Archive dans 2020

En Europe, le filet de sécurité sans précédent du chômage partiel

Reprise progressive du travail dans une usine de chaussures à Castelnuovo Vomano (Italie), le 4 mai.
Reprise progressive du travail dans une usine de chaussures à Castelnuovo Vomano (Italie), le 4 mai. Domenico Stinellis / AP

La pandémie a mis en place une expérience économique grandeur nature : d’un côté, les Etats-Unis comptent 36 millions de nouveaux chômeurs depuis le début du confinement ; de l’autre, en Europe, au moins 40 millions de personnes sont désormais enregistrées au chômage partiel, une large partie de leur salaire étant pris en charge par l’Etat. Deux visions du traitement social de la crise provoquée par la pandémie : du côté américain, l’acceptation d’un choc violent et immédiat avec l’espoir que la reprise donnera lieu à un rebond dynamique de l’emploi, et du côté européen, la volonté d’amortir le choc au prix de milliards d’euros en prenant le risque de soutenir des emplois qui seront quand même perdus d’ici quelques mois.

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Qui a raison ? Pour l’instant, les économistes défendent très majoritairement l’approche européenne, qui doit permettre d’éviter les licenciements de masse et leur cortège catastrophique de conséquences sociales. « Ça fait sens, explique Daniela Ordonnez, économiste à Oxford Economics. Il s’agit d’une crise d’une violence inédite, mais qui doit être de relativement courte durée. Le chômage partiel permet non seulement de conserver l’emploi, mais aussi d’aider à orienter les dépenses des ménages : au moment de la reprise, si les gens ont conservé leur travail, la confiance et le rebond de la consommation seront plus forts. »

Un indicateur en retard

Felix Huefner, économiste allemand à UBS, est d’accord avec ces arguments, mais il avertit : « Le chômage partiel est un très bon outil si le choc économique est limité dans le temps. Si on a une reprise en V(avec reprise rapide), ce sera de l’argent bien dépensé. Mais si on n’a pas de rebond économique, il va falloir débrancher à un moment ou un autre. Plus la crise sera longue, moins cet outil sera utile. »

Depuis le début de la pandémie, la France (12,4 millions de demandes), l’Allemagne (10,1 millions) et le Royaume-Uni (7,5 millions) forment la vaste majorité du bataillon de chômeurs partiels. Au total, selon Oxford Economics, le taux de chômage « fantôme » (chômeurs + chômeurs partiels) atteint 25 % en zone euro, le double du pic d’après la crise de la monnaie unique. Aux Etats-Unis, le taux de chômage en avril était de 15 % mais cet indicateur a du retard et il devrait dépasser 20 % dans les mois à venir.

Infographie Le Monde

La France offre de loin le plus généreux des systèmes de chômage partiel. Il couvre 84 % du salaire net (80 % en Allemagne et au Royaume-Uni) mais surtout le plafond est beaucoup plus élevé, à hauteur de quatre fois et demi le salaire minimum. « On a fait sauter toutes les limites en France et il ne reste presque rien à la charge des entreprises », estime Mme Ordonnez.

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Chômage partiel : polémique autour d’une réduction progressive du dispositif

Usine Renault, à Flins, le 6 mai.
Usine Renault, à Flins, le 6 mai. GONZALO FUENTES / REUTERS

Le gouvernement a commencé à préparer les esprits depuis fin avril : le dispositif du chômage partiel, massivement déployé durant la crise sanitaire pour éviter des licenciements en cascade, va être moins généreux à partir du 1er juin. Ce mécanisme, sollicité – potentiellement – pour plus de 12 millions de personnes, assure un niveau de prise en charge très élevé par l’Etat et par l’assurance-chômage : les travailleurs du privé, qui en bénéficient, touchent 70 % de leur salaire brut (100 %, pour ceux qui sont au smic) – la somme étant intégralement remboursée aux employeurs dans la limite de 4,5 smic. L’exécutif veut revoir ces paramètres, le but étant d’« encourager les entreprises à reprendre l’activité ».

