Archive dans mars 2022

« L’enjeu n’est pas de “garder” les enfants, mais bien de développer au mieux leur potentiel »

Tribune. A la suite du scandale de la prise en charge des personnes âgées chez Orpea, les trois coprésidents du Syndicat national des médecins de protection maternelle et infantile (PMI) ont soulevé, le 23 février, dans une tribune publiée par Le Monde, la question de la qualité de l’accueil des tout-petits, craignant qu’une « privatisation » des crèches puisse conduire aux mêmes effets. De fait, à l’heure où notre pays s’inquiète pour son avenir, quoi de plus important que de développer pleinement le potentiel de nos enfants ?

Mais l’enjeu majeur n’est pas tant le statut des crèches – du privé, du public ou du monde associatif – que la formation reçue par les professionnels, qui conditionne la qualité des soins et de l’accompagnement qu’ils prodiguent aux très jeunes enfants. Manque dramatique de places d’accueil pour les tout-petits, insuffisante qualification globale des professionnels, déficit criant d’attractivité du secteur et de reconnaissance des professionnels : le secteur de la petite enfance fait face à des défis majeurs.

Simples, concrètes et efficaces, les réponses existent, avec trois priorités : augmenter les capacités d’accueil des tout-petits, élever le niveau de qualification des professionnels et les revaloriser.

Trouver une place d’accueil pour nos enfants, les parents le vivent au quotidien, c’est le parcours du combattant ! Aujourd’hui 40 % des enfants de moins de 3 ans n’ont aucune solution d’accueil, collectif ou individuel (crèche, assistante maternelle, garde d’enfants à domicile).

Deux cent mille places

Alors que les besoins non couverts sont estimés à au moins deux cent mille places (qui empêchent les parents concernés de reprendre le travail), la situation se dégrade. Depuis 2015, les créations de places en crèche ne suffisent plus à compenser la baisse continue du nombre d’assistantes maternelles.

Mettons enfin en place un véritable « droit opposable à l’accueil des jeunes enfants » et investissons en conséquence dans l’augmentation des places d’accueil et le recrutement de professionnels, qui font aujourd’hui cruellement défaut. Mais disons-le clairement : si créer des places d’accueil est nécessaire, c’est le nombre et la compétence des professionnels qui font la différence. D’où l’importance décisive des deux autres priorités que nous proposons.

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La qualité de l’accueil des tout-petits dépend d’abord et avant tout du niveau de qualification et de compétence des professionnels. Or nous sommes loin des pays de référence, comme les pays nordiques. Si, en France, il faut un bac + 5 pour éduquer et instruire les enfants en école maternelle, parfois aucune qualification n’est requise pour les mille premiers jours de l’enfant ! Il est urgent de mettre fin à cette situation absurde.

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« De fortes disparités socioéconomiques existent dès les premiers jours de vie »

Tribune. La petite enfance est une phase-clé pour le développement cognitif, social et émotionnel, ainsi que pour la croissance et la santé. De fortes disparités socio-économiques existent dès les premiers jours de vie dans presque tous les pays. La France n’est pas à l’abri de ces inégalités. Jusqu’à récemment, il y avait peu d’études sur le sujet, faute de grandes enquêtes représentatives au niveau national sur les jeunes enfants permettant de croiser origines sociales, santé et bien-être des enfants. L’Etude longitudinale française depuis l’enfance (Elfe), qui suit plus de 18 000 enfants nés en 2011, a permis de faire plusieurs constats.

Il en ressort que, malgré un système de protection sociale généreux envers les familles, les inégalités socioé-conomiques de santé et de développement sont très marquées en France, dès la naissance. Par exemple, on observe un plus fort risque de prématurité ou de faible poids à la naissance chez les ménages les plus défavorisés. C’est aussi visible en matière de développement du langage. Alors que, en moyenne, aux alentours de leurs 2 ans, les enfants connaissent 74 mots parmi une liste de 100 mots proposés, ceux dont la mère a un niveau de diplôme inférieur au BEPC en connaissent 4 de moins, tandis que ceux dont la mère a un diplôme bac + 2 ou plus en connaissent 6 de plus. Vers 5 ans, des inégalités en matière de santé mentale sont mesurées, avec les enfants de milieu défavorisé à plus grand risque de connaître des difficultés socio-émotionnelles.

