Archive dans novembre 2022

« Patron incognito » sur M6 : le masque et la thune

Extrait d’une émission « Patron incognito », diffusée sur M6.

La revanche d’un blond. Mercredi 9 novembre, les résultats des élections de mi-mandat aux Etats-Unis ont démontré que le trumpisme, même moins vaillant qu’attendu, bougeait encore. Et qu’il avait fait des petits. Qui aurait pu imaginer, en 2004, que Donald Trump, star du programme de télé-réalité « The Apprentice », serait élu à la Maison Blanche douze ans plus tard, puis qu’il deviendrait la figure de proue d’un mouvement idéologique d’ampleur ?

C’est grâce au succès phénoménal de cette émission diffusée sur NBC que le magnat de l’immobilier, dont les affaires se portaient mal, a pu se refaire la cerise (il aurait gagné près de 190 millions de dollars en quatre ans, selon le New York Times). Le programme a surtout contribué à forger l’image d’un meneur d’hommes sans filtre ni pitié, expert du dérapage contrôlé et des UV, dont la posture antisystème tombait pile-poil dans une Amérique en crise.

Toute la substantifique moelle du futur (ex-)président se trouvait déjà là. Sorte de roi Midas cathodique, l’homme à la mèche rebelle et à la confiance inébranlable manageait seize candidats en lice pour obtenir un poste dans l’empire Trump. A la fin, tel un parrain de la Mafia entouré de ses porte-flingues (le conseil d’administration), Donald Trump éliminait un par un ses apprentis en lâchant cette phrase devenue culte : « You’re fired ! » (« Vous êtes viré »). Une méthode brutale et décomplexée qui résonne aujourd’hui étrangement avec celle d’Elon Musk – le milliardaire n’a même pas pris la peine d’informer 3 700 salariés de Twitter (sur 7 500) qu’ils étaient remerciés avant de désactiver leur badge et ordinateur, le 4 novembre.

Le concept de « The Apprentice » a été vendu dans vingt-quatre pays, dont la France, où l’émission a fait « pschitt ! » en 2015. M6 avait, à l’époque, parié sur Bruno Bonnell, ex-PDG d’Infogrames et d’Atari (aujourd’hui secrétaire général pour l’investissement au sein du gouvernement). Mais le pays de l’Etat-providence, royaume du syndicalisme, n’était visiblement pas prêt à digérer cette vision du travail à l’anglo-saxonne. « Qui décrochera le job ? » a été interrompu après seulement deux diffusions.

Espionner le travail des salariés

Côté audience, M6 peut néanmoins compter sur « Patron incognito », autre programme mettant en scène le monde de l’entreprise. Le principe : un patron, donc – affublé d’une fausse barbe, d’un postiche, voire d’une prothèse ventrale –, infiltre sa société pour espionner le travail de ses salariés. Le discours officiel insiste sur l’importance de se frotter à la réalité du terrain pour améliorer les conditions de travail et, ainsi, les rendements de l’entreprise.

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« Partage de la valeur » : les syndicats veulent évoquer la question des salaires, le patronat s’y refuse

Vont-ils se quereller sur la feuille de route ? Les partenaires sociaux viennent de lancer une négociation « sur le partage de la valeur dans les entreprises », dont l’orientation est, d’entrée de jeu, matière à débats entre les protagonistes. Les syndicats aimeraient évoquer la question des salaires, le patronat s’y refuse.

Les discussions se sont ouvertes, le 8 novembre, sur proposition du gouvernement. Celui-ci a, en effet, voulu associer les organisations d’employeurs et de salariés à sa réflexion autour d’une promesse de campagne d’Emmanuel Macron : « Mieux vivre de son travail. » La loi relative à la protection du pouvoir d’achat, promulguée en août, constituait une première étape. L’exécutif entend aller plus loin aujourd’hui, dans un contexte où des millions de ménages peinent à joindre les deux bouts à cause de l’emballement des prix des produits de première nécessité.