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Selon un dirigeant patronal, « l’Etat ne couvrirait plus désormais que 60 % du salaire brut, mais toujours 100 %, pour les personnes au smic ». « Ils veulent faire des économies et sont persuadés qu’il y a des boîtes qui se complaisent dans le chômage partiel, confie cette même source. La nouvelle formule durerait pendant l’été mais en septembre, on ne sait pas ce qu’ils comptent faire. » Combien coûte le dispositif ? Plusieurs estimations ont été avancées, Bercy évoquant 24 milliards d’euros à la mi-avril. Des chiffrages incertains, car on ne connaît pas encore le nombre d’individus effectivement indemnisés.

Entreprises de proximité

Quoi qu’il en soit, les organisations d’employeurs sont hostiles à l’idée que l’Etat réduise la voilure. Ce serait « une erreur majeure » d’accroître la contribution des entreprises, à partir du 1er juin, parce qu’elles « tourneront encore à un rythme faible », a indiqué Geoffroy Roux de Bézieux, le président du Medef, dans un entretien au Monde (nos éditions datées du 14 mai). Son mouvement aimerait qu’un « dispositif complémentaire de longue durée » voit le jour à la rentrée, en s’inspirant de celui instauré en Allemagne lors de la crise de 2008-2009. « Il faut de la cohérence dans la politique gouvernementale : les entreprises doivent continuer à être accompagnées, sinon on aura payé pour rien », renchérit Alain Griset, le numéro un de l’Union des entreprises de proximité.

Une analyse assez largement partagée par les syndicats. « La meilleure solution, ce n’est ni de réduire drastiquement ni brutalement [ce mécanisme] car les difficultés d’emploi vont être fortes », affirme Laurent Berger. Le secrétaire général de la CFDT insiste cependant sur la nécessité de « contrôler les entreprises pour éviter les effets d’aubaine ». Pour lui, « hors de question » d’amputer la somme allouée aux salariés. S’agissant des employeurs, l’aide apportée par la collectivité peut, selon M. Berger, être modulée selon les secteurs professionnels. « Si on arrête le chômage partiel, le risque est grand que ça se transforme en chômage tout court », résume Michel Beaugas (FO).

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Déconfinement : les multiples questions du chômage partiel

COLCANOPA

L’assouplissement du chômage partiel est l’une des premières mesures mises en place au début de la crise du Covid-19 pour éviter que les entreprises à l’arrêt procèdent à des licenciements massifs. Plus de 1 million d’entre elles, représentant 12,4 millions de salariés, a demandé à en bénéficier. Mais la reprise doit conduire à une sortie du dispositif comme l’a rappelé lundi 18 mai Bruno Le Maire.

Le chômage partiel « c’est une situation d’urgence », a souligné le ministre de l’économie, « mais maintenir 100 % de prise en charge du chômage partiel pour les entreprises par l’Etat, ce n’est pas une situation souhaitable sur le long terme ». Le gouvernement planche donc sur une révision de ces conditions afin de pousser les entreprises à reprendre à l’activité. D’ici là, quelles sont modalités du chômage partiel ? Qui est encore éligible ? Quelles sont les obligations du salarié ? Quelles sont les conditions de rémunération ?

Qui est éligible ?

Tout le monde n’est pas éligible. Un salarié qui ne retournerait pas au travail par crainte de prendre les transports en commun, peut rester en télétravail, mais ne peut pas être au chômage partiel. « Le recours au dispositif n’est pas une décision individuelle. C’est une demande de l’employeur, qui ne peut pas avoir recours au chômage partiel pour des raisons de sécurité sanitaire », précise un porte-parole du ministère du travail.

Le dispositif dit d’activité partielle existait avant le Covid-19 dans des conditions relativement strictes et continuera pour faire face aux aléas conjoncturels des entreprises. La loi d’état d’urgence sanitaire du 23 mars a permis au gouvernement de l’étendre à de nouvelles catégories de bénéficiaires et, surtout, d’adapter « de manière temporaire » le régime social applicable aux indemnités.

