Archive dans 2022

« L’engagement écologique de l’entreprise est un élément de plus en plus important pour les salariés »

L’actualité est riche d’exemples, d’études et de sondages qui montrent que de plus en plus de salariés remettent en question une certaine organisation du travail. On parle même d’une certaine épidémie de flemme dans le travail, selon une étude récente de la Fondation Jean Jaurès. Les raisons du désenchantement sont nombreuses et souvent légitimes.

Serveurs exerçant dans des conditions de travail difficiles et pour un salaire jugé insuffisant ; cadres qui passent une bonne partie de leur journée à se plier à des règles et procédures dont ils ne voient pas l’utilité ; agents administratifs perdus dans le dédale des réformes successives. Derrière une remise en cause du monde du travail qui semble partagée par de nombreux salariés, il y a des revendications diverses et parfois opposées.

C’est notamment le cas lorsque des salariés d’une même entreprise réclament des rémunérations davantage indexées sur les résultats ; tandis que d’autres exigent l’abandon de certaines activités au nom de la lutte contre le réchauffement climatique. Aux revendications historiques sur les salaires et le temps de travail (par l’âge de départ à la retraite dans les débats actuels) s’ajoutent dorénavant des revendications relatives à la transition écologique et sociale.

Des revendications difficilement conciliables

A ce titre, les études sur le sujet montrent que l’engagement écologique de l’entreprise est un élément de plus en plus important pour les salariés, même si cela n’est pas prioritaire. Les revendications des salariés semblent ainsi partagées entre la défense et le renforcement des acquis du XXe siècle et de nouvelles revendications en phase avec les enjeux contemporains. C’est la fameuse tension entre fin de mois et fin du monde.

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Ces deux types de revendications sont bien évidemment légitimes. Elles ont d’ailleurs toujours existé. On travaille certes pour gagner sa vie, mais, en même temps, on travaille aussi pour appartenir à un groupe ou se sentir utile. Cela étant, dans un contexte d’enjeux environnementaux et sociaux inédits, cette tension prend un sens nouveau. Elle illustre la période complexe et de transformation dans laquelle nous sommes, avec d’un côté des revendications qui vont de pair avec une économie basée sur la croissance et l’exploitation illimitée des ressources planétaires.

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D’un autre côté, des revendications qui cherchent à donner corps à un modèle économique et organisationnel soutenable qui apparaît comme incontournable, mais qui reste à être inventé. En fait, ces deux catégories de revendications sont difficilement conciliables. Par exemple, les efforts liés à la transition énergétique sont peu compatibles avec l’augmentation du pouvoir d’achat, comme le note l’économiste Michel Plane.

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Enseignement professionnel : « La réforme annoncée risque de déstabiliser une voie de formation sans rien régler des enjeux fondamentaux »

L’enseignement professionnel est rarement au centre des débats éducatifs. Enseignement populaire par son recrutement, il intéresse peu les classes moyennes et les élites qui le connaissent mal.

Les annonces du président de la République concernant la réforme de l’enseignement professionnel suscitent aujourd’hui des inquiétudes légitimes.

Le projet s’organise autour de trois idées centrales : réintroduire une orientation précoce dès la 5e, accroître les périodes de stage, diminuer la part des enseignements généraux.

Il s’accompagne d’un « meccano » institutionnel, avec l’annonce de la double tutelle de l’éducation nationale et du ministère du travail. Etrange décision, qui réintroduit un débat tranché en 1920 [année de la création d’un sous-secrétariat d’Etat de l’enseignement technique rattaché au ministère de l’instruction publique] ! Il s’agit d’étendre le modèle de l’apprentissage – dont le succès récent doit pourtant être nuancé, puisqu’il concerne surtout les étudiants de l’enseignement supérieur et repose sur un financement public très coûteux (11 milliards d’euros en 2021).

A la différence de l’enseignement général, l’enseignement professionnel est soumis de longue date à des logiques différentes, parfois contradictoires.

