila El Bougrini, analyste chez Invest Securities. L’incertitude économique mondiale couplée à la remontée des taux d’intérêt et à l’inflation a achevé de mettre à mal le secteur.

En quelques mois, le coup de froid a tourné à la grippe carabinée. En Bourse, les valorisations des biotechs ont dégringolé. « Beaucoup de sociétés sont aujourd’hui sous-valorisées. Plusieurs ont même des capitalisations inférieures à leur trésorerie », souligne Mme El Bougrini. Les introductions en Bourse ont suivi le même chemin. Aux Etats-Unis, scène mondiale de la biotech, seules 18 sociétés américaines s’y sont risquées en 2022, contre plus de 70 en 2021, levant au total 1,4 milliard de dollars (1,3 milliard d’euros), le plus bas niveau observé depuis dix ans.

La France échappe au repli mondial

Sans surprise, la mauvaise santé des marchés boursiers a contaminé tous les circuits de financement de la biotech. Dans son panorama 2022, dévoilé le 17 février, l’association France Biotech constate que l’ensemble des financements dans la santé, Europe et Etats-Unis confondus, est passé de 55,2 milliards à 29,5 milliards d’euros sur un an. Les investissements en capital-risque ont également connu une décrue, bien que plus modeste, retombant à des niveaux proches de ceux d’il y a cinq ans. « Malgré le ralentissement en 2022, il y a toujours une grosse capacité d’investissement. Certes, c’est un peu plus difficile pour les sociétés de lever des fonds, les discussions sont plus longues qu’auparavant, mais les investissements se poursuivent », tempère Raphaël Wisniewski, gérant chez Andera Partners.

Les faillites et les plans de licenciements se sont multipliés outre-Atlantique, de nombreuses jeunes pousses de la santé se retrouvant à court d’argent

Malgré tout, les faillites et les plans de licenciements se sont multipliés outre-Atlantique, de nombreuses jeunes pousses de la santé se retrouvant à court d’argent. Beaucoup ont resserré les cordons de la bourse, réduisant la voilure sur leurs projets d’expansion ou mettant en pause certains programmes de recherche moins prioritaires.

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« Le management actuel tend à formater les salariés pour en faire des individus sans ancrage, sans passé, qu’on peut déplacer à sa guise »

Depuis la fin de la pandémie, on observe une tendance croissante des entreprises à réunir leurs salariés dans des endroits atypiques. Parmi eux, les appartements de particuliers sont de plus en plus prisés. Aurélie Jeantet, sociologue, autrice des Emotions au travail (CNRS, 2018), analyse cet engouement pour la réunion chez l’habitant.

Comment expliquer que des entreprises préfèrent se réunir dans des appartements plutôt que dans des bureaux classiques ?

Cela fait partie de ce qu’on appelle « la comédie du travail ». On installe les salariés dans un décor, comme des figurants dans un film. Ils se retrouvent dans un cadre irréel, qui n’est ni chez eux ni un lieu de travail défini. Dans un bureau où on se rend quotidiennement, on se crée des repères, on est dans un cadre qui raconte une histoire. En allant travailler chez des gens qu’on ne connaît pas, en changeant d’endroit en permanence, le travail devient déréalisé.

Certaines plates-formes veulent même mettre en place des partenariats avec des marques d’ameublement ou d’électroménager. Que vous inspirent ces synergies ?

Ces marques correspondent aux standards du beau, du bon goût, celui des classes supérieures urbaines. C’est une manière de faire rêver le salarié, de lui faire miroiter la réussite sociale qui l’attend s’il satisfait sa hiérarchie. Plutôt que de l’emmener dans un hôtel, un espace qui renvoie à l’évasion hors de chez soi, on le transporte au contraire dans un univers domestique fantasmé, comme si on voulait modeler à la fois sa vie professionnelle et sa vie privée.

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Cette dimension irréelle fait-elle partie d’une stratégie de management ?

Oui, tout à fait. Le management actuel tend à formater les salariés pour en faire des individus sans ancrage, sans passé, qu’on peut déplacer à sa guise. Toutes les études sur le « flex office » (le fait de ne pas avoir de bureau fixe dans l’entreprise) ont montré que l’instabilité nuisait au bien-être au travail. Elle empêche aussi la construction d’une vraie culture d’entreprise, l’établissement de solidarités. Même si la routine peut paraître ennuyeuse, elle aide aussi à travailler et à créer des liens avec les autres.

