Archive dans septembre 2022

En Alsace, Baguette Box laisse les boulangers dans le pétrin

Créée en 2019, Baguette Box se voulait une solution pour les habitants des zones rurales situés en Alsace, contraints à faire des kilomètres pour trouver du pain frais. Grâce à l’installation d’une boîte de livraison à leur domicile et d’un système de commande en ligne, les consommateurs étaient assurés de pouvoir déguster leur baguette à leur réveil. Les boulangers partenaires gagnaient une nouvelle clientèle, et la start-up se rémunérait en louant ses box et en demandant des ristournes à ses fournisseurs.

Avec la crise sanitaire, le service s’est vite développé, trop vite sans doute. Son fondateur, Maurice Heitz, a voulu appliquer à la livraison rurale les mêmes recettes de croissance que celles des start-up de la tech, sans bénéficier des mêmes fonds.

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Fin 2020, soit un an après les premières livraisons, la société comptait quelque 5 000 clients, dans 300 communes, travaillait avec une centaine de boulangers et réalisait moins de 1,5 million d’euros de chiffre d’affaires. Mais sa trésorerie, déjà, s’avérait fragile. Aussi, quand au printemps, la société a commencé à payer avec retard ses fournisseurs de pain, certains d’entre eux n’ont pas hésité à stopper leur collaboration, obligeant Baguette Box à suspendre son service au début de l’été.

Importantes dettes

Placée en redressement judiciaire le 9 septembre 2022, la start-up n’a pas réussi à trouver d’autre repreneur, précipitant sa mise en liquidation mardi 20 septembre. Celle-ci ne concerne pas deux franchises du groupe, situées dans le sud de l’Alsace et à Chenonceau (Indre-et-Loire), avec qui l’administrateur judiciaire espère trouver un accord quant à l’utilisation de la marque et du logiciel de commande en ligne.

La société laisse en effet d’importantes dettes, sans actifs pour les recouvrer. « Cela représente au moins 100 000 euros de dettes pour les 35 adhérents concernés, et nous craignons que la structure ne soit recréée ailleurs, en utilisant le fichier client de Baguette Box pour court-circuiter les boulangers », souligne José Arroyo, président de la Fédération des boulangers du Bas-Rhin.

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Baguette Box avait été choisi par la région Grand-Est pour être la première société à bénéficier de la néobourse Europa, une bourse régionale fondée sur les cryptomonnaies et devant permettre aux PME locales de lever plus facilement des fonds propres. Dans le cas de Baguette Box, l’ensemble des souscripteurs ont été remboursés. « On a été surpris par cette liquidation », avoue Mark Kepeneghian, gestionnaire de la néobourse qui n’a toujours pas été lancée.

Le gouvernement invite les partenaires sociaux à négocier sur le « partage de la valeur »

Un mois après la promulgation de la loi sur la « protection du pouvoir d’achat », le gouvernement veut « aller plus loin » en essayant de peser sur la répartition des profits au sein des entreprises. Son souhait est d’engager rapidement de nouvelles réformes sur le « partage de la valeur » en associant dans sa réflexion les partenaires sociaux. Vendredi 16 septembre, le ministre du travail, Olivier Dussopt, a écrit aux syndicats et au patronat pour leur proposer d’ouvrir une « négociation nationale interprofessionnelle », dans un cadre défini par un « document d’orientation ».

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Cette note de sept pages, auquel Le Monde a eu accès, cherche en particulier à promouvoir des mécanismes, tels que l’intéressement ou la participation – entre autres –, dans les sociétés employant moins de 50 personnes.

« Simplifier » les systèmes existants

A travers cette démarche, l’exécutif invite clairement les organisations d’employeurs et de salariés à coconstruire des dispositions susceptibles d’améliorer la rémunération des travailleurs. Il se dit, en effet, prêt à « traduire les résultats de la négociation » par le biais de mesures figurant dans le budget 2023 « ou de tout autre projet de loi ». L’objectif est d’aller vite puisqu’« un retour des partenaires sociaux serait souhaitable d’ici le 1er novembre ». Les protagonistes se voient toutefois offrir la possibilité de prendre « plus de temps » pour parlementer, mais ils devront alors « informer » les pouvoirs publics sur le délai qui leur « semble approprié ».

