Archive dans 2020

« Nous ressentons de l’injustice et de la détresse » : les restaurateurs en colère se mobilisent

« Laissez-nous travailler » : le mot d’ordre est sur toutes les lèvres. Et pour faire entendre leur colère, restaurateurs et cafetiers ont décidé de se donner rendez-vous à Paris, le 14 décembre. Un rassemblement national orchestré par l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie (UMIH) désireuse d’obtenir la réouverture des établissements fermés depuis le 29 octobre. Une décision prise par le gouvernement pour tenter de juguler la seconde vague de pandémie de Covid-19.

Lire le récit : Confinement : l’exécutif face à l’avalanche des demandes de réouvertures

L’annonce de cette manifestation a été faite, mercredi 2 décembre, à l’issue d’une audience devant le Conseil d’Etat. Cette instance a, en effet, été saisie par le syndicat qui avait déposé une requête en référé, vendredi 20 novembre, demandant une suspension du décret du 29 octobre, interdisant l’activité des bars et restaurants sur tout le territoire national. Pour motiver sa démarche, l’UMIH argue de la rupture d’égalité avec les cantines scolaires, la restauration collective et les « routiers », autorisés, eux, à poursuivre leur activité. Il met aussi en exergue la disproportion de la fermeture, estimant que des mesures moins restrictives peuvent satisfaire le même objectif de santé public. La décision du Conseil d’Etat est attendue mardi 8 décembre.

Pour soutenir son action, l’UMIH, qui avait estimé que la crise due au Covid-19 pourrait entraîner la fermeture de deux établissements sur trois dans l’hôtellerie-restauration en France, a multiplié les rassemblements dans les régions. Pas moins d’une quarantaine d’événements ont été organisés depuis le 20 novembre. De La Rochelle à Biarritz, en passant par Quimper, Brest mais aussi Marseille ou Lons-le-Saunier. « Nous ressentons de l’injustice, de la colère et de la détresse », affirme Patrick Franchini, propriétaire de l’établissement Au Moulin des écorces, à Dole (Jura) et président de l’UMIH du département, organisateur d’une manifestation regroupant 350 personnes à Lons-le-Saunier.

Dispositif de soutien accru

La déception est montée d’un cran après l’allocution d’Emmanuel Macron du 24 novembre. Le président de la République a donné rendez-vous aux restaurateurs le 20 janvier 2021, avec un possible feu vert pour rouvrir si les conditions sanitaires sont favorables. Sans donner plus de précisions pour les bars. « Le gouvernement nous dit que c’est partout pareil en Europe. Mais en Grande-Bretagne, les pubs commencent à rouvrir, comme les bars et restaurants en Catalogne », réagit Laurent Barthélémy, président UMIH Nouvelle-Aquitaine.

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Uber-Deliveroo : « La plupart des pays occidentaux cherchent à concilier le confort qu’apportent ces services avec la protection des travailleurs »

Livreur de la plate-forme Uber Eats à Paris, le 20 avril 2020.

C’est une tache qui colle à l’économie numérique comme le sparadrap du capitaine Haddock. Et qui réveille le spectre de la fin du salariat. Pas pour tout le monde bien sûr, mais pour une partie de la force de travail, généralement la moins qualifiée, poussée à revenir à l’existence fragile des tâcherons du XIXe siècle, payés à la pièce et dépourvus de toute protection contre les aléas de l’existence. Avec, en première ligne, les livreurs et les chauffeurs appointés par les grandes plates-formes de services comme Uber ou Deliveroo.

Depuis l’apparition de ces plates-formes, il y a une dizaine d’années, la plupart des grands pays occidentaux tentent de trouver la formule qui concilie la liberté et le confort qu’apportent ces nouveaux services avec la protection de travailleurs souvent dans la précarité. En France, les premières modifications du code du travail datent de 2016 et le gouvernement entend d’ici à la fin de l’année ouvrir une concertation pour trancher cette question. C’est dans cette optique que le rapport du magistrat Jean-Yves Frouin a été remis au premier ministre, Jean Castex, ce mercredi 2 décembre.

