Archive dans 2023

Un fragile espoir pour les salariés du centre René-Laborie, dont la liquidation a déjà été prononcée

« Nous avons été virés du centre comme des malpropres le jeudi 16 [février] à 17 heures. Les salariés sous le choc étaient en pleurs », se désole Dominique (le prénom a été changé), une salariée du centre de santé René-Laborie, à Paris, qui a souhaité rester anonyme comme ses collègues. C’est pourtant sans surprise que le tribunal judiciaire de Paris a prononcé, le 16 février, la liquidation de la mutuelle livre III uMEn médical, la branche d’uMEn gestionnaire du centre de santé mutualiste René-Laborie.

Déficitaire depuis sa sortie du giron de la mutuelle Audiens, selon les syndicats, l’établissement est entré en cessation de paiement le 1er février. La liquidation avec cessation immédiate d’activité menace de laisser sur le carreau les 135 salariés du centre de soins, fréquenté par environ 75 000 personnes par an.

« Reprise partielle ou totale »

Mais le glas n’a pas encore sonné pour le centre de soins. Dans certains cas, une entreprise mise en liquidation judiciaire peut faire l’objet d’une offre de reprise (globale ou partielle), ce qui permet la reprise des activités, la sauvegarde des emplois et la suppression du passif. Deux mandataires judiciaires ont donc été nommés pour étudier les éventuelles offres de reprise.

Aux dires des organisations syndicales, trois repreneurs se seraient manifestés. « Plusieurs offres de reprise partielle ou totale, y compris avec les salariés, ont déjà été émises par plusieurs types d’opérateurs », a confirmé Laurent Joseph, le président d’uMEn médical, dans un communiqué.

« Reste à voir de quel type de repreneur il s’agit, s’inquiète un membre du CSE. Il ne faudrait pas non plus qu’on ouvre un Starbucks à la place du centre. » En attendant, les médecins s’inquiètent du devenir de leurs patients et de leurs dossiers. « On a contacté le mandataire pour demander un accès à Doctolib, mais pour le moment rien n’a été fait », précise Dominique.

Pas de reclassement

La direction a confirmé qu’en cas de licenciement, il n’y aurait pas de possibilité de reclassement au sein de la mutuelle. Le président d’uMEn médical, dont la gestion a été durement critiquée par les organisations syndicales, s’est également défendu : « Nous sommes allés au maximum des efforts possibles et autorisés pour sauvegarder le centre. »

La direction du centre a été accusée par les syndicats d’avoir eu « la folie des grandeurs ». En ligne de mire, les investissements massifs concédés dans la rénovation du centre, situé au cœur du deuxième arrondissement parisien. « Espérons que les importants investissements qui ont porté sur une impérative mise aux normes réglementaires du centre et une nécessaire amélioration du parcours de soins du patient seront de nature à favoriser des offres de reprise », a fait valoir Laurent Joseph.

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Grève du 7 mars à la SNCF : tous les syndicats appellent à un mouvement reconductible contre la réforme des retraites

La CFDT-Cheminots, quatrième syndicat représentatif de la SNCF, a lancé lundi 27 février un appel à la grève reconductible à partir du 7 mars, rejoignant ainsi la CGT-Cheminots, l’Unsa-Ferroviaire et SUD-Rail.

Les quatre syndicats représentatifs du groupe public se sont mis d’accord pour durcir le mouvement, comme l’avait déjà annoncé le 11 février dernier l’ensemble des organisations syndicales représentatives de la RATP qui ont elles aussi appelé à un mouvement reconductible.

Décryptage : Droit de grève : préavis, rémunération, réquisitions… Que dit la loi ?

Mercredi 22 février, l’ensemble des syndicats de la SNCF s’était réuni pour envisager la possibilité d’un mouvement reconductible unitaire. La CGT et SUD militaient pour, mais l’UNSA et la CFDT avaient fait savoir qu’elles souhaitaient consulter leurs adhérents d’abord.

Vendredi 24, l’UNSA a appelé à « reconduire le mouvement après le 7 mars », dans un communiqué. Le deuxième syndicat de la SNCF « analysera dès le 7 mars et chaque jour le taux de grévistes à la SNCF (…), mais également au niveau interprofessionnel, pour décider des suites à donner à ce mouvement », a-t-il dit.

