Archive dans 2022

Polaire, mitaines et doigts gelés : dans les entreprises, la bataille du thermomètre

A Strasbourg, le 26 octobre 2022.

Tartiflette, gros pull et chaleur humaine sont plébiscités par les salariés pour s’adapter à la baisse de température sur leur lieu de travail. Depuis l’intervention de la première ministre, Elisabeth Borne, fin juillet, appelant ses ministres à l’« exemplarité » en leur demandant de n’activer le chauffage que lorsque la température des bureaux est inférieure à 19 degrés, c’est devenu la règle pour toutes les entreprises de France.

La recommandation est inscrite dans le plan de sobriété lancé par le gouvernement le 6 octobre pour économiser l’énergie cet hiver. « Il n’y a pas d’obligation dans le sens où il n’y aura pas de police des températures », a précisé Agnès Pannier-Runacher, la ministre de la transition énergétique, le même jour sur RTL. Pour autant dans les entreprises, le message est bien passé. « Nos salariés sont assez solidaires des mesures de sobriété énergétique. On a informé nos collaborateurs qu’on allait passer de 21 °C à 19 °C courant octobre, la mise en œuvre a été assez fluide », assure Valérie Vezinhet, la DRH France du géant du conseil PWC.

Il y a aussi les missionnaires de la première heure. « Les dernières semaines, c’était glacial, on était tous en manteaux sur les plateaux. On a attendu le 21 novembre pour allumer le chauffage. C’était une vraie bataille, reconnaît Ugo Annicchiarico, fondateur et directeur général de la start-up Starbolt. Au nom de la sobriété, les salariés passaient un mauvais moment. Je n’avais pas envie que ça dure. »

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Dans l’espace de coworking qu’ils partagent avec une vingtaine d’autres entreprises, le chauffage se décide collégialement. Dans un premier temps, les treize salariés de son équipe ont donc vécu le passage à 19 °C comme un réconfort, contrairement à la plupart des autres salariés, même si pour les déjeuners d’équipe, ils préfèrent désormais « la tartiflette aux salades », confie M. Annicchiarico.

« Des pulls plus épais »

Mais pour conserver leur enthousiasme, les salariés enfilent des moufles. « C’est sûr qu’il y a un temps d’adaptation. Les premiers jours, on a tous eu un peu froid, reconnaît Xavier Tedeschi, DRH du groupe pharmaceutique Innothera. On voit apparaître des pulls plus épais, des foulards. Les portes des bureaux sont plus fermées, c’est moins sympa. »

Sur les réseaux sociaux, le ton est bien plus vif. A l’annonce de l’arrivée du 19 °C, a résonné un fort écho « il fait froid au bureau ». Et toute la garde-robe d’hiver a défilé sur Twitter : « Derrière un bureau je t’assure il fait froid, je suis à 2 doigts de venir en boots au lieu de mes escarpins », a posté Adry le 29 novembre ; « Quand j’ai froid avec mitaines-bonnet-écharpe + gants de sport sous les mitaines je me dis “O.K., là je vais peut-être apporter le thermomètre pour savoir” », tweetait Anne_GE le 1er décembre.

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Grève pour les salaires au « New York Times »

Manifestation devant le siège du « New York Times » dont plusieurs centaines de salariés se sont mis en grève, le 8 décembre, pour réclamer des revalorisations salariales.

Plus d’un millier de salariés du New York Times ont entamé une grève, jeudi 8 décembre à minuit, pour réclamer des revalorisations salariales, notamment en raison de l’inflation, ce qui n’était pas arrivé depuis quarante ans, selon leur syndicat.

Des journalistes et d’autres catégories de personnel ont décidé de cesser le travail vingt-quatre heures après l’échec des négociations sur les salaires et la convention collective, selon le syndicat de la presse NewsGuild of New York. « Plus de 1 100 travailleurs du New York Times ont dorénavant cessé le travail, une première de cette ampleur en quatre décennies », a annoncé sur Twitter l’organisation syndicale.