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Trois « axes » de discussion sont esquissés dans le « document d’orientation ». Il s’agit tout d’abord « de généraliser le bénéfice de dispositifs (…) notamment dans les plus petites entreprises ». L’accent est également mis sur la nécessité de « simplifier » et de mieux articuler les systèmes existants. Enfin, l’Etat compte sur les partenaires sociaux pour trouver des idées permettant d’« orienter l’épargne salariale vers les grandes priorités d’intérêt commun ». Sont ainsi visés les « investissements responsables et solidaires », ainsi que ceux qui concourent à la « transition écologique ».

L’initiative du gouvernement est une manière de répondre à des attentes exprimées par certaines centrales syndicales, dont la CFDT. Son secrétaire général, Laurent Berger, avait déploré, dans un entretien au Monde du 31 août, que la loi sur le pouvoir d’achat n’intègre pas suffisamment « le thème du partage des richesses dans les entreprises ».

Aux Etats-Unis, ouvriers et travailleurs manuels investissent la high-tech

Richard Yvarra, 45 ans, regardait avec inquiétude son collègue sexagénaire. Le travail dans le supermarché était « réellement physique ». Cela devenait difficile de soulever des palettes de fromage, à découper ensuite en petites quantités pour les redistribuer dans les magasins. Ah, ces gros blocs de gruyères ! Ils pesaient tellement sur son dos. Ensuite, il y avait sa femme. Une intellectuelle qui venait d’emmener la famille sur la Côte est pour y poursuivre des études de doctorat à l’université Yale. « Si je pouvais travailler chez moi, comme l’ont fait tant d’autres gens pendant l’épidémie, je serais plus mobile », se lamentait M. Yvarra.

« La trentenaire Kayla Mejire, professeure à l’école Per Scholas à Dallas, en est persuadée : l’enseignement high-tech gratuit de son établissement est bien plus efficace que l’université » (Photo : école Per Scholas, à Dallas).

C’est pour toutes ces raisons que ce col bleu, ce travailleur manuel, a décidé de changer de carrière. Il s’est inscrit dans ce que les Américains appellent un « boot camp » [un terme qui désigne à l’origine l’entraînement intensif réservé aux jeunes recrues de l’US Navy] de codage pendant six mois. Là, on lui a parlé des programmes d’apprentissage du groupe IBM. Il a brûlé les étapes, fini sa formation d’« IBMer » en neuf mois, au lieu des douze habituels. Et le voilà aujourd’hui ingénieur logiciel, expert en langages de programmation Python, Java, JavaScript… et grand protecteur des applications du service financier de son groupe contre les attaques de pirates.

M. Yvarra se dit « heureux ». IBM l’a payé pendant sa formation et il peut aujourd’hui prétendre au salaire annuel supérieur à 80 000 dollars des ingénieurs logiciels… Sans avoir passé quatre ans à l’université pour y décrocher une maîtrise en informatique.

Transfuge de la catégorie « cols bleus »

M. Yvarra est ce qu’on appelle un « new collar », un « nouveau col ». Un transfuge de la catégorie cols bleus, historiquement utilisée pour désigner la classe ouvrière, vers d’autres secteurs : logiciels, électronique, traitement de l’information, technologie de l’informatique… Ces anciens cols bleus, qui n’avaient pas fait d’études universitaires, ont appris un nouveau métier pendant la pandémie, ce qui leur a permis d’accéder à des postes mieux payés, et beaucoup plus prestigieux.

Le cabinet de conseil Oliver Wyman estime qu’un douzième (8,3 %) des Américains qui officiaient dans les entrepôts, les usines, les restaurants, ou toute autre position aux fiches de paie modestes ont fait le saut vers ces nouveaux emplois du secteur high-tech, mieux rémunérés.

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Un mouvement important. « Je ne pense pas qu’on ait vu une transition de cette ampleur depuis la seconde guerre mondiale, juge Ana Kreacic, cheffe des opérations du Forum Oliver Wyman. A l’époque, les femmes et les anciens soldats qui pouvaient suivre gratuitement un enseignement supérieur avaient transformé la composition de la force de travail. » L’étude baptisée « Renaissance » d’Oliver Wyman montre que le choc dû au Covid-19 a servi de révélateur.

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« Le monde turbulent d’aujourd’hui appelle une prospérité capable de résister aux chocs »

Lorsque le monde change, les paradigmes politiques changent également ou, du moins, le devraient-ils. Dani Rodrik, économiste à Harvard, a récemment fait valoir qu’à la place de la mondialisation, de la financiarisation et de la consommation – les principes du paradigme néolibéral qui a dominé les politiques économiques mondiales ces quarante dernières années –, nous avons besoin d’un cadre qui mette l’accent sur la production, les emplois et le localisme. M. Rodrik appelle ce paradigme naissant le « productivisme ».

