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Les entreprises ont annoncé les premiers gels de salaires liés au Covid-19

Pendant la période de crise sanitaire, c’est le choix d’une prime forfaitaire et non indexée qui a été proposé à certains salariés.
Pendant la période de crise sanitaire, c’est le choix d’une prime forfaitaire et non indexée qui a été proposé à certains salariés. Steve Drake/Flirt / Photononstop

D’ordinaire, Bastien Berthier sort de la cabine de conduite de son métro tard dans la nuit. D’autres fois, il travaille les dimanches et les jours fériés, ce qui lui apporte un complément de salaire non négligeable. Mais, pendant le confinement, la RATP a revu à la baisse son plan de service. Conséquence pour ce conducteur, malgré ses seize ans d’ancienneté : 250 euros net de primes manquent en bas de sa fiche de paie, soit environ 10 % de son salaire net. « Après une grève contre la réforme des retraites où l’on n’a pas été payé pendant cinquante jours, c’est dur », souffle le quadragénaire.

Dans un contexte économique sujet aux fortes turbulences, de nombreuses entreprises craignent pour leur pérennité et doivent adapter leur organisation à une conjoncture inédite. Près de la moitié (47 %) des directeurs des ressources humaines (DRH) consultés par Willis Towers Watson, un cabinet de courtage et de conseil, envisagent ou ont déjà pris des mesures pour geler les salaires. « Toutes les entreprises ne le feront pas, mais elles y pensent, car elles sont inquiètes pour la survie de leur organisation », précise Laurent Termignon, qui a dirigé l’étude.

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En février, les bons résultats du groupe Michelin avaient conduit à la conclusion d’un accord d’augmentation des salaires de 2 % à 3 %, selon les postes. Deux mois de confinement ont poussé la direction à proposer une « clause de retour à la bonne fortune », soit la suspension des augmentations jusqu’au retour – d’ici à 2023 – du résultat de l’entreprise à son niveau de 2019. « C’est un effort important demandé aux employés, pour un gain de trésorerie très faible. Il y a un déséquilibre entre la pérennité du groupe, l’intérêt des salariés et celui des actionnaires », estime Jean-Christophe Laourde, délégué syndical de la CFE-CGC, bien que les dividendes aient été pratiquement divisés par deux.

Modulation du temps de travail

La même défiance a été constatée au sein du groupe Fnac Darty, où le chiffre d’affaires a reculé d’un tiers pendant la période. La direction compense la perte de rémunération pour les salariés placés en activité partielle et maintient 75 % de la part variable jusqu’à six semaines après la reprise, mais, en échange, les employés peuvent travailler jusqu’à 43 heures par semaine pendant les périodes de forte activité et 25 heures lorsque l’activité est moindre. Les salariés sont aussi incités à poser leurs congés au début de la reprise, quand il y aura encore peu de clients. « Cette négociation devrait nous permettre d’adapter le dimensionnement des équipes à la reprise très progressive de l’activité », indique Tiffany Foucault, la DRH du groupe.

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Si la négociation a été signée par les représentants du personnel de Darty, elle a été refusée par ceux de la Fnac, qui poursuivent les échanges. « L’entreprise fait du chantage à l’emploi sur les employés, les plus bas salaires. En voulant imposer cette modulation, elle ne ferait que déséquilibrer l’équilibre vie professionnelle-vie personnelle et dégrader gravement les conditions de travail des salariés », réagit Didier Blain, représentant de la CFDT, après avoir rappelé que le groupe a obtenu un prêt garanti par l’Etat de 500 millions d’euros.

Recours aux primes

La rémunération est un élément-clé pour préserver la confiance entre les entreprises et les employés. « Le salarié accepte un lien de subordination car le risque économique est assumé par l’employeur », pointe Sophie Bernard, sociologue du travail à Paris-Dauphine. Elle indique que la grande distribution a eu massivement recours aux primes sur objectif pour toutes les échelles de salaires jusqu’à ce que le modèle de l’hypermarché commence à décliner dans les années 2000. « Les caissières, qui pouvaient toucher l’équivalent d’un mois de salaire en variable, se rendaient compte qu’elles n’étaient pas responsables de la conjoncture. La prime sur objectif n’avait plus de sens dès lors que l’activité ne souffrait pas d’un problème de motivation des employées », abonde la chercheuse.

