Archive dans juillet 2023

Retraites : la réforme pourrait engendrer un « surcoût »

A long terme, la réforme des retraites pourrait entraîner plus de coûts que si elle n’avait pas été adoptée. C’est l’un des enseignements qui se dégage du dixième « avis » annuel présenté, jeudi 13 juillet, par le Comité de suivi des retraites (CSR), un petit groupe d’experts indépendants. Ce constat peut surprendre, voire paraître paradoxal, car les mesures promulguées le 14 avril par l’exécutif ambitionnaient de réaliser des économies. Il montre combien les transformations apportées à notre système par répartition produisent des effets qui sont malaisés à appréhender, du fait de l’infinie complexité des règles en vigueur.

Placé auprès de la première ministre, le CSR a pour mission d’interpeller les pouvoirs publics si les régimes de pension, pris dans leur globalité, s’éloignent des objectifs que le législateur leur a fixés : pérennité financière, équité entre les générations, etc. Le cas échéant, cette instance, aujourd’hui présidée par l’économiste Didier Blanchet, peut formuler des recommandations afin de corriger d’éventuelles dérives. Elle se fonde sur les données fournies dans les rapports du Conseil d’orientation des retraites (COR) – le dernier ayant été publié le 22 juin.

Le CSR souligne que la loi du 14 avril a des impacts susceptibles de varier dans le temps. En 2030, elle permettrait de réduire les dépenses de retraites de 4,6 milliards d’euros, par comparaison avec la situation où il n’y aurait aucun changement. En revanche, le bilan pourrait s’inverser en 2070, avec une « facture » plus lourde (de 9,5 milliards d’euros) que si les textes étaient restés identiques.

Des pensions plus élevées

Comment expliquer une telle tendance ? La réforme soutenue par Emmanuel Macron et par le gouvernement d’Elisabeth Borne repousse de 62 à 64 ans l’âge légal de départ, tout en augmentant, pour certaines générations, le nombre de trimestres requis pour avoir droit à une pension à taux plein. Dans un premier temps, ces dispositions engendrent beaucoup d’économies, parce que des personnes qui auraient dû être à la retraite n’y sont pas. En outre, comme elles se maintiennent en activité, elles cotisent davantage, ce qui génère plus de ressources dans les caisses.

Cependant, durant la période où elles prolongent leur vie professionnelle, ces mêmes personnes acquièrent des droits supplémentaires à l’assurance-vieillesse, sur des salaires généralement élevés, puisqu’elles sont en fin de carrière. Au final, elles partent avec des pensions plus importantes que celles qui leur auraient été versées s’il n’y avait pas eu de réforme.

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«#uberusés, le capitalisme racial de plate-forme » : immigré Uber à vie ?

Pourquoi la plupart des chauffeurs Uber sont des immigrés ou des enfants d’immigrés ? La réponse se trouve dans le dernier ouvrage de la sociologue Sophie Bernard, qui, après une vaste enquête ethnographique menée d’octobre 2015 à juin 2022 entre la France, le Royaume-Uni et le Canada, conclut au développement d’« un capitalisme racial de plate-forme ». C’est le sous-titre de son essai #Uberusés.

Les « usés », ce sont la centaine de chauffeurs qu’elle a interviewés dans les trois capitales et leurs éventuels successeurs. En 2022, plus de cinq millions de chauffeurs travailleraient par l’intermédiaire de la plate-forme dans le monde. Une véritable « armée de travailleurs ».

La sociologue décrit en détail et sans concession la méthodologie appliquée par Uber pour s’installer en position de quasi-monopole à Paris, Londres et Montréal, en commençant par de vastes opérations de lobbying pour contourner les réglementations en place et évincer la concurrence.

L’entreprise applique ensuite un business model de plate-forme qui recrute aux marges du marché du travail les populations discriminées, pour disposer d’un vivier de main-d’œuvre flexible, voire « docile » et renouvelable, que la gestion algorithmique et le monopole vont progressivement rendre dépendants de l’entreprise américaine.

Une division raciale du travail

« Son modèle économique suppose un accès aisé au métier pour disposer d’un pool excédentaire de chauffeurs par rapport à la demande pour satisfaire rapidement cette dernière. La plate-forme se révèle ainsi, dans un premier temps du moins, attractive pour les populations racisées, situées aux marges du système d’emploi », écrit Sophie Bernard.

Le concept de « race » est défini dans cet essai non pas dans sa dimension biologique, mais comme « l’aboutissement d’un processus d’altérisation et d’infériorisation d’un groupe subordonné ». La sociologue parle de division raciale du travail censée réunir pour mieux les exploiter les immigrés et enfants d’immigrés. De ce point de vue, l’ouvrage met le doigt sur plusieurs failles du marché de l’emploi.