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A l’objectif d’insertion professionnelle s’ajoute celui de la poursuite d’études supérieures. L’offre et la reconnaissance des diplômes varient selon les branches professionnelles. Loin d’être uniforme, il est caractérisé par une grande diversité.

Démocratisation scolaire

En bac pro, quatre spécialités (commerce/vente, services, carrières sanitaires et sociales, électricité/électronique) regroupent 56 % des 511 800 élèves. Sa diversité s’explique aussi par un tissu économique et social différent d’une région à l’autre. Enfin, la ségrégation sexuée y est forte, avec des filières quasi exclusivement féminines (bac pro accompagnement, soins et services à la personne, ASSP, par exemple) ou masculines (bac pro technicien du bâtiment, par exemple).

Chargé dès la IIIe République de « former l’homme, le travailleur et le citoyen », cet enseignement a connu un destin singulier dans l’histoire de l’école. Organisé par la loi Astier de 1919 qui voulait favoriser la formation professionnelle en alliant l’école et l’atelier, l’enseignement professionnel s’est ensuite rapproché du modèle scolaire.

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Jusqu’aux années 1970, il se voulait un enseignement d’élite formant des ouvriers et des employés titulaires du CAP, et leur permettait une promotion sociale par la formation continue validée par le brevet professionnel (BP). Sa fonction a changé sous le double effet de son intégration au système scolaire à partir des années 1960 et des transformations des organisations de travail dans les entreprises.

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Licenciement et poursuites pénales : l’articulation délicate

Droit social. Harcèlements, abus de confiance, vol : nombre de fautes disciplinaires constituent aussi des délits pénaux. Et l’articulation des deux procédures, aux buts et donc aux règles fort différents (côté pénal : avocat, présomption d’innocence…), est parfois délicate. Exemple classique : licenciée pour vol, une caissière saisit le conseil des prud’hommes pour contester son licenciement, tandis que de son côté l’employeur porte plainte.

Jusqu’au 5 mars 2007, s’il y avait identité d’objet (« vol »), le juge prud’homal devait surseoir à statuer en attendant le jugement pénal, mettant le salarié (demandeur) dans l’embarras et donc plus ouvert à une éventuelle transaction. C’est en raison de ces manœuvres dilatoires, embouteillant les tribunaux correctionnels, que la loi de 2007 a fait disparaître le vieil adage « le criminel tient le civil en l’état ».

Désormais les prud’hommes peuvent statuer sur le licenciement sans attendre le jugement pénal… Mais, dans la pratique, ils préfèrent souvent, dans une forme novatrice de crainte révérencielle, attendre le résultat du juge répressif.

L’autorité de la chose jugée

Et si le tribunal correctionnel se prononce avant la juridiction prud’homale ? (délai moyen infraction/jugement : onze mois ; côté prud’hommes, assignation/jugement : seize mois) : « Les décisions définitives des juridictions pénales (…) ont au civil autorité absolue en ce qui concerne ce qui a été nécessairement jugé quant à l’existence du fait incriminé, sa qualification et la culpabilité ou l’innocence de ceux auxquels le fait est imputé », a rappelé le 9 mars 2022 la chambre sociale de la Cour de cassation.

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Ce qui avait attiré l’attention des entreprises : car, si le tribunal correctionnel a condamné pour vol, les prud’hommes se prononçant à partir de la lettre de licenciement invoquant le même motif ne peuvent remettre en cause l’existence du délit. Alors que, en application de la règle « en cas de doute, il profite au salarié », ils auraient pu déclarer ce licenciement sans cause réelle sérieuse.

Mais, à l’inverse, si le tribunal correctionnel relaxe la caissière, y compris en cas de gros doute en application de la présomption d’innocence ? L’autorité de la chose jugée au criminel s’imposant toujours au juge prud’homal, ce dernier ne peut donc que constater l’absence de faute, et déclarer sans cause réelle et sérieuse le licenciement prononcé sur cet unique fait.

