Archive dans octobre 2022

A Cuneo, en Italie, dans les coulisses d’une usine Michelin

Des robots permettant le transport des pneumatiques vers la presse de cuisson, à Cuneo (Italie), en 2022.

C’est l’un des secrets les mieux gardés de l’industrie française : l’usine Michelin. Le groupe de Clermont-Ferrand fait parfois visiter son laboratoire de recherche, ses pistes d’essai, son centre d’apprentissage et, bien sûr, son musée, mais jamais les usines de production de pneus. Pourtant, tout change.

Les industriels doivent ouvrir leurs portes pour montrer leurs trésors de technologie et dépoussiérer leur image auprès des jeunes, dont la majorité pense qu’il ne s’agit pas d’un secteur d’avenir. Ils entendent aussi démontrer qu’ils ne sont pas indifférents aux questions climatiques et aux ressources limitées de la planète. A fortiori lorsque l’entreprise produit des pneus pour les voitures haut de gamme, ces lourds SUV que combattent les écologistes…

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Michelin a donc ouvert à la presse les portes de son usine de Cuneo, dans le Piémont (nord-ouest de l’Italie), mercredi 5 octobre. Dans cette ville de 55 000 habitants, tout près des Alpes-Maritimes, l’équipementier emploie 2 200 personnes. C’est son deuxième plus gros site de production en Europe, après celui d’Olsztyn, en Pologne (plus de 4 000 salariés). On y fabrique 13 millions de pneus de voitures de tourisme par an. L’usine, gigantesque, s’étale sur 1 kilomètre carré.

De l’extérieur, elle ne semble pas avoir beaucoup changé depuis sa création, en 1963. Mais une fois la barrière d’entrée franchie, surprise : un camion, ou plus précisément une remorque bleue Michelin, se déplace sans bruit et, surtout, sans cabine ni chauffeur. « Un AGV », précise le responsable de l’innovation pour l’Italie, Marco Mangialardo : un automated guided vehicle ou « véhicule à guidage automatique ». Ils remplacent l’ancienne flotte de camions qui transportaient les pneus dans l’enceinte du site et permettent d’économiser 50 tonnes de dioxyde de carbone par an.

Une révolution culturelle

Les chiffres sur la multiplication des robots et les réductions d’émission rythmeront la visite. Dès 2012, le groupe s’est fixé des objectifs de baisse de son empreinte carbone. Il est désormais en ordre de marche pour atteindre « zéro émission nette d’ici à 2050 ». Le but ? Un recul de 50 % par rapport à 2010, dès 2030. Eclairage d’usine passé en LED, isolation des bâtiments, installation de pompes à chaleur, nouvelles machines : comparativement à 2010, le groupe a déjà diminué sa consommation d’énergie de 18 % et vise une réduction de 37 % en 2030 et de 60 % en 2050.

L’énergie « verte » doit passer de 22 % en 2022 (achats de certificats d’énergie compris) à 100 %. La centrale électrique, avec ses impressionnantes cheminées à l’entrée du site de Cuneo – un partenariat avec Engie –, va donc bientôt s’arrêter. Elle est en bout de course et sera remplacée en 2023 par une autre dite « trigénération », qui pourra fonctionner au fioul ou au gaz, mais surtout à la biomasse.

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Chez TotalEnergies, à Feyzin, la grève se poursuit, et le tribunal administratif de Lyon examine la légitimité des réquisitions de personnels

Une station TotalEnergies fermée devant la raffinerie de Feyzin (Rhône), le 19 octobre 2022.

La grève devrait se poursuivre à la raffinerie TotalEnergies de Feyzin (Rhône), au sud de la métropole de Lyon. « Ils ne lèveront pas la grève, tant qu’il n’y aura pas du concret sur la table », a déclaré, dans la soirée du mercredi 19 octobre, Pedro Afonso, en sortant d’une réunion de plus de trois heures avec la direction du site pétrolier.

Selon le délégué CGT, le cadre des discussions a évolué, passant d’une revendication nationale sur les revenus à des négociations au niveau local, entre salariés et directions de chaque site de TotalEnergies. A Feyzin, l’heure n’est donc plus à l’augmentation des salaires. Les grévistes ont listé dix points de réclamation, dont l’embauche de quatre ouvriers en contrats précaires. Ils n’ont obtenu que la promesse d’un investissement pour améliorer le système de chargement dans le service expédition, sans certitude.