C’est ce cadre provisoire qui, dans la loi, peut être maintenu jusqu’au 31 décembre, mais qui va changer pour certains à partir du 1er juin. D’ici là, trois types de salariés de droit privé peuvent bénéficier du chômage partiel : ceux qui sont empêchés de travailler par les circonstances exceptionnelles du Covid-19, parce que leur entreprise a fermé partiellement ou totalement. A savoir les entreprises dont la fermeture a été décidée par le gouvernement (centres commerciaux, restaurants, etc.), celles dont l’activité a été contrainte par des problèmes d’approvisionnement et de conjoncture et, enfin, celles qui ne pouvaient pas assurer la protection des salariés (gestes barrières, télétravail).

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San Francisco : « Pourquoi rester dans une ville aussi chère quand on peut partir avec son ordinateur dans la Sierra Nevada ? »

À San Francisco, le 26 février.
À San Francisco, le 26 février. JEFF CHIU / AP

Un petit sentiment d’exode tout à coup à San Francisco. « On déménage ! », annonce une amie. Le coronavirus a changé leur vie. Walter, son mari, est analyste financier. Le fonds d’investissements où il exerce a décidé que l’entière division travaillerait de la maison jusqu’en juin 2021. Trop de monde à réintégrer pour respecter la nouvelle exigence de distanciation physique. Il faut gagner de la place dans les locaux.

Sylvia, elle, a été licenciée de la salle de fitness où elle travaillait à mi-temps. Elle s’est inscrite sur « Contrace » une plate-forme qui met en relation les nouveaux chômeurs avec les services de santé publique qui, dans tout le pays cherchent frénétiquement à recruter des « contacts tracers », les « détectives » qui remontent les filières de contamination du virus. L’un de ces métiers devenus indispensables à l’heure de la pandémie.

Bref, tous les deux sont libres comme l’air. Vive le télétravail. Oublié le loyer exorbitant dans la métropole californienne. Walter et Sylvia ont déjà fait leurs valises. Direction : le Texas. Non pas, comme certains, pour des raisons idéologiques (comparé à la Californie et sa panoplie de réglementations environnementales, le Texas est le paradis des individualistes anti-impôts) mais parce que la famille a de quoi les reloger.

San Francisco n’est pas près de redevenir comme avant. Les « techies » ont envie d’espace et de grandes maisons. Plus rien ne les retient. Pourquoi rester dans une ville aussi chère quand on peut partir avec son ordinateur dans la Sierra Nevada ? A Hawaï ? Quand tout ce qui faisait l’attrait de la ville – les restaurants, les matchs de basket des Warriors – est fermé ou suspendu ?

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Apple fait figue d’exception

La pandémie a accéléré le mouvement – entamé depuis quelques années – de délocalisation de la « tech » dans les Etats de la région : le Nevada, où Reno est devenu un « hub » d’ingénierie, autour de l’usine Tesla ; l’Arizona et même l’Utah, à Salt Lake City. Au point de changer la sociologie de l’électorat dans nombre de circonscriptions, comme les républicains l’ont constaté à leur détriment dans les derniers cycles électoraux.

Le télétravail va s’incruster. Selon une étude de l’association patronale Bay Area Council, sur cent vingt-trois grandes entreprises de la région, 90 % d’entre elles pensent poursuivre le travail à distance lorsqu’elles rouvriront. 18 % comptent même avoir 100 % de leurs effectifs en WFH (ou « work from home », le nouveau sigle incontournable). Deux tiers pensent alterner équipes et horaires pour réduire le nombre de salariés présents en même temps dans les locaux.

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Uber, affecté par la pandémie de Covid-19, licencie près d’un quart de ses employés

Un chauffeur Uber, reconverti dans la livraison de nourriture à domicile pendant la pandémie, le 22 avril à Miami.
Un chauffeur Uber, reconverti dans la livraison de nourriture à domicile pendant la pandémie, le 22 avril à Miami. CHANDAN KHANNA / AFP

Le groupe Uber, qui avait déjà annoncé la suppression de 3 700 emplois au début du mois de mai, va licencier 3 000 salariés supplémentaires, a fait savoir son PDG, lundi 18 mai. Touchée de plein fouet par les restrictions de déplacement prises pour endiguer la pandémie de Covid-19, la plate-forme réduit ainsi, en quelques semaines, d’environ un quart ses effectifs. Une quarantaine de ses bureaux dans le monde, sur plusieurs centaines au total, vont en outre être fermés.