Le mouvement ne devrait pas empêcher la parution du quotidien vendredi. « Pendant le débrayage, les employés non syndiqués de la salle de rédaction seront en grande partie responsables de la production des informations », confirme un article publié sur le site du quotidien. Une manifestation a eu lieu dans la soirée devant le siège du journal.

Dans un communiqué, une porte-parole de la direction assure que les négociations salariales n’ont pas échoué et regrette « que [les employés] en viennent à des actions extrêmes, alors que nous ne sommes pas dans une impasse ».

La presse écrite américaine, longtemps florissante et prestigieuse, a souffert comme tous les médias d’envergure de la pandémie, et elle est aujourd’hui affectée par l’inflation.

Le Monde avec AFP

Exploitation du lithium : dans la vallée du Rhin, l’espoir de « l’or blanc » géothermal

Des tuyaux d’eau thermale mènent aux réservoirs d’un échangeur de chaleur dans une usine pilote de lithium d’Insheim (Rhénanie-Palatinat), en Allemagne, le 21 juillet 2022.

Dans la région, l’or blanc n’est pas seulement celui des précieuses grappes de riesling des domaines viticoles. C’est aussi celui logé à plus de 3 000 mètres sous le sol, dans les eaux géothermales. « Il est vrai que nous sommes cachés au milieu des vignes », sourit Vincent Ledoux Pedailles, directeur commercial de Vulcan Energy, invitant à le suivre dans la centrale géothermique d’Insheim (Rhénanie-Palatinat). C’est là, à 30 kilomètres de Karlsruhe (Bade-Wurtemberg), que la start-up germano-australienne a installé son projet d’extraction de lithium, ce métal indispensable à la fabrication des batteries électriques.

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Une série de tuyaux rouges ou gris courent autour du puits plongeant dans les entrailles de la terre. La saumure – une eau trois fois plus salée que la mer – qui en remonte à 165 °C produit de 3,5 à 4,8 mégawatts d’électricité par an. Dans le bâtiment principal, Vulcan Energy a monté son unité pilote. Une partie de la saumure sortant de la centrale, entre 65 °C et 85 °C, passe dans une colonne remplie d’une résine, qui en récupère le chlorure de lithium et filtre les impuretés. L’eau est ensuite réinjectée dans le sous-sol. « Un circuit fermé qui n’utilise pas de produit chimique », assure Vincent Ledoux Pedailles.

L’ambitieuse start-up de 180 salariés, née en 2018, construit également un site de démonstration à Landau, tout près, et deux nouvelles usines géothermiques dans la région, qui devraient entrer en production fin 2025. « Nous avons douze licences couvrant plus de 1 400 kilomètres carrés », détaille M. Ledoux Pedailles. Soit une partie de l’immense réservoir du bassin rhénan, dont l’entreprise compte, à terme, extraire 40 000 tonnes de lithium « vert » par an.

Importants besoins de financement

Vert ? Sûrement bien plus que celui extrait du sol par les deux procédés traditionnels. Le premier consiste à exploiter l’or blanc présent dans les roches magmatiques ou granitiques – c’est notamment le cas des mines australiennes dont la matière première, une fois extraite, est envoyée en Chine, où elle est chauffée puis traitée aux acides. En moyenne, 15 tonnes de CO2 sont émises pour extraire une tonne d’hydroxyde de lithium dit de « qualité batterie ».

Le second procédé concerne les salars d’Amérique du Sud : la saumure est pompée dans le sol, puis concentrée dans d’immenses bassins d’évaporation à la surface, semblables à des lacs salés. Cette technique exige également des produits chimiques pour purifier le lithium, et 5 tonnes de CO2 sont émises pour extraire l’équivalent de 1 tonne.

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« Le plein-emploi et le durcissement des règles ne résoudront pas le problème des emplois vacants »

Pour justifier la réforme de l’assurance-chômage défendue par le ministre du travail, Olivier Dussopt, le porte-parole du gouvernement affirmait : « Dix-huit mois pour trouver un travail, c’est suffisant. » Il s’agit à la fois d’une victoire pour la majorité et Les Républicains, qui avaient conditionné leur soutien à la modulation de la durée d’indemnisation en fonction du niveau de chômage, et d’une habile diversion, attirant l’attention sur la recherche du plein-emploi, pour faire oublier les difficultés à combattre l’inflation.

