Archive dans juillet 2023

Concours enseignants : à nouveau plusieurs milliers de postes non pourvus, qui confirment une crise structurelle

Lors de l’épreuve de philosophie du baccalauréat, au lycée Marie-Louise Dissard-Françoise, à Tournefeuille (Haute Garonne), le 14 juin 2023.

La crise n’est pas aussi aiguë qu’en 2022, mais elle est toujours là. Plus de 2 700 postes d’enseignant n’ont pas été pourvus à l’issue des concours de recrutement externes publics, selon les résultats publiés par le ministère de l’éducation nationale jeudi 6 juillet, faute de candidats au niveau en nombre suffisant.

Dans le premier degré, 1 584 places sont restées vacantes au concours de professeur des écoles, soit 16 % des postes ouverts, toutes concentrées dans les quatre académies de Mayotte, Guyane, Créteil et Versailles. Les vingt-six autres académies ont couvert l’intégralité de leurs besoins, et ont été autorisées à recruter les 1 581 candidats qu’elles avaient inscrits, en sus, sur les listes complémentaires.

Dans le second degré, l’agrégation pourvoit 97 % de ses postes mais presque un poste sur cinq reste en souffrance au capes, principal concours pour les professeurs de collège et de lycée. La situation est cependant contrastée entre les disciplines : l’histoire-géographie, les sciences de la vie et de la Terre ou encore la philosophie ont des listes de lauréats complètes, tandis qu’un quart des postes sont vacants en mathématiques et en physique-chimie, 20 % en lettres modernes, 58 % en allemand ou encore 70 % en lettres classiques.

Le déficit est plus marqué encore à l’issue du concours de recrutement des professeurs de lycée professionnel, où il manque 28 % des enseignants espérés. Une « hécatombe », selon le mot de Pascal Vivier, secrétaire général du Snetaa-FO, premier syndicat dans les lycées professionnels, pour un corps d’enseignants qui compte déjà plus de 14 % de contractuels, de loin le chiffre le plus élevé de tout l’enseignement public. « Nos élèves sont les plus fragiles scolairement, les plus défavorisés socialement, et ce sont eux qui ont les personnels les moins formés au métier », se désole le responsable syndical.

« Tout ne se résout pas en une année »

Au ministère de l’éducation nationale, on souligne « l’amélioration générale » des indicateurs du recrutement par rapport à 2022, lorsque la mise en place de la réforme de la formation déplaçant le concours à la fin du master 2 a conduit à laisser plus de 4 000 postes (20 %) vacants à l’issue des épreuves. « Cela nous permet d’aborder la rentrée 2023 de façon plus sereine que l’an dernier », assure-t-on, précisant que le recrutement de contractuels a été anticipé. Dans un changement de paradigme notable, le ministre, Pap Ndiaye, assume désormais le fait que ce volant de non-titulaires fasse partie intégrante du personnel de l’éducation nationale, sans qu’ils aient forcément vocation à devenir titulaires.

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L’obligation d’arrêt de l’usine ArcelorMittal de Fos-sur-Mer suspendue par le tribunal administratif

ArcelorMittal Méditerranée n’arrêtera pas ses hauts-fourneaux de Fos-sur-Mer (Bouches-du-Rhône). Le tribunal administratif de Marseille a suspendu, jeudi 6 juillet, la décision de la direction départementale de l’emploi, du travail et des solidarités qui imposait un arrêt temporaire du département aciérie de l’usine. Cette procédure inédite à l’encontre du géant de la sidérurgie avait été prise le 19 juin pour remédier à la « persistance d’une situation dangereuse » pour les salariés de cet atelier, potentiellement exposés, selon l’inspection du travail, « à des substances cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction » (CMR).

ArcelorMittal a adressé une requête en référé liberté le 30 juin, estimant, entre autres arguments, que la décision d’arrêt était « disproportionnée », « frappée d’un vice de procédure » et « ne tenait pas compte des nouvelles mesures de protection mises en place ». Et notamment de sa nouvelle version du plan d’action demandé par l’inspection du travail, validée le 29 juin par le comité social et économique et la médecine du travail de l’entreprise.