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Uber prévoit également de se concentrer sur son cœur de métier, le transport de passagers et la livraison de nourriture avec Uber Eats, en abandonnant plusieurs projets considérés comme « non essentiels ». La société va notamment réduire la voilure de son laboratoire consacré à l’intelligence artificielle et son incubateur de projets. Elle étudie également des « alternatives stratégiques » pour Uber Works, le service qui ambitionnait de mettre en relation entreprises et travailleurs.

Critiques

Les nouvelles suppressions de postes sont réparties dans la plupart des divisions du groupe et dans l’ensemble des régions du monde. Elles ne concernent pas les chauffeurs, qui ne sont pas considérés comme des salariés par Uber.

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Le groupe s’est attiré des critiques ces derniers jours alors que circulait sur Internet une vidéo montrant la directrice du service clientèle annoncer leur licenciement à apparemment plusieurs milliers de salariés en même temps. Interrogé par l’Agence France-presse, Uber n’a pas souhaité faire de commentaires sur ce sujet. Mais plusieurs sociétés américaines ont recouru ces dernières semaines à des services de téléconférence pour annoncer des suppressions de poste en masse.

Le Monde avec AFP

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Le groupe McDonald’s poursuivi devant l’OCDE pour « harcèlement sexuel systématique »

Devant un restaurant du groupe McDonald’s, à Londres, le 13 mai.
Devant un restaurant du groupe McDonald’s, à Londres, le 13 mai. HENRY NICHOLLS / REUTERS

Une coalition internationale de syndicats a annoncé avoir porté plainte lundi 18 mai devant l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) contre le groupe McDonald’s, accusé d’avoir échoué à lutter contre un « harcèlement sexuel systématique » dans ses restaurants dans plusieurs pays. La plainte a été transmise à un centre néerlandais de l’OCDE, chargé de sa supervision.

Deux banques d’investissement − la néerlandaise APG Asset Management et la norvégienne Norges Bank − qui possèdent des parts dans le capital du géant mondial de la restauration, à hauteur de 1,7 milliard de dollars, sont également visées, ont précisé les syndicats.

Il s’agit, selon la coalition, de la première plainte pour « harcèlement sexuel généralisé dans une société multinationale » dans le cadre des principes directeurs de l’OCDE. Ceux-ci prévoient notamment que les multinationales et leurs actionnaires respectent le droit du travail, tels que la protection des salariés contre les violences sexuelles.

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90 % des restaurants franchisés

Les syndicats ont rassemblé des témoignages, avec des allégations allant de « commentaires vulgaires à des agressions physiques » à l’encontre de salariés en Australie, au Brésil, au Chili, en Colombie, en France, au Royaume-Uni et aux Etats-Unis.

« La violence et le harcèlement basés sur le genre font partie de la culture de McDonald’s. »

« Les salariés de McDonald’s ont sonné l’alarme depuis des années sur le harcèlement sexuel et la violence basée sur le genre, mais l’entreprise ayant une culture pourrie depuis le sommet a échoué à prendre des mesures », affirme Sue Longley, secrétaire générale de l’Union internationale des travailleurs de l’alimentation (UITA).

La plainte doit être étudiée par le gouvernement néerlandais, qui décidera d’ici à trois mois s’il entame une procédure de médiation avec l’entreprise.

McDonald’s, dont le siège est aux Etats-Unis, affirme à tort ne pas être responsable des conditions de travail des employés car 90 % de ses restaurants sont franchisés, selon la plainte. Les syndicats ont choisi les Pays-Bas car le pays est le « centre nerveux » de McDonald’s en Europe et le siège de la banque APG.