Quant à la CFDT, elle a dévoilé les résultats d’une consultation lancée au cours du week-end auprès de ses adhérents. « Plus de 80 % sont favorables à une grève reconductible », a-t-elle révélé lundi.

Les éboueurs sont également appelés par leur fédération CGT à se mettre en grève reconductible à partir du 7 mars, tout comme les livreurs des plates-formes l’ont été par la CGT-Transports.

Jeudi 2 mars, la CGT-Cheminots doit se réunir avec les autres fédérations professionnelles de la CGT actives dans le mouvement (chimie, énergie, ports et docks) pour préparer la journée « France à l’arrêt » du 7 mars et des jours suivants.

Emmanuel Macron « souhaite que le Sénat puisse enrichir » le texte

A deux jours de l’examen de la réforme des retraites par le Sénat, le gouvernement multiplie de son côté les gestes d’« ouverture » et les appels à « l’enrichissement » du texte, notamment sur la situation des femmes, l’une des principales revendications des Républicains (LR), majoritaire à la chambre haute.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Réforme des retraites : le gouvernement prêt à des compromis avec la droite

« Je souhaite que le Sénat puisse enrichir » le texte « avec ce qui lui paraît utile » : samedi soir, dans les travées du Salon de l’agriculture, Emmanuel Macron a semblé donner presque un blanc-seing à son gouvernement pour toper avec LR lors des futurs débats de la réforme-phare de son deuxième quinquennat, une descente dans l’arène dont il s’était jusqu’alors gardé.

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Dix jours après la fin des discussions à l’Assemblée nationale émaillées d’échauffements et invectives dans l’hémicycle, parfois prolongées jusque dans les couloirs du Palais-Bourbon, l’heure est à l’apaisement.

Notre sélection d’articles sur la réforme des retraites

Le Monde avec AFP

« Que les pays du Nord puissent faire appel à une main-d’œuvre des pays du Sud inépuisable, bon marché et prête à migrer, est aujourd’hui plus que questionnable »

La migration de travail a toujours navigué entre des besoins de qualification de plus en plus pressants du marché du travail et les atermoiements à répétition des responsables politiques. Il est vrai que ces derniers sont soumis à la pression d’une opinion publique généralement peu favorable au recours à la main-d’œuvre étrangère.

Mais avec l’accélération du vieillissement de la population, sous le double effet d’une natalité chancelante et d’une espérance de vie qui n’en finit pas d’augmenter, cet équilibre devient fragile.

Le gouvernement, en proposant un projet de loi instaurant la création d’un titre de séjour des « métiers sous tension », réactive un vieux débat, celui de la fuite des cerveaux. Si certaines des branches qui souffrent d’un manque structurel de main-d’œuvre (BTP, hôtellerie-restauration, transport routier, infirmiers, aides à domicile, sans oublier le secteur agricole) donnent l’impression que les besoins se font sentir principalement dans des secteurs où la main-d’œuvre est peu ou moyennement qualifiée, il s’avère que les pénuries sont aussi persistantes dans les secteurs demandant du personnel hautement qualifié (ingénieurs, médecins…).

Une évidence

Ce phénomène n’est pas propre à la France, il concerne pratiquement tous les pays du Nord. On assiste dès lors à une vraie bataille entre ces pays afin d’attirer les talents, surtout ceux, plus nombreux, originaires des pays du Sud. Cette course aux talents est exacerbée par les mutations technologiques et la double transition verte et numérique. L’enjeu est de taille, car la réussite de cette dernière aura non seulement un impact sur la compétitivité des pays, mais participera, à n’en pas douter, à la lutte contre le changement climatique, le plus grand défi de notre époque.

Lire aussi l’entetien : Article réservé à nos abonnés « L’immigration permet de “mettre de l’huile” dans les rouages du marché du travail »

Le recours à la main-d’œuvre étrangère paraît dès lors comme une évidence malgré les réticences de l’opinion publique. Ce qui nous renvoie à une question éthique : la migration de personnes hautement qualifiées apparaît en effet comme une action qui peut nuire au pays d’origine. Le schéma classique, qui repose sur l’hypothèse que les pays du Nord puissent faire appel à une main-d’œuvre des pays du Sud inépuisable, bon marché et prête à migrer, est aujourd’hui plus que questionnable.