Si elle rappelle que de « graves irrégularités » ont bien été relevées par les représentants de l’administration lors d’un contrôle en avril 2023 et que les « diligences mises en œuvre » par la direction de l’usine sont « tardives », la juge des référés du tribunal administratif donne raison à la plupart des arguments d’ArcelorMittal. Elle note ainsi que « l’entreprise a d’ores et déjà mis en œuvre un certain nombre de mesures et propose [dans son plan d’action] des mesures prescrites par l’inspectrice du travail ». Pour elle, le maintien de la décision d’arrêt constitue dès lors « une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté d’entreprendre ».

« L’achat immédiat de plusieurs centaines de masques ventilés, le nettoyage des poussières par une société spécialisée, la mise en place de brumisateurs, les vérifications d’étanchéité de certaines installations…  » sont, pour la juge, autant d’éléments montrant que les remarques de l’administration ont été prises en compte.

Le tribunal donne également raison à ArcelorMittal qui reprochait à l’inspection du travail d’avoir sauté une étape dans la procédure. Pour être recevable, la décision d’arrêt d’activité aurait dû être précédée d’une « mise en demeure » demandant à l’entreprise d’appliquer des mesures de protection dans un délai précis.

« Danger réel et grave » pour les salariés

A l’audience, mercredi 5 juillet, le groupe sidérurgique avait fait peser devant le tribunal administratif le poids de « conséquences majeures sur la situation économique de la société mais aussi de tout le bassin local » en cas d’arrêt temporaire. Des répercussions qui dépasseraient, selon l’avocat de l’entreprise Me Jean-Benoît Lhomme, le territoire régional, et fragiliseraient d’autres clients comme « les constructeurs automobiles qui produisent à flux tendu ». Dans ses conclusions, ArcelorMittal, qui emploie directement à Fos-sur-Mer 2 600 salariés et accueille 1 400 sous-traitants, évaluait le coût journalier d’entretien de l’usine en cas d’arrêt à 1,3 million d’euros. Et son manque à gagner à 2,2 millions d’euros par jour. Soit « pour une durée de trois mois, un préjudice économique estimé à 100 millions d’euros » précise Me Lhomme. Autant d’éléments pris en compte par la juge des référés au moment d’estimer l’urgence à statuer.

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Centres de vacances : les animateurs seront formés à la prévention des violences sexuelles

« Recueillir la parole d’enfants victimes ne s’improvise pas. » Les 50 000 candidats qui passent chaque année le brevet d’aptitude aux fonctions d’animateur (BAFA) seront désormais formés à la prévention des violences sexistes et sexuelles, a annoncé, jeudi 6 juillet, le secrétariat d’Etat à la jeunesse.

Les responsables d’accueil collectif de mineurs, comme les centres de vacances, de loisirs, les centres aérés, signeront, quant à eux, jeudi, une charte de douze engagements pour prévenir les violences sexuelles et sexistes (VSS) dans les locaux de l’Union française des centres de vacances (UFCV).

Ils s’engageront ainsi à « inscrire la prévention et la lutte contre les violences sexuelles et sexistes dans le projet éducatif », à « recruter des personnels formés sur ces questions » ou à les former et à nommer des « référents » VSS dans chaque structure, précise le secrétariat d’Etat dans un dossier de presse. Ils s’engageront également à « sensibiliser les mineurs » aux violences sexistes et sexuelles et aux « questions d’égalité de genre » et à « signaler » les VSS « aux autorités compétentes ».

Un module spécifique sera ajouté au BAFA pour que les animateurs soient en mesure de prévenir les violences sexuelles et d’écouter les enfants qui évoqueraient des violences vécues dans leur foyer, fait savoir le secrétariat d’Etat.

« En parler peut tout changer »

« Il faut savoir ce qu’il faut dire, ou ne pas dire, pour qu’ils puissent s’exprimer sans se fermer, puis réagir de manière adaptée, connaître les procédures à suivre pour signaler les faits », explique Sarah El Haïry, secrétaire d’Etat à la jeunesse, dans une interview accordée à Ouest-France.

Enfin, le gouvernement va dévoiler dans la journée une campagne de sensibilisation aux violences sexuelles et sexistes qui sera diffusée du 10 juillet au 6 août sur Snapchat, TikTok, YouTube et Instagram. Elle s’adressera aux jeunes de 13 à 18 ans pour les inciter à parler aux adultes référents dans les camps de vacances s’ils sont victimes de violences intrafamiliales.