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Pendant la période de crise sanitaire, c’est donc le choix d’une prime forfaitaire et non indexée qui a été proposé à certains salariés. Chez Suez, dont l’activité ne s’est pas arrêtée pendant le confinement, les employés sur le terrain ont pu recevoir 1 000 euros de prime exceptionnelle défiscalisée. « C’est la reconnaissance qu’un effort supplémentaire a été demandé à nos collaborateurs, sans qui le traitement des déchets dans les hôpitaux ne pouvait pas être réalisé, par exemple », avance Isabelle Calvez, DRH du groupe. Pour maintenir l’implication des salariés, les membres du comité exécutif ont par ailleurs baissé leur rémunération de 25 % pendant la durée du confinement pour abonder un fonds d’action contre le Covid-19. « L’occasion de témoigner de notre engagement et d’entraîner le collectif », insiste la dirigeante.

Ces accords de rémunération dépendent aussi du dialogue social dans l’entreprise. « Les branches professionnelles auront leur place dans les négociations à venir pour ne pas déséquilibrer les rapports », remarque Carole Grandjean, députée de Meurthe-et-Moselle, membre de la commission des affaires sociales. Dans 40 ans d’austérité salariale. Comment en sortir ? (Odile Jacob, à paraître le 27 mai), l’économiste Patrick Artus regrette que les rémunérations ne fassent plus l’objet d’un débat citoyen et appelle « les Etats de l’OCDE [à] se préoccupe[r] de nouveau du partage des revenus, en mettant en place des politiques qui conduisent à ce que les gains de productivité soient distribués aux salariés ».

Les chiffres

84,1 %

des effectifs d’entreprises de plus de 10 salariés perçoivent une part de rémunération sous forme de prime ou de complément de salaire. En moyenne, elle représente 13,4 % de la rémunération brute et 20,1 % en intégrant les heures supplémentaires, indique la Dares.

27 %

des entreprises interrogées par le cabinet Willis Towers Watson envisagent ou ont déjà réduit la rémunération du conseil d’administration.

Le Covid-19 s’attaque au repos dominical

Carnet de bureau. Le repos hebdomadaire est donné le dimanche, « dans l’intérêt des salariés », indique le code du travail. Mais le Covid-19 a fait sauter ce verrou au nom de la santé, pour faciliter le suivi de la circulation du virus et le traçage des salariés malades et des « cas contacts », dit « contact tracing ».

Durant le confinement, l’ordonnance du 25 mars avait énoncé la possibilité pour certains secteurs d’activité de déroger au repos dominical du salarié et d’attribuer le repos hebdomadaire par roulement, afin d’assurer la sécurité de la nation et la continuité de la vie économique. A la mi-mars, des salariés de la logistique avaient déjà été autorisés à travailler le dimanche pour garantir l’approvisionnement des magasins d’alimentation.

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Le décret du 15 mai ouvre une nouvelle dimension en l’autorisant au nom du suivi du virus, non pour le personnel de santé, mais pour les entreprises et les prestataires de services qui participent à la mise en place du système d’information sur les données des personnes malades : l’identification, l’orientation et l’accompagnement des personnes infectées ou présentant un risque d’infection et enregistrées sur le téléservice Contact Covid. Il s’agit notamment des plates-formes territoriales de l’Assurance-maladie qui finalisent l’identification des personnes contacts à risque signalées par un médecin, et des agences régionales de santé (ARS) qui doivent identifier les chaînes de transmission sur leur territoire.

Coup de griffe

« Le travail des enquêteurs sanitaires dans ce contact tracing impose d’aller vite afin de remonter et de casser les chaînes de contamination : c’est pourquoi il requiert une mobilisation de nos équipes sept jours sur sept », explique un porte-parole de la Caisse nationale de l’assurance-maladie (CNAM), qui précise que, « dans ce cadre, les salariés touchent une rémunération accrue quand ils travaillent le week-end : + 50 % le samedi, + 100 % le dimanche ».

Ce qui tient du bon sens pour assurer la surveillance permanente destinée à éradiquer la pandémie donne au passage un nouveau coup de griffe au repos dominical. Le nombre de collaborateurs de la CNAM potentiellement concernés s’élève à 6 500, auxquels s’ajoutent ceux des ARS non communiqués par le ministère.