Le contexte semble propice à cette réforme. Les entrepreneurs font face à une crise de recrutement inédite, dans le privé (hôtellerie, bâtiment, restauration, etc.) comme dans le public (enseignement, santé, etc.), et ce quelle que soit la pénibilité apparente du métier (métiers de la banque et nouvelles technologies touchés). Le phénomène avait débuté avant le Covid, et s’est amplifié depuis. Le taux de rotation des emplois s’accélère (l’Insee estime ce taux d’attrition à 15 %, le ministre évoque 360 000 postes non pourvus), alors que le taux de chômage est revenu à un niveau structurel faible (7,5 %).

Il était alors tentant d’expliquer le chômage et les emplois vacants par la générosité du système d’indemnisation. La durée d’indemnisation baissera donc de 25 % tant que le taux de chômage restera inférieur à 9 %, passant de 24 à 18 mois pour les moins de 53 ans, de 36 à 27 mois pour les plus de 55 ans. Mais notre système est-il si généreux, en comparaison de nos voisins européens ?

La généralisation de la dégressivité des indemnités

D’après l’Unédic (janvier 2022), la durée d’indemnisation court jusqu’à 24 mois en Allemagne, 48 mois au Danemark, en Espagne. Elle est illimitée en Belgique, mais fortement dégressive et forfaitaire après deux années. Seule la Grande-Bretagne fixe le seuil à 182 jours. La dégressivité des indemnités s’est généralisée… y compris en France (à partir du 7e mois).

Si la France se distingue, c’est avant tout par les montants d’indemnisation : un taux de remplacement plus faible qu’ailleurs (57 % du salaire journalier de référence contre 90 % au Danemark, 60 % au moins en Allemagne, 70 % en Espagne) et un plafond de l’allocation beaucoup plus élevé (7 816 euros en France, 3 019 euros en Allemagne, 2 600 euros au Danemark). Le système est donc moins redistributif et avantage les salariés les plus qualifiés et les mieux payés, alors que ceux-ci retrouvent un emploi plus rapidement.

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L’urgence évoquée par le gouvernement interroge, vu la récurrence des dispositifs : le dernier décret datait de mars 2021. Rappelons que, selon la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares, octobre 2022), au moins 25 % des salariés éligibles ne recourent pas à l’assurance-chômage ; et que les comptes de l’assurance-chômage sont revenus dans le vert en 2022 (excédent de 1,5 milliard d’euros, dette élevée après le Covid, mais qui entame sa décrue, autour de 60 milliards d’euros fin 2023).

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Chez Carelide, la souveraineté sanitaire française en péril

C’est l’avenir d’un symbole de l’indépendance française en matière de santé qui se joue. Placé en redressement judiciaire depuis le 24 octobre, le dernier fabricant tricolore de poches de perfusion, Carelide, cherche un repreneur pour poursuivre ses activités. Les candidats avaient jusqu’au lundi 5 décembre à midi pour déposer leurs offres. Mais les prétendants au rachat ont été peu nombreux. Mercredi 7 décembre, les salariés ont plaidé auprès du tribunal de commerce de Lille afin d’obtenir un délai supplémentaire. Les repreneurs potentiels ont désormais jusqu’au 5 janvier 2023 pour se faire connaître.

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« Une seule offre, dont on ne parvient pas à voir comment elle pourrait assurer la survie à long terme de l’entreprise, a été faite, et nous inquiète », s’alarme Laetitia Boumaza, secrétaire du comité social et économique de l’entreprise. Jusqu’à présent, les salariés de cette PME (39 millions d’euros de chiffres d’affaires) installée à Mouvaux (Nord), dans la banlieue de Lille, étaient restés discrets, espérant qu’une solution se dessine pour les sauver de l’impasse. Mais, gagnés par la crainte de se voir administrer un remède jugé inefficace, ils sortent du silence.