Cette campagne veut s’adresser « aux adolescents, pour leur dire que, s’ils sont confrontés à des violences, en parler peut tout changer. Le cadre extérieur d’une colonie peut permettre de parler de ce qu’on subit dans son environnement quotidien », souligne Mme El Haïry.

Une autre campagne lancée sur les réseaux sociaux à l’attention des parents aura pour objectif de « leur dire que leurs enfants sont en sécurité, préservés des violences sexuelles et sexistes pendant leurs vacances en centre aéré ou en colonie », selon Mme El Haïry.

Chaque année plus de 800 000 contrôles d’honorabilité « systématiques et récurrents » des intervenants dans les centres accueillant des mineurs sont effectués, rappelle le secrétariat d’Etat.

Le Monde avec AFP

« Psychologie du travail digitalisé » : quand la technologie bouleverse le rapport au travail

Livre. Un robot nommé Paro a fait son entrée, voici quelques années, dans un Ehpad. Cette peluche high-tech aux allures de bébé phoque devait favoriser les interactions avec les résidents tout en leur apportant de l’apaisement. Mais un problème est rapidement survenu : son arrivée a « déstabilisé la relation personnelle et intime qu’avait réussi à créer l’aide-soignante avec la personne âgée fragilisée », explique Marc-Eric Bobillier Chaumon, professeur de psychologie du travail au Conservatoire national des arts et métiers. La professionnelle « devenait invisible dans cette triade » et se sentait exclue, inutile. « Je ne sers pas forcément à grand-chose, en fait », soulignait-elle alors, tout en exprimant son rejet pour ce « concurrent ».

La situation démontre combien l’introduction de technologies pourtant considérées comme efficaces peut s’avérer délicate. Quels sont les freins à l’acceptation des mutations numériques par les salariés ? Quels impacts ont-elles sur ces derniers, mais aussi sur leur activité ? Comment évolue alors la perception qu’ils ont de leur travail, de leur place dans leur organisation ? M. Bobillier Chaumon s’est penché sur ces questions dans son dernier ouvrage, Psychologie du travail digitalisé (Dunod, 208 pages, 26 euros).

Au fil des pages, l’auteur invite à voir ce qui se passe au plus près du terrain, derrière les effets d’annonce qui accompagnent souvent le déploiement d’innovations. Dans une approche anthropocentrée, il « cherche moins à mesurer l’acceptabilité de la technologie elle-même que d’évaluer l’acceptation des pratiques qui sont effectivement permises, empêchées ou reconfigurées par ces nouveaux outils ».

Des répercussions positives

Comme dans l’Ehpad où est arrivé le robot, le souffle de la technologie peut ainsi bouleverser en profondeur le quotidien professionnel des salariés et leur état d’esprit, avec des impacts possibles sur leur santé. « Il n’y a pas seulement ce que l’on fait avec la technologie qui compte, il y a aussi ce que l’on devient par son usage », résume l’auteur. Le sentiment d’invisibilité ressenti par l’aide-soignante en est l’une des expressions.

Autre exemple : une sensation de déclassement peut saisir l’employé d’une plate-forme logistique équipée d’un système de « voice picking », qui lui impose le trajet le plus court et les produits à sélectionner pour composer sa palette. « La compétence du professionnel se trouve totalement désavouée », note l’auteur. De même, certains salariés pris dans une mutation technologique pourront s’interroger sur leur utilité professionnelle, peinant à évaluer leur contribution effective au travail qu’ils réalisent, alors que leur activité est dématérialisée et « distribuée dans des systèmes homme-machine ».

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Les problèmes d’emploi, symptôme persistant de la relégation des banlieues

Maison de l’emploi située au croisement de l’avenue Laenecet de la rue Henri-Dunant à Hem (Nord). Le hall d'accueil a été saccagé et les locaux de Pôle emploi ont été incendiés. A Hem, le 3 juillet 2023.

Onze agences Pôle emploi dégradées, deux autres incendiées. Comme l’ensemble des institutions, le service public de l’emploi n’a pas été épargné par les émeutes ayant touché la France après la mort du jeune Nahel M., tué par un policier à Nanterre, mardi 27 juin. Un symbole pour des territoires dont les habitants sont souvent très éloignés du marché de l’emploi. Le taux de chômage y est plus de deux fois supérieur à la moyenne nationale, à 18 % de la population active contre 7,1 %.