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Quels mécanismes produisent ces inégalités et comment y remédier ? Les politiques du quinquennat actuel ont surtout misé sur les modes d’accueil extérieurs à la famille et l’éducation précoce. Depuis 2019, l’âge de l’instruction obligatoire a été abaissé à 3 ans (au lieu de 6), avec l’objectif théorique de réduire les inégalités sociales dès le plus jeune âge. L’une de ses mesures-phares de la stratégie nationale de prévention et d’action contre la pauvreté est de favoriser l’accès en crèche aux plus fragiles, notamment à travers la création d’un bonus mixité pour encourager la diversité sociale, et d’un plan de formation des professionnels de la petite enfance.

Est-ce que ces politiques fonctionnent ? Réduisent-elles les inégalités pendant la petite enfance ? Si on manque encore, à regret, d’évaluations directes de ces mesures, nos études suggèrent que oui, mais seulement jusqu’à un certain point.

Facteurs-clés

Le développement du langage, par exemple, diffère entre les enfants selon le mode d’accueil utilisé. Les enfants accueillis en crèche ont acquis un vocabulaire plus riche que ceux gardés par les parents ou par les grands-parents, et ce, surtout chez les enfants plus défavorisés. Le contact avec des professionnels de la petite enfance, proposant des activités adaptées, pourrait être source d’enrichissement du vocabulaire. Les modes d’accueil collectif pourraient donc être des outils pour atténuer les inégalités. Mais ces modes d’accueil sont encore inégalement répartis à la fois territorialement et socialement, car accessibles en priorité aux parents en activité professionnelle et pouvant en supporter le coût (même si celui-ci est souvent modulé selon les revenus).

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Formation : « Pourquoi ne pas adjoindre aux embauches en CDI des jeunes un dispositif de nature comparable à celui du marché des footballeurs ? »

Tribune. Malgré deux années marquées par la crise sanitaire, les indicateurs du marché du travail ont incontestablement évolué dans le bon sens. Le taux de chômage a, en particulier, reculé de 2,5 points entre début 2017 et fin 2021 pour s’établir à 7,4 %. La diminution est encore plus marquée s’agissant des jeunes, dont le taux de chômage baisse d’environ 5 points pour s’établir à 17,6 % en janvier. Il s’approche ainsi de la moyenne de l’Europe des 27 (14,9 %). Ce constat fait certainement écho à l’essor des contrats d’apprentissage, puisque 650 000 ont été signés en 2021 contre moins de 300 000 en 2017, ce qui représente aujourd’hui un emploi sur cinq chez les moins de 25 ans.

Pour autant, le chemin reste long pour rattraper l’Allemagne, où seulement 6,1 % de la population active des 15-24 ans est au chômage. Une option est certainement de continuer à mettre l’accent sur les contrats d’apprentissage, avec des conditions qui permettent aux employeurs d’embaucher à moindre coût, même si, pour la puissance publique, le montant des aides fournies approche déjà les 2 milliards d’euros (aides exceptionnelles Covid-19 incluses).

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Mais, plus généralement, les difficultés d’insertion des jeunes tiennent à la dualité de notre système entre, d’un côté, des CDI très protecteurs et, de l’autre, des CDD exposant à une certaine précarité. Les différentes réformes adoptées lors du quinquennat de François Hollande (loi El Khomri en 2016) puis d’Emmanuel Macron (« ordonnances travail » en 2017) n’ont que partiellement résolu ce problème : la part des emplois précaires dépasse encore les 33 % chez les jeunes, contre moins de 10 % pour les autres groupes d’âges.

Face à une certaine frilosité des entreprises à embaucher et à former les jeunes peu qualifiés, ne serait-il pas nécessaire de favoriser le recours aux CDI également pour cette population ?

Outils de régulation

Un des problèmes rencontrés par les entreprises est en effet celui du risque de débauchage : former un jeune est coûteux, et il est difficile pour l’employeur de se prémunir contre le risque du départ du jeune une fois formé vers une autre entreprise, et de voir ainsi les investissements en formation engagés profiter à un autre employeur. Le corollaire est un déficit d’embauches et de formations des jeunes sur le marché du travail.