« Soudure à froid »

L’arrêt du 21 septembre 2022 renforce enfin l’autorité du jugement pénal s’agissant de la licéité des preuves. Si la chambre sociale est rigoureuse sur l’inopposabilité d’une preuve obtenue de façon déloyale (ex : stratagème) ou illicite (ex. : défaut de consultation du comité social économique sur la mise en place de caméras), la chambre criminelle rappelle régulièrement « qu’aucune disposition légale ne permet au juge pénal d’écarter un moyen de preuve produit par une partie au seul motif qu’il aurait été obtenu de façon illicite ou déloyale ; il lui appartient seulement d’en apprécier la valeur probante ».

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Assurance-chômage : la durée d’indemnisation baissera de 25 % au 1er février

Le ministre du travail, Olivier Dussopt, dévoile les nouvelles règles d’indemnisation de l’assurance-chômage lors d’une conférence de presse, à Paris, le 21 novembre 2022.

Emmanuel Macron avait promis de rendre l’assurance-chômage plus stricte quand le marché du travail se porte bien, et plus généreuse quand il se dégrade. Finalement, les nouvelles règles d’indemnisation, que le ministre du travail, Olivier Dussopt, a présentées aux partenaires sociaux, lundi 21 novembre, ne seront jamais davantage protectrices pour les demandeurs d’emploi. Le gouvernement a en effet choisi la méthode dure, cinq jours après l’adoption définitive par le Parlement du projet de loi qui lui permet de modifier les règles d’indemnisation selon un principe de modulation en fonction de la conjoncture économique, afin de répondre aux problèmes de pénurie de main-d’œuvre.

A partir du 1er février 2023, la durée d’indemnisation des nouveaux demandeurs d’emploi baissera de 25 %. Ainsi, quelqu’un qui aurait pu prétendre à douze mois d’indemnisation actuellement n’aura droit qu’à neuf mois avec le nouveau système. « Nous considérons aujourd’hui que, avec la baisse du taux de chômage à 7,3 % et les difficultés de recrutement, le marché du travail est dans un contexte favorable qui justifie une modulation à la baisse de la durée maximum d’indemnisation », a affirmé Olivier Dussopt, lors d’une conférence de presse. Le ministre du travail a par ailleurs défendu un système « qui va rester l’un des plus généreux d’Europe ».

Alors qu’il avait exclu d’emblée de toucher au montant de l’indemnisation, le gouvernement a finalement décidé d’appliquer un sévère coefficient réducteur de 0,75 pour la durée d’indemnisation. Aujourd’hui, un jour travaillé donne un jour indemnisé, avec un maximum de vingt-quatre mois d’indemnisation pour les moins de 53 ans, trente mois pour les 53-54 ans et trente-six mois pour les 55 ans ou plus. Désormais un demandeur d’emploi ne sera indemnisé que 75 % de la période travaillée, avec un plancher de six mois d’indemnisation minimum.

« Rupture du contrat social »

Olivier Dussopt a également annoncé la création d’un complément de fin de droits pour tous les demandeurs d’emploi dont l’indemnisation arrive à son terme alors que la situation économique s’est détériorée, afin de prolonger de 25 % leurs droits. Plusieurs exceptions ont par ailleurs été mises en place. Sont ainsi exclus du nouveau système les intermittents du spectacle, les dockers, les marins, les pêcheurs, les personnes licenciées pour motif économique bénéficiant d’un contrat de sécurisation professionnelle et les territoires ultramarins. Le ministre du travail espère « 100 000 à 150 000 retours à l’emploi » supplémentaires en 2023 grâce à la réforme.

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Qui est le pire patron du monde ?

A Douvres (Royaume-Uni), le 3 mai 2022.

Peter Hebblethwaite, le patron des ferrys P & O, multiplie les honneurs cette année. En mars, la députée écossaise Monica Lennon l’a surnommé « l’homme le plus détesté du Royaume-Uni ». En mai, il a reçu le prix du pire employeur en Europe, remis par la Fédération européenne des travailleurs des transports. Lundi 21 novembre, il a complété son tableau de chasse en étant élu « pire patron du monde » par la Confédération syndicale internationale (CSI).