La littérature économique est unanime sur le rôle primordial du capital humain dans l’accélération de la croissance économique et du développement des pays. Puiser sans contrepartie dans le vivier des talents des pays du Sud, c’est leur ôter leur facteur de production le plus important. C’est économiquement coûteux, politiquement indéfendable et éthiquement impardonnable.

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L’argot de bureau : les « slasheurs », les couteaux suisses qui ne voulaient pas trancher

Argot de bureau

Quel est le point commun entre Vendredi 13, les films de la saga Scream, et un huissier de justice barman le soir et joueur de fléchettes le week-end ? Non, ne répondez pas « ils me font tous peur » : ce sont des slasheurs.

Connaissez-vous les slasher movies ? Ce sous-genre du film d’horreur met en scène les meurtres méthodiques d’un tueur en série, parfois dans une maison pleine de jeunes gens innocents, souvent la nuit, avec un profond sadisme, et un couteau qui coupe, to slash signifiant « trancher, taillader ». Massacre à la tronçonneuse (1974) est d’ailleurs l’un des premiers slashers.

Quel est donc le rapport avec la pluriactivité ? Aucun. Heureusement, l’étymologie n’a rien à voir avec un quelconque objet tranchant ou, à la rigueur, le « couteau suisse ». Elle provient tout simplement du slash, ce signe typographique qui sépare les différentes activités du slasheur.

Le slasheur (gardons le u pour le distinguer du slasher) enchaîne donc les boulots en série : la plupart du temps, il a choisi de ne pas choisir. S’il est possible de « slasher » au sein de la même entreprise (en ayant un poste polyvalent), cela se fait souvent pour le compte de plusieurs employeurs, parfois même sous différents statuts d’emploi (salarié à temps partagé, à mi-temps, indépendant, intermittent, intérimaire…).

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Par défaut ou par choix, ils cumulent plusieurs emplois : les slasheurs cherchent leur voie dans un contexte de crise

Six millions de pluriactifs en France

Marci Alboher, autrice américaine de One Person/Multiple Careers (2007), est connue pour avoir popularisé l’expression, qui sert à valoriser ce mode de travail qui diffère de la norme. Elle utilise souvent la métaphore de la tapisserie : à force de coudre différents morceaux différents de soi, on obtient une carrière customisée, unique… et non une personne instable.

Il existerait aujourd’hui six millions de pluriactifs en France, selon une étude menée en 2022 pour le Salon SME, qui réunit des indépendants. Le statut d’autoentrepreneur, né en 2009, a favorisé l’émergence du schéma « job alimentaire agrémenté d’une passion quelques heures par semaine ». Selon l’étude SME, 67 % des slasheurs le sont pour augmenter leurs revenus, 29 % pour tirer des revenus d’un hobby. Parmi les slasheurs sachant se lâcher, on trouvera le pompier/cracheur de feu, le dentiste/confiseur, le tradeur/président d’une association caritative.

Autonome, le slasheur est souvent présenté comme enthousiaste et audacieux, symbole du monde du travail en communauté, flexible, « ubérisé ». Sans vouloir se jeter de roses, bien sûr, les slasheurs se qualifieront parfois de multipotentiels ou de « polymathes », un terme grec signifiant qu’ils ont des compétences dans des domaines qui n’ont aucun lien, l’idole des polymathes étant Léonard de Vinci.

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Caution bancaire : quand votre profil Linkedln se retourne contre vous

Le banquier qui consent à un client « non averti » un crédit, dont il sait qu’il n’est pas adapté à ses capacités financières, a l’obligation de « mettre en garde » celui-ci contre les risques d’endettement qu’il court. S’il manque à cette obligation, le banquier peut être condamné à indemniser son client, le jour où il n’arrive pas à rembourser. Mais cette obligation de mise en garde n’a rien à voir avec un devoir de conseil, comme le rappelle l’affaire suivante.