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« Nous avons un problème de confiance avec la direction, nous voulons un bon de commande de ce matériel », a précisé M. Afonso. La reconduite de la grève doit se voter tôt dans la matinée du jeudi 20 octobre. « Je pense que les grévistes seront très déçus », a insisté le syndicaliste, dont la voix était couverte par le vrombissement des camions-citernes sortant de la raffinerie.

« Il faut faire quelque chose, sinon le pays s’arrête »

Près de deux cents camions ont pu sortir du site de Feyzin au cours de la journée de mercredi, pour approvisionner les stations-service de la région Auvergne-Rhône-Alpes, contre cinquante pour la journée de lundi. Signe évident que les deux arrêtés de réquisition du personnel, pris par le préfet du Rhône cette semaine, ont pour effet de rétablir une activité quasi-normale.

Parmi la dizaine de salariés réquisitionnés dans le service expédition de TotalEnergies de Feyzin, trois l’ont été dans le chargement ferroviaire, pour des convois à destination de la région Bourgogne-Franche-Comté. Les immenses cuves de réserves du site de Feyzin, visibles depuis l’autoroute A7 dans le couloir de la chimie, alimentent 51 % des besoins en carburants de la région Auvergne-Rhône-Alpes.

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« Il faut faire quelque chose, sinon le pays s’arrête », a solennellement déclaré Ivan Bouchier. Le préfet délégué à la sécurité et à la défense pour la zone de défense sud-est a tenu à défendre en personne « la légitimité » des réquisitions préfectorales, à l’audience du tribunal administratif de Lyon, mercredi après-midi. Car au moment où les syndicats négociaient à Feyzin, leurs avocats soutenaient un référé-liberté auprès de la justice administrative, pour réclamer la suspension des arrêtés de réquisitions des personnels de TotalEnergies.

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Chez TotalEnergies, le mouvement de grève s’essouffle

La raffinerie TotalEnergies de Feyzin (Rhône), le 19 octobre 2022.

La première brèche est venue de la raffinerie de Donges (Loire-Atlantique), quand les salariés ont voté la levée de la grève en assemblée générale, mercredi 19 octobre, à la mi-journée. Dans la soirée, les équipes de nuit de Mardyck (Nord) et de La Mède (Bouches-du-Rhône) optaient également pour sa « suspension », quand ceux de Gonfreville-l’Orcher (Seine-Maritime) et Feyzin (Rhône) votaient sa reconduite, mercredi soir, puis jeudi 20 octobre au matin.

Après plus de trois semaines d’une grève perturbant fortement l’approvisionnement des stations-service en carburant, le mouvement s’effiloche. Plusieurs événements l’ayant fragilisé ces derniers jours.

D’abord, l’accord signé, vendredi 14 octobre, entre la direction du groupe et les syndicats CFDT et CFE-CGC, majoritaires ensemble, qui n’a pas satisfait la CGT. Il prévoit notamment 5 % d’augmentation générale pour tous les ouvriers et techniciens.

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Ensuite, les réquisitions ordonnées dès jeudi 13 octobre par le gouvernement. Dès le lendemain, des grévistes ont été réquisitionnés au dépôt de Mardyck, stratégique pour l’approvisionnement des Hauts-de-France. Puis, lundi, à Mardyck et à Feyzin, où dix salariés étaient encore réquisitionnés, mercredi. « Les réquisitions, ça met la pression, confiait, dès leur annonce, Thierry Defresne, secrétaire CGT du comité européen TotalEnergies. Personne n’a envie de voir la police le lever le matin et lui dire devant ses enfants : “toi, tu vas au boulot !” Ni d’encourir amendes et peines de prison. »

« Nous n’avons plus les leviers pour nous battre »

Depuis, le réapprovisionnement des stations-service a réduit peu à peu l’effet de la grève – à 13 heures, mercredi 19 octobre, 20,3 % des stations-service connaissaient encore des difficultés au niveau national, contre 24,8 % la veille.

Premiers touchés par les réquisitions, la semaine dernière, les salariés d’Esso-ExxonMobil se sont rendus à l’évidence dès vendredi, en mettant fin à leur mouvement de grève entamé le 20 septembre. « Nous n’avons plus les leviers pour nous battre », avait alors expliqué le coordinateur CGT du site, Christophe Aubert.

