Jeudi 13 octobre, au cœur de la grève qui secoue l’industrie pétrolière, le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger, invité de France Inter, y allait de son diagnostic : « Il y a un sujet salarial dans notre pays et (…) il faut y répondre. » Et de recommander que les branches professionnelles et les entreprises règlent la question.
La veille, l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), lors de la publication de ses prévisions, indiquait que, selon les estimations de ses experts, le pouvoir d’achat par unité de consommation des Français devrait se contracter de 1,4 % sur les deux années 2022 et 2023, « ce qui le ramènerait à un niveau proche de 2019 ». Mathieu Plane, directeur adjoint du département analyse et prévision de l’OFCE, revient sur les ferments des tensions sociales observées ces dernières semaines.
L’émergence de conflits salariaux était-elle inévitable ?
Le choc induit par la hausse des prix de l’énergie correspond à un prélèvement de 3 points de PIB sur notre économie, soit entre 70 et 80 milliards d’euros. C’est énorme. Pour retrouver un impact de cette ampleur, il faut revenir au premier choc pétrolier. La question, dès lors, est de savoir comment on répartit ce coût entre l’Etat, les entreprises et leurs actionnaires et les salariés. Aujourd’hui, avec le bouclier tarifaire et les mesures de soutien, l’Etat prend près de50 milliards à sa charge.
Jusqu’à présent, les entreprises ont peu ou prou maintenu le niveau de leurs marges. En revanche, les salaires n’augmentent pas aussi vite que l’inflation. A la mi-2021, les salaires augmentaient au rythme de 1,5 % environ. Un an après, à la mi-2022, ce rythme avait dépassé 3 %. Mais dans le même temps, l’inflation a triplé, passant de 1,7 % à près de 6 % ! On n’a jamais eu de telles pertes de salaire réel au cours des dernières décennies. Actuellement, ce sont principalement les salariés qui encaissent le choc de l’inflation.
Comment expliquer ce décalage ? Pourquoi l’inflation n’a-t-elle pas été davantage prise en compte dans les négociations passées ?
On n’ouvre pas des négociations salariales tous les jours dans les entreprises : cela crée une forme d’inertie dans l’évolution des salaires. Il ne faut pas oublier non plus que cela faisait dix ans qu’on avait une inflation très faible, autour de 1 %. Et, à l’automne 2021, lorsque les prix des matières premières ont commencé à augmenter, on pensait que le pic d’inflation serait temporaire, qu’il était lié à la sortie du Covid. Mais la guerre en Ukraine a éclaté et l’inflation est devenue beaucoup plus durable, plus robuste et plus élevée. Les anticipations ont changé et les salariés ont clairement intégré qu’ils perdent du pouvoir d’achat.
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Thrombose, blocage, embolie… Les mouvements sociaux d’ampleur empruntent volontiers au vocabulaire cardiovasculaire. Qu’il s’agisse d’un corps humain ou social, ils désignent la même chose : des flux qui s’arrêtent soudain et menacent tout le système. Dans une société mobile et tertiarisée comme la nôtre, tout ce qui touche aux transports est devenu sensible.
C’est pour cela que les grèves les plus spectaculaires, parce que les plus pénalisantes pour un maximum de gens, sont celles qui touchent aux moyens de déplacement – les trains, les avions et, bien sûr, la voiture, instrument existentiel dans la vie de tous ceux qui habitent hors des grandes métropoles, c’est-à-dire plus de la moitié des Français. Cela confère aux conducteurs de train, aux chauffeurs de camion, aux aiguilleurs du ciel ou aux opérateurs de raffinerie un pouvoir de négociation et un impact médiatique que leur envient bien des salariés.