L’analyse des chauffeurs Uber explique, au fil des pages, comment et pourquoi l’activité a, dès le début et de plus en plus, été attractive pour des immigrés. Les non-qualifiés y ont trouvé une porte d’accès au marché du travail sans discrimination, plus « propre » et dans un premier temps moins pénible que d’autres emplois salariés.

Quant aux plus qualifiés, confrontés à la non-reconnaissance de leur diplôme, éventuellement au manque de maîtrise de la langue ou aux barrières administratives liées à la nationalité, ils ont vu dans cette activité une possibilité de compenser leur déclassement professionnel. La déqualification est « un des mécanismes communs de relégation des immigrés dans des métiers pénibles », rappelle la sociologue.

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Le Sénat adopte une version durcie du projet de loi « plein-emploi »

Le ministre du travail, Olivier Dussopt, arrive pour une réunion avec les syndicats, le patronat et la première ministre, Elisabeth Borne, à l’hôtel de Matignon, le 12 juillet 2023.

« Nous prédisions un projet de loi réglé en quelques heures : c’est chose faite. » C’est avec une certaine amertume que la sénatrice communiste du Pas-de-Calais Cathy Apourceau-Poly a conclu les débats sur le projet de loi « pour le plein-emploi », adopté par la majorité sénatoriale de droite et du centre dans la nuit du mardi 11 au mercredi 12 juillet.

Le texte porté par le ministre du travail, Olivier Dussopt, qui doit notamment transformer le service public de l’emploi avec la création de France Travail et réformer le revenu de solidarité active (RSA), a été voté en première lecture par 250 voix pour et 91 voix contre, issues des groupes socialistes, communistes et écologistes, et deux abstentions. « Par ce vote, nous faisons un premier pas vers France Travail, qui va permettre une coopération renforcée de tous les acteurs de l’emploi, de la formation et de l’insertion », s’est félicité sur Twitter, M. Dussopt. Pour l’exécutif, ce texte doit être une nouvelle brique dans son objectif de parvenir au plein-emploi – soit 5 % de chômage, contre 7,1 % actuellement – à horizon 2027.

Comme lors des réformes de l’assurance-chômage à l’automne 2022 et des retraites cet hiver, les débats ont mis en lumière le clivage sur la vision du travail entre la gauche et la droite, cette dernière durcissant le texte gouvernemental comme elle l’avait fait pour le projet de loi changeant les règles d’indemnisation des chômeurs. « Quelle année éprouvante pour nos droits sociaux !, s’est emporté dès l’ouverture des débats, lundi, la sénatrice socialiste de Haute-Garonne, Emilienne Poumirol. Après une réforme régressive de l’assurance-chômage et une réforme brutale des retraites, voici une nouvelle casse sociale : le plein-emploi au prix de la précarisation et de la paupérisation. »

« Contrat d’engagement »

Le texte prévoit l’inscription automatique sur les listes des demandeurs d’emploi de toutes les personnes en recherche d’emploi, notamment les bénéficiaires du RSA, les jeunes inscrits dans les missions locales et les personnes en situation de handicap. Aujourd’hui, seuls 40 % des allocataires du RSA sont inscrits à Pôle emploi. Dans ce cadre, un « contrat d’engagement » devra être signé par chacun d’entre eux avec l’obligation d’effectuer des activités en lien avec un retour à l’emploi ou une réinsertion.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés La réforme du RSA grossira les rangs des demandeurs d’emploi

Au cours des débats au Sénat, Olivier Dussopt a précisé que ces activités « iront de la formation ou de la préparation d’un CV à la levée de freins, par exemple en passant son permis, ou à des activités médicales ». Promesse d’Emmanuel Macron, le gouvernement ne souhaite toutefois pas inscrire dans la loi un nombre d’heures minimum pour garder de la souplesse dans l’accompagnement « afin de permettre la prise en compte de la réalité des besoins » de personnes « abîmées par la vie ». Mais les sénateurs de droite et du centre ont adopté une mesure obligeant les demandeurs d’emploi à effectuer une activité « d’au moins quinze heures » par semaine. « Pour les personnes les plus éloignées de l’emploi, il s’agit de les faire sortir de chez elles, de leur permettre de créer du lien social. Pour les personnes proches de l’emploi, les quinze heures seront facilement atteintes », a assuré la rapporteuse Les Républicains du projet de loi, Pascale Gruny (Aisne).