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Restait, pour les grévistes de TotalEnergies, l’espoir d’un second souffle dans la mobilisation d’autres secteurs, alors que des syndicats de salariés – la CGT, Force ouvrière, la FSU et Solidaires – et des mouvements de jeunesse appelaient à généraliser la grève, lors d’une journée d’action interprofessionnelle, mardi 18 octobre. La journée n’a pas eu l’ampleur espérée, mobilisant, mais guère au-delà des cercles habituels.

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« Les allègements de cotisations n’ont pas d’impact significatif sur l’emploi lorsqu’ils touchent des salaires au-delà de 2,5 smic »

Les finances publiques de la France sortent de la crise du Covid-19 particulièrement dégradées, avec un déficit d’environ 5 % en 2022 et qui ne devrait pas s’améliorer en 2023. Alors que les besoins d’investissement dans l’éducation, la santé ou le changement climatique sont plus pressants que jamais, la crise actuelle du pouvoir d’achat génère de nouveaux transferts d’une ampleur exceptionnelle. Dans ce contexte, il est indispensable de faire une revue exhaustive des dépenses publiques et de réduire les moins efficaces.

Les dépenses en faveur des entreprises ne doivent pas échapper à cette règle, en particulier dans des circonstances où différents impôts qu’elles acquittent (impôts sur les sociétés) ont été ou vont être réduits. Dans cette perspective, une proposition d’amendement à la loi de finance actuellement en discussion à l’Assemblée nationale prévoit de supprimer les exonérations de cotisations employeurs à la branche famille pour les salaires supérieurs à 2,5 smic.

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Le coût annuel pour les finances publiques de l’ensemble des dispositifs d’allégements généraux de cotisations sociales avoisine 60 milliards d’euros en régime de croisière. Ils sont justifiés par leur impact positif sur l’emploi.

Aujourd’hui, ces allègements portent sur les salaires inférieurs à 3,5 smic [le smic s’élève aujourd’hui à 11,07 euros brut de l’heure, soit 1 678,95 euros brut par mois]. Nous considérons qu’il faut distinguer dans ces allègements ceux qui portent sur les bas salaires, utiles pour l’emploi, de ceux qui portent sur les salaires élevés.

Plusieurs évaluations ont montré qu’ils n’ont en effet pas d’impact significatif sur l’emploi lorsqu’ils touchent des salaires au-delà de 2,5 smic (« Baisses de charges : stop ou encore ? », note n° 49, Conseil d’analyse économique, 2019).

Au bénéfice des salaires élevés

Plus récemment, une évaluation de France Stratégie a montré que les baisses de charges associées au crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) ont surtout bénéficié aux salaires élevés.

En effet, lorsque le taux de chômage est faible et le pouvoir de négociation élevé, ce qui est davantage le cas des salariés rémunérés au-delà de 2,5 smic, les allègements ont peu d’effet sur l’emploi. Ils se traduisent essentiellement par des augmentations de salaire, car ils attisent la concurrence des entreprises en matière de recrutement.

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Ce phénomène est d’autant plus marqué que les difficultés de recrutement sont fortes, comme actuellement. D’autre part, avec le retour de l’inflation, des mesures qui ciblent directement les ménages semblent plus efficaces que des allègements de charges pour soutenir le pouvoir d’achat de la classe moyenne.

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Les salariés de SFR attendent avec méfiance les orientations stratégiques de la nouvelle direction

La dernière fois que les représentants du personnel de SFR ont été réunis, à l’automne 2020, pour une procédure légale d’information sur les orientations stratégiques de leur entreprise, la direction leur a promis que tout allait bien. Quatre mois plus tard, elle sortait de son chapeau un plan de départs volontaires portant sur 1 700 personnes, soit près d’un salarié sur cinq, ce qui a valu à l’opérateur télécoms d’être condamné pour déloyauté par le tribunal judiciaire de Paris, en septembre 2021.