Statut commun

Deux points de vue opposés s’affrontent. Celui des plates-formes, qui considèrent que les chauffeurs ou livreurs sont libres de leur temps, se connectent quand ils veulent et travaillent avec autant de concurrents qu’ils le souhaitent. Ils sont donc indépendants et méritent leur statut d’autoentrepreneur. Quitte à ce que l’employeur contracte pour eux des assurances couvrant les accidents du travail et cotise pour leur formation. De l’autre côté, des syndicats militent pour un salariat pur et simple. Ce qu’aucune plate-forme de transport ou de livraison ne se risque à faire. Leur modèle économique, déjà largement déficitaire, n’y survivrait pas.

Comme attendu, cette solution est jugée trop complexe pour les uns et insuffisante pour les autres

Le gouvernement français, comme ceux de la plupart des pays voisins, cherche une position médiane assurant à la fois développement économique, liberté et protection. Le rapport Frouin suggère une solution en apparence astucieuse, celle de passer par une société tierce, de type coopérative, qui salarierait les travailleurs. Ils toucheraient toujours un pourcentage sur leur course mais accéderaient à tous les avantages qui leur manquent – régime général de la Sécurité sociale, assurance-chômage, accès facilité au logement, etc. La crise sanitaire démontre aujourd’hui l’intérêt d’un tel statut.

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« Je veux mener des projets avec et pour les usagers » : ces jeunes qui imaginent nos villes

Outre d’avoir moins de 30 ans, le point commun de nos quatre témoins est d’explorer les nouvelles pistes du développement urbain. Que ce soit à Bordeaux, Rennes, Lyon ou Paris, ils s’attèlent à des enjeux majeurs de l’avenir de nos métropoles : participation citoyenne, ville intelligente, mixité, mobilité.

« Je veux mener des projets avec et pour les usagers »

Tiphaine Berthomé, 29 ans, conçoit des lieux et des espaces dans une perspective écologique, avec la participation des usagers.

Tiphaine Berthomé, 29 ans.

Cancan, c’est le nom du collectif qu’on a fondé à la sortie de l’Ecole nationale supérieure d’architecture et du paysage de Bordeaux, en 2016, avec une vingtaine de copains, issus pour la plupart de ma promo. On avait tous, à un moment, questionné l’école et on souhaitait défendre nos valeurs, en particulier le respect de l’environnement, sans passer par la case agence.

Chez moi, ce sentiment était particulièrement fort. A la fin de ma licence 3, j’ai eu envie de tout arrêter. J’avais l’impression de m’être éloignée de l’architecture telle que je l’avais fantasmée plus jeune, que j’imaginais comme quelque chose de très humain. C’est un stage au sein d’une petite agence, puis un chantier associatif au Burkina Faso qui m’ont aidée à comprendre la manière dont je voulais pratiquer ce métier. A mon retour à l’école en master 1, je me suis impliquée dans des recherches sur les matériaux de construction et la participation des habitants dans les projets.

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A la fin de mes études, je suis partie six mois en échange avec une amie dans une école d’architecture camerounaise. Sur place, on a conçu une halle polyvalente pour un village qu’on est revenues construire un an plus tard de manière participative. Je me suis alors rendu compte que je pouvais aussi mener ce type de projet, où on met la main à la pâte, plus près de chez moi.

C’est ce que je fais aujourd’hui à travers Cancan. L’association, qui rassemble des architectes mais aussi des designers, des artistes et des géographes, fonctionne de manière totalement horizontale puisque chaque membre dispose d’une voix. Le fait de se regrouper nous a donné de la visibilité et, rapidement, sans qu’on ait besoin de prospecter, les commandes sont arrivées. Un projet est mené par au moins deux membres du collectif avec et pour les usagers. Depuis le lancement, on en compte un peu plus de 100 à notre actif, de la réhabilitation de l’intérieur de bâtiments à la conception/fabrication de mobilier ou d’œuvres d’art, en passant par l’occupation de friches foncières et de zones délaissées.

On vient ainsi de terminer la réhabilitation intérieure d’un appartement, réalisée uniquement à base de matériaux biosourcés et issus pour partie du réemploi. On essaie d’en intégrer de plus en plus.

« J’utilise le big data pour proposer de nouveaux services »

Alan Franquet, 28 ans, est « smart city manageur ». Un métier qui allie analyse de données, cartographie et gestion de projet.

Alan Franquet, 28 ans.