Cette problématique est fortement présente sur un marché de l’emploi qui pourrait paraître bien éloigné de ces préoccupations : celui des joueurs de football, où la fréquence des mobilités de joueurs entre clubs est très élevée.

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« Un revenu universel de formation serait de nature à promouvoir l’autonomie des jeunes »

Tribune. Nombreux sont les jeunes de 18 ou 19 ans qui ne disposent ni de la formation de base ni des ressources nécessaires pour pouvoir trouver un travail qualifiant, et nombreux sont les étudiants issus de familles défavorisées qui doivent sauter des repas ou renoncer à des soins médicaux pour pouvoir terminer leurs études. Alors que, selon certains, toute allocation vaut assistanat et pousse l’individu à la paresse, un revenu universel de formation serait de nature à promouvoir l’autonomie des jeunes en leur donnant les moyens d’agir et de décider de leur avenir.

Il ne s’agit pas là seulement de rendre justice aux jeunes, lesquels ont payé un lourd tribut pendant la pandémie de Covid-19 (études interrompues, multiplication des cas de détresse psychologique), il s’agit surtout d’investir intelligemment dans la croissance économique en permettant à davantage de jeunes d’être en situation d’innover et de maîtriser les savoirs de pointe. C’est en premier lieu à travers l’éducation et l’augmentation du niveau moyen des étudiants que l’on stimule l’innovation (« Tapping into Talent : Coupling Education and Innovation Policies for Economic Growth », Ufuk Akcigit, Jeremy G. Pearce & Marta Prato, Working paper n° 27862, NBER, septembre 2020).

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Quelle forme un tel revenu de formation devrait-il prendre ? Faut-il simplement étendre le RSA aux jeunes de 18 à 24 ans ? Ou bien faut-il, comme le proposait l’économiste américain Milton Friedman (1912-2006), instaurer un « impôt négatif » pour les individus à faibles revenus : le principe est de transférer un même montant fixe à tous les individus, et en même temps de lever un impôt progressif sur les revenus au-dessus d’un certain seuil.

Exigence de résultats permanente

Mais ces solutions ont l’inconvénient de ne demander aucune contrepartie. Notre approche est radicalement différente : il s’agit d’un co-investissement de chaque jeune et de l’Etat dans la formation et le capital humain, avec une exigence de résultats permanente. C’est l’approche danoise. Au Danemark, tout étudiant qui quitte le foyer familial touche un revenu mensuel de 800 euros, mais ce revenu s’interrompt dès que l’étudiant prend plus de six mois de retard dans la poursuite de son cursus.

Le revenu universel de formation jeunes que nous proposons concernerait en effet les étudiants et les apprentis. Il s’ajouterait donc aux dispositifs existants d’insertion pour les jeunes qui ne sont ni en formation ni en emploi. Il s’articulerait sur deux piliers, avec des passerelles pour passer d’un pilier à l’autre : un « revenu universel étudiant », et un « revenu universel d’apprentissage ».

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Guerre en Ukraine : des employés des magasins Leroy-Merlin pris à partie par les clients

Un magasin Leroy-Merlin, à Bayonne (Pyrénées-Atlantiques), le 24 mars 2022.

Après un mois de guerre en Ukraine, la colère qui s’exprime contre les entreprises françaises ayant choisi de rester en Russie ne se cantonne plus aux réseaux sociaux. Elle vise désormais les magasins, où les employés de Leroy-Merlin en France sont pris à partie par les clients. « Ça a commencé après le bombardement du magasin en Ukraine [le 20 mars], précise Bernard Vigourous, délégué syndical central FO de l’enseigne. Les témoignages des salariés ont commencé à affluer. »

Certains sont traités d’« assassins » ou de « nazis ». D’autres entendent les clients leur dire « Je souhaite que vos enfants meurent sous les bombes » ou les menacer d’un « On va mettre le feu à ce magasin ». « Un client m’a sorti : “Vous n’avez pas honte d’être tranquillement assise à votre caisse pendant que vos collègues meurent. Vous devriez vous mettre en grève” », raconte une employée sur le réseau social Facebook.