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Autant dire que la prudence règne à l’orée de la nouvelle consultation sur la stratégie pour les trois prochaines années, lancée mercredi 19 octobre. La procédure doit durer deux mois. Le départ, le 13 octobre, comme l’a révélé La Lettre A, d’Arnaud Billard, le directeur des relations sociales d’Altice France, la maison mère de SFR et d’Altice Média (RMC, BFM…), trois mois seulement après sa prise de fonctions, n’est pas de nature à rassurer. Son prédécesseur, Gabriel Tadjine, n’avait lui-même occupé ce poste que quelques semaines…

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Patrick Drahi renverse la direction de SFR

Début 2022, Grégory Rabuel, le PDG d’Altice France, s’était engagé à l’oral, devant les salariés, à ne pas toucher à l’emploi jusqu’à fin 2023. Mais, depuis, Patrick Drahi, le propriétaire du groupe, a écarté la direction. En plus de M. Rabuel, remercié le 23 août après une année seulement à ce poste, l’actionnaire a révoqué le directeur des activités grand public, Fabien Costa, ainsi que trois directeurs à l’échelon inférieur chez SFR.

« On voudrait savoir où nous allons »

La purge n’est probablement pas terminée. Dans les couloirs, les paris sur le maintien à son poste du directeur financier d’Altice France, Benjamin Haziza, sont ouverts. Le nom de François Vauthier, dont le père, Alain, est un proche de Patrick Drahi, et qui a déjà tenu les cordons de la bourse de SFR entre 2016 et 2019, revient avec insistance pour reprendre ce poste-clé. Contacté, un porte-parole de l’opérateur dément le départ de M. Haziza. Il ajoute que la consultation sur les orientations stratégiques est une procédure légale et habituelle, organisée tous les deux ans.

Après quelques mois en retrait, le retour remarqué au siège d’Altice depuis cet été d’Armando Pereira, le fidèle bras droit de Patrick Drahi, n’annonce pas forcément des jours heureux

Après le coup de chaud estival de son actionnaire, la nouvelle direction de l’opérateur joue maintenant la carte de l’apaisement. Les premiers contacts entre Mathieu Cocq, le nouveau PDG de SFR, et les représentants du personnel se sont déroulés dans un bon climat, selon plusieurs sources. « Il s’est dit à l’écoute, ouvert à la discussion et conscient de la difficulté de l’époque, après la crise due au Covid-19 et la montée de l’inflation », indique l’une d’entre elles, sous couvert d’anonymat. Le nouveau PDG a, par exemple, promis d’ouvrir les négociations annuelles obligatoires sur les salaires pour 2023 dès décembre, soit avec quelques mois d’avance sur le calendrier habituel. « Mais on sait que la direction a toujours un train d’avance sur nous et on voudrait savoir où nous allons », se méfie un représentant du personnel.

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Dans les officines, les pharmaciens manquent de plus en plus à l’appel

« C’était devenu difficile ces dernières années mais, depuis le Covid, c’est catastrophique. » Au comptoir de la pharmacie de Donzère, dans la Drôme, Brigitte Boyer, 68 ans, soupire un instant, avant d’enchaîner, dépitée : « En trente ans d’officine, je n’avais jamais vu ça. Autrefois, on parvenait à recruter en un mois ! Là, ça fait un an et demi que je cherche, sans succès, un pharmacien adjoint. » Résignée, la pharmacienne s’est finalement résolue, cet été, à fermer son commerce les samedis après-midi. Une décision prise à contrecœur, mais « nécessaire », pour « soulager un peu les équipes », épuisées par la charge de travail.

A 400 kilomètres de là, scénario semblable dans la région dijonnaise. « C’est la même galère, constate cet autre pharmacien. Pour la première fois, j’ai vu des confrères baisser le rideau pendant les vacances estivales, faute d’avoir trouvé des remplaçants pour garder la pharmacie ouverte pendant les congés de leurs salariés. »

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Entre les prescriptions médicales, le conseil aux clients et les nouvelles missions de santé comme la réalisation de tests Covid-19 et la vaccination, l’activité des pharmacies a bondi ces dernières années. Mais, après avoir accueilli avec enthousiasme l’élargissement de leurs responsabilités, les officines, confrontées à une pénurie de plus en plus criante de personnel, dépriment.