Que ce soit en 2000, sur la hausse des prix du carburant, en 2010, sur les retraites, en 2016, sur la loi travail, en 2019, sur les retraites ou, aujourd’hui, les syndicats des raffineries, et en l’occurrence la CGT, s’appuient sur ce levier pour faire progresser, au niveau national, leurs revendications en matière de salaire et de conditions de travail. Une théorie du ruissellement, cette fois assumée, qui voudrait que les gains obtenus dans ces catégories se diffusent ensuite dans le reste des entreprises. Posture historique et revendiquée. C’est la grande grève des mineurs d’Anzin (Nord), en 1884, celle du Germinal, de Zola, qui a abouti à la création des premiers syndicats dans notre pays.
Petits arrangements catégoriels
Cette fois, le message est clair, le carburant des revendications n’est plus les retraites comme en 2019, mais l’inflation. Ce n’est pas une caractéristique française. Les Etats-Unis ont échappé, le 15 septembre, à une grève monstre des transports ferroviaires de marchandises, qui aurait bloqué tout le pays. Les syndicats ont obtenu une hausse de 24 % de leurs salaires sur la période 2020-2024, dont 14 % immédiatement. C’est de cela que rêvent les grévistes des raffineries françaises, s’appuyant également sur les profits plantureux réalisés par TotalEnergies ces deux dernières années. Une revendication qui se retrouve dans la multitude des mouvements sociaux qui ont fleuri depuis la fin de l’été.
C’est aussi ce qui alimente la crainte du patronat : que tous les salaires soient, à l’instar du smic, indexés sur la hausse des prix. Cela les contraindrait, soit à rogner sur leurs marges, ce qui serait risqué à l’aube d’une récession économique, soit à augmenter leurs prix, ce qui alimenterait encore plus l’inflation. On constate déjà comment toute l’architecture des bas salaires, qui concernent la moitié des salariés français, est bouleversée par l’augmentation du smic de plus de 7 % en 2022.
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Dans les entreprises horticoles, les chefs de culture ont l’habitude de composer avec différentes temporalités et nombre d’incertitudes. Les fleurs sont périssables, elles peuvent être touchées par des maladies ou être confrontées à un phénomène météorologique exceptionnel… Et puis, depuis une vingtaine d’années, ces professionnels doivent aussi intégrer de nouveaux paramètres, face à une concurrence exacerbée : une « logique produit », avec une qualité attendue variant selon le marché visé, ainsi qu’une « orientation clients » destinée à devancer leurs attentes plurielles.
Les restructurations dans le secteur ont pu, par ailleurs, apporter de nouvelles contraintes, comme une grande réactivité attendue dans la réponse aux commandes. Conséquence : les chefs de culture croulent sous les injonctions et les imprévus et doivent aujourd’hui « résoudre [des] équations impossibles ».
Complexité et contraintes
En portant leur regard sur le secteur horticole comme sur une multitude de mondes professionnels, les ergonomes Corinne Gaudart et Serge Volkoff proposent, à travers Le Travail pressé. Pour une écologie des temps du travail (Les Petits Matins), une étude minutieuse de ce « modèle de la hâte », qui tend à s’imposer dans les entreprises.
Portées par un « productivisme réactif », les organisations intensifient procédés et exigences. La fréquence croissante des changements internes (mutations technologiques, évolution des équipes…) renforce la complexité du travail et les contraintes temporelles. Les salariés le confirment.
Selon une enquête citée dans cet essai, la proportion de ceux dont le rythme de travail est imposé par « des normes ou délais en une heure au plus » est passée de 5 % à 29 % entre 1984 et 2016 ; ceux dont le rythme dépend d’une « demande extérieure exigeant une réponse immédiate sont passés de 28 % à 58 % ».
Conséquence : nombre de salariés doivent s’adapter, ajuster, tenter de trouver un équilibre face à des injonctions contradictoires (faire « vite et bien »). Dans les activités au contact du public, au guichet d’une caisse de retraite comme lors de la tournée d’une aide à domicile, « l’impératif de se dépêcher tout en prenant son temps est spécialement prégnant ». Des arbitrages sont indispensables, qui peuvent parfois conduire au non-respect de certaines règles de sécurité, quand la pression temporelle est trop forte.