Le Monde avec AFP

Coronavirus : l’angoisse et les attentes des équipementiers automobiles français

A l’usine Renault de Flins (Yvelines), le 6 mai.
A l’usine Renault de Flins (Yvelines), le 6 mai. Gonzalo Fuentes / REUTERS

Il se présente parfois comme « la Jeanne Calment du décolletage ». Roger Pernat, 75 ans dont cinquante ans de mécanique de précision dans la vallée de l’Arve, entre Genève et Chamonix, en a vu passer des crises, du choc pétrolier de 1973 à l’effondrement financier de 2008-2009. Mais celle-là, le président du groupe Pernat – 90 millions d’euros de chiffre d’affaires, 500 employés – lui aura fait baisser la tête comme à un boxeur qui aurait pris un coup sévère à l’estomac. « Cela ne fait que commencer, commente-t-il. On peut s’attendre à des effets de trésorerie mortels pour les entreprises qui ne sont pas bordées de cash. Il y aura de la casse. »

La casse, c’est-à-dire la cessation de paiement, le tribunal de commerce, la liquidation, le chômage… La casse, elle a déjà commencé, avec la mise en redressement judiciaire, le 11 mai, de Novares, spécialiste des pièces plastiques, 12 000 salariés, un chiffre d’affaires de 1,4 milliard d’euros, brûlant 4 millions d’euros par jour, incapable d’honorer ses factures et qui, désormais, attend son repreneur pour la fin mai.

Ils sont ainsi des dizaines de patrons de la filière amont de l’automobile française, dirigeants de petites, moyennes et parfois assez grandes entreprises, à mal dormir la nuit. Au moins 120 sociétés, représentant 72 000 emplois si on s’en tient aux seuls adhérents de la Fédération des industries des équipements pour véhicules (FIEV), qui fédère les équipementiers.

« La chute de notre chiffre d’affaires est vertigineuse en avril »

Au-delà des mastodontes que sont Faurecia, Valeo ou Plastic Omnium, se cachent de belles réussites industrielles françaises méconnues : Lisi Automotive (fixation mécanique), ARaymond (solutions d’assemblage), Le Bélier (pièces d’aluminium), Punch (boîtes de vitesses), GMD (pièces métalliques et plastiques), des plasturgistes comme Plastivaloire, ou Akwel, qui se propose de reprendre Novares. Ces sociétés oscillent entre 0,5 et 1,5 milliard d’euros de ventes. Elles ont créé des milliers d’emplois. Elles se sont développées hors de France. Et, aujourd’hui, elles souffrent.

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« La chute de notre chiffre d’affaires est vertigineuse en avril, constate François Liotard, directeur général de Lisi Automotive, avec − 80 % ou 90 % dans certains sites français. C’est irréel. Ce sont des magnitudes qui n’ont pas de précédent. Quant à la reprise de mai, elle reste faible, avec 40 % des volumes habituels. » « Jusqu’ici, ces entreprises vivaient avec les factures de janvierfévrier et sans besoin de fonds de roulement, puisque l’activité était à l’arrêt et que le chômage partiel avait pris le relais, explique Marc Mortureux, directeur général de la Plateforme automobile (PFA), l’entité publique qui coordonne les entreprises du secteur. Mais, en juin, nous entrons dans une période très dangereuse. L’absence des factures de mars et avril va se faire sentir au moment où il faut de l’argent pour le redémarrage. Beaucoup de sociétés vont être étranglées. »

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A La Roche-sur-Yon, des « Michelin » plus très sereins sur leur reclassement

A l’usine Michelin de La Roche-sur-Yon, en avril 2016.
A l’usine Michelin de La Roche-sur-Yon, en avril 2016. JEAN-SEBASTIEN EVRARD / AFP