« Les difficultés de recrutement se sont accentuées. Il manque actuellement 15 000 préparateurs et pharmaciens dans le réseau officinal. Aucune pharmacie n’échappe aujourd’hui à ce phénomène », confirme Christophe Le Gall, président de l’Union nationale des pharmaciens de France. Même les territoires ultramarins sont à la peine. « Malgré une rémunération très attractive, un contrat de trente-cinq heures, et la prise en charge du billet d’avion et du logement sur place, on ne trouve personne », explique un pharmacien hors de la métropole. Sur la Toile, les annonces postées sur les sites de recrutement et les réseaux sociaux témoignent de cette quête effrénée : « Nous recherchons toujours un pharmacien », « nous avons besoin de vous », « pharmacie désespérée »

Changement de mentalité

Où sont passés les pharmaciens ? « Comme dans beaucoup d’autres professions, il y a eu une perte de personnel, due à la crise Covid. Des pharmaciens, fatigués par la charge de travail, se sont remis en question et ont déserté la profession », avance Pierre-Olivier Variot, président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine, qui souligne également le changement de mentalité des jeunes générations. « Beaucoup mettent en avant la qualité de vie plutôt que les salaires, et refusent de travailler les week-ends ou sur des amplitudes horaires larges », poursuit-il. De nombreux pharmaciens mettent en cause également les « mercenaires du Covid », ces pharmaciens qui ont préféré délaisser le salariat de l’officine pour enchaîner les réalisations de tests Covid-19 en intérim, bien plus lucratives.

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Face à l’inflation, les augmentations générales sont au centre des négociations avec les DRH

Comment l’entreprise, elle-même touchée par l’inflation, peut-elle répondre à la baisse de pouvoir d’achat de ses salariés ? Une vingtaine de responsables des ressources humaines ont partagé leurs réponses à cette question centrale, mardi 11 octobre à Paris, à l’occasion des Rencontres RH, rendez-vous mensuel de l’actualité du management organisé par Le Monde, en partenariat avec ManpowerGroup et Malakoff Humanis.

En introduction, Mathieu Plane a dressé un tableau macroéconomique du climat actuel : un « choc inédit, lié à la crise Covid, à la reprise très forte qui a suivi, puis à la guerre en Ukraine et ses conséquences sur le marché de l’énergie », a résumé l’économiste, directeur adjoint du département analyse et prévisions de l’Observatoire français des conjonctures économiques.

La résultante est connue de tous : une hausse généralisée des prix, durable, qui coûte, selon le chercheur, 3 points de produit intérieur brut à la France. Et si l’Etat absorbe une partie de ces coûts, « il reste 30 à 40 milliards d’euros : est-ce que les entreprises doivent voir leurs marges réduites, ou les salariés voir leur salaire ne pas augmenter autant que l’inflation ? ».

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La question vue sous ce prisme, c’est bien un rapport de force qui apparaît entre salariés et employeurs, et qui se tend inexorablement. Si les salaires augmentent de façon significative, avec une hausse du salaire mensuel de base de 3,1 % en glissement annuel au deuxième trimestre 2022, l’inflation dépasse les 5 %, rappelle enfin M. Plane.

Première augmentation générale en dix ans

Pour la rattraper, les augmentations générales sont au centre des négociations annuelles obligatoires (NAO), et la plupart des DRH disent avoir mis les moyens à ce sujet depuis un an. Dans l’industrie agroalimentaire, au Groupe Bel, « sur la NAO du début d’année, on a déjà doublé notre budget d’augmentation, et on a repris les échanges en septembre », explique Jérémy Sourd, responsable performance et coordination RH.

Chez SFIL, banque publique du groupe Caisse des dépôts, une augmentation générale a été décidée, la première en dix ans d’existence (combinée à des primes), dérogeant à une tradition d’augmentations individuelles considérables. Pour conserver ses collaborateurs, le cabinet de conseil Wavestone dit avoir opéré une refonte complète de sa grille des salaires à l’été 2022.

A mesure que les responsables s’expriment, il apparaît que les situations sont hétérogènes, et que toutes les entreprises n’ont pas les mêmes enveloppes à disposition, comme en témoigne Solène Hébert, DRH d’Harmonie Mutuelle : « On nous demande d’agir sur le salaire en tant que tel, mais Harmonie ne pourra pas tout financer cette année… » Tous s’accordent sur une stratégie des petits pas, où les augmentations se succèdent tous les trois ou six mois.