Pourtant les activités ludiques sont censées renforcer le lien entre les salariés. C’est le concept du « team building », très en vogue dans les entreprises…

Cette pratique pose question dès lors qu’elle revêt un caractère obligatoire. Les salariés ont-ils le choix de faire un escape game ou de travailler au bord d’une piscine ? Ce peut être extrêmement mal vu de le refuser. En les installant dans des décors agréables, on leur fait un cadeau qu’ils n’ont pas demandé. C’est la logique de « parce que tu le vaux bien ». Or, comme on le sait, tout cadeau entraîne une obligation vis-à-vis de celui qui vous l’offre. Dans un superbe loft avec vue sur tout Paris, il serait déplacé d’être de mauvaise humeur ou de manifester son mécontentement, comme on pourrait le faire au bureau. Ce décor artificiel, censé être chaleureux et cosy, contribue à la normalisation émotionnelle des comportements. C’est le as if management, le management du « comme si ». On fait comme si tout allait bien, comme si on était une bande de copains qui se faisait une bouffe… On n’a pas d’autre choix que d’être de bonne humeur et d’arborer le smile, qui est l’expression prescrite en entreprise.

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J’irai télétravailler chez vous : ces particuliers qui sous-louent leur appartement à des entreprises

Difficile de se tromper en entrant dans l’immeuble d’Alain Brault. Des flèches sont omniprésentes, pointant vers son loft situé au fond de la cour, et révélant une activité bien rodée. Ce Franco-Canadien de 56 ans confirme : son souplex de 115 mètres carrés, situé dans le 11arrondissement de Paris, est loué une dizaine de jours par mois. Ses clients de passage : des entreprises, qui y organisent des réunions ou des sessions de travail à la journée.

Nous descendons un escalier et arrivons au niveau inférieur, qui donne sur une cour avec des grandes fenêtres. Le calme et la luminosité : une condition sine qua non pour l’activité d’hôte d’Alain. Au centre de la pièce, un dispositif qui rappelle les codes du bureau : trois tables blanches Ikea en enfilade, avec des chaises autour. Sur le côté, un paperboard et des marqueurs. Un rétroprojecteur est mis à disposition des salariés. Tout autour, on retrouve une ambiance salon avec des canapés, des fauteuils design, une bibliothèque remplie de livres d’art. Au fond, une cuisine américaine où Alain a préparé des Thermos d’eau chaude pour le thé.

Son logement peut accueillir jusqu’à vingt personnes. En supplément, il fournit aussi le petit déjeuner et le repas du midi. « J’essaie à chaque fois de leur faire découvrir des produits originaux des commerçants du quartier, comme les roulés au sésame à la farine de charbon végétal », explique Alain Brault. Chez lui, tout est fait pour se sentir comme à la maison, ou presque. « On nous demande d’enlever les éléments trop personnels, comme les photos de famille, raconte-t-il. Il ne faut pas qu’ils se sentent trop chez quelqu’un d’autre. » Pendant que ses locataires travaillent, Alain se réfugie à l’étage du dessus, où se trouve sa chambre, ou en profite pour aller à la salle de sport. « J’organise aussi, le soir, des événements de team building, comme des ateliers culinaires ou des karaokés, mais pas très souvent. Mon conjoint, qui est médecin à l’hôpital, apprécie de pouvoir passer des soirées tranquilles. Il faut faire attention à ce qu’ils ne débordent pas sur notre vie privée. »

« Le terme de bureau est banni »

« Ils », ce sont les salariés. Ou, comme on les appelle chez OfficeRiders, la plate-forme de référence en la matière, les « riders ». Pour s’inscrire sur le site, pas besoin d’être un professionnel de la location : il suffit d’être propriétaire de son appartement, comme sur Airbnb. Si OfficeRiders permet aussi de louer son logement pour des événements ou des tournages, 45 % de ses réservations concernent l’activité de bureau.

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Patrick Artus : « L’élévation des compétences des salariés âgés est la grande absente de la réforme des retraites »

Le gouvernement français a défini les principes d’une réforme des retraites : passage à 64 ans de l’âge légal de la retraite ; passage accéléré à quarante-trois années de cotisations pour bénéficier d’une retraite à taux plein ; prise en compte des carrières longues et de la pénibilité du travail.

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Il ne sera pas question ici de débattre de la nécessité de cette réforme ni de son caractère plus ou moins juste, mais d’en souligner deux aspects : d’abord, son insuffisance, compte tenu du déficit du taux d’emploi des 60-64 ans et de l’absence de mesures de formation et de reconversion des salariés âgés ; ensuite, son incapacité à assurer l’équilibre financier du système de retraite du secteur privé au-delà de 2030.

On sait qu’un problème essentiel du marché du travail en France est le niveau trop bas du taux d’emploi (c’est-à-dire la proportion de la population de 15 à 64 ans qui est en emploi). Ce taux était en 2021 de 67,2 % contre 75,8 % en Allemagne, 74,7 % au Royaume-Uni et 75,4 % en Suède par exemple. Si la France avait le taux d’emploi de l’Allemagne, les recettes fiscales seraient d’environ 13 % plus élevées et, à dépenses publiques inchangées, le budget dégagerait un excédent de 1,5 point de produit intérieur brut (PIB), au lieu d’un déficit de 5 points !