A la mi-septembre, le ministre du travail, Olivier Dussopt, a invité les partenaires sociaux à parlementer, dans le but de conclure un accord national interprofessionnel (ANI) avec des mesures concrètes. Offre que les intéressés ont acceptée, tout en demandant à avoir un peu plus de temps que ce qui était envisagé au départ par le pouvoir en place. Les échanges devraient durer jusqu’à la fin janvier 2023 – soit trois mois supplémentaires par rapport au calendrier initialement esquissé.

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Pour cadrer cet exercice, les services de M. Dussopt ont remis aux parties en présence un « document d’orientation » qui énonce des objectifs. Il s’agit de « faciliter le développement de l’ensemble des dispositifs de partage de la valeur, dont l’actionnariat salarié », mais aussi l’intéressement et la participation, en ayant « une attention particulière pour les entreprises de moins de 50 salariés ». Trois « axes » de réflexion sont tracés, « sans que cette liste soit limitative » : « généraliser le bénéfice » des mécanismes existants, simplifier et mieux articuler ceux-ci, « orienter l’épargne salariale vers les grandes priorités d’intérêt commun » (« investissements responsables et solidaires », actions en faveur de la « transition écologique »…).

« Il faut s’en saisir »

Lors de la réunion du 8 novembre, tous les syndicats « ont émis le souhait d’élargir le champ de la négociation en y intégrant les salaires », rapporte Karen Gournay (FO). « Ils ne peuvent pas être escamotés si on cherche à traiter la question du partage de la valeur dans son entièreté », souligne Raphaëlle Bertholon (CFE-CGC). Ce serait « une insulte au monde du travail » que de faire l’impasse sur un tel aspect du dossier, renchérit Boris Plazzi (CGT) : « L’augmentation des salaires constitue l’une des premières préoccupations des salariés, il faut s’en saisir. » La CFDT, par la voix de Luc Mathieu, y ajoute d’autres thématiques : les inégalités entre les femmes et les hommes du point de vue de la rémunération, la « transparence fiscale » – ce qui renvoie notamment aux procédés utilisés par certaines entreprises pour déplacer d’une filiale vers une autre les profits qu’elles créent…

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« Face à l’exclusion de l’emploi des personnes handicapées, les politiques publiques ne sont pas à la hauteur »

« A quand le plein-emploi pour les personnes handicapées ? » Tel est le thème de la Semaine européenne pour l’emploi des personnes handicapées 2022, qui va s’ouvrir lundi 14 novembre. Dans un contexte de réduction globale du taux de chômage qui a amené le gouvernement à réorienter les politiques publiques sur un objectif de plein-emploi, et alors que le chantier France Travail a été lancé le 12 septembre, cette question mérite évidemment une attention particulière.

Car, si le chômage des personnes en situation de handicap diminue, il reste deux fois plus important que pour le reste de la population, et le chômage de longue durée se maintient à un taux très élevé. Le constat est connu et souligné chaque année par APF France Handicap : le taux d’activité des personnes handicapées reste faible, et elles connaissent des difficultés structurelles d’accès à l’emploi.

Quand elles y accèdent, les conditions sont souvent moins favorables que celles de la population active globale (temps partiel, carrière en dents de scie, inaptitude…). Lorsqu’elles sont au chômage, elles y restent durablement, sans perspective de retour sur le marché du travail. En outre, on constate une tendance au retrait progressif du monde du travail chez certaines personnes qui considèrent qu’elles n’ont quasiment aucune chance de trouver un emploi. Certains économistes parlent de « chômeurs découragés » et les acteurs de Territoires zéro chômeur de longue durée (TZCLD), de personnes « privées d’emploi ».

Un éloignement systémique de l’emploi

Enfin, cumuler un handicap et des facteurs de fragilité, par exemple un faible niveau de qualification, un âge élevé ou des carrières hachées ou interrompues, entraîne un éloignement systémique de l’emploi. Ainsi, les préjugés et les représentations négatives du handicap perdurent.