« On a besoin d’aide ! On aime notre entreprise, clame Meryam Djidel, déléguée syndicale CGT et représentante du personnel. La moyenne d’ancienneté des salariés chez nous, c’est entre quinze et trente et un ans. Tout ce qu’on veut, c’est que quelqu’un nous fasse confiance. » Les salariés redoutent notamment la « casse sociale » qu’entraînerait cette offre, « faite par un indépendant qui n’a aucune expérience de l’industrie pharmaceutique » et qui proposerait de racheter l’entreprise pour 3 euros. « En plus de nos 130 intérimaires, environ 60 des 425 salariés en CDI que compte l’entreprise aujourd’hui seraient contraints de partir », détaille Mme Djidel.

Retard d’automatisation

De son côté, le ministère de l’industrie assure suivre le dossier de près. Tout comme la région des Hauts-de-France. « Nous avons rencontré les salariés pour les assurer de notre soutien, observe-t-on au cabinet du président (Les Républicains) de la région, Xavier Bertrand. Nous attendons maintenant l’audience du tribunal de commerce afin d’avoir une vision plus claire sur les offres potentielles de reprise, et évaluer dans quelle mesure nous pourrons accompagner l’entreprise. Il y a eu beaucoup de marques d’intérêt, ce qui est plutôt positif. »

Depuis l’annonce de la mise en redressement judiciaire, une vingtaine de repreneurs potentiels ont, en effet, manifesté leur intérêt. Trois d’entre eux se sont même déplacés à Mouvaux pour visiter l’usine, selon les élus CGT du personnel.

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« La réflexion sur l’emploi doit se porter sur le taux d’activité des jeunes et des seniors »

L’incitation à reprendre une activité professionnelle est à manier avec précaution, car on a toujours le sentiment d’accuser le chômeur de préférer sa situation à la reprise d’un emploi. Et pourtant en parler n’a rien de condamnable. De même, associer à la conjoncture les modalités d’indemnisation n’est pas une mauvaise idée. Ces deux bases de la réforme proposée au public sont donc légitimes.

Tout est une question de mesure et de mise en œuvre. Mais surtout, il faut que ces propositions soient associées à de vraies perspectives d’évolution de carrière pour chaque salarié, qu’il soit jeune ou vieux. Cela passe donc forcément par une rupture majeure dans les comportements. Former, former, former, telle doit être la nouvelle devise de la société française si elle veut rebondir.

Que l’on ne dise pas que le pays ne peut supporter les réformes et que si elles ont lieu, elles ne sont que d’une très faible utilité. Sans les quatre dernières grandes réformes des retraites mises en œuvre, il est vraisemblable que le poids de celles-ci dans le PIB serait de quatre points supérieur, ce qui évidemment poserait un problème générationnel majeur.

Problèmes majeurs tant sur l’offre que sur la demande de travail

Concernant le marché de l’emploi, les réformes engagées depuis 2017 ont à l’évidence joué un rôle dans la création de plus de 1,4 million d’emplois sur les cinq dernières années. Dans son étude publiée le 15 novembre, le groupe Adecco prévoit la création de près de 4,5 millions d’emplois en France sur les douze prochains mois, particulièrement dans des métiers dits « en tension », notamment la restauration et les services technico-commerciaux.

Dans le détail, 43 % des recrutements, soit près de deux millions, se feraient en CDI et 30 % en CDD. Le reste serait soit des contrats en intérim à temps plein, soit des stages et contrats d’apprentissage. Mais il ne s’agit que d’une prévision, certes prometteuse, mais en fait confrontée à des problèmes majeurs tant sur l’offre que sur la demande de travail.

Lire l’éditorial du « Monde » : Emmanuel Macron, en retard d’une vision

La proposition du gouvernement ne porte que sur la modification des paramètres de prise en charge du chômage et cela est insuffisant, même si on peut partir de deux constats difficiles à refuser. Le premier est qu’une partie des demandeurs d’emploi n’accélèrent leurs recherches qu’en fin de période de droit. Le second est, qu’évidemment, les chômeurs doivent être d’autant mieux protégés si la conjoncture est défavorable et vice versa.