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« La Dépêche du Midi » accusée de multiplier les contrats « low cost » pour plusieurs de ses journalistes

Les bureaux de « La Dépêche du Midi », à Toulouse, en décembre 2015.

La Dépêche du Midi embauche-t-elle ses journalistes au rabais, par l’entremise d’une agence de presse et en dehors de toutes les règles de la convention collective de la profession ? Entre novembre 2015 et août 2019, le contrat signé par Claire Raynaud, rédactrice embauchée dans le quotidien régional d’Occitanie, semble aller dans ce sens. Le 30 juin, la cour d’appel de Toulouse a en tout cas confirmé une « situation de coemploi » entre la société par actions simplifiée (SAS) La Dépêche News et la société anonyme (SA) Groupe La Dépêche du Midi, et condamné cette dernière à indemniser Mme Raynaud.

Après avoir eu gain de cause aux prud’hommes concernant les heures supplémentaires non payées, Mme Raynaud et le Syndicat national des journalistes (SNJ) voulaient obtenir la condamnation de l’employeur de cette dernière pour travail dissimulé. Le tribunal, au bout d’une longue procédure, a donc démontré « l’artifice d’une embauche par le biais de La Dépêche News, “agence de presse”, alors même que c’est bien le rôle du groupe, qui exerce les prérogatives de l’employeur, qui est ici déjoué ».

L’enjeu pour la journaliste était de se voir reconnaître les droits et avantages tirés des accords collectifs (classification, rémunération, jours RTT, points de salaire dits « DDM ») applicables au sein de La Dépêche du Midi, alors que La Dépêche News est soumise à un statut collectif moins favorable. « Je dépendais de la convention des journalistes, mais j’avais un salaire inférieur de 30 %, j’avais cinq semaines de vacances, soit un tiers de moins de congés, pas de primes. Alors que je travaillais entre cinquante et soixante heures par semaine », rappelle au Monde Claire Raynaud, aujourd’hui à la tête d’une agence de communication.

Elle ajoute que ce « dumping social [l]’a broyée et [l]’a amenée à démissionner en 2019 ». Son avocate et celle du SNJ, Pauline Le Bourgeois, voit dans ces pratiques « un détournement du statut collectif. On institutionnalise une différence de traitement entre des salariés qui font la même chose, mais qui vont se voir appliquer des règles différentes ».

Près de la moitié des journalistes concerncés

L’avocate se félicite de la condamnation pour coemploi, et des dommages et intérêts à verser à Mme Raynaud (ainsi qu’une somme symbolique de 1 000 euros au SNJ), avant, peut-être, d’autres poursuites contre le quotidien dirigé par la famille Baylet, depuis sa création, en 1870.

Car, comme le souligne Olivier Cimpello, ancien délégué syndical et membre du comité social et économique (CSE), « depuis 2015, plus aucun journaliste n’a été engagé à La Dépêche du Midi : tous les journalistes qui quittaient le journal ont été remplacés par des journalistes sous contrat La Dépêche News ». Soit près de la moitié des 175 journalistes écrivant à ce jour dans « le journal de la démocratie ».

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Mails, chats, visios : l’empilement des tâches, un facteur d’épuisement au travail

C’est une gymnastique périlleuse, tant au niveau pratique qu’intellectuel. Lorsqu’elle est en télétravail, Claire, cadre dans le marketing digital, assiste parfois à deux réunions simultanément. « Je me connecte à la première depuis mon téléphone, à la seconde avec mon ordinateur, explique-t-elle. Je coupe ma caméra et mets le son en fond pour la visio qui me semble moins prioritaire, et je me concentre et interviens essentiellement sur l’autre. C’est complexe, assez fatigant, mais ça m’évite de rater une information qui pourrait ensuite me faire défaut. »

Dans le monde du travail, le don d’ubiquité développé par Claire porte un nom : le multitasking ou multitâche. Il désigne la propension de certains salariés à réaliser plusieurs tâches en même temps. Une étude de l’Observatoire de l’infobésité et de la collaboration numérique (OICN) souligne l’importance du phénomène : 21 % des réunions acceptées se chevaucheraient (36 % pour les seuls dirigeants). Autre illustration : les sondés enverraient 1,1 mail par heure de réunion en moyenne (1,7 pour les dirigeants).

Ces pratiques en développement apparaissent comme des révélateurs. Elles témoignent d’une intensification des échanges et des sollicitations en entreprise, portées en premier lieu par les transformations digitales et l’extension du télétravail. « Pas besoin désormais de changer de lieu pour assister aux visios, pointe par exemple Jérôme Chemin, secrétaire général adjoint de la CFDT-Cadres. Il n’y a donc souvent pas de pause entre deux réunions et elles s’enchaînent à une cadence plus élevée. »

Cela ne laisse que peu de temps pour répondre à des demandes extérieures, qui seront donc traitées en parallèle. De même, le déploiement des messageries instantanées a accéléré le tempo du partage d’informations. De quoi multiplier les injonctions faites aux salariés et les inciter à y répondre en temps réel, pour ne pas être noyés sous le flux.