Quand je dis que je suis chef de projet smart city [ville intelligente], on me regarde souvent avec des yeux ronds. Ma fonction, au carrefour du big data et de la gestion de projet Web, est encore assez nouvelle. Je travaille depuis juin 2019 chez Siradel, une entreprise rennaise du groupe Engie.

Ces dernières années, les masters liés au management de la smart city ont commencé à se développer, mais les voies d’accès restent très variées. Moi, j’ai fait une prépa littéraire, suivie d’une licence d’histoire-géo et d’un master en géographie et cartographie à l’université Rennes-II, en partenariat avec Agrocampus. C’est une formation très complète, centrée essentiellement sur la carto, l’informatique et l’analyse de données.

Chez Siradel, on est spécialisés dans la technologie du jumeau numérique : une représentation virtuelle de l’écosystème urbain dans toutes ses dimensions – bâtiment, transport, sécurité, etc. En ce moment, je participe au développement de smartidf.services. Cette plate-forme de la région Ile-de-France comprend une batterie d’outils qui permettent de trouver son coworking, son itinéraire vélo, sa recyclerie ou encore de calculer sa production d’énergie si on installe des panneaux solaires sur son toit.

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Mon boulot est passionnant. En tant que chef de produit, j’accompagne la conception de nouveaux services, je suis à l’interface entre les développeurs, les graphistes et le client. Je m’occupe aussi de la gestion des données qui vont alimenter le site. Il s’agit de trouver les bons jeux de données, de vérifier qu’elles sont pertinentes, qu’on a les autorisations nécessaires pour les utiliser, et à la fin de proposer de nouveaux services… Ce n’est pas toujours facile. Je dois m’assurer que le travail est fait en temps et en heure, dans le respect du budget alloué. C’est la partie qui peut être la plus stressante.

 

« Construire la ville inclusive demeure un sujet sensible »

Alicia Lugan, 27 ans, aide en tant qu’urbaniste les aménageurs à mieux prendre en compte la place des femmes dans la conception des espaces publics.

Alicia Lugan, 27 ans.

Je travaille sur la question du genre dans l’espace urbain, qui a connu un vrai développement récemment. J’ai été sensibilisée à ce thème par mes lectures et mes stages. Dans le cadre d’un projet mené par l’association Les Urbain.e.s à Gennevilliers (Hauts-de-Seine), on m’a demandé de produire une coupe de la ville pour mettre en relation le paysage et les usages qu’en ont les femmes. A partir des données récoltées sur site par l’association et de notre analyse, nous avons pu formuler des préconisations. Par exemple, pour allonger le temps qu’elles passent dehors, installer des bancs devant l’école et fermer la rue aux voitures pour leur permettre de discuter pendant que leurs enfants jouent en sécurité.

Après mon master « alternatives urbaines, démarches expérimentales et espaces publics » à l’Ecole d’urbanisme de Paris (EUP), j’ai été embauchée à City Linked, une agence de conseil en stratégie urbaine. Chez City Linked, on aimerait porter la question du genre auprès des aménageurs. Comme ils interviennent très en amont sur les projets, ils pourraient l’intégrer dès l’élaboration du cahier des charges pour la conception d’un futur quartier.

Mais cela reste un sujet sensible et, pour toucher un maximum d’acteurs, il faut trouver le bon positionnement. L’agence élargit son approche à l’ensemble des publics souvent oubliés : les femmes, mais aussi les seniors, les personnes en situation de handicap, les enfants, les précaires. Nous travaillons actuellement dans cet esprit avec des étudiants de l’EUP sur le thème de la ville inclusive.

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On va conduire une enquête dans une commune et émettre des propositions. C’est complètement expérimental, mais très stimulant. C’est un bon moyen de renouer avec la participation des habitants, qui me passionne.

Par la suite, j’ai envie de passer au stade opérationnel et de transcrire tout ce qu’on aura appris dans la conception de projets urbains. Pour cela, il faut convaincre : collectivités, aménageurs, promoteurs. Croyez-moi, ce n’est pas gagné, mais c’est un beau challenge. Pour construire la ville inclusive, on aura besoin de tout le monde.

 

« Bientôt, le véhicule autonome fera partie de nos vies »

Pierre Médard-Colliard, 25 ans, ingénieur, travaille sur le déploiement de navettes électriques autonomes.