Examiner le taux d’activité des jeunes et des seniors

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Pour le journaliste Olivier Dubois, otage au Mali, déjà vingt mois de captivité

Devant le Panthéon, à Paris, sur lequel une image d’Olivier Dubois est projetée, Canèle Bernard, demi-sœur du journaliste, prend la parole lors d’une mobilisation organisée par Reporters sans frontières, le 7 mars 2022.

Jeudi 8 décembre est un anniversaire dont se passeraient volontiers les proches d’Olivier Dubois. Cela fait vingt mois que le journaliste est retenu par un groupe djihadiste après avoir été enlevé à Gao, dans le nord du Mali. Six cent neuf jours précisément que l’homme de 48 ans est devenu une monnaie d’échange malgré lui. Dans une vidéo diffusée sur les réseaux sociaux le 5 mai 2021, le Français, qui vit et travaille au Mali depuis 2015, se disait entre les mains du Groupe de soutien de l’islam et des musulmans (GSIM), une alliance djihadiste au Sahel, liée à Al-Qaida. Il reste aujourd’hui le seul otage français recensé dans le monde, depuis la libération, en octobre 2020, de Sophie Pétronin, également enlevée au Mali.

Lire aussi : Olivier Dubois : malgré la fin de l’opération « Barkhane » au Mali, la France reste « mobilisée » pour faire libérer le journaliste

Travaillant à la pige – à l’article – pour le quotidien Libération et pour les hebdomadaires Le Point et Jeune Afrique, le journaliste indépendant est décrit par ses proches comme quelqu’un de solaire, curieux, aimant débattre et faire découvrir ce qui l’entoure. Son ami Marc de Boni, ancien grand reporter au Figaro, dresse le tableau d’une personne ayant compris très tôt que des événements déterminants se jouaient au Mali. « Il avait saisi que le pays allait devenir l’épicentre de phénomènes aux répercussions géopolitiques touchant aujourd’hui le monde entier », raconte-t-il, avant de louer la grande rigueur d’Olivier Dubois. Un professionnalisme qui n’a, malheureusement, pas empêché son enlèvement, le jeudi 8 avril 2021.

Depuis cette date, plusieurs actions ont été menées par ses proches et des soutiens à la liberté de la presse pour sensibiliser à la condition d’otage d’Olivier Dubois, notamment à travers plusieurs manifestations, des tribunes ou encore une pétition. Pour Nicolas Hénin, ancien journaliste ayant été otage en Syrie durant dix mois en 2013-2014, les différents comités de soutien permettent de maintenir une pression réaliste sur les responsables politiques français et maliens. « C’est aussi intéressant vis-à-vis des groupes terroristes, qui nous dépeignent en individualistes, de montrer qu’on se serre les coudes et qu’on n’abandonne pas », fait-il valoir. Reporters sans frontières (RSF) a, par exemple, fait projeter le portrait de M. Dubois sur le Panthéon, à Paris, des banderoles ont été accrochées au fronton de plusieurs mairies, et des bracelets de l’association SOS Otages ont été distribués. Mais cela ne suffit plus : l’opinion publique semble plus absente qu’auparavant.

« Liens avec les rédactions plus diffus »

« C’est une double peine au quotidien », dénonce sa demi-sœur Canèle Bernard. « Peine de subir son absence et qu’on ait du mal à faire parler de son calvaire », dit celle qui milite pour évoquer l’angoisse vécue par sa famille au président de la République, Emmanuel Macron. Cette moindre mobilisation médiatique s’explique aussi par son statut de journaliste pigiste de presse écrite, alors que ces derniers jouent, pourtant, un rôle essentiel dans l’information internationale. « Comme tout pigiste, les liens avec les rédactions sont plus diffus, analyse Elise Descamps, journaliste elle-même pigiste et membre du comité de soutien. Pourtant, ils prennent autant de risques, le tout avec en plus une précarité accrue au quotidien. »

Si, à l’époque des otages au Liban, entre 1985 et 1988, les photos des journalistes étaient diffusées tous les jours à la télévision, il n’en est rien avec Olivier Dubois. Libération a réalisé une trentaine d’articles depuis l’enlèvement, Le Point, trois dans l’hebdomadaire. Son directeur, Etienne Gernelle, préfère mettre en avant la vingtaine d’articles parus sur le site Web « pour ne jamais laisser l’oubli s’installer ».