A une époque où la polarisation politique s’accentue dans l’ensemble du monde développé, ce paradigme productiviste a trouvé un soutien tant à droite qu’à gauche. Mais le productivisme n’est qu’une partie d’une transition plus large et plus profonde : la préoccupation néolibérale pour l’efficacité laisse la place à une autre priorité, la résilience systémique.

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Les hypothèses du néolibéralisme sur la capacité des individus et des communautés à s’adapter aux chocs économiques se sont révélées tout à fait irréalistes. La libéralisation du commerce a été une bénédiction pour le PIB, mais la plupart des gains dans les pays développés sont allés aux riches, tandis que les pertes ont été supportées de manière disproportionnée par des groupes déjà vulnérables. La mondialisation économique a réduit les inégalités entre le monde développé et le monde en développement, mais elle a également accru la concurrence géostratégique, notamment entre la Chine et les Etats-Unis. L’interdépendance est utilisée comme une arme, et le paradigme néolibéral fournit peu d’indications sur la manière de répondre aux problèmes de sécurité tels que la coercition économique et la fragilité des chaînes d’approvisionnement. Le paradigme néolibéral a peut-être accru la richesse, mais il a également augmenté les émissions de carbone, contribuant ainsi à la crise climatique actuelle. Ses adeptes n’ont pas compris que l’efficacité n’est souhaitable que jusqu’à un certain point.

Croissance inclusive

Le monde est devenu plus risqué et plus incertain, en partie à cause des politiques néolibérales qui ont exacerbé les vulnérabilités sociales, politiques, économiques et environnementales, et s’avèrent mal équipées pour répondre aux crises qu’elles ont contribué à provoquer. Tout nouveau paradigme doit permettre aux décideurs de s’attaquer aux conflits politiques et de répartition des richesses internes ainsi qu’à l’instabilité et à l’incertitude mondiales de longue durée.

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La résilience est définie comme la capacité d’absorber les chocs et de s’adapter pour continuer à fonctionner. Mais il s’agit également d’un concept systémique. Elle déplace l’analyse des décisions prises individuellement à leurs effets à long terme sur le système dans son ensemble. Elle décourage l’attention excessive portée à une mesure unique, comme le PIB, ou les rendements à court terme. Elle encourage l’équilibre entre diversification et concentration, entre indépendance et interdépendance.

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Retraites : cette réforme qui se substitue aux hausses d’impôts

ANALYSE. La réforme des retraites ne sauvera pas le système. Du moins, pas seulement. Pour la première fois, le gouvernement s’apprête à défendre une réforme des retraites pour financer autre chose que l’équilibre des différents régimes. « Ce n’est pas une réforme budgétaire », insiste François Bayrou, le patron du MoDem, proche du président de la République, dans Le Parisien. « Ce n’est pas une réforme comptable, c’est bien davantage », abonde l’ancien ministre et député Renaissance Eric Woerth, dans Les Echos.

Impossible, à ce stade, de dire à quoi la réforme ressemblera. Mais dans le narratif politique du gouvernement et de la majorité, elle constitue déjà le moyen de dégager des ressources pour financer des politiques publiques qui, sinon, devraient l’être par l’impôt. « C’est une obligation pour équilibrer notre système de retraites, mais aussi une façon de trouver des recettes pour financer d’autres politiques publiques », admet volontiers Jean-René Cazeneuve, le rapporteur du budget à l’Assemblée nationale. Quant au ministre de l’économie, Bruno Le Maire, il est encore plus clair : « Pour financer notre modèle social, soit les impôts augmentent, soit le volume global d’heures travaillées augmente. Nous ne voulons pas augmenter les impôts. » Car augmenter les impôts est bien plus impopulaire que de réformer les retraites, argumente un conseiller de l’exécutif : « Pas de hausses d’impôts, c’est un totem pour nous. Et les retraites, c’est la mère des réformes, c’est notre ADN. »