Pierre Médard-Colliard, 25 ans.

Je suis chef de projet véhicule autonome depuis deux ans chez Berthelet, un opérateur de transport rhônalpin. Quand j’ai intégré l’Ecole nationale des travaux publics de l’Etat (ENTPE, à Vaulx-en-Velin), j’étais focalisé sur le bâtiment et les grandes infrastructures. Puis je me suis vite passionné pour la question des réseaux de transport. J’aime l’idée de faire gagner du temps aux gens.

On avait un peu abordé la question du véhicule autonome à l’école. Mais c’est un stage chez Supraways, une start-up lyonnaise, qui m’a initié aux modes de transport intelligents. En tant que chargé d’études, je devais évaluer des possibilités d’implantations pour son système de cabines solaires autonomes, reliées à un rail suspendu.

Cette expérience m’a ouvert les portes de Berthelet. Depuis quelques années, l’entreprise expérimente le véhicule autonome. On fait circuler de petites navettes électriques conçues et fabriquées par le français Navya sur des trajets prédéfinis. Un opérateur de sécurité reste à bord pour accueillir les passagers et s’assurer du bon fonctionnement du véhicule. Demain, on pourrait imaginer que la navette soit totalement supervisée à distance.

Mon rôle, au sein du service développement et innovation, est de vérifier que tout se passe bien avec le constructeur et le client, public ou privé. J’accompagne aussi la mise en place de nouvelles lignes. On teste actuellement une navette sur un site de Total à Dunkerque. On a une autre expérimentation sur une zone d’activité à Meyzieu-Jonage. C’est la première navette autonome sur route ouverte en région lyonnaise, et la première que je mettais en œuvre. Ça m’a beaucoup stressé ! Pour faire circuler une telle navette, il faut une dérogation de l’Etat, le code de la route l’interdisant. Puis le constructeur réalise la carte du site, l’intègre dans la mémoire de la navette et on passe aux tests. Il y a plein de défis techniques à surmonter, c’est très stimulant.

Je contribue aussi, dans le cadre d’un consortium d’acteurs publics et privés, à l’élaboration du projet national « expérimentation de véhicules routiers autonomes ». Cette technologie doit progresser pour gagner en fiabilité, en autonomie et, à terme, en vitesse. Dans quelques années, elle fera partie intégrante de nos villes et de nos vies. Pas en mode « Big Brother », mais comme un moyen de faciliter nos déplacements dans une démarche écologique.

« Nous ne comprenons pas pourquoi nos domaines skiables feraient peser plus de danger que les théâtres ou les musées »

Tribune. Nous comprenons la gravité de la situation sanitaire. Mais nous ne comprenons pas pourquoi la décision de ne pas ouvrir les domaines skiables à Noël devait être prise avec une telle précipitation. Nous le comprenons d’autant moins qu’une concertation avait été annoncée par le premier ministre et qu’une décision ne devait pas être arrêtée avant le 10 décembre.

Cette accélération aurait pu se justifier par une soudaine aggravation de la pandémie, or c’est l’inverse qui est en train de se produire. Dès lors, nous proposons seulement d’attendre encore deux petites semaines – limite maximum pour lancer la réouverture – pour décider en fonction de l’évolution de la situation sanitaire.

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Nous ne comprenons toujours pas pourquoi nos stations et domaines skiables – pour lesquels nous avons préparé tous ensemble des protocoles complets et jugés crédibles par les pouvoirs publics – feraient peser plus de danger que, par exemple, les théâtres, les cinémas ou les musées qui sont des espaces fermés et le plus souvent réduits.

Alors que les restaurants, les bars et les discothèques y seront fermés comme partout, en quoi la vie et les festivités en station seraient plus risquées qu’ailleurs ? Croit-on sérieusement qu’il serait plus dangereux de circuler le soir de la Saint-Sylvestre dans les rues de La Plagne ou d’Avoriaz qu’aux Champs-Elysées ? Croit-on que les familles se réuniront plus en stations qu’ailleurs en France en cette période de fêtes ?

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Nous comprenons qu’il faille tenir le plus grand compte de l’éventuelle future saturation des hôpitaux locaux, mais les blessés du ski sont traités dans leur très grande majorité dans les centres et les cabinets médicaux de proximité, ils ne vont pratiquement jamais dans les services de réanimation, et les cliniques et centres de soins peuvent les prendre en charge.