Malgré une forte concurrence – Jeff Bezos, le patron d’Amazon, qui avait reçu le prix en 2014, est arrivé deuxième –, M. Hebblethwaite a reçu le plus grand nombre de voix lors d’un vote sur Internet en marge du congrès annuel de la CSI, qui se tient à Melbourne, en Australie, et rassemble un millier de syndicalistes d’une centaine de pays.

La « récompense » fait suite au coup d’éclat de M. Hebblethwaite, le 17 mars. Le patron de P & O Ferries, une société qui assure le transport de passagers et de marchandises entre le Royaume-Uni et la France, les Pays-Bas et l’Irlande, a mis à la porte près de 800 salariés, en les informant par un simple message vidéo qu’il s’agissait immédiatement de leur dernier jour de travail. Choqués et n’ayant rien à perdre, certains des marins ont tenté d’occuper les navires, avant d’être escortés manu militari par des vigiles. Il n’y a eu ni consultation ni préavis, contrairement à ce que prévoient les lois britanniques.

Spectaculaire rebond

A la place, P & O a immédiatement remplacé les salariés par des sous-traitants, payés 5,50 livres de l’heure (environ 6,34 euros), bien au-dessous du salaire minimal britannique, qui est actuellement de 9,50 livres. Les ferrys naviguant sous pavillon chypriote, l’entreprise assure que le droit maritime international autorise ce fonctionnement pour les liaisons internationales : « C’est au-dessus du salaire minimal prévu par l’lnternational Transport Workers’ Federation », assure M. Hebblethwaite. Exception est faite pour un trajet entre l’Ecosse et l’Irlande du Nord, qui reste au sein du Royaume-Uni et où le salaire minimal britannique s’applique.

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Si la légalité de l’affaire est discutable, sa moralité a fait bondir au Royaume-Uni. M. Hebblethwaite a été convoqué par un comité parlementaire, le 24 mars, où il a largement aggravé son cas, reconnaissant qu’il savait parfaitement qu’il ne respectait pas la loi : « Nous avons choisi de ne pas consulter. » Pourquoi ? « Le changement que nous réalisions était d’une telle magnitude qu’aucun syndicat n’aurait pu accepter nos propositions. » « En effet », se sont étouffés les députés autour de la table. Sa justification principale est que P & O Ferries, qui appartient au groupe DP World (Dubai Ports), un géant du transport maritime basé aux Emirats arabes unis, était au bord de la faillite.

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Réforme de l’assurance-chômage : le gouvernement va dévoiler les futures règles d’indemnisation, réduisant la durée en fonction du taux de  chômage

Le leitmotiv de l’exécutif est que l’assurance-chômage soit « plus stricte quand trop d’emplois sont non pourvus, plus généreuse quand le chômage est élevé », une idée soutenue par les organisations patronales, mais à laquelle tous les syndicats s’opposent. Le gouvernement va dévoiler, lundi 21 novembre, aux partenaires sociaux ses décisions sur sa nouvelle réforme de l’assurance-chômage, qui devrait faire varier la durée d’indemnisation en fonction du taux de chômage, selon des sources syndicales et patronales. Lors d’une réunion au ministère du travail dans la matinée, Olivier Dussopt détaillera « les arbitrages retenus » après une concertation débutée en octobre.

Le gouvernement a exclu de toucher au niveau de l’indemnisation et a renoncé à une variation des règles en fonction de la situation locale de l’emploi, trop complexe à mettre en œuvre. « Nous n’allons pas moins indemniser, nous allons travailler sur la durée d’indemnisation », en conservant « un plancher », a confirmé M. Dussopt dimanche.

Les conditions d’accès à l’indemnisation, soit le fait d’avoir travaillé six mois sur une période de référence de vingt-quatre mois, ne seront pas non plus modifiées. Le gouvernement « ne diminuera pas le nombre de personnes éligibles à l’ouverture de droits à l’assurance-chômage », a assuré le ministre.