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Ces agressions verbales se produisent un peu partout en France. « Besançon, Nice, Bordeaux… En revenant à Toulouse, dans mon magasin, j’en parle à mon collègue, qui me dit que, la veille, il s’était fait traiter deux fois de “collabo de Poutine” », narre M. Vigourous, avant de s’interroger : « C’est quand même étrange qu’un client insulte le personnel, tout en venant dépenser son argent dans le magasin pour faire son bricolage chez lui. »

« Il faut que la direction assume ses positions »

Le syndicaliste a évoqué tous ces témoignages de salariés dans un courriel adressé, mardi 22 mars, à la direction, laquelle lui a assuré « prendre le sujet très au sérieux ». En attendant, les employés des trois enseignes de la famille Mulliez (Decathlon, Auchan et Leroy-Merlin) implantées, pour certaines, depuis près d’une vingtaine d’années doivent assumer, malgré eux, la décision de leur entreprise. Tout en étant estampillés « sponsors de la machine de guerre russe » par le président ukrainien Volodymyr Zelensky. « La décision de partir ou de rester n’est pas du ressort des salariés. Il faut que la direction argumente et assume ses positions plutôt que de rester dans le flou », estime Bernard Vigourous.

Philippe Zimmermann, directeur général d’Adeo, la maison mère de Leroy-Merlin, est sorti de son silence dans La Voix du Nord, mercredi 23 mars, se disant « heurté d’être considéré comme un sponsor de la guerre ». Il estime que « fermer serait un abandon, considéré comme une faillite préméditée, donnant lieu à des expropriations. Ce serait faire un cadeau de l’entreprise et de ses actifs au régime russe, et renforcer la guerre ».

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Jeunes actifs, votre reconversion dans un métier manuel a échoué ? Témoignez

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Grève à la RATP contre les effets de la future concurrence

Les syndicats de la RATP l’avaient promis : après leur grève coup de poing du 18 février, qui a paralysé une grande partie du réseau de transport public parisien, il y aurait un nouveau rendez-vous social à l’approche du printemps. Ce sera chose faite vendredi 25 mars, avec une nouvelle journée de mobilisation des salariés de la Régie des transports, laquelle s’annonce moins perturbée que la précédente.

La direction de la RATP a indiqué, mercredi 23 mars, que le trafic serait quasi normal sur le réseau ferré souterrain (métro et RER), avec de « légères perturbations » sur cinq lignes (les métros 2, 5, 8, 9 et 13). En revanche, le réseau de surface sera plus touché, avec un tram sur deux ou trois (aux heures de pointe) et un tiers des lignes de bus interrompues, 50 % des véhicules circulant là où la desserte est maintenue.

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C’est donc une grève à front renversé par rapport à la précédente, où le métro avait été paralysé et où le moteur principal de la colère était la question des salaires. Là, ce sont les conducteurs de bus et de tramway qui se mobilisent contre les effets attendus de la concurrence, laquelle va concerner au premier lieu les 16 000 machinistes bus et 1 000 traminots de la Régie (sur 45 000 salariés de l’établissement public RATP).

« Les machinistes vont perdre six jours de congés par an »

L’entreprise est en pleine négociation avec les syndicats sur une nouvelle organisation du travail qui se mettra en place lors du basculement dans un système concurrentiel du réseau historique de bus de la RATP, le 1er janvier 2025 (2029 pour les trams, mais ils sont inclus dans la négociation). A cette date, les machinistes auront basculé soit chez le concurrent (Transdev ou Keolis, qui ont marqué leur intérêt pour ce marché), soit dans RATP Cap Ile-de-France, une nouvelle filiale de la RATP spécialement créée pour répondre aux appels d’offres.

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Or tous devront se conformer à un « cadre social territorialisé » (CST), dont les caractéristiques d’organisation du travail sont mieux-disantes que celles de la convention collective du secteur, mais moins protectrices pour les salariés que celles en vigueur à la RATP. La nouvelle organisation du travail entrera en vigueur le 1er juillet

« Tout l’enjeu des négociations, qui doivent se terminer courant avril, est de rapprocher nos règles maison de ce CST », souligne Jean Agulhon, le DRH de la RATP. Cela explique le coup de pression de la grève et l’attitude des syndicats, qui rejettent d’emblée les propositions de la direction. « Les machinistes devront travailler quarante minutes de plus par jour qu’aujourd’hui et ils vont perdre six jours de congés par an », détaille Bertrand Hammache, délégué central CGT. Les salariés craignent aussi une augmentation des services avec coupures, plus longs et morcelés. « Sur la division bus, on atteint 70 % de grévistes, note Arole Lamasse, délégué UNSA RATP. C’est une réponse claire à la direction du groupe. »

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Les licenciements massifs chez la compagnie de ferries P & O révèlent la faiblesse du droit du travail britannique

Lors d’une manifestation contre le licenciement de 800 salariés de la compagnie de ferries britannique P&O, à Douvres, en Angleterre, le 18 mars.