Toute une saison en jeu

On nous parle de concertation européenne en soulignant que les stations allemandes vont fermer, mais l’Allemagne ne donne pas le « la » en cette matière, avec moins de 5 % des journées skieurs européennes, là où la France et l’Autriche pèsent chacune plus de 30 % et la Suisse près de 14 % ! Quelle serait la portée de cette concertation si elle aboutissait à faire fermer les stations des autres pays alors que déjà la Suisse et l’Autriche annoncent la réouverture des domaines ?

Nous ne sommes pas des acteurs irresponsables, et nous plaidons pour une solution de sagesse. Les indicateurs sanitaires vont dans le bon sens. Il est donc urgent d’attendre.

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Les petits pas des syndicats dans le grand chantier de la certification professionnelle

« Tous les syndicats se rejoignent sur un point : ils aimeraient plus de marge de manœuvre pour provoquer des évolutions profondes. »

Faire correspondre les diplômes et les titres professionnels à la réalité du marché du travail : telle était la volonté des syndicats, lorsqu’ils ont renforcé leur place dans l’écosystème de la certification professionnelle en 2018. La loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel a créé un nouveau cadre de référence pour les certifications, qui inclut davantage les partenaires sociaux dans leur création et leur modification.

Les dernières transformations des institutions de la certification font l’objet d’une analyse, dans le « Bulletin de recherches emploi formation » (« Bref ») de septembre du Centre d’études et de recherches sur les qualifications (Céreq), par le juriste en droit social Pascal Caillaud. Un domaine par nature complexe, compte tenu de ses nombreux acteurs : 15 577 certifications étaient inscrites au registre national de la certification professionnelle (RNCP) au bilan de 2017. Elles peuvent être décernées par l’Etat (ce sont les diplômes), par des organismes de formation publics ou privés (les titres) ou par des branches professionnelles (les certificats de qualification professionnelle, ou CQP).

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Dans un premier temps, les syndicats ont obtenu davantage de reconnaissance au sein de la Commission nationale de la certification professionnelle (CNCP), désormais rattachée à France compétences.

Sur les dix-neuf membres votants, huit représentent aujourd’hui les partenaires sociaux, aux côtés de représentants de l’Etat et des régions : les trois principales organisations d’employeurs (Medef, CPME et U2P), et les cinq grandes organisations de salariés (CFDT, CGT, CGT-FO, CFE-CGC et CFTC). « La place des professionnels dans la construction des certifications posait problème, on a voulu donner aux partenaires sociaux un nouveau rôle d’intermédiation », nous explique Pascal Caillaud.

Les partenaires sociaux pas un bloc homogène

L’ex-CNCP, chargée de valider chaque mois les projets de certifications soumis par les organismes de formation, est aussi responsable de la cohérence globale du système. Avec l’appui des organisations de salariés, cette commission des certifications de France compétences cherche à définir un cadre pour un traitement plus efficace des dossiers. « On construit des doctrines globales sur les niveaux de qualification », explique Christophe Auvray, représentant de la CGT-FO. Les critères communs sont, entre autres : « L’adéquation de l’emploi par rapport au métier, si le diplôme correspond aux qualifications du métier, son adéquation à la validation des acquis de l’expérience (VAE)… », énumère-t-il.

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Covid-19 : Ehpad et hôpitaux revoient leurs pratiques de recrutement pour « tenir »

« Les aides-soignantes et les infirmières ? Tout le monde se les arrache ! » Dans cet établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) du Sud-Ouest, la directrice consulte chaque matin avec anxiété les réponses aux offres d’emploi qu’elle a diffusées. Les retours sont peu nombreux. Les besoins sont pourtant urgents, afin de soulager des équipes qu’elle dit « exténuées ». Mais les profils recherchés sont rares et la concurrence fait rage entre établissements – hôpitaux, Ehpad, etc.