Lire dans nos archives notre entretien (2007) : Jean-Paul Kauffmann : « Seule la durée permet de transmettre »

Aussi l’angoisse s’accentue-t-elle, alors qu’au fil des mois de détention les relations entre Paris et Bamako se sont considérablement dégradées depuis le coup d’Etat en mai 2021, juge Arnaud Froger, ex-responsable du bureau Afrique de RSF, soulignant que la France a décidé de suspendre son aide publique au développement en novembre. « C’est déjà des dossiers compliqués quand ils surviennent, mais, là, ces tensions délétères sont un supplément d’inquiétude non négligeable », note-t-il. Une tension exacerbée qui a aussi mené la junte malienne à suspendre la diffusion de Radio France internationale (RFI) et de la chaîne de télévision France 24, le 17 mars. Un coup dur supplémentaire pour les proches d’Olivier Dubois, car RFI diffusait régulièrement des messages personnels à l’intention de l’otage.

« Depuis que les forces “Barkhane” se sont retirées, il y a moins de relais et ça a forcément des conséquences sur la capacité de la France à intervenir », déplore encore M. Froger. Une vision qu’est loin de partager le ministère des affaires étrangères, qui dit continuer d’œuvrer pour libérer le Français. En matière d’enlèvement à caractère terroriste, « la discrétion est une condition essentielle », insistait encore le Quai d’Orsay au mois d’août. « C’est un moment d’autant plus compliqué qu’on est à l’approche d’un deuxième Noël sans Olivier pour sa famille, souffle Sonia Delesalle-Stolper, cheffe du service international de « Libé », avant de poursuivre : « C’est un père, un frère, un fils, un compagnon qui manque à ses proches, ce n’est pas une ombre ».

Lire aussi : Mali : le Quai d’Orsay confirme l’arrestation de ressortissants français

En attendant, l’ancien journaliste d’Antenne 2, Philippe Rochot, otage au Liban pendant trois mois en 1986, fait confiance à Olivier Dubois pour s’appuyer sur ses qualités journalistiques afin de résister. « Il doit observer, interpréter, analyser chaque détail qui l’entoure, imagine-t-il, c’est souvent ça qui permet de tenir. »

« L’Art de pacifier nos conflits, de la négociation à la médiation » : de l’intérêt des conflits au travail

Livre. C’est un invariant. Au sein des familles, entre voisins, dans nos vies professionnelles, entre Etats : le conflit est partout, « dès lors que s’affrontent deux volontés, deux intérêts contradictoires, deux visions du monde ». Il occupe même une place centrale, « premier dans l’histoire d’une société », « manifestation de la vie », nous explique l’ouvrage collectif mené sous la direction de la socio-psychologue Imen Benharda, L’Art de pacifier nos conflits (Erès).

L’essai est une plongée au cœur des recherches menées sur la conflictualité, ses conséquences et les manières de la résoudre. Il est le fruit de vingt-cinq ans de réflexions de ses auteurs, fondateurs en 1995 du diplôme universitaire « gestion et résolution de conflits : négociation et médiation » (université Paris-Cité).

Ces universitaires mettent en lumière un fait fondamental : la présence d’un conflit, si elle perturbe l’ordonnancement quotidien, n’est pas nécessairement négative. « Il est parfois salutaire quand il permet d’avancer, de modifier nos routines, de prendre conscience de nos défaillances, des violences que nous infligeons aux autres ». Il porte en lui une « dynamique incessante de destruction créatrice », qui a pu être à l’origine de la création d’Etats comme d’améliorations dans l’organisation du travail en entreprise.

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L’ouvrage s’intéresse justement aux entreprises, aux conflits qui peuvent survenir en interne, et aux moyens d’atténuer les tensions. Les auteurs montrent combien ses formes ont pu évoluer dans le temps. La fréquence des conflits d’ordre collectif a sensiblement régressé en France dans la seconde moitié du XXe siècle. On observe ainsi une « forte diminution des jours de grève dans le secteur concurrentiel ».