Jean-Louis Divet demande à ce qu’on le rappelle plus tard dans la journée. « J’ai un rendez-vous en visioconférence avec le cabinet Altedia, il ne faut pas que je le rate. A 50 ans, si je veux retrouver du boulot, je dois me donner à 100 %. » Le reclassement, cet ancien responsable d’équipe connaît. « C’était en 1993, lors de la fermeture d’un atelier de l’usine de Tours. Je suis passé d’un site Michelin à un autre. Aujourd’hui, c’est différent, on parle d’un arrêt total d’activité. »

Communiquée le 10 octobre 2019, la fermeture de l’usine de La Roche-sur-Yon prendra effet fin 2020. Un coup de massue pour les 619 salariés du dernier fleuron français de confection de pneus poids lourds, rapidement atténué par la promesse d’un bassin d’emplois vendéen comme amortisseur à ces centaines de licenciements annoncés. A tel point que 78,7 % des ouvriers se sont prononcés à 96,1 % en faveur de négociations dans le cadre d’un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE). Sept mois et une double crise sanitaire et économique plus tard, ce reclassement s’avère bien plus compliqué à mener que prévu.

« Ça a bougé », reconnaît Laurent Bador, délégué central CFDT, qui a pourtant fait le déplacement depuis Clermont pour acter, le 13 mai, quatre nouvelles promesses d’embauche en CDI. « La réalité, nuance Nicolas Robert, de SUD Michelin, c’est que, sur les vingt CDI déjà engagés, la majorité a soit été repoussée, soit transformée en CDD. » Contactés, certains des salariés concernés n’ont pas souhaité donner suite à nos sollicitations. « Le contexte étant ce qu’il est, je préfère ne pas me griller », a fini par déclarer un « ex-Michelin ».

« Difficile de se projeter »

Paralysées par une situation économique fortement dégradée, la majorité des 24 000 entreprises recensées par la chambre de commerce et d’industrie (CCI) de Vendée ont cumulé près de 400 millions d’euros d’aides et de reports de crédits. « Des chiffres qui permettent de mesurer l’ampleur des dégâts », a réagi Arnaud Ringeard, président de la CCI, lors de la présentation d’une enquête réalisée auprès de 2 115 entrepreneurs vendéens, entre le 29 avril et le 11 mai.

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Anticipant le recours massif au chômage partiel (en avril, 26,4 millions d’heures de travail ont été autorisées pour 60 000 salariés vendéens) et les problèmes de trésorerie à venir, la CGT s’est rapidement inquiétée du respect des règles du PSE auprès de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi.

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Covid-19 : le droit du travail à nouveau assoupli

Le droit du travail n’en finit pas de se relâcher au contact du coronavirus. Vendredi 15 mai, les députés ont adopté le projet de loi « portant diverses dispositions liées à la crise sanitaire », qui assouplit, temporairement, des règles encadrant les relations entre patrons et salariés. Tout comme les mesures prises, fin mars, pour alléger – provisoirement, là encore – les contraintes sur la durée du travail, ces changements sont justifiés par la nécessité de permettre aux entreprises de s’adapter aux conséquences de la récession.

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L’une des principales modifications porte sur les renouvellements de contrats à durée déterminée (CDD) et de contrats de travail temporaire (CTT). Leur nombre pourra être fixé par une « convention d’entreprise » et dépasser celui prévu par l’accord de branche (ou, à défaut, par la loi, s’il n’y a pas d’accord de branche). Cette nouvelle règle s’appliquera aux contrats conclus jusqu’au 31 décembre 2020. Il s’agit de « prolonger les relations de travail » qui ont été suspendues, notamment en raison du recours au chômage partiel, a expliqué, vendredi, Marc Fesneau, le ministre chargé des relations avec le Parlement, qui défendait l’amendement gouvernemental contenant cette disposition. Le but est de « maintenir les compétences indispensables à la reprise de l’activité », a-t-il ajouté.