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Cette réforme, dont on ne sait rien encore, a déjà un carnet de bal bien rempli. Elle devra tout à la fois équilibrer le système des retraites à long terme, contribuer à rembourser la dette et à réduire la dépense publique – faute de quoi ce sont des impôts qu’on laissera aux générations futures, insiste, en privé, le chef de l’Etat. Mais elle doit aussi rendre possibles des politiques publiques nouvelles, aussi ambitieuses que variées. Certains députés militent même pour qu’une partie des cotisations retraites soient carrément fléchées vers la dépendance. Ce qui ne devrait pas être le mécanisme retenu finalement. « Notre majorité est très attachée à la réforme du grand âge et de l’autonomie, détaille Aurore Bergé, cheffe de file des députés Renaissance. Travailler plus, c’est avoir aussi plus de marges de manœuvre pour la financer. » Mais ce pourrait être aussi l’école, la santé, le climat. Emmanuel Macron ne s’en cache pas. Il veut utiliser « intelligemment » l’argent dégagé.

« Pacte social »

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Retraites : la tension monte avec les organisations syndicales

Si l’exécutif cherchait à ressouder les organisations syndicales, il a rempli sa mission avec efficacité. Lundi 19 septembre, le ministre du travail, Olivier Dussopt, a ouvert une concertation avec les partenaires sociaux au sujet de la réforme des retraites. A l’issue de la rencontre, les organisations de salariés ont exprimé unanimement leur inquiétude et leur hostilité face à un projet qui demeure flou, sur le plan du contenu comme de la méthode, pour le faire passer au Parlement.

Le rendez-vous de lundi avait pour objet « d’échanger sur les conclusions du rapport du Conseil d’orientation des retraites [COR] », rendu public quatre jours auparavant. Ce document montre que les régimes de pension, pris dans leur globalité, ont renoué avec les excédents en 2021, mais qu’ils devraient replonger dans le rouge à partir de 2023 et rester déficitaires au moins jusque dans la deuxième moitié des années 2030.

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L’ordre du jour proposé par M. Dussopt a été commenté avec perplexité, voire ironie, par les représentants syndicaux, qui ont répondu aux journalistes sur le trottoir, devant l’entrée du ministère du travail. « On nous a fait une présentation synthétique du rapport du COR, que nous avions tous lu et auquel nous avions [déjà] tous réagi », a relaté Dominique Corona, secrétaire général adjoint de l’UNSA, en se demandant « quel était l’objectif de cette réunion ». « On ne sait pas trop pourquoi on est venus, très honnêtement », a renchéri Cyril Chabanier, président de la CFTC. Michel Beaugas, secrétaire confédéral de FO, a, de son côté, eu l’impression que le ministre du travail voulait expliquer à ses invités « comment bien lire le rapport du COR ». C’était « la retraite pour les nuls », a lancé Catherine Perret, numéro deux de la CGT, sur le ton de la moquerie.

« Il n’y a pas le feu »

Les discussions ont porté sur la même batterie de chiffres, mais M. Dussopt et les organisations de salariés en ont tiré des enseignements très différents. Pour le locataire de la Rue de Grenelle, le système n’est pas équilibré dans la durée, ses ressources étant insuffisantes pour assurer toutes les dépenses de pension. Dès lors, il faudrait le ramener sur la ligne de flottaison, en demandant aux actifs de travailler plus longtemps, ce qui augmentera les rentrées de cotisations et allégera le poids des retraites.

« On a un ministère qui vise à noircir la perspective financière des régimes (…) pour légitimer une mesure qui interviendrait rapidement », a estimé Yvan Ricordeau, secrétaire national de la CFDT. « On a senti qu’Olivier Dussopt rodait les éléments de langage du gouvernement (…) dans le but de foncer », a complété Benoît Teste, secrétaire général de la FSU. Les deux responsables syndicaux font allusion aux déclarations d’Emmanuel Macron, le 12 septembre, qui ont replacé en tête des priorités la réforme des retraites, avec un possible relèvement de l’âge légal de départ ou une augmentation de la durée d’assurance pour toucher une pension à taux plein. Désormais, le chef de l’Etat n’écarte pas l’idée d’introduire ces changements dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2023, dont l’examen débute à l’Assemblée nationale dans la deuxième semaine d’octobre.

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Chez Camaieu, « environ 700 emplois » menacés

Dans un centre commercial à Rennes (Ille-et-Vilaine), le 18 août 2020.