Les premiers impacts attendus à partir du 1er août

En revanche, selon des négociateurs syndicaux et patronaux, le ministre annoncera qu’au-delà d’un plancher de six mois, la durée d’indemnisation varierait en fonction du taux de chômage pour les demandeurs d’emploi ouvrant des droits à partir du 1er février 2023. Les premiers impacts sont donc attendus à partir du 1er août.

Aujourd’hui, la durée d’indemnisation est appliquée selon le principe d’un jour travaillé, un jour indemnisé, avec un maximum de vingt-quatre mois pour les moins de 53 ans, trente mois pour les 53-54 ans et trente-six mois pour les 55 ans ou plus.

Lorsque la situation du marché du travail sera considérée comme bonne, la durée d’indemnisation sera minorée d’un coefficient qui sera annoncé lundi. Si le coefficient retenu est de 0,8, par exemple, cela voudra dire qu’un demandeur d’emploi qui aurait droit à dix mois d’allocation dans le système actuel n’aura plus droit qu’à huit mois. Les intermittents du spectacle ou l’outre-mer ne seront pas concernés. « Après avoir raboté le montant de l’indemnisation [des personnes alternant chômage et emploi] lors de la réforme de 2019, maintenant ils réduisent la durée », critique Marylise Léon, membre de la Confédération française démocratique du travail (CFDT).

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Le critère d’appréciation de la situation du marché du travail devrait être l’évolution du taux de chômage au sens du Bureau international du travail (BIT). La manière de l’apprécier – seuil, dynamique – sera précisée lundi, mais elle devrait permettre d’appliquer la réforme si le chômage reste comme depuis le début de l’année autour de 7,3-7,4 %.

Un décret à venir

L’exécutif répète qu’il y a urgence face aux difficultés de recrutement des entreprises, et fait de cette réforme une première pierre de sa stratégie pour atteindre le plein-emploi en 2027, soit un taux de chômage d’environ 5 %.

Le gouvernement met en avant des études selon lesquelles les chômeurs intensifieraient leur recherche d’emploi dans les mois précédant la fin de leur indemnisation, et donc qu’en réduisant cette durée, les gens sortiraient plus tôt du chômage.

« Pipeau ! », répond Eric Courpotin de la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC). « Ce n’est pas en réduisant la durée qu’on trouvera de la main-d’œuvre. Il aurait fallu travailler sur les frais liés au travail : déplacement, garde d’enfants, logement… » « Le but est de faire des économies », renchérit Michel Beaugas de Force ouvrière (FO).

Le gouvernement prendra ensuite un décret. Cela a été rendu possible par le projet de loi « marché du travail », adopté jeudi par le Parlement, qui donne la main au gouvernement pour décider des règles jusqu’à la fin de 2023 à la place des partenaires sociaux.

Mais le ministre a déjà assuré que cette modulation serait présente dans la « lettre de cadrage » qui sera transmise aux partenaires sociaux dans le courant de 2023 afin de négocier de nouvelles règles pour le 1er janvier 2024.

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Le gouvernement souhaite aussi que patronat et syndicats, qui gèrent l’Unédic, planchent au début de 2023 sur une nouvelle gouvernance du régime. Mais ceux-là souhaitent que gouvernance et indemnisation soient négociées en même temps et ne veulent pas officialiser la présence de l’Etat dans la gestion de l’assurance-chômage.

Le Monde avec AFP

Jeunes cadres fatigués cherchent une heure de sieste : le sommeil, un marché en plein essor

Une à deux fois par semaine, à midi, Julien quitte son bureau, situé dans le quartier de l’Opéra, à Paris. A ses collègues, il dit partir en pause déjeuner. En réalité, le quadra, employé dans une banque, s’engouffre dans un passage couvert et pousse discrètement la porte d’un bar singulier. Il monte à l’étage, s’installe sur un matelas douillet à mémoire de forme… et dort vingt-cinq minutes : « Je suis un adepte de la sieste, elle me permet de reprendre le travail avec une nouvelle énergie. Mais, dans mon entreprise, le sommeil, c’est tabou. Quand il fait bon, je vais dormir sur un banc, au parc. Le reste du temps, je viens ici. »