Le phénomène n’est pas nouveau : le marché de l’emploi est en tension dans les Ehpad depuis de nombreuses années. Mais la crise liée au Covid-19 a donné une ampleur inédite à ces difficultés. Au cœur de la seconde vague, beaucoup d’établissements souffrent. « Les équipes sont épuisées par le traumatisme du printemps, constate Florence Arnaiz-Maumé, déléguée générale du Syndicat national des établissements et résidences privés pour personnes âgées (Synerpa). Dans le même temps, si les tests réguliers nous permettent d’avoir une vision précise du personnel contaminé, ils peuvent entraîner des diminutions rapides d’effectif avec la détection de cas asymptomatiques qui sont placés en septaine. Un établissement peut perdre un quart de son personnel en quelques jours. »

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Face à l’augmentation de l’absentéisme dans certaines structures, des dispositifs ont été mis en place. « Les professionnels libéraux bénéficient par exemple d’une mesure incitative : leurs actes sont surcotés lorsqu’ils nous prêtent main-forte en Ehpad », explique Mme Arnaiz-Maumé. Les pouvoirs publics souhaitent, par ailleurs, lancer des formations courtes, de deux semaines, pour que des agents puissent rapidement épauler les aides-soignants dans leurs missions. Le Synerpa a en outre travaillé sur la question de la formation : il a conçu en Occitanie un cursus de trois mois pour devenir « accompagnant en gérontologie » et demande aujourd’hui qu’il soit reconnu à l’échelle nationale.

Salaires à la hausse

Les établissements peuvent aussi recourir à l’intérim. « Mais ce n’est pas toujours possible, constate Didier Meyrand, directeur de l’Ehpad Les Monts du matin, dans la Drôme. Les agences avec lesquelles nous travaillons subissent également la tension actuelle : elles n’ont plus un seul candidat aide-soignant ou infirmier. » Comment, dès lors, recruter ? L’arrivée de la deuxième vague l’a convaincu de se saisir du levier de la rémunération. Les salaires proposés ont été revus à la hausse : 1 800 euros net par mois minimum pour un aide-soignant (contre 1 600 euros net jusqu’alors), 2 200 euros net minimum pour un infirmier. Le dispositif a fonctionné : des recrutements ont rapidement pu se concrétiser.

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2021, année des « transitions collectives » ?

Carnet de bureau. L’année 2021 verra un nouveau pont construit entre les métiers en tension et la demande d’emploi en facilitant le passage des salariés d’une branche d’activité à une autre sur un même territoire. Le ministère du travail a lancé, samedi 28 novembre, un appel à « manifestation d’intérêt » pour déployer un nouveau dispositif dans des bassins d’emploi pilotes : les « transitions collectives », annoncées par le gouvernement le 26 octobre. La phase expérimentale commence en ce mois de décembre.

Le dispositif ne s’adresse pas aux chômeurs mais aux salariés dont les emplois sont menacés. Il s’agit de leur éviter la case chômage. Destinée à financer des formations longues (jusqu’à vingt-quatre mois) ou certifiantes, cette innovation pourrait être bienvenue face au risque de casse sociale du printemps prochain. « Les premières restructurations lourdes arrivent depuis septembre. Le fait qu’il y ait une deuxième vague sanitaire risque d’augmenter le besoin en reconversions », estime Jean-Marie Thuillier, directeur des mobilités collectives et du développement économique de BPI Group. Selon le dernier bilan du ministère du travail, 657 plans de sauvegarde de l’emploi (PSE) ont été initiés depuis mars, pour plus de 67 000 ruptures de contrat envisagées.

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« C’est moins compliqué d’organiser une transition d’un métier à un autre à l’intérieur d’un même territoire qu’entre deux territoires différents. Notre volonté est de rendre ce dispositif intelligible, accessible », a indiqué à l’agence de presse AEF le président délégué du Medef, Patrick Martin, soulignant l’intérêt de cette nouvelle approche.

« Volontariat »

Les partenaires sociaux se sont entendus début novembre pour finaliser le projet. « Les “transitions collectives” s’inscrivent dans une forme de dialogue social entre les territoires, les entreprises et les salariés, explique Jean-Marie Thuillier. Pour être éligibles, les entreprises [de plus de 300 salariés] doivent signer un accord collectif. »

Sur une plate-forme territoriale, elles transmettent le nombre de leurs emplois menacés aux associations Transitions pro de leur région, qui vont recenser l’ensemble des besoins pour organiser les transitions professionnelles avec l’appui des opérateurs de compétences (OPCO). Chaque région aura la liste des métiers dits « porteurs ». Le salarié est attendu « sur la base du volontariat », précisent les syndicats. Jusqu’à la fin de sa formation, il reste sous contrat avec son entreprise.