Camaieu multiplie les appels au secours. Depuis début août, l’enseigne d’habillement féminin détenue par Hermione People & Brands (HPB), filiale de la FIB, société fondée par l’homme d’affaires bordelais Michel Ohayon, cherche des investisseurs ou des repreneurs. Il ne lui reste que quelques jours pour boucler son plan de continuation. Mercredi 28 septembre, ses dirigeants doivent, en effet, présenter la version définitive de leur stratégie pour relancer l’entreprise placée en redressement judiciaire début août.

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Un « préprojet » a été présenté, le 13 septembre, aux juges commissaires du tribunal de commerce de Lille, puis, le lendemain, aux représentants du personnel, précise un porte-parole de la firme, sans vouloir confirmer l’ampleur du plan social qui menace l’entreprise fondée, en 1984, à Roubaix (Nord).

Vente du siège

Car, deux ans après avoir repris Camaieu, à la barre du tribunal de commerce de Lille, s’être engagé à conserver 2 600 des 3 100 salariés et avoir promis de redresser la chaîne grâce à 511 de ses 634 magasins, HPB prévoit une nouvelle saignée. « Environ 700 postes » seraient menacés, calcule Thierry Siwik, délégué syndical CGT.

Lors d’une réunion avec le comité social et économique de Camaieu, HPB a assuré être en mesure de reclasser une partie du personnel concerné, rapporte ce dernier. En dépit de la crise que traverse le secteur d’habillement, le groupe dit pouvoir leur assurer un emploi au sein de Go Sport ou de Gap, enseignes qu’il exploite aussi en France.

Le montant des dettes de Camaieu, que la mise en redressement judiciaire a gelées, atteindrait 250 millions d’euros, selon la CGT

Ce plan entraînerait la fermeture de 40 % des magasins Camaieu, soit 208 des 508 points de vente, selon une lettre adressée par les administrateurs judiciaires aux élus du personnel. La cession de certains actifs y serait aussi envisagée. A commencer par la vente du siège social de Roubaix et de son entrepôt, pour un montant évalué à 14 millions d’euros, selon M. Siwik. Une somme censée financer en partie le plan de relance qui, au total, exigerait 60 millions d’euros, d’après ce représentant syndical. Mais ce projet aurait été écarté par les autorités judiciaires.

En toute urgence, d’ici au 28 septembre, HPB doit donc revoir le financement de ce plan. Le groupe bordelais dit « sans les nommer, avoir le soutien de trois partenaires financiers », rapporte M. Siwik. « Mais qui peut accorder des fonds aujourd’hui à M. Ohayon ? », s’interroge un avocat qui représente l’un des créanciers de l’entreprise. Car les professionnels du financement savent combien l’entreprise a laissé des ardoises auprès de bailleurs, de fournisseurs ou de prestataires de services : le montant des dettes de Camaieu, que la mise en redressement judiciaire a gelées, atteindrait 250 millions d’euros, selon la CGT.

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Les DRH entre grande fatigue et devoir d’optimisme pour inventer de nouvelles normes

Enfin une rentrée normale ? C’est sur cette question que se sont penchés une quinzaine de responsables des ressources humaines réunis mardi 13 septembre à Paris, à l’occasion du rendez-vous mensuel de l’actualité RH, les Rencontres RH organisées par Le Monde en partenariat avec ManpowerGroup et Malakoff Humanis.

« Je ne pense pas qu’il s’agisse d’une rentrée normale, mais plutôt d’une rentrée sous le signe de l’épuisement », a directement introduit Fanny Lederlin, doctorante en philosophie et auteure des Dépossédés de l’open space. Une critique écologique du travail (PUF, 2020), avant d’indiquer que 41 % des salariés étaient en détresse psychologique en juin 2022. Elle explique cette « grande fatigue » par deux années de Covid, bien sûr, mais aussi par « des années de réorganisation des modes de travail ».

Fatigue certes, mais devoir d’optimisme, répondent quasi unanimes les responsables des ressources humaines présents aux Rencontres, quel que soit leur secteur d’activité. « Le rôle social du travail peut expliquer un manque d’engagement. On sent une sorte de fatigue, tout du moins de manque d’énergie, concède Juliette Couaillier, responsable recrutement du groupe de communication Havas. Mais chez nous, il y a une vraie dynamique. En deux ans, on a recruté 400 personnes en CDI. »

Le salarié perçu comme un « consommateur »