Un signe de plus de la relégation des 1 514 quartiers prioritaires de la ville (QPV) que compte le pays, et de la situation défavorable des banlieues par rapport au reste du territoire. Et c’est un élément qui revêt une importance considérable au regard de l’objectif répété comme un mantra par le gouvernement depuis plus d’un an : atteindre le plein-emploi – autour de 5 % de chômage – d’ici à 2027. Pire, alors que les jeunes de moins de 25 ans sont surreprésentés dans les QPV (39,1 % contre 29,9 % en métropole), le taux de chômage des moins de 30 ans s’y élevait, en 2020, à 30,4 %, selon un rapport de l’Observatoire national des politiques de la ville.

La situation s’y améliore pourtant et la bonne santé actuelle du marché du travail profite aussi aux quartiers populaires. Le chômage y a baissé de manière rapide et régulière – il était de 26,4 % en 2015 –, mais l’écart avec le reste du territoire reste grand. Une dynamique baissière qui relève de « l’exploit », selon le président de l’Observatoire des inégalités, Louis Maurin, tant ces territoires accueillent sans cesse les personnes les plus en difficulté alors que « ceux qui trouvent un emploi stable les quittent ».

Ce dernier tempère cependant : « Ce serait une erreur de croire que l’amélioration sur l’emploi réglera mécaniquement tous les problèmes. » Une analyse que partage le président de la Fédération des acteurs de la solidarité, Pascal Brice. « Le taux de chômage va continuer de baisser, souligne-t-il. Mais il va falloir continuer à travailler sur la question de la pauvreté et de la précarité. » Parmi les résidents de QPV ayant un emploi, un sur cinq a signé un contrat précaire (CDD, apprentissage, intérim, stages), contre un sur sept dans les agglomérations auxquelles ces quartiers appartiennent. Et selon les travaux de l’Observatoire national des politiques de la ville, ils sont à 70,8 % ouvriers ou employés, contre une moyenne de 44,9 % en France (hors Mayotte).

Un décalage entre la mobilisation et les résultats

L’entrepreneuriat et les emplois ubérisés ont parfois été mis en avant comme remède possible au chômage, un phénomène à « relativiser » selon Louis Maurin. « La plupart des jeunes des QPV cherchent un emploi salarié pour la stabilité, qui représente le meilleur moyen de s’en sortir, d’acheter un pavillon, etc. », indique-t-il.

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Au début de l’été, le maître-nageur se fait rare, particulièrement dans les piscines

Un sapeur-pompier de Paris surveille la baignade à la piscine de la Butte aux Cailles, dans le 13ème arrondissement de Paris, le 20 juin 2019.

« Je suis chef de bassin depuis le 12 juin jusqu’au 15 septembre à la mairie de Samoëns (74) .

Il me manque deux BNSSA [nageurs sauveteurs], voire trois (désistement, etc.), pour juillet-août, soit deux mois temps complet » : cette annonce publiée sur Facebook comme on lance une bouteille à la mer a des échos dans toute la France.

Une même question agite les équipes, mi-alarmistes, mi-résignées à l’approche du surcroît de fréquentation estivale des piscines : ce n’est ni l’augmentation de la facture énergétique ni le remplissage des bassins, mais le manque de maîtres-nageurs. Difficile de quantifier la pénurie : des syndicats avancent un nombre de quatre mille à cinq mille postes vacants.

Une évaluation surestimée, selon d’autres professionnels qui pointent surtout des difficultés de recrutement en Ile-de-France. « Il faut avoir un bon réseau pour trouver du monde. Le maître-nageur est devenu une denrée rare », relève Youri Soyer, le directeur des piscines de Melun. La problématique épargne peu d’employeurs.

Faible attractivité

« Ces deux dernières années, nous avions déjà eu des difficultés avant de recruter une cheffe de bassin et un maître-nageur. Pour les deux saisonniers que nous recherchons, nous avons posté une annonce dès le début d’année », raconte Violaine Remy, la responsable du pôle ressources de l’intercommunalité Cœur de Loire, qui regroupe trente communes de la Nièvre et gère les deux piscines de Cosne-Cours-sur-Loire et de Donzy.