Jeudi 17 mars, 800 salariés britanniques de la compagnie de ferries P & O ont appris par le biais d’une vidéo préenregistrée, qu’ils étaient tous licenciés avec effet immédiat. Près d’une semaine plus tard, mercredi 23 mars, les ferries de la société britannique assurant la liaison cruciale entre Calais et Douvres étaient encore à quai, et cette annonce brutale n’en finit pas de faire des vagues au Royaume-Uni. Les manifestations se succèdent – à Douvres, Hull, Liverpool ou Londres –, et l’opposition travailliste tance le gouvernement conservateur de Boris Johnson d’agir pour renforcer un droit du travail pas assez protecteur.

« Jeudi, on a appris qu’on devait ramener les bateaux à quai et attendre une annonce de l’entreprise. Des collègues m’ont dit qu’ils voyaient des agents de sécurité sur le quai, je leur dis de ne pas les laisser monter », raconte Philip Lees, membre de Nautilus, un des principaux syndicats d’officiers de marine britannique, et licencié lui aussi le 17 mars. « A 11 heures, un directeur des ressources humaines a fait l’annonce sur [la messagerie] Teams, les équipes avaient cinq minutes pour quitter le navire, les personnels de la sécurité étaient agressifs, ils avaient des menottes. C’était brutal, planifié comme une opération militaire. J’étais choqué et très en colère », témoigne ce salarié, qui a consacré trente-trois ans de sa carrière à P & O.

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Depuis, M. Lees comme des centaines de collègues défilent pour réclamer leur réinsertion et l’interdiction de la pratique, prohibée ailleurs en Europe, du « fire and re-hire » – le licenciement avec réembauche dans la foulée, à des conditions bien moins avantageuses (il suffit pour l’employeur de justifier de conditions économiques dégradées). « P & O propose déjà aux officiers qu’il vient de licencier des réembauches, mais en sous-traitance, avec des conditions de travail et de salaire dégradées et un contrat de droit maltais », assure au Monde Mark Dickinson, le secrétaire général de Nautilus. « En 2021, un changement législatif a été tenté [par les travaillistes], mais la majorité conservatrice s’y est opposée », précise-t-il.

« La sécurité nous inquiète »

Autre faiblesse de la législation britannique : « L’obligation d’un salaire minimum pour les salariés des ferries et cargos, quels que soient leur nationalité et leur pavillon, n’a été adoptée qu’en 2020, et il y a encore trop de marins qui sont juste payés à ce salaire minimum », affirme James Stockbridge, officier de marine employé d’une autre compagnie venu défiler en solidarité avec les ex-P & O, à Londres, lundi 21 mars. Sans compter que cette loi ne s’applique que sur les eaux territoriales britanniques.

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Devenir coach pour « redonner du sens à sa vie » : une reconversion dans l’air du temps

Les aspirants coachs ont envie de se « rendre utiles ».

Sur le tableau, des schémas représentent des montagnes à gravir ou des personnages reliés par des flèches. Ce matin-là, un groupe de huit inscrits au diplôme « Pratiques du coaching » de l’université Paris-VIII revient sur les séances menées par chacun dans le cadre de la formation. Devant les autres participants, Anne Thouin, 47 ans, évoque ses doutes. « Parfois, je me demande si je ne vais pas au-delà de mon rôle de coach avec mes clients, si je ne déborde pas sur le cadre de la thérapie », raconte cette ancienne enseignante, qui a décroché de l’éducation nationale pour se lancer dans le coaching. Nabil Tak Tak, le coordinateur pédagogique de la formation, précise à voix basse : « Ils sont bien aiguillés sur ce point : nous ne sommes pas des psychologues. »