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Les résultats du dernier baromètre réalisé fin 2021 par l’Agefiph avec l’IFOP illustrent bien cette situation défavorable : une majorité (74 %) des employeurs interrogés considèrent encore que l’embauche de travailleurs en situation de handicap est difficile, eu égard à la nature des postes proposés, et ce nombre est encore plus important dans l’industrie (86 %), ce qui est particulièrement préoccupant au vu du profil socioprofessionnel des travailleurs en situation de handicap.

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En outre, 60 % des employeurs voient en eux une charge supplémentaire dans l’organisation de l’entreprise. Pour rappel, le handicap est le premier motif de saisine de la Défenseure des droits et 49 % des saisines sur le handicap concernent l’emploi. Alors, « à quand l’emploi pour les personnes handicapées qui en sont exclues ? » C’est la question que posent, aujourd’hui, nos associations.

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Quitter Paris « plus tôt que prévu » : pour les jeunes cadres, la tentation de la qualité de vie

Après le travail… le surf, sur la plage de la côte des Basques, au pied du château d’Ilbarritz et de la Rhune, à Biarritz (Pyrénées-Atlantiques).

« Quand je vivais au milieu du béton parisien, je rêvais souvent que je marchais en montagne, comme quand j’étais petite », se souvient Audrey Pradines, 25 ans. Cette fille d’agriculteur pensait que Paris était un « passage obligé » pour apprendre et pour gagner de l’argent, mais après seulement trois ans dans la capitale, en septembre 2021, elle est retournée s’installer dans son Pays basque natal.

En décidant de « rentrer au pays », Audrey Pradines ne s’imaginait pas devoir aussi renoncer au CDI qu’elle venait de décrocher à Paris. Mais l’entreprise, où elle était en alternance pendant ses deux années de master en management, à l’IAE Paris-Sorbonne Business School, lui a refusé le télétravail. La jeune femme a finalement trouvé un emploi de cheffe de publicité dans une PME de huit salariés, implantée près de Biarritz. Elle se réjouit désormais de « participer au développement économique de [son] territoire ».

Comme elle, plusieurs de ses amies basques ayant également étudié et entamé une carrière de cadre à Paris ont pris le chemin du retour « plus tôt que prévu ». Pas sans sacrifices. « Pour elles, cela s’est généralement traduit par un salaire qui passe de 3 000 à 2 000 euros par mois. Et cela coûte cher de se loger par ici », précise la jeune cadre, qui insiste sur sa chance de gagner plus qu’à Paris. Elle réalise désormais son rêve de randonner en montagne tous les week-ends. « Ici, c’est le paradis. Mais il ne faut pas le dire, sinon tous les Parisiens vont venir », dit-elle en riant.

Les cadres, mais pas seulement

Depuis le Covid-19, Laurence Charneau, consultante en développement professionnel au centre Apec (Association pour l’emploi des cadres) de Nantes, observe « un flux » de jeunes cadres qui quittent la capitale. « Auparavant, les cadres bougeaient plutôt vers 40-50 ans, après avoir mené une carrière déjà assez longue, avec prises de responsabilités, à Paris », analyse-t-elle. Selon le sociologue Jean Viard, le mouvement d’exode parisien – qui ne concerne pas que les cadres – a déjà près de dix ans, mais l’épidémie l’a accéléré, affirme-t-il dans La révolution que l’on attendait est arrivée (Editions de l’Aube, 2021). Depuis 2012, Paris perd, en effet, près de 11 000 habitants chaque année. Principale motivation au départ ? « Pouvoir bénéficier d’un meilleur cadre de vie. » Il s’agit du souhait exprimé par 70 % des cadres franciliens désireux de changer de région, selon une enquête de l’Apec parue en octobre 2021.