Place aux actions invisibles
Certains peuvent même être faits au détriment de la santé du salarié. Peut s’ajouter à cela la sensation d’accomplir un « travail dégradé », et de voir sa satisfaction face à son métier diminuer. Les auteurs le rappellent : « faire un travail soigné » est un « facteur de santé et d’épanouissement ».
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Le« planning » de Radio France vit-il ses dernières semaines ? Remise en question sous la pression de jeunes journalistes réunis dans un collectif pour en dénoncer les effets pervers, cette organisation des remplacements dans les rédactions locales et nationales de Radio France est entrée en phase de refonte. Celle-ci devra être achevée à la fin de l’année, pour une application dès janvier 2023, annonce la direction de Radio France.
Mis en place pour assurer le remplacement des absents (à l’occasion de vacances, ou de congés maladie) dans les 44 stations locales de France Bleu et à Paris, le « planning » a longtemps été considéré comme une opportunité, pour les jeunes journalistes, de faire leurs premières armes professionnelles avant d’être embauché. Au fil du temps cependant, les contraintes qui lui sont liées (extrême mobilité sur le territoire, isolement, charges de travail très lourdes), ont été de plus en plus mal vécues, quand elles n’ont pas donné lieu à de réelles dérives. Une expertise du cabinet Isast sur les risques psychosociaux liés à l’organisation du travail des précaires au sein du réseau France Bleu, dévoilée en décembre, avait d’ailleurs mis au jour des « conditions de travail illégales » – ainsi que Le Monde l’avait indiqué. « Certains articles nous ont fait beaucoup de mal », reconnaît-on à Radio France.
La réforme du système se fait en deux temps. Un premier train de mesures à effet immédiat a été annoncé fin septembre, qui vise à améliorer les conditions de travail. Les rédacteurs en chef se sont vus rappeler certaines règles, comme le respect des droits aux RTT, ou l’interdiction d’affecter systématiquement les remplaçants aux week-ends, soirées et jours fériés. La création d’un « référent pigistes », soit un interlocuteur avec qui échanger de ses éventuelles difficultés, est salué par les représentants des précaires. D’autres mesures sont censées suivre, comme la revalorisation du tarif de la pige ou du « barème logement », destiné à tenir compte de la cherté des locations dans les villes touristiques.
Une deuxième phase, qui doit s’attaquer aux fondements mêmes du système, s’est ouverte cette semaine avec la consultation des écoles de journalisme, qui envoient à Radio France des professionnels frais émoulus chaque année. « Sans faire de généralités, nous constatons que le planning ne représente plus pour eux une forme de Graal absolu », explique Pascal Guénée, directeur de l’IPJ (Institut pratique de journalisme) et président de la Conférence des écoles de journalisme (CEJ). Alors que des bataillons de journalistes ont, des années durant, sillonné la France au gré des contrats mais au risque de leur vie privée, les nouvelles générations s’interrogent sur les sacrifices qu’elles sont appelées à consentir.
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En voulant s’adapter aux besoins des entreprises locales, le président de la République oublie que ces lycées ne peuvent avoir pour seul objectif l’emploi immédiat des bacheliers.
Dans un communiqué de presse daté du 10 octobre, la direction de TotalEnergies affirme que « les niveaux de rémunération moyenne des opérateurs du raffinage de TotalEnergies en France » sont de « 5 000 euros ». Plusieurs commentateurs s’en sont émus, laissant entendre qu’un tel niveau de salaire entachait la légitimité des grévistes à se battre pour leurs salaires. Sur France Inter, l’éditorialiste « libéral » Dominique Seux lançait dans sa chronique : « Il ne s’agit en aucun cas de dire que ces salaires sont trop élevés par rapport à la qualification et aux postes occupés : on ne se permettra pas de porter un tel jugement – même si j’ai une petite idée de la réaction de nos auditeurs quand ils entendent ces chiffres ! »
A l’origine du mouvement de grève dans les raffineries du groupe pétrolier français, la CGT a très mal digéré la communication du groupe. « On ne sait pas d’où sort ce chiffre, s’agace Thierry Defresne, secrétaire CGT du comité d’entreprises européen TotalEnergies SE. Ce sont des données sociales qui n’existent pas, des chiffres au doigt mouillé qui sont publiés uniquement pour salir les grévistes. »
Hakim Belouz, délégué syndical FO chez TotalEnergies, estime lui aussi que la direction du groupe tente de « monter l’opinion publique contre les salariés ». Geoffrey Caillon, délégué CFDT – syndicat n’ayant pas pris part au mouvement de grève – regrette lui aussi la communication de la direction qui « prend à témoin la France entière pour montrer que nos salaires ne sont pas si bas » et « n’aura pas tendance à calmer les esprits ».