D’abord celles à durée très déterminée et pragmatiques, par exemple pour faire fonctionner le dialogue social. Ainsi de la visioconférence, voire des conférences téléphoniques, en matière de négociation collective ou de réunions du comité social et économique, logiquement limitées à la seule période d’urgence sanitaire (jusqu’au 24 mai).

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Lieu (x) de travail: un cadre à réinventer

Droit social. Le droit social est construit sur le constat d’un rassemblement en un même lieu de plusieurs personnes qui exécutent un certain nombre de tâches sous la direction d’une autre. L’apparition du salariat au XIXe siècle est le moment de dissociation du lieu de travail subordonné de celui de l’habitation. Le législateur, d’abord national puis européen, est intervenu pour réglementer ce que l’on nomme aujourd’hui le « milieu du travail ».

Le livre II de la quatrième partie du code du travail est ainsi entièrement consacré aux lieux de travail. On y trouve des règles sur l’aération des locaux, l’insonorisation, la propreté des surfaces de travail, les installations électriques, etc.

En outre, l’article L. 4221-1 du code du travail pose en principe général que « les établissements et locaux de travail sont aménagés de manière à ce que leur utilisation garantisse la sécurité des travailleurs », et précise qu’« ils sont tenus dans un état constant de propreté et présentent les conditions d’hygiène et de salubrité propres à assurer la santé des intéressés ».

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L’accident du travail survient « au temps et au lieu de travail », indique le code de la sécurité sociale, tandis que l’accident de trajet se situe entre le domicile et le lieu de travail.

L’inspection du travail, administration étatique, veille au respect des règles d’hygiène et de sécurité avec de larges pouvoirs d’investigation, notamment un droit d’entrée dans les locaux de l’entreprise. Les caisses de sécurité sociale édictent des normes « techniques », par exemple de signalisation sur les lieux de travail, que les services prévention des caisses régionales de la santé au travail sont chargés de promouvoir et de vérifier. Le médecin du travail est le conseiller de l’employeur, des travailleurs, des représentants du personnel et des services sociaux, notamment sur l’hygiène générale du lieu de travail.

Risques psychosociaux

Le récent et considérable développement du télétravail a entériné et amplifié une fracture déjà existante. Ceux, d’une part, dont les tâches exigent la présence en un endroit donné à un moment donné qui, pendant un certain temps, continueront de se voir appliquer le droit social dans ses grandes lignes actuelles.

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Ceux, d’autre part, en mesure d’exécuter des tâches « dématérialisables », pour lesquels des règles du droit social d’encadrement des conditions de travail ne sont qu’imparfaitement applicables. Le travailleur à distance n’a d’ailleurs même pas besoin d’être installé sur le territoire national de son employeur : il échappe dès lors au droit social applicable à celui-ci.

Toutefois, le travail sur un bout de table de cuisine avec un ordinateur portable ne peut être que temporaire. Plusieurs solutions théoriques sont disponibles. La plus radicale consisterait à ne plus reconnaître la qualité de salarié aux télétravailleurs. Socialement inacceptable pour les salariés déjà en poste, le micro-entrepreneuriat ou sa forme modernisée à domicile pourrait se développer. Il y aurait alors un large transfert de l’aménagement du lieu de travail vers le travailleur.

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Il pourrait aussi être imaginé une extension-adaptation des règles actuelles du travail à domicile qui sont peu protectrices, ou encore le développement des accords collectifs sur le télétravail qui restent embryonnaires quant à l’encadrement de l’hygiène et de la sécurité. Or, on le sait déjà, l’isolement géographique est l’un des éléments du développement des risques psychosociaux et de leurs conséquences, maladies cardio-vasculaires, troubles musculo-squelettiques, troubles anxio-dépressifs, épuisement professionnel. L’économie ne pourra être faite d’une réflexion sur l’adaptation des mécanismes de contrôle sur le lieu effectif de réalisation du travail.

« Le “monde d’après” a sa division des travailleurs – les indispensables et les autres, en miroir, “superflus” »

Tribune. Avec le déconfinement et l’appel à la reprise de la plupart des activités économiques, l’enjeu de la garde des jeunes enfants va grandissant. L’absence de solution oblige un des parents – le plus souvent la femme dans les couples mixtes – à se maintenir en chômage partiel avec une perte sensible de revenu. La peur d’être parmi les premiers licenciés s’ajoute pour ceux qui travaillent dans les activités les plus ébranlées par la crise. Les mères de familles monoparentales sont particulièrement exposées.