A 34 ans, Jessica Lachatre pense aussi avoir trouvé son paradis. Depuis un an, elle vit à Marseille, une ville qu’elle a découverte par hasard. Après six ans à Paris, « pour le travail uniquement », la Nantaise d’origine a choisi la cité phocéenne « pour la météo principalement ». Responsable de la relation clientèle, elle a intégré Dendreo, une entreprise de logiciels de gestion, dans laquelle la vingtaine de salariés télétravaillent totalement, ou presque. « L’équipe se retrouve tous les trois mois pour une semaine entière quelque part, avec beaucoup de temps libre pour créer des liens. La dernière fois, c’était à Madrid », précise-t-elle.

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Le « partage de la valeur », chantier miné pour le gouvernement

Lors de la journée de mobilisation intersyndicale et de grève interprofessionnelle « pour l’augmentation des salaires et la défense du droit de grève », à Paris, le 18 octobre 2022.

Flambée des prix de l’énergie, valse des étiquettes alimentaires, coût du carburant qui reste élevé : en cet automne rongé par l’inflation, les revendications autour de la vie chère restent fortes, et continuent de tenir en alerte le gouvernement. Après la grève dans les raffineries de TotalEnergies en octobre, qui avait occasionné des pénuries dans les stations-service et nécessité un recours aux réquisitions de personnel, la journée de mobilisation syndicale de jeudi 10 novembre avait pour mot d’ordre les hausses de salaires.

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Alors que l’exécutif a déjà dépensé plus de 100 milliards d’euros pour contrer les effets de l’inflation (bouclier tarifaire, chèques énergie…), le sujet, qui s’est recentré du pouvoir d’achat aux rémunérations proprement dites, est épineux. L’inflation devrait dépasser les 5 % sur l’année, alors que les salaires n’ont progressé que de 3,7 % sur un an, selon des données provisoires publiées jeudi par le ministère du travail. Seules exceptions : les minima sociaux et le smic – qui a progressé de près de 8 % en un an – ont été indexés sur l’inflation. « Le gouvernement a déjà agi dans les autres domaines : prix de l’énergie, revalorisation des minima sociaux, point d’indice des fonctionnaires… Mais la pression monte, il se sent obligé de faire quelque chose », résume l’économiste Philippe Martin, doyen de l’Ecole d’affaires publiques à Sciences Po.

Dans son interview sur France 2, le 26 octobre, Emmanuel Macron avait fermement écarté la possibilité d’indexer les salaires sur l’inflation – un mécanisme abandonné par la France en 1983 et qui fait craindre d’alimenter une « boucle prix-salaires », autrement dit de jeter de l’huile sur l’incendie inflationniste. Mais le chef de l’Etat a remis dans le débat une promesse de campagne du printemps : le dividende salarié. « Quand vous avez d’un seul coup une augmentation des dividendes pour vos actionnaires, alors l’entreprise doit avoir un mécanisme qui est identique pour les salariés », avait-il expliqué, alors que le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, martèle régulièrement que c’est aux entreprises d’augmenter les salaires, après les milliards dépensés par l’Etat durant la crise du Covid-19 et depuis le début de la guerre en Ukraine.

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« Cohérent avec l’idéologie macroniste »

Jusqu’ici, le gouvernement a surtout mis en avant les mécanismes développés durant le premier quinquennat pour associer les salariés aux performances des entreprises : l’intéressement, dont le recours a encore été assoupli dans la loi pouvoir d’achat cet été, la participation (obligatoire à partir de 50 salariés) et la « prime Macron » défiscalisée. Renommée « prime de partage de la valeur » depuis cet été et le triplement de son plafond (de 2 000 à 6 000 euros que peut verser l’employeur), cette dernière a vu son montant moyen passer de 550 à 710 euros et a déjà bénéficié à 2,5 millions de salariés cette année, a opportunément indiqué Bercy cette semaine.