A quoi renvoie ce chiffre de 5 000 euros par mois ?
Il faut d’abord rappeler quelques précisions : le montant de 5 000 euros mensuels bruts mis en avant par le géant des hydrocarbures correspond, selon lui, à la rémunération brute mensuelle « des ouvriers et agents de maîtrise » des raffineries et comprend notamment des primes de pénibilité, d’intéressement et de participation.
Hors primes d’intéressement et de participation – qui, en raison des bons résultats de l’entreprise, étaient en moyenne de 9 100 euros en 2022 –, TotalEnergies affirme que la rémunération mensuelle moyenne d’un opérateur de raffinerie est de 4 300 euros bruts.
Plusieurs responsables syndicaux de la CGT ont rapidement démenti ces chiffres. Emmanuel Lépine, secrétaire général FNIC-CGT, a ainsi assuré auprès de RTL que le salaire moyen d’un opérateur de raffinerie « est aux alentours de 3 000 euros », rappelant par ailleurs qu’il s’agissait de « postes à très hautes qualifications ».
Dans une vidéo publiée sur Twitter, Adrien Cornet, délégué CGT et salarié de la raffinerie Total de Grandpuits (Seine-et-Marne), évoque plutôt une moyenne de 2 500 euros. Il insiste notamment sur le fait que ces salaires comprennent plusieurs primes liées à la pénibilité du métier, avec des équipes postées aux « trois fois huit heures, [6 heures – 14 heures, 14 heures – 22 heures et 22 heures – 6 heures] qui travaillent trois week-ends sur cinq et respirent du carburant et des produits chimiques ».
La convention collective de l’industrie du pétrole prévoit en effet des primes de quart d’un montant égal à 18 % du salaire hors prime, pour les « travailleurs postés en continu qui appartiennent à des équipes successives fonctionnant en permanence par rotation 24 heures sur 24, sans interruption la nuit, le dimanche et les jours fériés ».
Selon l’Union des industries pétrolières énergies et mobilités (Ufipem), le salaire de base d’un salarié en début de carrière dans une société de raffinage est proche de 2 200 euros bruts par mois, auxquels s’ajoute une prime de quart d’environ 540 euros. Soit 2 740 euros bruts par mois en début de carrière.
Pour un salarié ayant près de vingt ans d’ancienneté, le salaire de base se situe à environ 3 600 euros bruts, auquel il faut ajouter près de 1 200 euros de primes (dont la prime de quart et d’ancienneté, à 1 % par année d’ancienneté). Soit un salaire brut mensuel de 4 800 euros après vingt ans de carrière. L’Ufipem note par ailleurs « que 85 % des salariés de la branche ont un salaire réel supérieur de plus de 10 % aux minimums conventionnels ». Les 5 000 euros mensuels avancés par TotalEnergies semblent ainsi bien plus proches du salaire d’un opérateur de raffinerie très expérimenté que de celui d’un salarié moyen.
« Jusqu’à quel niveau de salaire a-t-on le droit de se battre pour son pouvoir d’achat ? »
Dans tous les cas, les chiffres publiés par la direction du groupe ne disent pas grand-chose de la réalité salariale dans ses raffineries françaises, une moyenne pouvant cacher de larges disparités entre les salariés. Contactée, l’entreprise n’a pas donné suite à nos demandes concernant le salaire médian dans ces raffineries.