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Actionnariat familial : quel avenir ?

Gouvernance. Dès ses origines, le capitalisme s’est développé dans la matrice de l’institution familiale, qui garantissait la confiance dans les échanges économiques. Au début du XIXsiècle, le droit ne fit que renforcer cette symbiose : le code civil institua en même temps les sociétés commerciales et la famille dite « nucléaire ». Cette dernière fut réduite à la linéarité directe entre ses membres, centrée sur les parents, avec les grands-parents en amont et les enfants en aval.

La loi fit ainsi disparaître la communauté familiale élargie mais elle renforça l’institution familiale pour en faire le cœur de la société civile. Le nom de famille était une garantie morale auprès des tiers et le « père de famille » devait en assurer la respectabilité. Parallèlement, la société commerciale fut promue comme l’institution-clé de la dynamique capitaliste. Elle fut conçue comme un véhicule juridique permettant l’accumulation du capital par transfert générationnel et conservation dans les mêmes familles.

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En toute logique, la société en commandite fut la forme juridique dominante, pendant plus d’un siècle : dirigée par un gérant ayant le statut de commerçant, elle imposait à celui-ci d’engager ses biens propres en cas de faillite de l’entreprise. Une telle responsabilité personnelle était d’autant plus grande que l’entrepreneur hypothéquait le patrimoine familial dans la durée, son capital étant reçu et transmis par héritage. Le nom des familles témoignait de leur implication sur le long terme et garantissait la pérennité des entreprises au point de devenir celui des entreprises elles-mêmes : Wendel, Renault ou Krupp.

Une gouvernance qui retrouve une nouvelle pertinence

Ce capitalisme d’héritage déclina dès le début du XXsiècle. Le montant des investissements nécessaires à la production de masse dépassait les capacités des familles ou leur faisait courir un risque économique trop grand. Beaucoup commencèrent à diversifier leur patrimoine dans des holdings financières. Plus radicalement, l’esprit démocratique contesta le bien-fondé d’un pouvoir capitaliste acquis selon l’antique droit de succession. De garant de la pérennité, le capital reçu en héritage apparut comme le reliquat d’un régime paternaliste arbitraire et dépassé.

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C’est alors que la société anonyme s’est imposée : ni l’actionnaire ni le dirigeant ne sont responsables sur leurs biens propres. Sans attaches, ils peuvent entrer et sortir de l’entreprise en utilisant le jeu du marché. Parallèlement, parce que les actionnaires sont devenus anonymes et que leur responsabilité se limite à leurs apports financiers, la demande de responsabilité s’est déplacée vers les entreprises elles-mêmes. D’où l’exigence contemporaine d’une responsabilité sociale des entreprises (RSE) associée désormais à une mission.

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« Des Droits vulnérables » : l’ambivalence des politiques du handicap

Livre. Longtemps perçu sous le seul angle médical, le handicap est aussi une réalité sociale, souvent synonyme de pauvreté, de défaut d’accessibilité, d’absence de pouvoir et d’infériorisation statutaire. Qu’est-ce que la reconnaissance des droits par l’action publique change à l’expérience sociale du handicap ? Les droits ont-ils des effets réels sur la vie des individus ? Dans Des Droits vulnérables. Handicap, action publique et changement social (Sciences Po Les Presses), Anne Revillard s’intéresse aux conséquences des politiques du handicap sur la concrétisation des droits.

« L’expérience du handicap est à la fois celle de certaines caractéristiques physiques, sensorielles, cognitives ou psychiques induisant des capacités durables, et celle du traitement social qui leur est associé », souligne la professeure associée en sociologie à Sciences Po. Les politiques publiques affectent ces deux dimensions : les politiques de santé touchent aux aspects médicaux, tandis que de nombreuses autres politiques ont une incidence sur les aspects sociaux.

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L’ouvrage examine le rôle que jouent ces politiques dans la concrétisation des droits des personnes en situation de handicap. Il s’appuie sur des entretiens biographiques de dix-sept femmes et treize hommes, âgés de 23 ans à 75 ans, analysés dans une perspective qui combine sociologie de l’action publique et sociologie du droit. La moitié d’entre eux ont une incapacité visuelle, et l’autre une incapacité motrice.