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Emploi : premières pistes et premières réserves autour de France Travail

Le ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion, Olivier Dussopt, discute avec la première ministre, Elisabeth Borne, à l’Assemblée nationale, à Paris, le 3 novembre 2022.

Les contours du futur service public de l’emploi se dessinent peu à peu. Le ministère du travail a présenté ses premières « pistes de propositions » au sujet de France Travail lors du deuxième « comité des parties prenantes », mardi 8 novembre, un mois et demi après le premier. Les partenaires sociaux, les collectivités locales, les associations et les acteurs de l’emploi en savent donc un peu plus sur ce qui les attend potentiellement. Et, à environ un mois de la fin de la mission de préfiguration, départements et syndicats font part de leurs inquiétudes et de leurs réserves sur plusieurs aspects.

Le haut-commissaire à l’emploi, Thibaut Guilluy, chargé de cette phase préparatoire, a partagé les idées explorées pour la création de France Travail, qui doit réformer le service public de l’emploi en réorganisant ses différents acteurs autour d’un guichet unique pour améliorer l’orientation des demandeurs d’emploi. Une dizaine d’expérimentations locales seront lancées début 2023 pour un déploiement du dispositif un an plus tard.

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Le projet vise notamment à améliorer l’accompagnement des personnes sans emploi, en particulier les plus éloignées du marché du travail. Outre le projet de réforme du revenu de solidarité active (RSA) pour le conditionner à une quinzaine d’heures d’activité, promesse de campagne d’Emmanuel Macron, le gouvernement cherche, selon un document de travail que Le Monde a pu consulter, à améliorer les services avec un « délai de réponse sous quarante-huit heures » et des « plages de rendez-vous d’urgence ». « Des offres de solutions structurantes (contrats aidés) en volume suffisant sur l’ensemble du territoire » pourraient ainsi être proposées tout comme des « partenariats renforcés avec les privés », telles que les associations.

« Notre vocation n’est pas de les sanctionner »

Les partenaires sociaux ont néanmoins appelé à la vigilance sur cette question de l’accompagnement puisque l’assurance-chômage joue un rôle dans celui des demandeurs d’emploi inscrits à Pôle emploi. Or, une négociation doit bientôt s’ouvrir sur la gouvernance de l’Unédic, l’organisme paritaire qui gère le système. « Il ne faut pas mettre la charrue avant les bœufs et nous sommes plusieurs à avoir interpellé le haut-commissaire pour demander à ce que soit discutée la gouvernance de l’assurance-chômage avant toute chose », prévient Denis Gravouil, de la CGT. « Il ne faudrait pas que le document de préfiguration présenté en décembre préempte la négociation sur la gouvernance », ajoute-t-on du côté de la CFDT.

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« Ferme ta gueule », « casse-toi »,… un ex-manageur de Tesla France qui contestait son licenciement pour comportement « déplacé » a été débouté en justice

« Nous ne sommes pas des chochottes, mauviettes ou tarlouzes chez Tesla » ; « tu dois arrêter de travailler seulement si tes yeux te font mal à cause de ton écran » ; « seuls les plus forts psychologiquement et physiquement sont capables et méritent de rester chez Tesla ». Reflétant une ambiance de travail pour le moins malsaine, toutes ces déclarations sont celles d’un ex-manageur de Tesla France, rapportées dans une décision de la cour d’appel de Versailles du 8 septembre.

Mis à la porte par le constructeur automobile du fait de son « comportement à tout le moins déplacé », pour reprendre les termes employés dans sa lettre de licenciement, cet ancien chef des ventes contestait son éviction devant les tribunaux. Le 8 septembre, la cour d’appel de Versailles a rendu sa décision prorogée sur cette affaire. Les juges ont suivi en partie le conseil de prud’hommes de Nanterre, qui avait débouté le salarié de sa demande de licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La décision de la cour d’appel de Versailles livre les détails de cette affaire rocambolesque. Après avoir été engagé en Angleterre par Tesla en tant que conseiller commercial en 2011, l’appelant est muté deux ans plus tard au sein de la filiale française. Son travail donne manifestement satisfaction, puisque l’employé se voit rapidement promu responsable de magasin dans une des succursales de la société.