En 2007, M. X, 48 ans, perd son poste d’« expert achat textile et chaussure » chez Carrefour – il accepte une rupture conventionnelle dans le cadre d’un plan de sauvegarde de l’emploi. Avec son indemnité de départ, de 200 000 euros, il décide d’ouvrir une pizzeria sous franchise de La Casa Pizza Grill.

La société qu’il crée fait rénover les locaux d’un ancien McDonald’s, grâce à un emprunt de 840 000 euros qu’elle souscrit auprès de LCL, et dont il se porte caution, pour moitié. En 2014, avec un chiffre d’affaires de 1 million d’euros, au lieu de 1,4 million tel que prévu, et un loyer commercial trop élevé, de 15 000 euros, elle est placée en liquidation, et M. X doit honorer sa garantie.

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M. X reproche alors à LCL de ne pas avoir respecté son obligation de mise en garde. « LCL a accordé le prêt sans émettre de critique sur le budget prévisionnel établi par le franchiseur, alors que celui-ci était manifestement surestimé, de 30 % à 40 % », proteste-t-il, en se référant aux résultats des autres entités du groupe.

Rachat de créance

« Il ne faut pas confondre le devoir de mise en garde, qui consiste à informer la caution de ce qu’elle devra rembourser l’emprunt avec des intérêts, et le devoir de conseil, qui n’est pas obligatoire, et qui porte sur l’opération », explique Jérôme Lasserre Capdeville, universitaire spécialiste du droit bancaire, maître de conférences à Strasbourg. Le tribunal de commerce de Lyon juge ainsi que LCL n’avait pas à « se prononcer sur l’opportunité de l’opération financée ».

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Quant à M. X, le tribunal le considère comme une caution avertie, car il dispose du niveau bac + 4 en gestion. Cette information lui a été communiquée par la société de recouvrement suisse Intrum Justitia Debt Finance AG, épinglée, avec d’autres, pour leurs « méthodes agressives », par l’UFC-Que choisir.

Après avoir racheté la créance de LCL, la société de recouvrement a trouvé le profil que M. X avait publié sur le réseau social professionnel LinkedIn : il s’y déclare « titulaire d’une maîtrise de sciences économiques et gestion » – ce qui est vrai – et précise avoir des compétences en « management, business development, business analysis, gestion d’équipe [et] négociations ». Elle l’a produit, sachant que, Or, « selon la jurisprudence, une personne qui a fait des études supérieures dans un domaine économique est considérée comme avertie », comme l’explique M. Lasserre Capdeville.

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La cour d’appel de Lyon ayant confirmé le jugement, c’est sans succès que Me Sébastien Viaud, avocat de M. X en cassation, soutient que celui-ci n’était pas averti, puisqu’il opérait une reconversion professionnelle : il ne connaissait rien à la restauration, dans la mesure où il avait précédemment occupé un poste de commercial dans la distribution. Le 9 novembre 2022 (20-18.264), la Cour retient le raisonnement de son adversaire, Me Thomas Lyon-Caen, selon lequel il faut prendre en compte non seulement les « fonctions » précédemment exercées, mais aussi les « capacités » de la caution.

M. X souhaite toutefois ne payer que « le prix réel » auquel Intrum a racheté sa créance, ainsi que le permet l’article 1699 du code civil : comme elle refuse de le lui révéler, un nouveau combat judiciaire est engagé.

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Ils ont quitté le secteur de l’hôtellerie, du tourisme ou de la restauration : « J’en ai eu marre de me sacrifier »

Une maison achetée à crédit, un CDI à l’agence Orpi du centre-ville d’Aurillac, un van aménagé pour partir en week-end avec son compagnon : telle est la nouvelle vie de Marjolaine Guibal, 30 ans, depuis qu’elle a quitté le monde de l’hôtellerie. Elle y a passé dix ans, dont plusieurs saisons comme réceptionniste d’un village vacances à Super-Besse (Puy-de-Dôme). « Sans le Covid, j’y serais encore !, assure cette diplômée d’une licence en commerce. La pandémie a été un déclic. On devait se confiner, l’hôtel fermait, et je n’avais pas de logement à moi. J’ai compris que ce n’était plus possible. »