La frustration va donc aller croissante dans les familles qui ne pourront toujours pas scolariser leurs enfants. Les modalités de réouverture physique des écoles de la maternelle jusqu’au collège étant malthusiennes, le gouvernement a établi des priorités de publics d’enfants – handicapés notamment –, mais aussi maintenu et élargi un critère basé sur la qualité d’un des parents : figurer sur la « liste des professionnels indispensables à la gestion de la crise sanitaire et à la continuité́ de la vie de la nation ».

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Le « monde d’avant » avait sa division des travailleurs – premiers de cordée versus ceux qui ne sont rien –, le « monde d’après » a la sienne – les indispensables et les autres, en miroir, « superflus ». Cette division est peut-être encore plus violente puisqu’elle comporte des droits différents. Pourtant chantre de l’égalité des chances, le ministre de l’éducation l’a dramatiquement illustré : « Il y a plus de risques à rester chez soi que d’aller à l’école. » Pourquoi les enfants des « superflus » méritent-ils d’être exposés à plus de risques ?

Une logique de profession plus que de fonction

Pour être acceptable par la société, une violence doit être légitime. Or la constitution des listes d’« indispensables à la continuité de la nation » souffre d’emblée de deux faiblesses. Elle est décidée localement et discrétionnairement, et repose sur une logique de profession plus que de fonction. Les sciences sociales nous apprennent les biais potentiels inhérents à un tel édifice. Prenons pour illustration la liste du 12 mai établie par la préfecture de Seine-et-Marne.

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Un premier biais est l’aléa moral : les autorités en charge de la constitution de la liste s’avantageraient au détriment de l’intérêt collectif. En Seine-et-Marne, les enfants des personnels – sans distinction – de la préfecture sont ainsi prioritaires pour un accueil en continu, même si l’autre parent est, par exemple, en télétravail. A l’inverse, les agents des tribunaux recevant les contestations des décisions de l’exécutif ne figurent pas sur la liste. Tous les personnels des agences régionales de santé (ARS) et du ministère de la santé sont indispensables, mais pas un chercheur travaillant sur un traitement ou un vaccin du Covid-19.

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« Ce sera l’IA et moi » : imaginer son futur métier

« Ce sera l’IA et moi », de Cécile Dejoux, éditions Vuibert, 192 pages, 19 euros.
« Ce sera l’IA et moi », de Cécile Dejoux, éditions Vuibert, 192 pages, 19 euros.

Livre. Faire fi des barrières de langage et communiquer avec ses équipes basées en Chine ou aux Etats-Unis en s’exprimant dans sa langue maternelle sachant que ses propos seront automatiquement traduits dans la langue locale ; analyser sémantiquement avec des algorithmes le contenu des offres d’emploi et cibler les CV des candidats qui correspondent le mieux aux attentes du recruteur ; prédire le comportement des consommateurs et offrir un service personnalisé…

Bienvenue au pays de l’intelligence artificielle (IA). Quel impact aura l’arrivée de l’IA sur votre métier ? Quels aspects du travail tels que nous les connaissons aujourd’hui vont être modifiés, voire disparaître ? Que nous apportera l’IA en échange ? Autant de questions soulevées dans Ce sera l’IA et moi, un essai de Cécile Dejoux.

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L’ouvrage s’adresse à tous les « non scientifiques », salariés, entrepreneurs, freelances, dirigeants, manageurs, collaborateurs, étudiants, qui souhaitent comprendre ce qu’est l’IA, l’utiliser ou la cocréer en toute conscience afin d’être au cœur des transformations. « Le tout est de ne pas se laisser dépasser, et d’apprendre à connaître ce nouvel environnement qui s’ouvre à vous : son vocabulaire, ses concepts, ses techniques et méthodes, ses processus, ses outils, ainsi que les nouvelles personnes impliquées, qui supposent de nouveaux métiers », souligne la professeure des universités au CNAM.