Des violences physiques et menaces verbales

Mais, en juillet 2015, Tesla France finit par le licencier pour faute grave, à la suite des accusations portées par ses collègues et recueillies lors d’une enquête interne. Dans la lettre de licenciement, Tesla France mentionne des « faits très graves ». Le document retrace une série d’agissements violents, à l’origine d’une ambiance de travail délétère. Lors d’un événement d’entreprise, le manageur a « détruit » la chambre d’hôtel d’un de ses collègues. A plusieurs reprises, il a jeté le sac à main d’une de ses employées à la porte de la boutique, « arraché » le téléphone portable des mains d’un collègue ou encore balancé les lunettes d’un autre salarié.

Lire l’enquête du « Monde » : Article réservé à nos abonnés Le directeur du service d’information du gouvernement critiqué par ses équipes pour son management « brutal »

A ces violences physiques viennent s’ajouter des menaces verbales. Le responsable de magasin injuriait régulièrement ses employés, parfois en public : « Ferme ta gueule », « Casse-toi », « Ne fais pas ta tête de conne » ; au sujet du conjoint d’une salariée : « Ton copain ressemble à un PD », sont autant d’insultes mentionnées dans la lettre de licenciement.

Le manageur faisait également pression sur ses collègues pour qu’ils ne comptent pas leurs heures de travail. L’ancien responsable a exigé d’un salarié qu’il travaille vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sans dormir, et déclaré à plusieurs reprises à un autre employé qu’il « fallait travailler sept jours sur sept, de 8 heures à minuit » si les nécessités de l’entreprise l’exigeaient.

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Réseau dans le réseau : les « clubs étudiants » des MBA prospèrent

Dire à des cadres, futurs dirigeants, que la décroissance est nécessaire. Que le temps de travail doit être drastiquement réduit. Qu’il faut mettre fin à la publicité et repenser nos modèles économiques… A l’Insead, où de jeunes cadres viennent du monde entier passer un MBA pour donner un coup de boost à leur carrière, de tels sujets ne sont plus tabous.

Un vendredi de novembre, sur le campus de Fontainebleau (Seine-et-Marne), Timothée Parrique, chercheur en économie écologique à l’université de Lund, en Suède, a apporté une parole rare en école de commerce. Invité à une table ronde sur « l’exploration des nouveaux business models, pour une économie durable », il a bousculé la cinquantaine d’étudiants présents. « Beaucoup de jeunes diplômés n’ont pas envie de faire perdurer le système actuel. C’est grâce à eux que l’on pourra transitionner vers une nouvelle économie. A vous d’inventer celle que vous avez envie de voir ! », conclut-il.

Cette conférence sur l’économie de la décroissance a été coorganisée par l’école de commerce, dans le cadre d’une semaine consacrée aux objectifs de développement durable fixés par l’ONU pour 2030, et par un club étudiant du MBA, le club Environment & Business. Son président, Yann Gourio, ne regrette pas l’expérience : « Il est important d’inviter des personnes comme Timothée Parrique, afin d’apporter d’autres visions, en particulier à ceux qui n’ont pas l’habitude d’entendre ces messages. Et au vu des réactions, cela a l’air d’avoir fonctionné… »

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Table ronde « Exploring new business models for a sustainable economy », à l’Insead, le 4 novembre 2022.
Yann Gourio, président du club « Environment & Business », à l’Insead, à la fin de la table ronde « Exploring new business models for a sustainable economy ».

S’il rassemble une quinzaine d’étudiants, ce club n’est que l’un des 43 clubs actifs de l’Insead. HEC Paris en compte une vingtaine, juste pour les MBA. Dans une école comme dans l’autre, chaque étudiant fait partie d’au moins l’un d’entre eux.