D’une année sur l’autre, la situation ne s’améliore pas. L’été 2022, la fréquentation cumulée de ces deux équipements avait dépassé les 11 500 entrées. Cette année, pour la première fois, la piscine de plein air de Donzy ouvrira en continu tous les jours. Mais avec la faible attractivité d’une commune rurale, l’absence d’un hébergement à proposer et un faible vivier de professionnels formés aux alentours, le personnel va être très difficile à trouver. Les affiches épinglées à l’entrée de la piscine n’ont pour l’instant pas été concluantes.

Tel de l’or bleu, deux acronymes font office de sésame miroitant pour les collectivités : le brevet national de sécurité et de sauvetage aquatique (BNSSA), dont sont titulaires les nageurs sauveteurs après une formation en soixante à soixante-dix heures en moyenne, et le brevet professionnel de la jeunesse, de l’éducation populaire et du sport, spécialité activités aquatiques et de la natation (BPJEPS AAN), qualification de niveau supérieur qui désigne les maîtres-nageurs, seuls autorisés à enseigner la natation et à diriger des animations dans l’eau.

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L’étrange faillite des Editions de la Différence

Les Editions de la Différence peuvent-elles renaître une fois encore de leurs cendres ? Soufiane Bensabra, leur dernier actionnaire et dirigeant, assure y croire. « Je m’active pour trouver un repreneur, et suis en discussion avec un investisseur chinois intéressé », affirme-t-il au Monde. Pas gagné, cependant, tant la situation de l’entreprise parisienne, qui a édité plus de 2 000 titres de littérature, d’essais, de poésie ou encore de livres d’art depuis sa création en 1976, paraît aujourd’hui désespérée.

Victime d’une conjoncture difficile pour toute l’édition, mais aussi d’une gestion calamiteuse et d’un violent conflit entre dirigeants, La Différence a été placée en liquidation judiciaire, le 26 mai, par le tribunal de commerce de Paris.

La société, qui employait une vingtaine de personnes en 2014, ne compte plus aucun salarié. Le jugement n’a pas calmé les tensions. Les deux parties s’accusent mutuellement de vol, d’escroquerie, d’abus de confiance. L’affaire est entre les mains de la police, qui a commencé à entendre les différents protagonistes.

Retournement exceptionnel

Sinistre fin pour une maison qui a publié Michel Houellebecq et Niki de Saint Phalle, Fernando Pessoa, Michel Butor, Peter Handke et Juvénal, ou encore Jean Lassalle, et dont l’élégant logo avait été dessiné par André Masson. Une rechute, en réalité. La Différence avait connu une première liquidation judiciaire, en 2017.

Mais, à l’époque, l’actionnaire majoritaire, Claude Mineraud, un ancien assureur, avait réinjecté des fonds, montré que l’actif restait supérieur au passif, et il avait obtenu, en 2019, l’annulation de la liquidation. Ce retournement exceptionnel avait permis à la société de redémarrer. L’octogénaire Claude Mineraud avait néanmoins estimé qu’il était temps pour lui de passer la main.

C’est alors qu’entre en scène Soufiane Bensabra. Ce courtier en œuvres d’art et collectionneur né en 1980 à Paris est notamment spécialiste de Sayed Haider Raza (1922-2016), l’un des plus célèbres peintres indiens contemporains, longtemps installé en France. Il préside l’une des deux fondations qui se disputent l’héritage du « Picasso indien ». La Différence avait publié une belle monographie sur Raza, en 2008.

« Je voulais acheter un stock de ce livre, j’ai fini par acheter la société », résume Soufiane Bensabra. Une bonne partie des fonds nécessaires est apportée par un Indien, Deepak Gupta, dont la fille, Sanjana, obtient près de 30 % du capital.

Soufiane Bensabra confie alors la présidence de La Différence à un vieil éditeur d’art et restaurateur de tableaux dont il est proche, Jean-Pierre Archenoult, qui a travaillé notamment avec César et Max Ernst. Pleins d’ambition, ils décident non seulement de développer l’activité d’édition, mais d’y ajouter un deuxième métier, la vente au détail des livres de la maison, en ouvrant en 2020 une librairie en plein cœur de Paris, rue de l’Ancienne-Comédie.