Les responsables syndicaux contactés n’ont, eux non plus, pas souhaité communiquer précisément les chiffres des rémunérations, affirmant ne pas vouloir tomber dans le piège tendu par leur direction.
La CGT réclame 10 % d’augmentation sur les salaires, dont 7 % au titre de l’inflation et 3 % pour le partage de la richesse. « Jusqu’à quel niveau de salaire a-t-on le droit de se battre pour son pouvoir d’achat ?, s’interroge Thierry Defresne. Notre force de travail vaut moins en 2022 qu’en 2021, et on devrait accepter ça ? Faut-il bouffer du rat pour avoir le droit de se plaindre de l’inflation ? » Son collègue de FO Hakim Belouz abonde : « Quand bien même notre salaire serait élevé, est-ce que ça serait un souci ? Y a-t-il une loi qui interdit de faire grève au-dessus de 5 000 euros mensuels ? »
Pendant deux années, en 2020 et 2021, la politique du « quoi qu’il en coûte » a permis de maintenir le nombre d’ouvertures de procédures judiciaires à un niveau historiquement bas. Ainsi, avec 5 500 faillites seulement, la sinistralité observée au troisième trimestre 2021 a été la plus faible depuis vingt-cinq ans. Mais cette parenthèse semble désormais refermée. Sur les douze derniers mois, de septembre 2021 à septembre 2022, 37 000 entreprises ont fait défaillance, indique, mardi 11 octobre, la Banque de France, soit une hausse de 34,4 % par rapport à la même période de 2021.
Ce total reste certes nettement inférieur au niveau d’avant la crise sanitaire – près de 51 200 entreprises ont fait faillite en 2019 –, mais il indique que l’état de grâce est terminé. « Les mécanismes de soutien disparaissant, on est revenus, depuis l’automne 2021, à des niveaux de défaillances plus proches de la normale, et on s’attend à ce que ce processus de normalisation se poursuive », indique Emilie Quema, directrice des entreprises à la Banque de France.
D’après les décomptes du cabinet Altares, qui publie ses propres chiffres, près de 33 000 emplois sont actuellement concernés par une procédure de sauvegarde ou de liquidation. Signe supplémentaire d’un retour à la normale, les secteurs les plus concernés par les difficultés sont également ceux où la sinistralité était la plus forte avant la crise sanitaire : le commerce de détail, la restauration, les services à la personne, le commerce automobile. Des secteurs qui s’adressent essentiellement à une clientèle de particuliers.
Surtout les TPE
Mais Altares pointe également des « signaux préoccupants » venus du secteur de la construction et du bâtiment, qui a beaucoup pâti des tensions sur les approvisionnements et de la flambée des coûts des matériaux. Pour l’heure, les faillites spectaculaires, comme celles de Geoxia, le constructeur des maisons Phénix, intervenue en juin, ou celle de Camaieu, qui a fermé ses boutiques en septembre, restent encore rares. Cette vague montante de défaillances frappe essentiellement les petites entreprises, surtout les TPE de moins de trois salariés.
Selon Altares, elles représentaient les trois quarts des quelque 9 000 entreprises en faillite au troisième trimestre. « En début d’année, les PME étaient très bien armées pour encaisser les chocs de 2022 : elles avaient de bonnes trésoreries et avaient pu reconstituer leurs marges », constate pourtant Jean-Pierre Villetelle, chef de l’Observatoire des entreprises à la Banque de France. Mais la flambée des coûts consécutive à la guerre en Ukraine, déclenchée le 24 février, la dégradation de la conjoncture et la baisse de la consommation ont eu raison de cette bonne santé. « Les situations se tendent assez rapidement », admet M. Villetelle.