« Aucun garde-fou »

La démarche a suscité des réserves au sein la majorité. Le député (La République en marche, Hauts-de-Seine) Jacques Maire a, en effet, indiqué, lors des débats dans l’Hémicycle, qu’il serait préférable de laisser la primauté aux accords de branche. Des représentants de la gauche sont, de leur côté, intervenus pour dénoncer une mesure synonyme, à leurs yeux, de précarité accrue : « On tombe du niveau de la loi à celui de l’entreprise, sans aucun garde-fou, ouvrant ainsi la voie à une forme de dumping », s’est indigné Pierre Dharréville, élu communiste des Bouches-du-Rhône. Ce dispositif est voté « parce que le Medef vous l’a demandé », a estimé Loïc Prud’homme (La France insoumise, Gironde).

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Autre évolution controversée : le comité social et économique (CSE) – qui a, peu à peu, remplacé le comité d’entreprise depuis deux ans et demi – pourra utiliser une partie de son budget de fonctionnement (pas plus de la moitié) « au financement des activités sociales et culturelles » proposées aux salariés (voyages, spectacles…). Cette capacité d’initiative, qui résulte d’un amendement porté par Cendra Motin (LRM, Isère), est donnée « à titre exceptionnel (…), jusqu’à l’expiration d’un délai de six mois à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire ». L’objectif est « d’apporter un soutien matériel supplémentaire » aux travailleurs.

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Qui est vraiment Laurent Bigorgne, l’homme qui veut alléger le temps des vacances

Laurent Bigorgne,
Laurent Bigorgne, RGA/REA

Un promoteur du « travailler plus »

Supprimer une semaine des vacances de la Toussaint 2020 ainsi que le jeudi de l’Ascension comme jour férié pour ­participer à l’effort de relance économique. Qui a dégoupillé cette petite bombe ? Un certain Laurent Bigorgne, 45 ans, macroniste convaincu, jusqu’ici plus connu des anticham­bres du pouvoir que du grand public. Depuis 2011, il est à la tête de l’Institut Montaigne, think tank indépendant mais résolument « libéral ». Dans une note publiée le 6 mai, ce dernier avait déjà suggéré d’augmenter le temps de travail pour relancer l’activité économique.

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Un peu plus à gauche

Dans une autre vie qui est aussi la sienne, il cite le jeune chanteur anar Renaud lors de son grand oral de Sciences Po en 1996 (sujet : « Que fait la police ? » Renaud : « La France est un pays de flics/À tous les coins d’rue, y en a cent/Pour faire régner l’ordre public, ils assassinent impunément. »). Il est aussi agrégé d’histoire, fils d’une professeure de commerce et d’un proviseur très rocardien installés en Meurthe-et-Moselle. À Paris, il milite à l’UNEF-ID, l’un des syndicats étudiants à gauche de la période. En 2000, le patron de Sciences Po, Richard Descoings, le recrute pour démocratiser l’institution et la rendre plus accessible aux élèves des zones défavorisées.

Un libéral par défaut

On retourne le disque. En 2009, il tape dans l’œil de Claude Bébéar, ancien patron d’Axa, parrain du capitalisme français et cofondateur de l’Institut Montaigne. Bébéar l’intronise directeur des études puis lui offre les clés de la boutique. Bigorgne, directeur, justifie : « Je suis libéral au sens où il n’y a pas vraiment d’autres modèles que l’économie de marché. J’ai passé six mois à expliquer que l’Institut Montaigne est bipartisan et que son directeur n’a aucun engagement ­politique. J’arrête. On va le montrer, ce sera plus efficace. »

Un vieux pote du président

Laurent Bigorgne se serait volontiers passé de sa première saillie médiatique. En avril 2016, au lendemain du lancement d’En marche !, Mediapart publie cette information : l’adresse légale du mouvement macroniste est celle de son domicile privé, car sa compagne est directrice de la publication du site enmarche.fr. Bigorgne et Macron sont amis de longue date. Le premier conseille le second pendant la campagne présidentielle, et élabore une partie de son ­programme en matière d’éducation. La rumeur l’annonce comme le successeur possible de Najat Vallaud-Belkacem. Mais c’est finalement son ami Jean-Michel Blanquer qui prend le poste. En juin 2018, Bigorgne devient membre du Comité action publique 2022, installé par Édouard Philippe pour concevoir le projet de réforme de l’État.

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