Des projections angoissantes

En 1997, le superordinateur Deep Blue bat le champion du monde d’échecs de l’époque, Garry Kasparov. En 2017, AlphaGo, créé par l’entreprise britannique Google DeepMind, bat le champion du monde Ke Jie au jeu de go… En 2018, Google DeepMind permet de détecter les maladies oculaires avec une précision plus sûre que celle d’un ophtalmologue. « Autant de jalons qui marquent les progrès exponentiels des systèmes d’IA, conjoints à l’arrivée dans les années 2000 du Web 2.0, du big data et de nouvelles puissances et infrastructures de calcul, qui permettent aux ordinateurs d’exploiter des masses de données sans précédent. »

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Plusieurs domaines d’application sont arrivés à maturité et sont exploités dans les entreprises, il s’agit donc de prendre conscience des opportunités qu’offre l’IA pour créer de nouvelles activités et renouveler les usages. « Alors que le numérique a favorisé l’apprentissage continu, l’IA nous impose une posture réflexive : c’est à chacun de nous d’imaginer son futur métier avec l’IA », estime la professeure affiliée ESCP Business School.

L’IA est un aussi sujet qui alimente les projections angoissantes. Ses applications sont tellement multiples qu’on a l’impression qu’elle « se glisse partout à notre insu, son introduction dans nos vies quotidiennes étant presque invisible… et soulevant des craintes plus ou moins justifiées. »

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Traditionnellement en entreprise, la relation entre les collaborateurs et leurs manageurs se fondait sur la confiance, l’autorité, la compétence et/ou la loi. Mais la confiance ne peut pas être absolue dans une IA. L’auteure de l’essai indique à ce sujet : « Savoir la questionner et douter d’elle semble indispensable. Ce qui pousse un manageur à avoir une attitude conforme et positive, au-delà de son état d’esprit, c’est sa réputation, le jugement des autres et sa conscience professionnelle. Une IA n’a aucune limite dans l’erreur et aucune conscience d’une réputation perdue. »

« Ce sera l’IA et moi » de Cécile Dejoux, aux éditions Vuibert, 192 pages, 19 euros.

Bataille sur le montant de la prime promise dans les Ehpad du groupe Korian

Une prime peut en cacher une autre. Lundi 25 mai, jour de l’ouverture du « Ségur de la santé », une grève a été lancée au sein du groupe Korian, à l’appel de la CGT, FO et SUD, pour obtenir le versement d’une prime maison, en plus d’une autre promise par l’Etat, en reconnaissance des efforts des salariés durant la crise sanitaire due au Covid. En réponse au mouvement, la direction du groupe a promis de verser 1 500 euros à l’ensemble de ses 24 000 salariés en juillet. Un montant supérieur de 500 euros à celui promis, le 27 avril, par la directrice générale du groupe, Sophie Boissard.

Selon les grévistes, cependant, le « compte n’y est pas » encore. Ils demandent que la prime maison s’ajoute intégralement à celle promise par le ministre des solidarités et de la santé, Olivier Véran, le 7 mai, pas seulement qu’elle la complète. « On ne veut pas seulement des remerciements symboliques, on veut les deux primes », confie Cynthia Mouyombo qui a manifesté lundi avec une trentaine de salariés devant l’établissement Korian Les Merlettes à Sarcelles (Val-d’Oise).

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M. Véran s’était engagé, début mai, à verser une prime à « tous les personnels de tous les Ehpad de France, quel que soit leur statut ». Le montant promis est de 1 500 euros dans les quarante départements classés en rouge « où l’épidémie aura été la plus forte ». Il n’est en revanche que de 1 000 euros dans ceux classés en vert. Cette prime doit être entièrement financée par l’Assurance-maladie.

« Pas satisfaits »

« Nous proposons une prime majorée et élargie à tout le personnel. Mais il n’a jamais été question d’accorder deux primes. On attend le décret du gouvernement pour connaître les conditions exactes de l’octroi de la prime de l’Etat », explique ainsi la directrice des ressources humaines de Korian, Nadège Plou. Le mécanisme est toutefois déjà arrêté : Korian abondera la prime pour les salariés qui travaillent dans les zones vertes. En Ehpad, ils pourront obtenir jusqu’à 500 euros de l’entreprise. En clinique, ils pourraient se voir attribuer jusqu’à 1 000 euros, puisque la prime Véran pourrait être de 500 euros seulement, explique Mme Plou.