Comme Marjorie Guibal, de nombreux salariés du monde du tourisme (hôtellerie, restauration, campings, parcs de loisirs…) ont changé de vie au cours de ces trois dernières années, accentuant les difficultés de recrutement que connaît ce secteur. Les longues périodes de fermeture ou de ralentissement de l’activité liées à la crise sanitaire, en 2020 et 2021, ont accéléré leur prise de conscience, en particulier sur l’impact de leurs conditions de travail sur leur vie privée. Et ce, même si les personnes que nous avons interrogés parlent aussi avec nostalgie de leur ancien métier, du collectif, du plaisir du service, de « l’esprit de famille » qui s’en dégageait. Ou du sentiment de liberté que procurait cette possibilité de travailler comme saisonnier, l’hiver à la montagne, l’été au soleil.

« Quand tu es dans ce secteur, tu travailles quand tout le monde est en week-end ou en vacances. Tu rates tout : les anniversaires, les soirées, les mariages, la vie, quoi ! », exprime Delphine Palatan, 39 ans, qui, quinze ans durant, a été gouvernante dans plusieurs hôtels de Savoie. « Le Covid, ça a été un moment qui m’a permis de penser à moi », déclare celle qui a amorcé un processus de reconversion pour devenir formatrice, « avec des horaires normaux, du lundi au vendredi ».

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Face à la désertion des salariés des hôtels, restaurants et campings, le douloureux réveil des employeurs

« A un moment, j’en ai eu marre de me sacrifier », poursuit Rodolphe Lucas Gome, 38 ans, ex-majordome dans un cinq-étoiles de la côte basque, et qui a quitté le secteur fin 2020. « Je faisais 40-45 heures par semaine, je remplaçais les collègues au dernier moment, je disais au revoir à tous mes congés pendant l’été… Et les heures sup ne sont pas toujours payées. » Depuis, il a créé sa société de marketing numérique.

Aucun d’eux ne dit regretter sa nouvelle vie, même Lucie Ha, 30 ans, qui précise gagner « un peu moins » aujourd’hui que lorsqu’elle travaillait en salle dans la restauration. Elle officie désormais dans une charcuterie installée au sein des halles de Poitiers. « J’embauche tôt le matin, mais au moins, j’ai deux jours de repos consécutifs. J’ai mes soirées, les horaires sont carrés. Pour la vie de couple, ça change tout », commente-t-elle.

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Face à la désertion des salariés des hôtels, restaurants et campings, le douloureux réveil des employeurs

Un travailleur saisonnier dans un camping de Biscarrosse (Landes), lors d’une journée caniculaire (alerte rouge sur le département), le 17 juin 2022.

Branle-bas de combat chez Sandaya. En ce mois de février, ce groupe de campings a lancé son plan d’attaque pour recruter 2 400 personnes : animateurs, cuisiniers, réceptionnistes, agents de nettoyage, responsables de sites… L’objectif : éviter de se retrouver, comme la saison 2022, avec plusieurs centaines de postes vacants et des problèmes en cascade. « Dans les restaurants, on avait dû fermer certains jours ou réduire les horaires. Le ménage, c’était très compliqué aussi. On a fait appel à des boîtes d’intérim, mais ça nous a coûté très cher et ce n’était pas le service qu’on attendait », expose François Georges, le patron du groupe.

Enquête : Article réservé à nos abonnés « Il va falloir se rendre compte que les gens ne sont plus corvéables à merci » : dans l’hôtellerie-restauration, les départs de salariés se multiplient

En 2023, chez Sandaya, tout un catalogue de nouvelles mesures est en train d’être déployé : augmentation des salaires (jusqu’à + 20 % pour certains métiers), création d’une prime à la cooptation (jusqu’à 250 euros) pour tout employé qui recommande un candidat de son entourage, d’une prime de retour (de 200 à 500 euros) pour ceux qui reviennent d’une année sur l’autre, hausse « d’un tiers » du nombre de logements proposés au personnel… « Les premiers signaux semblent dire que ça marche », relève François Georges.