Fragmentation de la concentration

Un phénomène qui ne se limite pas aux plages de réunion. Au quotidien, les collaborateurs sont régulièrement interrompus dans leurs missions par téléphone, mail ou chat et doivent « multitasker » en jonglant simultanément entre différents dossiers. « On assiste à un morcellement du travail, note Marc-Eric Bobillier Chaumon, professeur au Conservatoire national des arts et métiers. Cette fragmentation avait déjà été observée chez les cadres dans les années 1980. Désormais, elle peut toucher tous les salariés utilisant différentes technologies. Le phénomène s’est aussi intensifié : la durée moyenne des tâches était alors de quinze à vingt minutes en moyenne, elle n’est plus aujourd’hui que de quatre minutes trente. »

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Le Sénat adopte le projet de loi sur le plein-emploi

Le Sénat à majorité de droite a adopté en première lecture dans la nuit de mardi 11 à mercredi 12 juillet le projet de loi « pour le plein-emploi », qui doit mettre en place un suivi plus directif des allocataires du RSA. Le vote a été acquis par 250 voix pour et 91 contre (les trois groupes de gauche).

Porté par le ministre du travail, Olivier Dussopt, ce projet de loi ne sera examiné par l’Assemblée nationale qu’à l’automne. Il doit donner naissance au réseau France Travail, incluant Pôle emploi comme opérateur principal, pour mieux coordonner les acteurs du service public de l’emploi.

L’exécutif mise sur cette transformation pour atteindre le plein-emploi, soit un taux de chômage autour de 5 % en 2027 (contre 7,1 % actuellement), avec en toile de fond l’idée que « personne n’est inemployable ».

Concrètement, il prévoit que seront automatiquement inscrits sur la liste des demandeurs d’emploi, outre les personnes en recherche d’emploi, les bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA) ainsi que leur conjoint, et les jeunes suivis par les missions locales.

Des sanctions facilitées

Il généralise pour toutes ces personnes un « contrat d’engagement », durci par les sénateurs : ils ont prévu que ce contrat fixe une durée hebdomadaire d’au moins quinze heures d’activité (immersions, remises à niveau, rédaction de CV…), alors que le gouvernement souhaite conserver une certaine souplesse pour prendre en compte les situations particulières.

Dans la même « logique de droits et devoirs », le texte rend plus facile la mise en œuvre de sanctions pour les allocataires ne respectant pas leurs obligations, avec une nouvelle mesure dite de « suspension-remobilisation ».

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Le texte comporte deux autres volets : l’un qui vise à améliorer l’accès des personnes handicapées à l’emploi dans le milieu ordinaire et l’autre sur la petite enfance qui reconnaît les communes comme « autorités organisatrices » de l’accueil, avec mission de recenser les besoins, informer les familles et construire l’offre.

Ce dernier volet a été sensiblement modifié par les sénateurs, avec la suppression de la « stratégie nationale » que le gouvernement souhaite mettre en place et un allégement des contraintes pesant sur les petites communes. Philippe Mouiller (LR) s’est félicité que le texte ait été « profondément remanié pour lutter contre la recentralisation ».

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Sur le volet handicap, le Sénat a voté un amendement du gouvernement créant « un sac à dos numérique » qui retracera les aménagements dont les travailleurs en situation de handicap ont bénéficié au cours de leur vie, afin de faciliter leur mobilité.

A gauche, la socialiste Emilienne Poumirol a jugé que le projet de loi faisait « porter la responsabilité du chômage sur les personnes les plus fragilisées par la vie ». L’écologiste Raymonde Poncet Monge a interpellé Olivier Dussopt, renommé pour l’occasion « ministre de l’emploi » : « quand allez-vous parler du travail ? », a-t-elle demandé.

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Le Monde avec AFP

Scor envisage de céder le groupe d’édition Humensis

La présence d’un groupe d’édition – Humensis, composé de onze maisons dont Que sais-je ? les Presses universitaires de France (PUF), les Editions de l’Observatoire ou les éditions des Equateurs – au sein du quatrième groupe mondial de réassurance, Scor, ne tenait qu’à la volonté de son président, Denis Kessler. Ce dernier, ardent militant d’« une société de la connaissance » et qui avait sauvé in extremis les PUF de la faillite en 2014, est décédé le 9 juin à 71 ans.