Naïveté

L’insuffisance du taux d’emploi en France ne tient pas seulement au sous-emploi des seniors (plus de 60 ans) : il n’explique que 7 % de l’écart total de taux d’emploi entre l’Allemagne et la France ; 35 % de cet écart s’explique par l’écart entre les taux de chômage des jeunes (de 15 à 29 ans), et 25 % par l’écart entre les taux de chômage des adultes (de 30 à 59 ans).

Le gouvernement estime que la réforme des retraites telle qu’elle est calibrée augmentera de 6 points le taux d’emploi des personnes âgées de 60 à 64 ans. Cela correspond à une hausse du taux d’emploi global de 0,8 point seulement. La réforme proposée ne résout donc que très partiellement le problème de la faiblesse du taux d’emploi et donc de la productivité en France.

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La variable qui explique le mieux les écarts de taux d’emploi entre les pays de l’OCDE n’est en effet pas l’âge légal de la retraite, mais le niveau des compétences de la population active, mesuré par l’enquête « Piaac » (Programme pour l’évaluation internationale des compétences des adultes) de l’OCDE. On peut ainsi estimer que si la France avait le niveau des compétences de l’Allemagne tel qu’il est mesuré par cette enquête, le taux d’emploi global y serait plus élevé de 5,2 points, et le taux d’emploi des 60-64 ans de 9 points. Le défaut de compétences en France, y compris des salariés âgés, explique beaucoup mieux le déficit de taux d’emploi que l’âge légal de départ à la retraite.

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Les Galeries Lafayette bientôt placées en redressement judiciaire

Une nouvelle enseigne de l’industrie de l’habillement se retrouve dans la tourmente. L’homme d’affaires bordelais Michel Ohayon va placer en redressement judiciaire les vingt-six magasins Galeries Lafayette qu’il contrôle en France « pour les protéger de toute attaque », a-t-il annoncé dans une interview au journal Sud Ouest, publiée vendredi 17 février.

« Leur situation est saine », a assuré l’entrepreneur, dont l’empire commercial est en pleine tourmente, avec la liquidation de l’enseigne Camaïeu en septembre et le placement en redressement judiciaire du groupe Go Sport en janvier.

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Cette semaine, le tribunal de commerce de Bordeaux a déjà placé en redressement judiciaire, à sa demande, la principale holding de Michel Ohayon, la Financière immobilière bordelaise (FIB), société avec laquelle il a bâti un vaste empire commercial et hôtelier actuellement en difficulté.

Sortant du silence pour la première fois depuis le début de la crise qui lui vaut de nombreuses critiques, M. Ohayon a pris sa propre défense dans les colonnes du journal. « Depuis l’échec [de sa reprise de Camaïeu en 2018], j’ai tout entendu sur moi mais non, je ne suis pas un chacal des tribunaux de commerce ! », déclare l’homme d’affaires, qui assure avoir injecté « deux fois et demi plus » d’argent dans l’entreprise que promis, et « tout tenté pour sauver l’emploi » – plus de 2 000 salariés en on fait les frais.

L’avenir de Go Sport s’assombrit

Le placement en redressement judiciaire de la FIB doit permettre « de poursuivre l’activité » et « préparer les meilleures conditions de remboursement des créanciers et entreprises », a poursuivi M. Ohayon, dont la stratégie vise à « réduire le périmètre de la société », en cédant des actifs, pour permettre « un très fort désendettement ». « FIB est solide, on dispose d’actifs qui font partie des plus beaux de France », a-t-il assuré.

Interrogé sur l’avenir de Go Sport, Michel Ohayon s’est en revanche montré pessimiste sur l’issue de la procédure de redressement judiciaire ouverte par le tribunal de commerce de Grenoble, estimant que l’enseigne serait « vendue avant ». « Alors que la société allait faire en 2023 ses premiers bénéfices en dix-sept ans, les salariés n’ont pas fait confiance aux dirigeants et ont demandé que l’entreprise soit placée sous protection du tribunal », a déploré l’homme d’affaires, pour qui cela « va provoquer de la casse sociale et entraîner dans le même mouvement Gap » alors qu’« une mise en sauvegarde aurait suffi ».

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Le Monde avec AFP

Un ex-intérimaire fait condamner son entreprise pour discrimination raciale à l’embauche

Encore aujourd’hui, Youssef B. ne prononce jamais le mot « racisme » pour évoquer le bras de fer qui l’oppose à son ancien employeur. « Jamais je n’ai eu la moindre remarque déplacée de la part de mes collègues ni de mes supérieurs, qui se sont déclarés très satisfaits de mon travail », tient à nous souligner, par deux fois, cet ancien intérimaire de la société Stäubli sur le site de Faverges, en Haute-Savoie.