Une faible médiation

Les conflits n’ont pas pour autant « disparu, loin de là, ils sont simplement moins visibles parce que moins collectifs », indique le psychologue social Hubert Touzard, évoquant le développement d’une « certaine individualisation des formes de conflit ». De fait, les cas de rupture de communication ou de coopération, de violences verbales ou physiques sont plus difficiles à détecter au cœur des organisations.

Si ces conflits font partie de la vie quotidienne des entreprises, et peuvent constituer de « nécessaires frottements », l’efficacité d’une organisation se mesurera à son aptitude à les prendre en charge. « La paix n’est pas conçue ici comme absence de conflits, mais comme la capacité à les gérer au quotidien. » Un enjeu des plus stratégiques.

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Revendications salariales : 170 salariés occupent le centre commercial Bercy 2

Le centre commercial Bercy 2 est occupé depuis mercredi 7 décembre au matin par des employés de la grande distribution. Ils demandent des hausses de salaires et soutiennent des salariés de Carrefour de ce centre situé à Charenton-le-Pont (Val-de-Marne) « assignés devant le tribunal » de Créteil pour avoir fait grève, selon un responsable de la Confédération générale du travail (CGT) commerce interrogé par l’Agence France-Presse (AFP).

« Centre commercial Bercy 2 : les salariés ont décidé de l’occuper toute la nuit », prévient un tract diffusé sur les réseaux sociaux par la CGT-Commerce et services. Environ 170 salariés étaient toujours sur place mercredi soir.

L’occupation, qui a débuté mercredi matin vers 10 heures, a rassemblé jusqu’à plus de 500 salariés de la grande distribution, selon Amar Lagha, secrétaire général de la fédération.

Cette action s’inscrit dans un contexte plus large de grèves et d’occupations de sites visant à obtenir un salaire minimal de 2 000 euros par mois.

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« Le seul moyen pour se faire entendre aujourd’hui, c’est de bloquer l’économie », a ajouté le syndicaliste, alors que les salariés doivent décider, jeudi à 9 heures, lors d’une assemblée générale, s’ils souhaitent poursuivre le mouvement.

La location-gérance en ligne de mire

Le syndicat a choisi ce magasin en particulier, car, selon M. Lagha, une trentaine de salariés ont été « assignés devant le tribunal » de Créteil par le nouveau responsable, un franchisé, pour une journée de grève organisée la semaine dernière.

Il s’agit de « dénoncer les conséquences de la location-gérance » et « réaffirmer que personne ne pourra nous faire taire », malgré cette « répression très forte » qui a fait suite à un mouvement « très pacifiste », ajoute le responsable syndical.

Depuis l’arrivée à sa tête d’Alexandre Bompard, en 2017, le groupe Carrefour fait passer chaque année des dizaines de magasins en location-gérance pour, selon lui, relancer l’activité et préserver l’emploi. Les syndicats, eux, dénoncent une casse sociale qui ne dit pas son nom.

La location-gérance est une forme de franchise dans laquelle le responsable du magasin n’est pas propriétaire du fonds de commerce, qui continue donc à appartenir à Carrefour. Contacté par l’AFP, le groupe Carrefour a expliqué que, le magasin étant en franchise, il n’était pas directement concerné et n’avait donc pas de commentaire à faire.

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Le Monde avec AFP

Réforme des retraites : reçus par Elisabeth Borne, les syndicats ont dit leur opposition à tout report de l’âge de départ

A quelques jours de sa présentation de la réforme des retraites, Elisabeth Borne souhaite afficher sa volonté de concertation. La première ministre a reçu, jeudi 8 décembre, à Matignon, plusieurs secrétaires généraux syndicaux, dont Philippe Martinez de la Confédération générale du travail (CGT) et Laurent Berger de la Confédération française démocratique du travail (CFDT).