Manifestement, la direction de Scor ne tient pas à conserver cette unique filiale située très loin de son cœur de métier. Le groupe, qui détient 87 % d’Humensis a, selon L’Informé du mardi 11 juillet, mandaté la banque d’affaires Gimar & Co pour lui trouver un nouvel acquéreur.

La direction de la communication de Scor a indiqué au Monde vouloir « le meilleur pour Humensis » sans confirmer officiellement ni commenter ce projet de vente.

Absence de « locomotives »

Ce petit groupe d’édition qui a publié les derniers livres de Nicolas Sarkozy et a remporté en 2022 le prix Interallié pour Roman fleuve (Equateurs), de Philibert Humm, n’est financièrement pas au mieux de sa forme. Malgré une hausse de 8,8 % de son chiffre d’affaires, à 41,44 millions d’euros en 2022, le groupe creuse avec constance ses pertes nettes depuis 2020. Elles sont passées de 1,6 million en 2020 à 2,6 millions l’année suivante puis 4,2 millions en 2022.

La hausse du prix du papier et l’absence de « locomotives » expliquent pour partie ces difficultés. Elles ont coûté son poste de directeur général à Frédéric Mériot fin 2022. Il a été remplacé par un trio composé de Muriel Beyer, la directrice générale adjointe, Guillaume Montégudet, le directeur du pôle éducation et formation, et Nicolas Bréon, le secrétaire général. A eux de serrer les boulons.

Interrogés, les groupes susceptibles d’être intéressés par ce rachat, comme Madrigall (Gallimard, Flammarion…), Média Participations (Dargaud, Le Seuil…) ou encore le groupe de Daniel Kretinsky n’avaient pas répondu mardi soir à nos sollicitations. Fimalac n’est officiellement pas sur les rangs.

La face cachée de la semaine de quatre jours

Droit social. Espagne (4 x 8 heures), Portugal (4 x 9 heures), Belgique (4 x 9 h 30)… Selon des modalités extrêmement variées, y compris en termes de rémunération, la semaine de quatre jours est expérimentée en Europe : elle fait l’objet d’un concert de louanges de la part des salariés volontaires interrogés.

L’enthousiasme est plus mesuré côté entreprises et usagers des services publics. Encore plus dubitatif est le cadre de proximité français qui commençait à maîtriser le Mikado du travail hybride et doit comprimer cinq journées en quatre, avec en principe la même charge de travail et la même durée globale ; à moins qu’il ne s’agisse d’un cheval de Troie pour passer aux 32 heures.

Quel prestidigitateur ! Produire sur le long terme la même quantité de biens ou de services, avec une équipe identique travaillant 20 % en moins : belle performance collective, sachant que les journées seront plus longues et que la productivité en fin de journée pourrait laisser à désirer. Le manageur ne va-t-il pas « mettre la pression » pour y parvenir, avec des questions de harcèlement managérial ? Alors, pause déjeuner réduite, réunions plus courtes… Mais bonne idée pour la communauté de travail que cette chasse aux si mal nommés « temps morts » collectifs ? Et, pour les travailleurs du savoir, cette exportation accrue du travail à la maison ne pourrait-elle pas empiéter sur le temps de repos ?

Si l’entreprise ferme le vendredi et pour tout le week-end, il y a peu de problèmes insolubles, et des gains réels côté CO2. Mais qu’en est-il si elle doit rester ouverte le vendredi, sans création de deux équipes comme dans l’industrie ?

En off ce jour-là, le cadre encadrant ne va évidemment ni surveiller ni joindre ses équipes au travail. Celles-ci ne le contacteront d’ailleurs jamais, ni a fortiori les clients et fournisseurs, dûment chapitrés. Des employeurs avouent mezzo voce « devoir fonctionner avec un système de “demi-astreinte” pour rester réactifs ». L’inspection du travail pourrait se montrer également réactive, y compris pour travail dissimulé.

Le rôle du manageur

Car, outre la prise d’un autre emploi, les irritants juridiques gérés par la DRH sont multiples : quel sort pour les mis à disposition, les travailleurs à temps partiel déjà à 80 %, la révision générale des forfaits jour, le premier mai tombant un jour de repos…

Et, au quotidien, ce sont les situations personnelles de chaque collaborateur (lorsque l’enfant naît, grandit…) qui viennent perturber le bel accord de performance collective ayant tout remis à plat. Notre passage d’un droit collectif des travailleurs aux droits de la personne au travail génère une hyperflexibilité individuelle retombant sur le manageur, premier de corvée.

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