Le secteur du tourisme réussira-t-il à repenser ses emplois afin de les rendre plus attractifs ? Depuis la pandémie de Covid-19, les difficultés de recrutement se sont aggravées, notamment car les longues périodes d’interruption et de ralentissement global de l’activité, en 2020 et en 2021, ont poussé nombre de salariés à bifurquer vers d’autres horizons.

Chez Belambra, parmi les 450 saisonniers réguliers, 175 ont « disparu » depuis. « Des gens qui nous étaient fidèles depuis des années ont posé le crayon et nous ont dit : je peux plus, relate Alexis Gardy, le président de ces clubs de vacances. Ils ont passé du temps en famille, ils ont eu du temps pour réfléchir à leur avenir. Avec le recul, certaines contraintes liées au secteur leur sont devenues insupportables. »

Lire notre décryptage : Article réservé à nos abonnés Logistique, hôtellerie, bâtiment… La grande pénurie de main-d’œuvre à travers l’Europe

En France, environ 250 000 postes seraient à pourvoir rien que dans l’hôtellerie et la restauration. « On a beau avoir fait une année 2022 extra, on aurait pu faire 5 % à 10 % de plus si on n’avait pas réduit l’offre en raison d’un manque de personnel. Et cela commence à donner lieu à des frictions entre employeurs, qui se piquent leurs meilleurs éléments », commente Christian Mantei, président d’Atout France.

« Absence de considération »

Dès lors, comment attirer davantage de jeunes vers ce secteur ? Il y a du pain sur la planche, car c’est toute la vision de ces métiers qu’il faut repenser, explique Dominique Marcel, président de l’Alliance France Tourisme, un groupe de réflexion qui a produit un rapport sur ce sujet, fin 2022. « On a un problème culturel avec les métiers du tourisme, qui sont assimilés à de la servitude », observe-t-il.

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Face aux effets du changement climatique sur la santé au travail, « les entreprises ne sont pas suffisamment mobilisées »

L’année 2022, marquée par des records de chaleur et une sécheresse historique, a montré à quel point le travail était également touché par le changement climatique. Les travailleurs ressentent une combinaison d’effets du climat sur leur santé, allant de la pénibilité induite par des environnements de travail non adaptés à une remise en question du sens même du travail.

Depuis octobre, le Conseil économique, social et environnemental (CESE) s’est saisi du sujet, pour un avis qu’il doit remettre le 25 avril, et qui s’appuie sur une enquête publiée mi-février. Jean-François Naton, conseiller au CESE désigné par la Confédération générale du travail (CGT) et corapporteur de l’avis « Travail, santé-environnement », livre son analyse et des pistes pour mieux prendre en compte l’impact du climat sur la santé des travailleurs.

Existe-t-il une prise de conscience générale sur le changement climatique dans le monde du travail ?

Individuellement, les travailleurs ont conscience que les activités humaines sont à l’origine du changement climatique, et ils estiment que cela a ou aura des conséquences importantes sur les situations de travail. Notre enquête, qui s’appuie sur des auditions et une consultation en ligne ayant recueilli les réponses de 1 922 participants, suggère que cette prise de conscience est liée à la formation : 34 % des salariés ont suivi ou prévoient de suivre une formation sur le sujet, organisée par leur employeur ou de leur propre initiative. Les participants à notre enquête considèrent que le travail doit être une solution pour lutter contre le changement climatique et que sa transformation est nécessaire pour minimiser son impact négatif sur la planète. Une bascule est à l’œuvre.

Quels effets sur la santé au travail sont ressentis à cause du changement climatique ?

Certains métiers cumulent les pénibilités : transport, organisation et conditions de travail, manque de récupération, etc. Nous avons là une situation potentiellement explosive pour la santé des travailleurs. Pendant les périodes de canicule, les nuits non réparatrices entraînent une accumulation de fatigue et d’épuisement. En raison de la chaleur, les conditions de travail à l’intérieur, dans les bâtiments avec des baies vitrées par exemple, peuvent également se dégrader.