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Le fait religieux bien géré dans 80 % des entreprises et problématique dans 20 %, selon l’Institut Montaigne

Dans un pays sécularisé comme l’est la France, la question du fait religieux en entreprise peut provoquer moult crispations. « Un fait sensible », pour les responsables des ressources humaines dont l’Institut Montaigne se propose d’éclairer les enjeux, dans son enquête annuelle réalisée sur cette question auprès de 25 000 cadres et responsables des ressources humaines d’entreprises de tailles variées.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Le fait religieux en entreprise serait-il une affaire d’hommes ?

Publiée le mercredi 5 juillet, la dernière édition du rapport montre que « la présence de la religion dans les situations de travail se confirme et une entreprise sur deux rencontre des situations marquées par des actes, des comportements ou des demandes ayant une dimension religieuse ». En tout, deux tiers des entreprises françaises interrogées indiquent que le fait religieux existe dans leur environnement de travail.

Mais pour Lionel Honoré, professeur des universités en sciences de gestion à l’Institut d’administration des entreprises de Brest et auteur du rapport, le fait le plus marquant est cette année la coexistence entre deux mondes au sein des entreprises qui ont eu à traiter des questions religieuses. D’un côté, les 80 % de cas où les choses sont maîtrisées et gérées de façon apaisée par les deux parties. De l’autre, 20 % d’entreprises où les comportements « dysfonctionnels », voire « rigoristes », semblent en augmentation.

Un cadre plus clair dans les grandes entreprises

Dans le premier cas, ce sont des entreprises, souvent de taille plus importante, qui ont su anticiper et outiller humainement et du point de vue de la procédure leurs cadres afin que l’émergence du fait religieux ne fasse pas obstruction au fonctionnement de la compagnie. Eduqués sur le sujet, les salariés ont eux aussi appris ce qu’ils avaient ou pas le droit de faire, formulant des demandes dans un cadre dont ils connaissent les limites. « C’est de plus en plus par la discussion que les choses se règlent », précise Lionel Honoré.

A l’inverse, les 20 % d’entreprises confrontées à des difficultés font face à des situations qui « dégénèrent vite », selon le chercheur. Concernant en majorité des hommes jeunes, le plus souvent musulmans et peu qualifiés, ces dysfonctionnements se présentent comme le refus par exemple de s’adresser à des femmes ou encore de leur serrer la main.

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« Cela traduit, souligne le rapport, un réel paradoxe en entreprise : alors même que le phénomène est de plus en plus connu et que les organisations développent des outils de gestion du fait religieux, cette normalisation en entreprise n’est pas toujours suivie d’une normalisation des comportements, et de nouvelles situations dysfonctionnelles apparaissent, voire prennent une place plus importante. »

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Etats-Unis : le métier de secrétaire de direction contraint de se réinventer

Angélique Walsh, 30 ans, vient de trouver un nouvel emploi de secrétaire de direction chez Malpac, une entreprise de services financiers. Son ancien poste à la plate-forme pour véhicules connectés Autonomic, installée dans le Michigan, venait d’être supprimé. « Un certain nombre de tâches ont disparu, dit-elle. Les programmes d’intelligence artificielle ChatGPT, Calendly… nous remplacent. » Et la concurrence sur les postes encore disponibles est brutale. « Là où j’ai postulé, nous étions 5 000 candidates pour une seule offre », se souvient-elle.

Avec ses neuf ans d’expérience, elle a fini par l’emporter. Mais il a fallu s’adapter aux nouvelles conditions du métier. Elle n’a pas de relation exclusive avec un seul dirigeant, mais travaille avec deux patrons, et doit parfois aider l’ensemble de l’équipe.

L’image de la fidèle secrétaire de direction des années 1960, caricaturée dans la série télé Mad Men, s’est brouillée. Celle qui connaissait mieux son patron que sa propre femme n’est plus. La personne qui occupe ce poste répond aujourd’hui à plusieurs directeurs. Et elle se fait de plus en plus rare. Selon le Bureau of Labor Statistics, l’Insee américain, leur nombre s’est réduit de 63 % de l’an 2000 à 2021, passant à 508 000 personnes. Et devrait encore baisser d’ici à 2031. L’agence statistique prévoit un déclin de 20,2 % du nombre de secrétaires et d’assistants administratifs de direction, soit 102 600 disparitions de poste de 2021 à 2031.