Alors, pourquoi ces professionnels ambitieux qui choisissent de faire une pause dans leur carrière – et de mettre de 20 000 à plus de 100 000 euros dans un MBA – s’investissent-ils dans des associations étudiantes ? Pour le réseau, bien sûr. La majorité de ces clubs sont sectoriels (industrie, luxe, consulting, fintech…), soit l’occasion pour les élèves de créer du lien entre pairs intéressés par ces secteurs. En organisant des événements et des rencontres, ils peuvent également nouer des relations avec des professionnels en activité. « Pour eux, c’est un très bon moyen de développer leur réseau. Chez nous, beaucoup de diplômés de MBA choisissent par exemple l’univers du conseil, le club sur le consulting est donc très populaire, tout comme celui tourné vers le private equity, dans la finance, qui a été fondé il y a dix-huit ans », détaille Katja Boytler, responsable de la vie étudiante à l’Insead.

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Management brutal, surveillance constante, patrons voyous… leur licenciement a été expéditif

Le courriel sans appel de Twitter

Elon Musk a pris le contrôle de Twitter après une longue bataille juridique.

« A 9 heures, le 4 novembre, tout le monde recevra un e-mail intitulé : votre rôle chez Twitter. (…) Si votre emploi n’est pas impacté, vous recevrez une notification sur votre adresse professionnelle. Sinon, sur votre adresse personnelle. » Le lundi 3 novembre, les 7 500 salariés du réseau social apprenaient par voie de messagerie l’imminence d’un plan social susceptible de toucher la moitié d’entre eux (depuis, certains salariés remerciés ont été rappelés…). Un procédé à l’image du nouveau patron, le milliardaire Elon Musk, qui avait déjà dissous le conseil d’administration et remercié plusieurs directeurs.

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La visio malheureuse de Better.com

Vishal Garg, patron de Better.com.

« Si vous participez à cet appel, c’est que vous faites partie des malchanceux qu sont licenciés. » Au mois de décembre 2021, 900 em­ployés de Better.com, une plate-forme américaine de prêts en ligne, apprennent sur Zoom leur licenciement. Le choc est immense : l’entreprise vient de lever 750 millions de dollars. Face au tollé, le PDG, Vishal Garg, connu pour son management brutal et son langage fleuri, s’éclipse quelques semaines. Le temps de « réfléchir à son style de leadership » avec l’aide d’un coach, d’après une lettre du comité de direction dévoilée par le Wall Street Journal.

L’implacable algorithme d’Amazon

Le site Amazon de Baltimore, dans le Maryland.

Une enquête du média américain The Verge révèle qu’entre 2017 et 2018 le géant de la logistique a licencié 300 manutentionnaires de son site de Baltimore sur décision d’un algorithme. Une pratique dont Amazon serait coutumier. Dans les entrepôts, le travail fait l’objet d’une surveillance constante : le temps consacré à chaque geste et aux pauses est analysé par des machines. En cas d’écart avec les objectifs, après un avertissement, le système informatique annonce lui-même au salarié que son contrat de travail est rompu, sur la seule foi des statistiques.

Le surprenant SMS de Bodyguard

Eddir Loungar, le PDG de la société Bodyguard.

Le 16 avril 2018, les 430 salariés de l’entreprise de sécurité Bodyguard, à Evry (Essonne), reçoivent par SMS l’ordre de « cesser toute activité à compter de 19 heures ». La raison ? La liquidation de l’entreprise, prononcée par le tribunal de commerce. « On n’a pas reçu de lettre de licenciement. On ne sait pas si on doit reprendre le boulot. Est-ce qu’on va avoir des indemnités ? », s’alarme au « 13 heures » de France 2 un agent, quinze ans d’ancienneté, qui ignorait tout des difficultés de son employeur, Eddir Loungar, le PDG de l’entreprise. Les salariés obtiendront leur licenciement économique quelques semaines plus tard.