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Un salarié ou une salariée dit à propos d’une salariée, devant d’autres collègues : « Joli décolleté, ils ont de la chance au marketing. » S’agit-il d’un « agissement sexiste », de « discrimination », de « harcèlement sexuel », d’une « agression sexuelle », ou de rien de tout cela ? C’est un agissement sexiste, ou un comportement à connotation sexiste, car la poitrine est reconnue comme une partie du corps ayant une connotation sexuelle (comme les fesses, le sexe, les cuisses ou la bouche) et la mention « ils ont de la chance au marketing », confirme la connotation sexuelle du propos.
Un groupe de salariées établit un top 10 des plus beaux hommes de la société : c’est un agissement sexiste.
Troisième exemple : Un ou une collègue raconte des blagues crues, à connotation sexuelle, tous les jours dans l’open space : là, c’est du harcèlement sexuel. Culture machiste ? Sexisme banalisé en entreprise ? Pour les deux premiers exemples, moins d’un salarié sur deux reconnaît un « agissement sexiste », et moins d’un sur cinq (19 %) identifie un « harcèlement sexuel » dans le troisième.
Extraites du Baromètre auprès des salariés sur le harcèlement au travail publié mercredi 12 octobre, ces questions font une mise au point sur des concepts qui restent flous pour beaucoup. Réalisé du 15 au 19 septembre 2022 auprès de 2000 actifs par Ipsos pour Qualisocial, un cabinet spécialisé en prévention des risques psychosociaux, ce baromètre donne une première mesure du niveau d’information des salariés sur le harcèlement au travail, de leur degré d’exposition, dans le but d’améliorer la maîtrise du sujet et la lutte contre le harcèlement (sexuel et moral) en entreprise.
L’enjeu est de taille. Trois salariés sur quatre (74 %) considèrent que les situations de harcèlement au travail sont assez ou très répandues et 79 % des femmes et 84 % des jeunes. Trente-cinq pour cent (près d’un tiers) des salariés interrogés disent avoir été victimes de harcèlement au cours de leur vie professionnelle, 40 % affirment en avoir été témoins et 13 % des salariés ont le sentiment d’avoir été auteurs de harcèlement au travail au cours de leur carrière (le harcèlement est puni d’une peine de deux ans d’emprisonnement et d’une amende de 30 000 euros).
Un sentiment de gêne
Pour la majorité des salariés (52 %), la dégradation des relations sociales au travail (harcèlement, manque de respect des clients/usages) est en effet un « enjeu prioritaire ». Pourtant, à peine plus d’un salarié sur deux a le sentiment d’être bien informé sur le sujet, et 35 % pensent connaître la législation. Difficile, dans ces conditions, de savoir comment gérer un signalement ou un comportement inapproprié.
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Deux minutes d’interventions sur huit heures et demie de débats : le Rassemblement national (RN), toujours soucieux de son temps de parole dans la vie politique française, s’est montré économe en la matière, lors de l’étude en commission de la réforme de l’assurance-chômage, adoptée en première lecture, mardi 11 octobre, par l’Assemblée nationale. Les 27 et 28 septembre, tandis que les députés de gauche comme de droite s’échinaient à amender le texte gouvernemental face au rapporteur Marc Ferracci (Renaissance), les députés du RN présents en commission des affaires sociales sont restés quasiment muets.
« Les victoires en commission, c’est un coup d’épée dans l’eau. Se concentrer sur la séance publique a plus d’intérêt, justifie Laure Lavalette, députée du Var, référente du groupe sur ce texte. Les amendements de la Nupes [Nouvelle Union populaire écologique et sociale] en commission étaient pléthoriques, cela embolise le travail parlementaire. »
Cette grande discrétion en commission a suscité l’étonnement des députés de la Nupes, lorsque le RN s’est abstenu de défendre certains des amendements qu’il avait lui-même déposés. Ou l’ironie du rapporteur, la semaine suivante dans l’Hémicycle, lorsque, répondant à un amendement déposé par le RN, M. Ferracci s’est tourné vers sa gauche avant d’être rappelé par l’extrême droite : « Excusez-moi, j’avais perdu l’habitude de parler à cette partie de l’Hémicycle. »
Un sujet piège pour le parti
Après avoir fait leurs premiers pas sur des textes consensuels en juillet, notamment celui sur le pouvoir d’achat, les députés du RN étaient attendus sur ce projet de loi piège pour un parti traversé par des sensibilités différentes sur la question de l’emploi et de la protection sociale.