Les secrétaires généraux de la CFDT et de la CGT ont promis une mobilisation sociale « déterminée » en cas de report de l’âge de départ à la retraite, à l’issue de leurs rendez-vous. « Ils sont obstinés, je pèse mes mots, à dire qu’il faut travailler jusqu’à 65 ans », a déploré à sa sortie de Matignon M. Martinez (CGT), premier reçu par la première ministre. « Travaillons d’abord sur les questions essentielles, l’emploi des seniors en étant une, avant de dire “c’est 65 ans”. Parce que sinon c’est du bricolage », a ajouté le secrétaire général de la CGT devant la presse, assurant ne « sûrement pas » se rendre au rendez-vous fixé vendredi par le ministre du travail, Olivier Dussopt, dans ces conditions.

Une « réforme dure » qui serait « durement vécue par les travailleurs »

Reçu dans la foulée, Laurent Berger (CFDT) a exprimé sa « crainte » que la réforme se concentre sur une « mesure d’âge » (report de l’âge légal de départ ou allongement de la durée de cotisation) « qui ne tiendrait pas compte de deux mois de concertation ». Le dirigeant du premier syndicat français a rappelé ses propositions « sur les travailleurs seniors, les métiers pénibles, les petites retraites », devant une première ministre « à l’écoute ».

« Mais tout report de l’âge légal de départ en retraite fera que la CFDT sera en intersyndicale pour se mobiliser. Je le redis avec force : attention à ne pas avoir une réforme qui va être dure, qui va être vécue très durement par les travailleurs, et la réaction sociale sera tout aussi déterminée. »

François Hommeril (CFE-CGC) s’est élevé contre l’argument selon lequel « le système de retraite serait en péril : c’est faux ». Précédemment, « on avait considéré qu’il y avait du bien-fondé à passer à 62 ans et à quarante-deux années de cotisation, mais là il n’y a aucune justification », a commenté le président de la confédération des cadres.

« En reculant l’âge de départ, on fait peser la réforme uniquement sur les salariés, a déploré Cyril Chabanier (CFTC), qui regrette l’absence de mesures sur les entreprises. Les contreparties sur l’emploi des seniors ne sont pas suffisantes pour compenser une mesure profondément injuste. »

L’ensemble des syndicats (CFDT, CGT, FO, CFE-CGC, CFTC, UNSA, Solidaires et FSU) ont annoncé qu’ils décideraient d’une « première date de mobilisation unitaire » en janvier « si le gouvernement demeurait arc-bouté sur son projet » de contraindre les salariés à travailler plus longtemps, au motif d’assurer l’équilibre du système des retraites.

Un report de l’âge de départ à 65 ans est la piste privilégiée pour cette réforme, qui sera portée dans un projet de budget rectificatif de la Sécurité sociale, ont rapporté jeudi plusieurs convives d’un dîner à l’Elysée.

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Menace de mobilisation unitaire en janvier

Les rencontres de jeudi à Matignon ont eu lieu au lendemain d’un dîner de la majorité à l’Elysée notamment consacré aux retraites, autour du président Emmanuel Macron et d’Elisabeth Borne, avec les responsables des groupes parlementaires et des partis Renaissance, MoDem et Horizons.

Les représentants de différents groupes parlementaires – majorité comme opposition – seront reçus la semaine prochaine, avant la présentation des grandes lignes de la réforme par Mme Borne autour du 15 décembre, a ajouté l’entourage de la cheffe du gouvernement.

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Emmanuel Macron avait défendu pendant la campagne présidentielle un report de l’âge légal de 62 à 65 ans, avant d’évoquer, une fois réélu, un recul à 64 ans couplé à une augmentation de la durée de cotisation.

Ces points font actuellement l’objet d’une concertation entre le gouvernement et les partenaires sociaux qui doit se terminer vendredi. Un projet de loi doit ensuite être présenté en janvier, avant un examen au Parlement.

Reste à savoir si, avec une majorité relative à l’Assemblée nationale, la première ministre pourra éviter un nouveau recours à l’article 49.3 de la Constitution, qui permet d’adopter un texte sans vote, sauf motion de censure.

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Le Monde avec AFP