Les travailleurs sont confrontés – et le seront de plus en plus – à la promiscuité et à d’autres perturbations dans les transports entre leur domicile et leur lieu de travail. Par ailleurs, le changement climatique va accentuer le sentiment de perte de sens au travail. Notre pays souffre d’une crise du travail depuis plusieurs années. Pour un tiers des répondants à notre enquête, à cette question ancienne s’ajoute aujourd’hui ce que l’on appelle de l’éco-anxiété. Elle résulte des interrogations sur la finalité de l’engagement dans le travail : « Mon travail participe-t-il à la destruction de la planète ? » ; « En gagnant ma vie, est-ce que je détruis celle de mes enfants et petits-enfants ? » ; « Pourquoi je travaille ? » Il existe une vraie attente pour travailler autrement.

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La rédaction de « Paris Match » connaît une vague de départs inédite

A quoi ressemblera la rédaction de Paris Match dans trois semaines ? Depuis mercredi 22 février au soir, les journalistes de l’hebdomadaire, à l’instar de leurs collègues du Journal du dimanche, autre titre du groupe Lagardère, ont été mis en télétravail, le temps que des travaux soient menés dans leur immeuble commun – CNews, principale chaîne d’information du groupe de Vincent Bolloré, murmure-t-on dans les couloirs, pourrait bientôt les y rejoindre. « On se demande qui reviendra et qui l’on ne reverra plus », raconte une journaliste qui, comme beaucoup, requiert l’anonymat.

Lire aussi : La rédaction de « Paris Match » signe une motion de défiance contre la direction après le départ de Bruno Jeudy

Il faut dire que, ces derniers temps, à Match, qu’ils soient choisis ou négociés, les départs s’enchaînent à une allure inédite. Après les journalistes Sophie des Déserts, Aurélie Raya et Emilie Lanez, le « rewriter » Jean-Pierre Bouyxou, le directeur artistique, Cyril Clément, le chef de la photographie, Guillaume Clavières, ou encore le secrétaire général de la rédaction, Alain Dorange, c’est la rédactrice en chef des pages « Vivre Match », Elisabeth Lazaroo, qui est partie définitivement cette semaine. Et ce, après que le site Internet de Franceinfo a révélé que la reporter Emilie Blachère avait déposé une requête aux prud’hommes afin de faire valoir sa clause de conscience. Ce dispositif permet à un journaliste de quitter son emploi avec des indemnités en cas de cession de son journal ou de changement de sa ligne éditoriale.

« Ma voix n’a pas du tout compté »

Or, il y a un an, le groupe Vivendi de Vincent Bolloré a lancé une OPA sur le groupe Lagardère. S’il en détient 57 % du capital, il n’est pas censé le contrôler tant que Bruxelles n’a pas donné son aval. Pourtant, et comme elle l’a longuement expliqué au site Les Jours, « Paris Match est en train de perdre la neutralité politique qui le caractérisait. Continuer d’y travailler était de nature à porter atteinte à mon travail et à ma réputation », défend-elle.

Le 31 mars, ce sera au tour de l’auteur de la chronique « L’air du temps », Gilles Martin-Chauffier, 68 ans, dont 43 de maison, de s’effacer

Les noms qui s’affichent dans l’ours, cette sorte de carte d’identité qui figure dans tous les journaux, ne cessent de changer. Trop vite, parfois. Celui de la spécialiste du Vatican, Caroline Pigozzi, véritable personnage d’un journal pour lequel elle écrit depuis trente ans, a disparu dès le numéro du 9 février. Désormais septuagénaire, elle est pourtant censée ne le quitter que le mardi 28 février.

Le 31 mars, ce sera au tour de Gilles Martin-Chauffier, auteur de la chronique « L’air du temps », de s’effacer. A 68 ans, dont 43 de maison, lui aussi fait figure de pilier. « Si la motion de défiance de l’été [2022] a été signée par 93 % des votants, souffle une plume, c’est en partie parce qu’il avait pris la parole » pour fustiger les conditions du départ de Bruno Jeudy, le chef du service politique, aujourd’hui remplacé par Laurence Ferrari, présentatrice sur CNews et Europe 1 – le journaliste avait assumé de contester la « une » consacrée au cardinal Robert Sarah, ultraconservateur et homophobe. « Ma voix n’a pas du tout compté, et je pars de mon plein gré », réfute pourtant le rédacteur en chef de l’« editing », qui espère poursuivre sa collaboration par quelques piges.

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