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Ici, c’est le Zen Bar, un espace de détente qui propose à ses clients différentes formules consacrées au repos. On y croise Jennifer Toussaint, 29 ans. Manageuse à la Samaritaine, elle roupille sur le Zen Gravity, un fauteuil en apesanteur avec massage intégré. Ou encore Jade He, 26 ans. Cette comptable vient trois à quatre fois par semaine libérer ses tensions grâce aux vertus relaxantes des pierres de jade chauffées aux infrarouges du lit shiatsu. « Plusieurs de nos clients sont issus du monde de la finance, comme ce dirigeant qui incite ses salariés à venir nous voir, en leur proposant des tarifs préférentiels, pour qu’ils se reposent davantage », se réjouit Virginie Yang, 40 ans.

Au début de sa carrière, la fondatrice du Zen Bar pratiquait la sieste sauvage, à califourchon sur les toilettes de son bureau, ou dans des cabines UV : « Mon dermatologue a fini par s’inquiéter pour ma peau. Je lui ai expliqué que ce n’est pas le bronzage qui m’intéressait, je voulais juste dormir ! Les entreprises proposent des cantines, des salles de sport, mais aucun endroit pour être au calme avec soi-même. »

Où est passée Morphée ?

En 2011, cette ancienne chargée de développement chez Guerlain fonde le premier bar à siestes de France. « On nous regardait comme des extraterrestres. Puis, rapidement, des entreprises nous ont sollicités pour qu’on aide leurs salariés à se reposer », raconte Virginie Yang. Depuis, elle s’est formée à la sophrologie et a aussi lancé le Zen Truck, un centre de bien-être mobile qui s’installe au pied des bureaux, de L’Oréal à BNP Paribas en passant par Renault, Google et EDF.

Si ces entreprises s’arrachent ses services, c’est que Morphée se fait de plus en plus désirer. Une étude publiée par Santé publique France en 2019 montrait que les Français dorment désormais en moyenne six heures quarante-deux minutes par nuit seulement, soit moins de sept heures, la durée minimale recommandée pour une bonne récupération.

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« Pourquoi les dirigeants de grandes entreprises ne consacrent-ils pas davantage d’énergie aux questions de cybersécurité ? »

Pas une semaine sans cyberattaque de grande ampleur, avec à la clé des organisations bloquées, rançonnées, et des fuites de données. La sécurité informatique s’est invitée au cœur des préoccupations et le gouvernement vient d’annoncer un plan pour aider les PME et entreprises de taille intermédiaire (ETI) à se protéger. Mais, attention, les entreprises les plus grandes sont aussi soumises à ce risque. Nos recherches montrent que leurs dirigeants peinent à prendre le sujet à bras-le-corps.

Au sein des conseils de surveillance, ces questions de cybersécurité sont le plus souvent placées à la fin des agendas, traitées rapidement, marginalisées, alors même que les préjudices potentiels peuvent se révéler considérables (« Framing Dialogues on Cyber-Resilience on Boards », par Sven-Volker Rehm, Laura Georg Schaffner et Lakshmi Goel, « International Conference on Information Systems (ICIS) Proceedings », n° 10, 2021).

Manque de transparence

Les grandes entreprises, par ailleurs, informent mal leurs actionnaires. Les firmes du CAC40, notamment, consacrent très peu de place au sujet dans leurs rapports annuels. Deux tiers des compagnies que nous avons étudiées traitent la question de manière générique sans précision sur leur propre exposition aux risques et leur politique.

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Seulement 10 % d’entre elles fournissent des données-clés, comme la couverture d’assurance en cas d’incident (« Cyber Risk Disclosure : How transparent are CAC40 Companies in Their Annual Reports ?  », par Laura Georg Schaffner, Elodie Behnam et Jessie Pallud, « Association information et management (AIM) Proceedings », 2021). Ce manque de transparence sur une question critique pose question, même si on imagine que certaines données sont sensibles.