« Ce n’est pas tant de l’épuisement qu’un questionnement sur la capacité à se réinventer en permanence, renchérit Robin Sappe, le DRH d’Etam. On est dans le management de l’incertitude. Pendant deux ans, nous avons navigué dans un environnement totalement nouveau. Il y avait une aspiration à revenir à un mode d’organisation classique. Mais on constate qu’on continue à prendre des décisions dans un contexte qui bouge, avec des salariés qui n’hésitent pas à dire leur désaccord et qui ne sont pas là où on les attend. »

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Les gros dossiers sont de retour. « En cette rentrée, on n’a certes plus la crise sanitaire, mais le retour de l’inflation. On n’était plus trop accoutumés à avoir les aspects salariaux au premier chef. Et le sujet sobriété énergétique s’est imposé », explique Marc Landais, DRH de l’Agirc-Arrco. Pour Olivier Ruthardt, DRH de Malakoff Humanis, « les DRH ont un devoir d’optimisme et d’énergie avec beaucoup, beaucoup de collectif, dans une situation paradoxale : les salariés ne prennent plus dans le collectif que ce qui les intéresse ».

Le salarié est désormais perçu par les DRH comme un « consommateur ». Pour l’expliquer, Juliette Couaillier parle du « phénomène de “je peux à tout moment me retirer” ». « Les responsables des ressources humaines vont devoir mettre en avant le collectif », insiste Marc Landais.

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Emploi et transition écologique : « Tant qu’un plan national n’existera pas, ça ne marchera pas »

Un ouvrier dans l’usine à charbon de Saint-Avold (Moselle), le 12 septembre 2022.

Quel avenir pour les salariés des secteurs dont l’activité est amenée à se tarir si la France veut tenir ses objectifs de réduction d’émissions de CO2 ?

Conscientes que la transition ne sera pas juste socialement sans prise en compte de cette question clé, les vingt-sept associations fédérées au sein du Réseau action climat (RAC), tirent, dans un rapport publié mardi 20 septembre avec l’Institut Veblen, un premier bilan de l’accompagnement des salariés des centrales électriques à charbon françaises dont la fermeture devait être achevée cette année : celles d’EDF de Cordemais (Loire-Atlantique) et du Havre (Seine-Maritime), et de GazelEnergie de Gardanne (Bouches-du-Rhône) et de Saint-Avold (Moselle).

« Ce qui a été mis en place est un peu exceptionnel. Nous voulions donc savoir si le résultat était satisfaisant et quels enseignements en tirer », explique Céleste Duriez, responsable climat et emploi au RAC, qui a interrogé salariés, syndicats, opérateurs des centrales et élus des territoires concernés. Le rapport tire aussi les leçons du passé, de la fermeture des mines. Car, établit-il, « même si la transition écologique crée davantage d’emplois qu’elle n’en supprime, les fermetures ou suppressions de postes pour motif environnemental seront amenées à se reproduire ».

Temporalités différentes

La fermeture des dernières centrales à charbon a été induite par la loi énergie-climat adoptée en 2019, qui, en limitant leur production annuelle, a acté de fait leur mise à l’arrêt. L’enjeu écologique a ainsi officiellement justifié des destructions d’emplois.

L’accompagnement proposé par l’Etat a-t-il été à la hauteur ? « Le volet social a été pris au sérieux (…) la démarche est la bonne, estime le rapport. Pour autant, cet accompagnement est apparu insuffisant sous plusieurs aspects. »

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Premier bémol : le calendrier prévoyait que les quatre centrales aient fermé en 2022. Cordemais fonctionnera finalement jusqu’en 2024 et une tranche de celle de Saint-Avold, arrêtée en mars, redémarrera le 1er octobre, en raison de la crise énergétique liée à l’invasion russe en Ukraine. « L’impératif écologique n’est pas respecté, le climat comme les salariés en pâtissent », déplorent les auteurs. L’incertitude liée au « stop and go » pèse sur la capacité des personnels à se projeter dans un nouveau projet professionnel.

La plupart des 550 salariés des centrales EDF ont été reclassés sur d’autres sites EDF – mais à plus de 50 kilomètres de chez eux

La transition s’est faite en quatre ans. Long pour un plan social, mais « court sur le plan industriel », souligne un sous-préfet dans le rapport. Comment trouver l’équilibre entre ces temporalités différentes ? Il faut anticiper davantage ces décisions lourdes. Et s’y tenir. « On a un grand besoin de clarté du discours politique sur la trajectoire de ces industries émettrices. Il faut un cap clair », insiste Mme Duriez.

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