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« On n’est pas satisfaits du tour de passe-passe, déplore Albert Papadacci, délégué syndical central CGT au sein de l’entreprise. Korian ne va pas verser 1 500 euros aux 24 000 salariés, comme il le prétend. Il va donner à la moitié d’entre eux, ceux qui travaillent dans la zone verte, entre 500 et 1 000 euros. Si la direction avait versé fin avril la prime que nous réclamions depuis le 20 mars, nous aurions pu la cumuler avec celle de Véran. » Selon le syndicaliste, « la direction de Korian a souhaité que le gouvernement prenne un engagement financier pour pouvoir ensuite communiquer sur l’affichage d’une prime égale pour tous en se contentant de compléter le montant ».

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L’Etat baisse la prise en charge du chômage partiel

Conformément à ce qu’il avait laissé entendre dès la fin avril, le gouvernement a décidé, lundi 25 mai, de réduire la voilure sur le chômage partiel. A partir du 1er juin, les entreprises ayant opté pour ce dispositif ne seront plus remboursées à 100 %, comme c’était le cas depuis le début du confinement : elles paieront désormais 15 % de la « facture ». Pour les travailleurs qui en bénéficient, la situation reste inchangée : ils continueront de percevoir environ 84 % de leur salaire net, dans la limite de 4,5 smic ; ceux qui sont au salaire minimum, eux, toucheront, comme auparavant, l’intégralité de leur rémunération. C’est le ministère du travail qui a apporté ces précisions, dans un communiqué.

Les nouvelles règles doivent encore faire l’objet d’un décret, après l’adoption du projet de loi portant « diverses dispositions liées à la crise sanitaire » en cours d’examen au Parlement. Elles ne s’appliqueront pas aux « secteurs faisant l’objet de restrictions législatives ou réglementaires particulières », comme la restauration ou le tourisme : dans ces cas-là, les employeurs resteront indemnisés à 100 % (pour les salaires allant jusqu’à 4,5 smic). Le but de ces ajustements est « d’encourager la reprise d’activité » des sociétés qui « ne subissent plus de contraintes », tout en préservant celles qui demeurent fermées ou très touchées « par les mesures sanitaires ».

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Massivement déployé à partir de la mi-mars pour éviter les licenciements en cascade, le chômage partiel concernait, en avril, environ 8,6 millions de personnes, soit un peu plus de 40 % des salariés du privé, selon des estimations de la Dares – la direction chargée des études au ministère du travail. Un niveau un peu moins élevé que ce que laissaient supposer les premiers chiffres avancés par l’exécutif, mais qui reste sans précédent. Le coût de ce filet de protection est très important : 24 milliards d’euros ont été budgétés pour les mois de mars, avril et mai – financés aux deux tiers par l’Etat, le solde incombant à l’Unédic, l’association paritaire qui pilote l’assurance-chômage. Les changements de paramètres dévoilés lundi visent clairement à diminuer le montant de l’ardoise. Ils cherchent aussi à aiguillonner des entreprises soupçonnées d’avoir recouru à un dispositif très favorable alors qu’elles auraient pu s’en passer ou y recourir avec plus de modération.

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Chômage partiel : les élus du personnel dénoncent des abus

«  Même si le salarié poursuit de lui-même son activité pendant sa période de chômage partiel, son employeur est dans l’illégalité. »
«  Même si le salarié poursuit de lui-même son activité pendant sa période de chômage partiel, son employeur est dans l’illégalité. » Philippe Turpin / Photononstop

Plus de la moitié des élus et responsables syndicaux interrogés dans le cadre d’une étude du cabinet Technologia, dont l’entreprise a eu recours au chômage partiel, déclarent que des salariés sous ce dispositif ont continué à travailler. Sur les réseaux sociaux circulent des témoignages de salariés mis au chômage partiel, alors qu’ils ont poursuivi leur activité.

On soupçonnait l’existence de tels abus, mais le phénomène restait difficile à quantifier. Alors que le nombre de salariés mis au chômage partiel a atteint des sommets en avril, une étude du cabinet de conseil en prévention des risques professionnels Technologia donne une première idée des fraudes potentielles concernant le recours par les entreprises à ce dispositif, assoupli suite à la crise du Covid-19. Et leur ampleur interroge.

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A en croire les réponses des 2 620 élus et responsables syndicaux qui ont été interrogés dans le cadre de cette étude en avril, les salariés qui ont continué à travailler sur leurs dossiers ou à répondre aux sollicitations de leurs clients pendant leur période de chômage partiel sont légion.