Réductions de coûts

Eliza Forsythe, professeure à l’école Travail et emploi de l’université de l’Illinois Urbana-Champaign, a suivi l’évolution des pink collars, celles qu’on appelle les « cols roses », car la profession est à 70 % féminine.

Désormais, « les tâches sont automatisées, dit-elle. Les nouveaux cadres gèrent eux-mêmes leurs déplacements et leur correspondance. » Et les secrétaires de direction toujours en place ont des fonctions moins administratives. « Elles ont fait des études supérieures, ajoute Mme Forsythe. Et leurs missions sont plus complexes, plus intellectuelles. »

Lorsqu’un directeur financier cherche à réduire ses coûts, « l’assistante est une cible populaire », assure Ash Wendt, président de l’agence de recrutement Cowen Partners Executive Search. « Dans l’ancienne configuration, le prestige du dirigeant était lié à la taille de son équipe et à la dévotion de sa secrétaire particulière. » Mais aujourd’hui, l’assistante qu’on se partage entre plusieurs cadres a été renvoyée dans l’open space, « sur un petit espace », avec le reste du commun des mortels. Jerry Maginnis, un ancien associé chez KPMG, maintenant auteur et consultant, a vu le métier évoluer : « Les jeunes cadres sont autosuffisants, ils ont grandi avec la technologie, remarque-t-il. Pour le maintien de leur calendrier et les tâches minutieuses du quotidien, ils n’ont plus besoin d’une assistante. »

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Le fait religieux en entreprise serait-il une affaire d’hommes ?

Carnet de bureau. Le Baromètre annuel sur le fait religieux en entreprise, publié mercredi 5 juillet par l’Institut Montaigne, est formel : « Le fait religieux est peu genré et la majorité des situations (53 %) implique des femmes et des hommes. » L’expression de la religiosité au travail est largement partagée entre les hommes et les femmes, qu’il s’agisse de porter des signes ostentatoires, d’organiser un temps de prière, voire de faire du prosélytisme. Même si, lorsqu’un seul genre est concerné, ce sont plus souvent des hommes (30 %) que des femmes (17 %).

Une différence apparaît toutefois nettement dans la façon d’exprimer sa religion en milieu professionnel. L’Observatoire du fait religieux en entreprise a établi pour ce baromètre 2023 une typologie des modes d’expression, qui distingue les faits invisibles, qui ne modifient pas l’organisation du travail, comme prier pendant une pause, des faits « perturbateurs », qui transgressent les règles de droit et peuvent faire l’objet d’une sanction, comme le refus de réaliser certaines tâches ou de serrer la main d’une collègue.

A la lecture de cette typologie, le baromètre révèle que les femmes sont très majoritairement à l’origine de faits qui ne remettent pas en cause, par eux-mêmes, le fonctionnement de l’organisation, la réalisation du travail ou encore les relations professionnelles. Elles vont demander, par exemple, à s’absenter ou solliciter un aménagement des plannings, elles vont porter un signe religieux distinctif (vêtements, objets, bijoux, comme un hidjab, une croix, une étoile de David). Mais elles sont très rarement dans la transgression.

Encadré par le code du travail

« Les comportements transgressifs sont l’apanage des hommes », remarque Lionel Honoré. Le directeur de l’Observatoire du fait religieux en entreprise et auteur du baromètre précise que « les faits les plus dysfonctionnels retrouvent des hommes peu qualifiés et très largement parmi les moins de 35 ans. Plus on monte en compétences, plus on monte en âge, moins les faits sont problématiques ». Il peut s’agir de comportements négatifs à l’égard des femmes, de refus de réaliser une tâche, de travailler avec quelqu’un qui n’est pas de la même religion. Ce sont, par exemple, des comportements discriminants en raison du genre.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Le « paradoxe » du fait religieux en entreprise

La liberté de culte n’autorise ni la discrimination ni les agissements sexistes. Le respect en entreprise est encadré par le code du travail à la fois pour les libertés individuelles (art. L. 1121-1), les convictions religieuses (art. L. 1132-1), les exigences professionnelles (art. L. 1133-1) et pour la dignité des salariés (art. L. 1142-2-1).

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