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« Viser le “plein-emploi handicapé” en 2027 a-t-il un sens ? »

Carnet de bureau. La salle de La Belle Etincelle était bondée, mardi 11 octobre, pour le lancement politique de la Semaine européenne pour l’emploi des personnes handicapées, prévue dans toute la France du 14 au 20 novembre. Ce restaurant dont les deux tiers du personnel sont en situation de handicap ne pouvait être mieux choisi pour afficher l’objectif gouvernemental d’atteindre le plein-emploi en 2027. Défi ? Pensée magique ? Annoncer le plein-emploi à une population dont le taux de chômage est invariablement l double de celui de la population active depuis des années laisse perplexe.

Certes, le marché du travail bouge, les difficultés de recrutement obligent les entreprises à étendre leur recherche de candidats à de nouveaux profils, des conventions ont été signées entre l’Association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées (Agefiph) et de grands groupes (E.Leclerc, Burger King, etc.), des initiatives ont été bien reçues, comme le dispositif d’« emploi accompagné » (sept mille bénéficiaires depuis 2017) ou l’événement Duoday, où se rencontrent employeurs et candidats.

Divergence sur les mesures prioritaires

Mais les chiffres sont têtus : le taux de chômage des personnes en situation de handicap est toujours à 13 %, contre 7,4 % pour l’ensemble de la population à fin 2021. Encore loin d’un idéal à 5 %. Viser le « plein-emploi handicapé » en 2027 a-t-il un sens ? Qu’en pensent les principaux intéressés, à savoir les personnes en situation de handicap et les employeurs ? A la demande de l’Agefiph, l’IFOP a interrogé quelque 8 400 handicapés et 402 dirigeants et recruteurs du 21 septembre au 4 octobre. Les résultats, qui devaient être publiés mercredi 19 octobre, révèlent que certains y croient : 18 % des personnes en situation de handicap estiment que c’est possible, c’est aussi le cas de 31 % des recruteurs.

Sur quoi se fonde leur conviction ? 33 % des personnes handicapées estiment que la société se donne les moyens d’agir pour faciliter l’accès à l’emploi. Et 60 % pensent que les difficultés de recrutement vont pousser les entreprises à se tourner vers eux ; 64 % des recruteurs le pensent aussi.

Mais les uns et les autres divergent sur les mesures prioritaires pour atteindre le plein-emploi : les recruteurs comptent d’abord sur les incitations fiscales ou les primes à l’embauche, puis sur la formation des manageurs et des salariés à l’accueil des personnes en situation de handicap.

Pas vraiment de moyens supplémentaires

Quant aux handicapés, ils croient en premier lieu à l’efficacité d’un renforcement des sanctions contre les entreprises qui ne respectent pas l’obligation d’emploi, puis à la simplification de l’accès aux aides et services spécialisés pour l’accueil et l’intégration des personnes handicapées. Ils citent aussi les incitations fiscales, mais en troisième choix, au même niveau que l’amélioration des conditions de vie au travail.

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Emploi aux Etats-Unis : les entreprises sortent le grand jeu pour retenir leurs nouveaux salariés

Dans une vidéo de quelques secondes, Lysha, une jeune femme noire aux grandes lunettes carrées, raconte sur le réseau social TikTok comment elle a quitté son nouvel emploi deux jours après son arrivée. Elle montre le badge éphémère de sa compagnie d’assurances. Et s’explique. « Je voulais travailler à distance, ils m’ont fait venir au bureau deux jours par semaine. Ils ne m’ont pas formée et m’ont tout de suite demandé de saisir des données sur mon ordinateur. Mes collègues ne me disaient pas bonjour ou comment ça va ? » Lysha a tout simplement pris ses cliques et ses claques.

Un autre clip sur TikTok, cette fois-ci d’« Abramrick » (un pseudo) : « J’avais trouvé un meilleur emploi. Mais, un mois plus tard, une autre entreprise m’a proposé encore mieux ». Il est parti. « Cela m’est arrivé », commente Alex Vega, qui lui aussi a quitté son nouvel employeur, une semaine après ses débuts, car on venait de lui offrir 30 000 dollars (environ autant d’euros) de plus par an.

S’en aller dans les premières semaines, voire lors des trois premiers mois, n’est plus du tout tabou aux Etats-Unis. Car un autre emploi semble facilement se profiler à l’horizon. Conséquence, de grands employeurs tels Meta, Netflix ou Amazon revoient leur programme d’embauche.