Plus de la moitié des élus, dont l’entreprise a eu recours à ce dispositif, estime qu’il y a eu des abus. Dans le détail, 24 % déclarent que des employés au chômage partiel auraient poursuivi leur activité à la demande de l’employeur dans leur entreprise. D’autres ont continué à travailler de leur propre initiative, rapportent 28 % des élus.

Un investissement motivé par la « peur de perdre leur emploi », avance le cabinet Technologia : la crise économique inciterait ces salariés à maintenir leur activité coûte que coûte, « dans une démarche sacrificielle ». Paradoxalement, ce dévouement peut causer du tort à l’entreprise : même si le salarié poursuit de lui-même son activité pendant sa période de chômage partiel, son employeur est dans l’illégalité.

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Enfin, des élus rapportent que des salariés au chômage partiel auraient été appelés par leur manager (30 %) et/ou leur dirigeant (11 %) dans leur entreprise.

Rappelons que le salarié doit complètement cesser son activité s’il est mis au chômage partiel total. Même un simple coup de fil, pour savoir où en en est un dossier par exemple, est prohibé. Dans le cas où il continue de travailler partiellement, son entreprise doit le rémunérer à hauteur des heures travaillées.

Effet d’aubaine

Si l’ampleur des abus dénoncés dans cette enquête ne manque pas de surprendre, des voix se sont déjà élevées pour pointer les potentiels effets d’aubaine de ce dispositif, qui offre la prise en charge par l’Etat de la quasi-totalité du salaire. Sur les réseaux sociaux circulent des témoignages de salariés mis au chômage partiel et qui ont tout de même poursuivi leur activité.

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« Tout le travail que j’ai fait, c’est l’Etat qui l’a payé » : des salariés dénoncent des fraudes au chômage partiel

Un salarié en télétravail à Givors (Rhône), le 30 mars.
Un salarié en télétravail à Givors (Rhône), le 30 mars. JEAN-PHILIPPE KSIAZEK / AFP

Près d’un mois après, la colère ne retombe toujours pas pour Stéphane (*). Salarié dans un grand groupe de services en région toulousaine, il se souvient encore de cet appel reçu « le 28 avril à 18 h 30 » par son « n + 2 ». S’il est en télétravail depuis le début du confinement, instauré à la mi-mars pour tenter de freiner l’épidémie due au coronavirus, il ne compte pas ses heures. Projets, formations, ateliers… « Je travaillais même plus qu’en temps normal », assure-t-il.

Pourtant, en cette fin avril, son « n + 2 » lui apprend qu’il allait être mis au chômage partiel et que cette mesure était même rétroactive au 1er avril. « Donc tout le travail que j’ai fait pour le groupe, c’est l’Etat et le contribuable qui l’ont payé », raconte-t-il, amer.

Et alors qu’il devait débuter une mission début mai, « ils sont allés dire à mon futur client que j’avais demandé à être mis au chômage partiel pour garder mes enfants, et que donc je ne pourrai pas travailler. Ce qui est faux ». Le « coup de grâce » pour Stéphane.

Il essaye de protester, en faisant part de ses doutes quant au bien-fondé et à la légalité de cette mesure, « mais on me rétorque : Si ça te pose un cas de conscience, libre à toi de rester…”, avec un sourire ironique. J’étais très énervé, ils ont fait ça dans mon dos. »

Plus de 8 millions de salariés en chômage partiel

Le chômage partiel existait déjà avant la crise, mais il a été assoupli par le gouvernement pour prévenir les licenciements massifs : les sociétés qui voient leur activité baisser ou les entreprises contraintes de fermer peuvent y recourir. Leurs employés perçoivent alors une indemnité correspondant, en moyenne, à 84 % de leur salaire net, financée par l’Etat et l’Unedic. Et si l’employeur le souhaite, libre à lui de compenser la différence et d’assurer, ainsi, le maintien de la paye à son niveau habituel.

En avril, plus de 8 millions de salariés étaient au chômage partiel, selon les derniers chiffres du ministère du travail. Depuis mars, ce sont plus d’un million d’entreprises qui ont sollicité une autorisation d’activité partielle.

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Mais combien ont tenté de profiter de la situation ? Selon une étude du cabinet Technologia, menée entre avril et mai auprès de 2 600 élus du personnel, « 24 % des employés en chômage partiel total auraient été amenés à poursuivre leur activité à la demande de l’employeur ». Et plus de 50 % des personnes interrogées considèrent que « des demandes d’activité interdites ont eu lieu ».

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