Les origines sociales et tranches d’âge sont diverses, et les niveaux d’études vont du brevet (ou moins) au doctorat. Un tiers des personnes interrogées vivent uniquement de l’allocation aux adultes handicapés (AAH) et sont très éloignées du marché du travail, les autres ont des emplois de différents degrés de stabilité et de prestige, du travail en secteur protégé au professeur d’université.

Education et travail

Les deux premiers chapitres suivent le cycle de vie des personnes et abordent respectivement l’éducation et le travail. La question des droits relatifs au travail « cristallise les ambivalences des politiques du handicap : entre hypothèse d’inaptitude au travail ouvrant droit à des prestations d’assistance et promotion de l’insertion professionnelle, entre travail protégé, quotas et antidiscrimination. » Le secteur du travail illustre la portée simultanément contraignante et habilitante de l’action publique. D’un individu à l’autre, un instrument d’action publique donné peut être aussi bien perçu comme une contrainte que comme une ressource.

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« Jobs, jobs, jobs » : l’emploi aux Etats-Unis, priorité absolue de l’équipe Biden

Joe Biden après une conférence de presse pour présenter son équipe économique, à Wilmington (Delaware), le 1er décembre.

Le président élu, Joe Biden, a de nouveau mentionné son père, dans la ville ouvrière de Scranton, en Pennsylvanie, qui lui disait, après avoir perdu son emploi : « Un job, c’est beaucoup plus qu’un chèque à la fin du mois, c’est une question de dignité. »

Sa future secrétaire au Trésor, l’ancienne présidente de la Reserve fédérale américaine (Fed, banque centrale), Janet Yellen, a aussi évoqué son père, médecin au chevet des ouvriers new-yorkais de Brooklyn, expliquant les dégâts de la perte d’un emploi sur leur famille, leur santé et leur dignité.

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Puis ce fut au tour de Neera Tanden, future directrice du budget, de parler de sa mère, immigrée d’Inde, divorcée, qui éleva ses enfants avec l’aide de bons alimentaires et en trouvant un emploi dans une agence de voyages. « Je suis ici aujourd’hui grâce au courage de ma mère, mais aussi grâce à un pays qui nous a fait confiance, qui a investi dans notre humanité et dans nos rêves. Je suis ici aujourd’hui grâce aux programmes sociaux. En raison de choix budgétaires », a expliqué Mme Tanden, ancienne directrice du think tank de gauche Center for American Progress, lors de la présentation, mardi 1er décembre, de l’équipe économique de Joe Biden.

Le futur directeur adjoint du Trésor, Wally Adeyemo, 38 ans, originaire du Nigeria, a mentionné sa collaboration avec les équipes Obama et la sénatrice progressiste du Massachusetts Elizabeth Warren, dont il fut directeur de cabinet après la grande crise financière de 2008.

Le programme économique de Joe Biden se résume en trois mots : « Jobs, jobs, jobs ». Il défend le rêve américain, mais accompagné des aides indispensables à sa réalisation pour les plus faibles.

Spécialistes du travail

C’est ainsi qu’une équipe composée de spécialistes du travail, pro-syndicats, vétérans de l’administration Obama, ayant eu à gérer les suites de la crise financière de 2008, partisans d’une politique de relance keynésienne, largement composée de femmes et de personnes issues de l’immigration, va prendre le pouvoir économique à Washington.

Aux précités s’ajoutent l’universitaire de Princeton Cecilia Rouse, qui présidera le conseil économique de la Maison Blanche, et l’économiste de gauche Jared Bernstein, qui conseillait déjà M. Biden sous Obama.

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Dans cette présentation très politique, pas un instant n’a été consacré aux affaires économiques et commerciales internationales. L’urgence immédiate, c’est le soutien au travailleur américain, alors que les dernières mesures sociales ont expiré cet été et que la pandémie de Covid-19 repart fortement. « Les secours sont en route », a répété à deux reprises Joe Biden. En réalité, pas tout à fait. Le président élu ne prendra ses fonctions que le 20 janvier. Et une nouvelle mouture d’un plan de relance de 900 milliards de dollars (745 milliards d’euros) a été présentée, mardi, par des sénateurs démocrates et républicains, mais son adoption n’est pas certaine.

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