Sur le fond, Marine Le Pen explique avoir défendu sa vision d’un chômage subi et non voulu, elle qui qualifie de « droitarde » la vision de la première ministre, Elisabeth Borne, sur le sujet. La présidente du RN estime que la fraude aux indemnités chômage est minime et s’oppose aux discours sur un présumé « assistanat », tenus par une partie de ses députés qui l’entendent en circonscription.
Elle a pourtant défendu la fin des allocations-chômage pour les employés refusant un CDI à la fin de leur CDD, une problématique que subissent, selon elle, les patrons de petites et moyennes entreprises. Sur ce sujet, Marine Le Pen se voulait plus stricte encore que Les Républicains (LR) et la majorité, dont elle a dénoncé « les pudeurs de vierge ». Selon elle, l’alternance de CDD et de périodes de chômage volontaire concerne des cadres aisés ou des jeunes diplômés, plutôt électeurs d’Emmanuel Macron.
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Le meilleur des deux mondes : c’est ce que recherchent grands groupes et start-up lorsqu’ils décident de travailler ensemble. « Les grandes entreprises rêvent de l’agilité des jeunes pousses et celles-ci veulent se structurer comme les groupes. Chacun des protagonistes voudrait avoir les qualités de l’autre », explique Christophe Garonne, professeur d’entrepreneuriat et directeur du Centre d’expertise Innovation et entrepreneurship de Kedge Business School. Plus de huit groupes sur dix ont d’ailleurs réalisé un programme avec une start-up, selon le baromètre de la relation start-up/grand groupe 2020, réalisé par The Village by CA avec Capgemini.
A travers ces partenariats, « les grands groupes veulent tester de nouveaux produits. Certains sont dans une démarche de veille afin d’anticiper les tendances, tandis que d’autres ont une approche de vente commune permettant ainsi d’accroître la valeur ajoutée dans la relation avec leurs clients » , explique de son côté Marwan Elfitesse, responsable des programmes start-up de Station F, à Paris, un campus qui a abrité plus de 5 000 jeunes pousses innovantes depuis sa création, en juin 2017.
Sur la trentaine de programmes partenaires de Station F, un tiers est porté par de grandes entreprises, dont BNP, Thales, Microsoft, Ubisoft et la Compagnie européenne de gestion par l’informatique décentralisée (Cegid), solutions de gestion cloud pour les professionnels des métiers de la finance, des RH et des secteurs de l’expertise comptable et du retail. La Cegid vient de lancer en octobre son deuxième programme d’accompagnement et de mentorat auprès de sept nouvelles jeunes pousses.
L’importance de la temporalité
« La proximité avec les start-up est dans notre ADN, explique Pierre-Antoine Roy, directeur de l’innovation de la Cegid et chargé du Data Lab, lui-même ancien start-upeur. Nos mentors apprennent eux aussi. Ils découvrent de nouveaux outils, de nouvelles méthodes… Ce qui participe à la transformation de la Cegid. » Pour Hélène Jonquoy, directrice Digital France du groupe Adecco : « Ces partenariats sont pour nous des leviers de transformation afin de répondre aux besoins et attentes de nos clients et de nos candidats, ainsi qu’aux nouveaux usages liés à l’évolution du monde du travail. Nous sommes en veille permanente sur le marché de la HR Tech ».
Côté start-up, ces partenariats répondent, pour reprendre le terme de Christophe Garonne, à un « besoin impérieux » : celui d’accéder aux clients, aux données et aux marchés des grandes entreprises. Selon l’étude « David avec Goliath » 2021 de Raise et Bain & Company, 25 % des start-up interrogées voient dans une alliance avec un grand groupe des opportunités commerciales, 10 % un partage d’expérience et 9 % un renforcement de leur crédibilité.
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