L’employé aux commandes

Le taux de chômage du mois de septembre reste extrêmement bas, à 3,5 %. Et la chasse aux talents bat son plein. « Il y a dix millions de postes proposés sur Internet », souligne David Lewis, le numéro un d’Operations Inc, une société consultante en ressources humaines. Et les très bons prospects « se voient offrir quatre emplois différents », renchérit Mercy Noah, la vice-présidente du capital humain chez le développeur de plates-formes vidéo Qumu Corporation. « Nous sommes toujours dans une période de remaniement d’après-pandémie, explique David Kingsley, le responsable des ressources humaines de l’éditeur de logiciels Intercom. La relation entre l’employeur et l’employé a basculé. C’est ce dernier qui est aux commandes et veut savoir quelles sont les valeurs de la compagnie. »

Si l’impression est mauvaise, il part ailleurs. Sans trop de dégâts. « Regardez les parcours sur LinkedIn, poursuit M. Kingsley. Il y a des gens qui changent d’emploi au bout de trois mois, cinq mois et personne ne s’en étonne. » De fait, le récent sondage de la plate-forme de recrutement Employ Inc montre qu’un tiers des personnes à la recherche d’un emploi pourraient facilement quitter leur poste sans avoir prévu la suite. Et 30 % avouent avoir abandonné leur nouvelle entreprise dans les quatre-vingt-dix premiers jours.

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La hausse des salaires, sujet tabou de Macron

Anne Callizo-Millet, 51 ans, infirmière dans une structure médico-sociale, est venue manifester lors de la journée de mobilisation interprofessionnelle, à Paris, le 18 octobre 2022.

Le gouvernement a-t-il tardé à repérer le conflit qui couvait dans les raffineries françaises ? Ou bien a-t-il simplement suivi à la lettre la doctrine d’Emmanuel Macron depuis 2017, consistant à laisser la main au dialogue social dans les entreprises, en s’en tenant à distance ? « Vous trouveriez ça normal, vous, dans une démocratie comme la démocratie française, d’avoir le ministre de l’économie qui participe aux négociations salariales entre une entreprise privée et les syndicats ?, s’est insurgé le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, alors qu’il était interpellé sur ce point lundi 17 octobre, sur RMC. Mais ça n’est pas du tout notre rôle ! »

En la matière, le chef de l’Etat part du principe que les questions salariales ne relèvent pas de l’Etat. C’est l’objet des ordonnances Macron de 2017, qui facilitent l’adoption d’accords collectifs dans les entreprises dépourvues de délégué syndical ou de représentant du personnel. Cette conviction était aussi très présente dans son programme de campagne de 2022. Quand les autres candidats promettaient « une grande conférence sociale sur les salaires » sur fond d’inflation croissante, voire carrément des hausses chiffrées à 10 % pour Valérie Pécresse ou Marine Le Pen, lui proposait plutôt le triplement de la prime Macron (une prime défiscalisée pour soutenir le pouvoir d’achat des ménages, plafonnée à 6 000 euros) et des dispositifs de partage des profits dans les entreprises versant des dividendes.

« Emmanuel Macron a deux convictions intangibles : il est pro-européen et il est pro-business, résume Hakim El Karoui, essayiste et consultant. Sa grille de lecture, c’est de se mettre à la place des chefs d’entreprise. Or, pour ces derniers, c’est plus simple de payer des primes que d’augmenter les salaires, qui viennent rogner la marge. »

Tentation contradictoire

Primes, intéressement, participation… Si les entreprises se sont saisies de ces instruments privilégiés par le locataire de l’Elysée, leur effet sur le pouvoir d’achat est encore difficile à mesurer. Surtout face à une inflation qui dure et devrait atteindre 4,2 % en 2023, selon l’exécutif – l’efficacité de ces dispositifs, par nature temporaires, est questionnée. « En complément des augmentations des salaires, les primes et la participation sont des outils adaptés quand il y a des chocs dont on ne sait pas s’ils sont permanents ou temporaires, observe l’économiste Philippe Martin, doyen de l’Ecole d’affaires publiques à Sciences Po. Si l’inflation dure, elles ne sont pas suffisantes. »

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