Des recherches complémentaires menées en Allemagne entre 2005 et 2018 dans des entreprises du DAX 30 ont de surcroît mis en évidence le peu de réaction des comités exécutifs après des incidents de sécurité importants (« Corporate Management Boards’Information Security Orientation », par Laura Georg Schaffner et Enrico Prinz, Journal of Management and Governance, 2022).

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Seulement un quart de ces firmes ont procédé à des réorganisations, mais le plus souvent pour renforcer la mise en conformité (« compliance ») plus que la cybersécurité même, autrement dit, non pas pour se prémunir réellement des attaques, mais pour mieux gérer le risque légal qu’elles pourraient entraîner a posteriori !

Ils ne parlent pas le même langage

Pourquoi les dirigeants de grandes entreprises ne consacrent-ils pas davantage d’énergie à ces questions devenues vitales pour les organisations ? Le point crucial est, selon nous, la mauvaise qualité de leur communication avec les responsables informatiques.

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En Allemagne, 3,9 millions de salariés de l’industrie obtiennent 8,5 % d’augmentation sur deux ans

Une manifestation de salariés de l’industrie menée par IG Metall pour la revalorisation des salaires à Leipzig, le 10 septembre 2022.

En Allemagne, la grande grève redoutée n’aura finalement pas lieu. Vendredi 18 novembre au matin, le syndicat IG Metall et le patronat ont annoncé avoir conclu un accord sur une augmentation des salaires, au terme de douze heures de débat et cinq rounds de négociations.

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Valable uniquement pour le Bade-Würtemberg, cet accord « pilote » devrait être adopté par les autres régions dans les prochains jours. IG Metall réclamait 8 % d’augmentation renégociables dans un an, en raison de l’inflation record, pour les 3,9 millions de salariés de l’industrie métal et électronique, centrale en Allemagne.

L’accord prévoit une augmentation de salaire de 5,2 % en juin 2023, suivie d’une autre, de 3,3 %, à partir de mai 2024, soit 8,5 % sur deux ans. S’ajoute à cela une prime payable également en deux tranches, d’un montant total de 3 000 euros. L’accord est valable deux ans. Ces primes seront défiscalisées, grâce à une mesure adoptée par le gouvernement dans le dernier paquet d’allègements fiscaux, qui permet aux entreprises d’opérer des versements exceptionnels à leurs salariés, jusqu’à 3 000 euros, exemptés d’impôts et de cotisations sociales. Le dispositif, avantageux pour le patronat comme pour les syndicats, a considérablement fait baisser la pression sur les négociateurs.

Puissant facteur de stabilisation

Berlin redoutait qu’une forte hausse des salaires dans l’industrie ne renforce l’inflation et les faillites d’entreprises, ou bien n’enclenche une dangereuse spirale prix-salaires qui se diffuse dans l’ensemble de l’économie. L’augmentation des salaires par étapes et les primes étaient des méthodes privilégiées par les économistes pour éviter de tels effets, déjà utilisées lors des négociations dans la chimie. Le risque de spirale semble désormais largement désamorcé. Signe de l’importance politique du sujet, le chancelier, Olaf Scholz, s’est exprimé sur l’issue des négociations, en se réjouissant des résultats. Une exception au principe de l’autonomie des partenaires sociaux, sacro-saint outre-Rhin.

IG Metall s’est félicité du compromis. Un salarié technicien devrait obtenir, grâce aux augmentations et aux versements uniques, 7 000 euros supplémentaires au total d’ici à la fin de la période, a souligné Jörg Hofmann, président d’IG Metall, vendredi matin. Pourtant, l’augmentation ne suffit pas à compenser l’inflation, actuellement supérieure à 10 % outre-Rhin, et qui devrait se prolonger l’an prochain à un niveau élevé.

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L’accord salarial contribue toutefois à « stabiliser la conjoncture », en maintenant le pouvoir d’achat des salariés, a ajouté le responsable syndical. IG Metall, qui négociait pour les secteurs qui versent les salaires les plus élevés, est un puissant facteur de stabilisation économique et sociale outre-Rhin.

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