Pourtant, Youssef B. s’est bien vu écarté d’une possibilité d’embauche en CDI dans cette entreprise suisse de mécatronique en raison de son origine, a tranché la Cour de cassation dans son arrêt du 14 décembre 2022. Après trois années de missions enchaînées entre 2016 et 2019, cet intérimaire décide de postuler à un CDI au sein de l’entreprise.

Entretenant de bonnes relations avec ses collègues et son chef, le candidat se montre confiant sur ses chances d’intégrer la société. Sa candidature n’est pourtant pas retenue. « La direction de la société a souhaité privilégier des candidatures de salariés jeunes, qui n’ont pas encore eu l’opportunité d’accéder au monde du travail ».

« Je n’ai pas tout de suite pensé à une possible discrimination raciale »

Par ailleurs, l’entretien qui lui a été accordé s’est essentiellement orienté sur les lacunes de son parcours professionnel plus que sur ses réussites, fait savoir l’ex-intérimaire. « Je n’ai pas tout de suite pensé à une possible discrimination raciale. » C’est le syndicat CGT de l’entreprise et son avocate qui l’alertent sur ce sujet. « Il a fallu l’insistance des délégués du personnel de l’entreprise pour qu’à partir du début des années 2000, Stäubli Faverges commence à embaucher des Maghrébins », souligne Loïc Miault, secrétaire général du syndicat UGICT (Union générale des ingénieurs, cadres et techniciens-CGT) de Stäubli.

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En connaissance de cause, Youssef B. va devant les prud’hommes pour demander la requalification de ses contrats de travail en CDI et l’obtient, mais le motif discriminatoire n’est pas retenu. La discrimination raciale au recrutement interne est reconnue, en revanche, par la cour d’appel de Chambéry, saisie par l’employeur en 2021, puis confirmée par la Cour de cassation. Contactée par Le Monde, l’entreprise n’a pas souhaité répondre.

« La difficulté, c’est d’objectiver la discrimination »

Accompagné par le syndicat UGICT-CGT Stäubli sur cette affaire, Youssef B. a employé une démarche originale basée sur les statistiques, dite la méthode Clerc. « La difficulté, c’est d’objectiver la discrimination, commente Loïc Miault. Obtenir le registre unique du personnel, c’est le nerf de la guerre. Mais les données communiquées par l’employeur sont souvent illisibles. »

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Hermès accorde 4 000 euros de prime exceptionnelle à tous ses salariés

Le virement sera effectué à la fin du mois de février. Montant crédité : 4 000 euros. Hermès a annoncé, vendredi 17 février, qu’à titre exceptionnel chacun de ses 19 700 salariés dans le monde recevrait cette somme. Cette prime fait suite à l’augmentation générale de ses salaires en France de 6 % en 2022 et à la hausse de 100 euros intervenue en janvier et renouvelée en juillet 2022.

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En y incluant la participation et l’intéressement aux résultats de l’entreprise, un salarié d’Hermès en France (l’entreprise emploie 12 400 personnes dans l’Hexagone) touche l’équivalent de dix-sept mois de salaire par an, a déclaré Axel Dumas, gérant d’Hermès, à l’occasion de la présentation des résultats annuels du groupe.

Le versement de cette prime relève de la politique de « partage de la valeur », ont fait valoir les dirigeants de la société. Elle va de pair avec un accroissement du dividende distribué aux actionnaires. Hermès, dont le titre s’échange 1 749 euros à la Bourse de Paris, augmente son dividende à 13 euros, contre 8 euros au titre de l’exercice 2021.

2 100 emplois créés en un an, selon le groupe

Ces largesses découlent d’un exercice 2022 marqué par une rentabilité exceptionnelle. Le résultat opérationnel courant s’est établi à 4,7 milliards d’euros, ce qui représente 41 % de son chiffre d’affaires en 2022 (contre 39,3 % en 2021). L’an dernier, la marque connue pour ses sacs à main cousus à la main a généré 11,6 milliards d’euros de ventes, soit 23 % de plus qu’en 2021.

Trimestre après trimestre, la vigueur de celles-ci a progressé de plus de 20 %, y compris au cours des trois derniers mois de 2022 (+ 23 %), alors que la pandémie due au Covid-19 flambait en Chine et pénalisait ses concurrents. « Nous n’avons pas eu de baisse de trafic en Chine dans nos magasins », a relevé M. Dumas.

En 2022, Hermès a consacré 518 millions d’euros à ses investissements, dont 214 millions pour ses magasins et sa distribution et 192 millions d’euros dans ses unités de production (52 sites en France). La marque, qui emploie 6 000 artisans, dit avoir créé 2 100 emplois en un an, dont 1 400 en France. Ses effectifs ont doublé en l’espace de dix ans.