Dans cinq groupes similaires, de futurs reconvertis travaillent ainsi la posture du coach. Ils apprennent à poser le cadre d’une séance et à guider le client vers son objectif en utilisant notamment la psychologie positive. Ce diplôme, organisé sur trois jours par mois pendant un an, est proposé en formation continue pour des profils de niveau bac + 3 au minimum – dans les faits, le plus souvent des cadres qui voient dans le coaching une manière de réinventer leur vie professionnelle. Une reconversion dans l’air du temps : le nombre de coachs a augmenté de 33 % entre 2015 et 2019, selon une étude internationale d’une des principales associations professionnelles, l’International Coach Federation. En France, 1 600 coachs sont accrédités aujourd’hui par cette structure, deux fois plus qu’il y a sept ans. Et le Syndicat interprofessionnel des métiers de l’accompagnement, du coaching et de la supervision (Simacs) compte 5 000 adhérents.

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Avec des parcours facturés de quelques centaines d’euros à 20 000 euros l’année (5 000 euros à Paris-VIII), nombre de centres de formation se sont positionnés sur ce créneau florissant. Les responsables du diplôme « Pratiques du coaching » de Paris-VIII ont, eux, décidé de réduire leurs capacités d’accueil : les deux promotions sont passées de 50 à 35 étudiants chacune. « On ne veut pas sursaturer un marché qui l’est déjà. Aujourd’hui, tout le monde veut devenir coach », explique Nabil Tak Tak. L’attrait pour cette profession, il l’associe à une « quête de sens, nourrie par des actualités anxiogènes », et à l’urgence de se « rendre utile », par exemple face au constat de dysfonctionnements dans le monde de l’entreprise, dont proviennent souvent ces aspirants coachs.

Confiance en soi, parentalité, orientation…

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« Cultures et management international » : s’adapter aux pratiques locales

Au Japon, « la communication tacite et l’évitement du conflit » structurent les échanges. Un interlocuteur préférera, par exemple, « ne jamais opposer de refus, laissant l’autre comprendre le sens de ses propos sans qu’il ait eu à les formuler », expliquent les auteurs de Cultures et management international (Presses des Mines). Une sorte de « télépathie culturelle » qui pourra plonger les professionnels occidentaux non avertis dans l’incompréhension et le désarroi.

Que se passe-t-il quand « des cultures se rencontrent » ? Tel est l’objet de l’essai de Philippe d’Iribarne, Jean-Pierre Segal, Sylvie Chevrier, Alain Henry et Geneviève Tréguer-Felten. Au fil des pages, ils enchaînent les immersions dans des entreprises à travers le monde pour saisir les « malentendus destructeurs » comme les « coopérations fécondes ». Ces études de cas sont le résultat d’une quarantaine d’années d’investigations menées dans une cinquantaine de pays par les auteurs, qui coopérèrent au sein du groupe de recherche Gestion & Société.

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Leur constat : l’influence culturelle affleure derrière l’ensemble des pratiques managériales. De la direction d’une équipe à la gestion des clients, de l’art de décider à la mise en œuvre d’une démarche éthique, les rapports sociaux engagés dans chacune de ces actions « sont à la source d’émotions et de réactions parfois très vives ». Ce qui apparaîtra à certains collaborateurs comme une norme souhaitée pourra heurter les salariés d’une autre nationalité.

La recherche de « l’efficacité collective »

La question du leadership en donne un bon exemple. Selon les pays, la définition que se font les salariés d’un « bon chef » varie : aux Etats-Unis, la personnalité du leader importe, son charisme joue. Il doit savoir motiver ses équipes par ses qualités propres. Outre-Atlantique, on « travaille “pour” son chef ». Les choses sont différentes en Allemagne. Le manager y est en premier lieu le garant d’une efficacité collective, à travers sa capacité à clarifier le partage des tâches. En France, enfin, la motivation des salariés viendra avant tout de la confiance que leur chef saura leur témoigner.

Que l’on se trouve en Afrique, en Europe ou en Asie, les interprétations d’une même consigne, d’une même décision, apparaissent multiples. Les risques de crispation, de désengagement ou de résistance le sont tout autant. Les auteurs appellent donc à se saisir du sujet de la « compréhension de la logique culturelle des partenaires (…), une des clés de l’efficacité collective ».

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