Les RTT piégées de Flodor

Des employés de l’entreprise de chips Flodor devant leur usine à Péronne (Somme), le 22 août 2003.

L’été 2003, la direction de Flodor, emblématique fabricant de chips « blondes à croquer », impose des RTT aux 180 salariés de son usine de Péronne (Somme). Le 21 août, un ouvrier découvre une équipe en train de ­charger les machines sur des camions, direction l’Italie, où siège la maison mère, Unichips. L’usine de Flodor perd deux de ses cinq chaînes de production. Les salariés soupçonnent le groupe de vouloir délocaliser et fermer sa filiale en France. La suite leur donne raison. Un an plus tard, Flodor se déclare en cessation de paiements. Tous les employés perdent leur ­travail.

Les crises percutent la politique industrielle voulue par Emmanuel Macron

Emmanuel Macron s’adresse aux dirigeants des 50 sites industriels qui émettent le plus de gaz à effet de serre en France, au palais de l’Elysée, à Paris, le 8 novembre 2022.

Cet article peut être écouté dans l’application «   La Matinale du Monde  »

Une grand-messe aux allures de mobilisation générale. L’invitation, mardi 8 novembre, sous les ors du palais de l’Elysée, des patrons des cinquante sites les plus polluants en France, a été l’occasion pour Emmanuel Macron de conclure un « pacte de décarbonation » avec les industriels. Mais aussi d’assurer « l’équipe de France de l’industrie », selon les mots du ministre en charge de ce secteur, Roland Lescure, que le gouvernement reste à son chevet au milieu des turbulences économiques et géostratégiques.

La flambée des prix de l’énergie en Europe provoquée par la guerre en Ukraine, mais aussi l’accélération des impératifs de transition écologique un peu partout dans le monde viennent en effet mettre à mal les ambitions tricolores pour l’industrie. Dans le cadre de sa politique de l’offre, le président de la République avait fait de la réindustrialisation un marqueur de son premier quinquennat : sommets Choose France chaque année à Versailles à destination des grands investisseurs internationaux, volet industrie du plan de relance post-Covid-19 (30 milliards d’euros sur les 100 milliards du plan), plan France 2030 dévoilé en grande pompe fin 2021. Son second mandat se voulait placé sous les mêmes auspices. En témoigne la baisse de 10 milliards d’euros d’impôts de production (par le biais de la suppression de la contribution sur la valeur ajoutée des entreprises) qui, même si elle a finalement été étalée sur deux ans, répond à une revendication de longue date des milieux d’affaires.

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« Depuis 2016 et la fin du mandat Hollande [pacte de responsabilité, crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi…], les indicateurs sont repassés dans le vert en termes d’implantation d’usines, de relocalisation ou de création d’emplois. Cela n’était plus arrivé depuis 2009 », indique David Cousquer, gérant du cabinet Trendeo, qui publie régulièrement un baromètre sur le sujet. Et si la crise liée au Covid-19 a mis un coup d’arrêt à cette expansion, elle a aussi renforcé les velléités de souveraineté industrielle française. Au troisième trimestre 2022, l’emploi industriel a encore augmenté de 0,4 % (+12 500 postes), à son plus haut niveau depuis le premier trimestre 2015, selon l’Insee.

« Risque de décrochage industriel »

Le fait que l’Europe se retrouve, à la différence de la Chine et des Etats-Unis, plongée dans une crise énergétique inédite, mais aussi que les impératifs écologiques incitent à un retour du protectionnisme, a tout remis en cause. Aux Etats-Unis, l’Inflation Reduction Act (370 milliards de dollars) vise notamment à subventionner les productions locales vertes (véhicules électriques…). La Chine investit aussi massivement pour relancer son économie. Sans oublier la concurrence intra-européenne, avec les 200 milliards d’euros mis sur la table par l’Allemagne pour protéger ménages et entreprises, alors que la taxe carbone aux frontières de l’Union se fait toujours attendre.

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